L'homme encapuchonné de noir se penche lentement vers le jeune homme étendu sur le lit.
Ce dernier est recouvert jusqu'aux épaules par un drap blanc. Son visage pâle reflète sa faiblesse physique et même ses cheveux habituellement mal coiffés semblent vides d'énergie.
Je suis assis sur la chaise juste à côté du lit, mais je me sens étrangement paralysé.
Mes pensées sont totalement embrouillées.
Qu'est ce que cet homme est en train de faire à Antoine ?
Il... Il vient de poser ses mains sur lui.
Pourquoi fait-il cela ? Pourquoi Antoine ne réagit-il pas ?
Antoine ! Je n'arrive pas à produire le moindre son. Antoine...
L'homme encapuchonné trace avec ses doigts des symboles sur ton torse, il semble attendre une réaction qui n'arrive pas. Alors il passe ses mains pâles sous ton t-shirt blanc.
Non !
Je veux bouger, crier, et ma paralysie me paraît plus violente que jamais.
Une boule se forme dans ma gorge, un couteau s'enfonce dans mon cœur.
Il recommence ses étranges caresses, contre la peau d'Antoine... Et je suis là, assis à regarder, sans rien dire, sans bouger ne serait-ce qu'un cil.
Il n'a pas le droit de profiter du sommeil de mon ami.
Pourtant il profite. Il approche son visage de celui d'Antoine et inspire, comme pour prendre son odeur... L'endormi frémit soudain à ce contact.
Antoine, il n'y a donc pas que moi qui ai le droit de t'approcher ainsi ?
Et tu ouvres les yeux en plus... Antoine ! Je n'arrive même pas à pleurer.
Pourquoi regardes-tu cet homme comme ça ? Ton beau regard marron qui me donne habituellement de la force, à cet instant il me tue. Parce qu'il n'est pas tourné vers moi.
« Mathieu, je t'aime, tu le sais ? »
« Reste au lit, je vais te faire du café »
« Toujours ensemble ! »
« Je te remercie d'être là pour moi, Mathieu... »
Des souvenirs viennent me hanter, soudainement. Ta voix si douce et agréable à mes oreilles...
Ça fait mal. Je souffre.
Cet homme me fait souffrir. Tu me fais souffrir.
Je veux pleurer. Le couteau en moi me déchiquette de l'intérieur.
La souffrance de l'incompréhension finit par me faire couler des larmes.
Mais pas toi, tu parais si serein, alors que je souffre tellement, juste à côté de toi.
Mes lèvres parviennent à faire ce sourire grimaçant de tristesse qui refusait de s'afficher sur mon visage depuis tout à l'heure.
Je veux mourir.
L'homme t'aide à t'asseoir sur le bord du lit grinçant, tu te retrouves alors presque face à moi, sauf qu'il y a cet homme entre nous deux.
Je ne comprends pas Antoine.
Je pleure enfin, en silence. Et sous ces larmes, je souris. Tu as le visage si apaisé... Je ne t'avais pas vu ainsi depuis bien longtemps. Pourquoi ce n'est pas moi qui ai pu t'apporter cette paix ?
Tu te lèves, l'homme te prend la main. Il passe lentement sa deuxième sur ta joue, puis sur tes yeux que tu fermes à nouveau.
Antoine ! Je n'arrive toujours pas à parler. Est-ce à cause de cette tristesse qui me submerge ?
Regarde-moi ! Regarde mes larmes !
Je souffre tellement, je suis sûr que j'en saigne…
Regarde comme je saigne !
Antoine... Pourquoi tu m'abandonnes ? Pourquoi tu suis cet homme vers la fenêtre ? Reviens avec moi !
Mes sanglots et mes cris désespérés déchirent le silence de mon être, mais la chambre d'hôpital reste silencieuse.
Je vais mourir Antoine, si tu ne reviens pas, et ce sera ton tour de souffrir.
Mon silence ne l'atteint pas, il disparaît dans la lumière de l'homme encapuchonné.
Mais je remarque qu'Antoine est encore inconscient sur le lit, l'homme a disparu comme s'il n'avait jamais existé. Et ce moment de souffrance qui m'a paru une éternité n'a en vérité duré qu'une seconde.
Mon corps entier se réveille, je me jette sur le corps inconscient d'Antoine, je hurle, je pleure.
J'espère que le secouer ainsi le ramènera.
Pourtant dès l'instant où je l'ai touché, j'ai compris qu'il était vraiment parti.
