Musique : Within Temptation, « Mémories »
INQUIETUDE
Chapitre 1 :
« La vie est une rose dont chaque pétale est une illusion et chaque épine une réalité », Alfred de Musset
Don se tenait en haut des escaliers menant au bureau de Charlie essayant de reprendre son souffle. Il est tempsque j'aille voir un médecin a pensé Don. Don ne se sentait pas bien depuis qu'il était revenu de Bucarest il y a deux jours. Lui et son équipe venait enfin de boucler une enquête relative à un trafic international d'enfant. Ils avaient travaillés sur cette enquête pendant cinq mois. Cinq mois éprouvant aussi bien physiquement que mentalement. Les affaires impliquant des enfants étaient toujours les plus difficiles. En l'occurrence, de jeunes enfants roumains d'à peine dix ans étaient « vendus » par leurs familles et exploités. Après la découverte d'ateliers clandestins exploitant ces enfants à Los Angeles, Don et son équipe avaient dû requérir la collaboration des autorités roumaines et se rendre à Bucarest où se trouvaient les instigateurs. Depuis qu'ils étaient revenus, Don se sentait très fatigué. Au départ, il avait mis cela sur le compte du décalage horaire et du long voyage en avion. Mais deux jours après, son état s'était aggravé. Il devenait de plus en plus fiévreux et sa respiration devenait de plus en plus difficile.
Reprenant le contrôle de sa respiration, Don s'est dirigé tant bien que mal vers le bureau de son frère. Lorsqu'il est entré, il a vu Charlie gribouiller toutes sortes d'équations sur un tableau, un i-pod à ses oreilles. Don le regardait amuser. Il n'avait jamais compris comment son petit frère pouvait travailler avec de la musique hurlant dans ses oreilles. Il s'est approché de lui et a mis une main sur son épaule.
- « Hé Charlie ! ».
Celui-ci a sursauté et s'est retourné brusquement.
- « Don ! Ne me refait plus jamais ça ! ». C'était désormais au tour de Charlie de reprendre son souffle.
- «Respires. Tu ne vas quand même pas claquer dans mes bras ! En tout cas ne le fait pas avant d'avoir pris des dispositions testamentaires à mon égard. Tu as prévu de me laisser la maison au moins ?» a dit Don en souriant.
- « Très drôle Don, tu as un rire par minute ? ».
Mais Charlie n'était plus d'humeur à plaisanter lorsqu'il a dévisagé son frère.
- « Tu vas bien Don ? »
- « Oui, je vais très bien. Juste fatigué ».
- « Tu es sûr ? Excuse-moi de te dire ça mais j'ai vu des cadavres qui avaient l'air plus vivant que tu ne l'est en ce moment »a répondu Charlie, sa voix pleine de souci.
- « Merci pour la comparaison » a marmonné Don. Il savait que Charlie avait raison mais il ne voulait pas l'inquiéter. Il est vraiment temps que je vois un médecin a repensé Don. Ecourtant la conversation sur son état de santé, Don a remis à Charlie le dossier qu'il tenait dans les mains.
- « Charlie, tu pourrais jeter un coup d'œil sur ce dossier ?».
Charlie voulait s'enquérir plus sur l'état de son frère mais il savait que plus il insisterait, plus Don deviendrait agacé et plus il répéterait qu'il se sentait bien. Don Eppes, le grand agent du FBI qui ne montre jamais ses faiblesses ! a pensé Charlie. Aussi le fait que son frère ait avoué qu'il se sentait fatigué n'avait fait qu'accentuer son souci. Pour Don, avoué qu'il était fatigué reviendrait à avouer qu'il était faible. Je vais en parler à papa. Lui seul peut convaincre Don de se soigner s'est ditCharlie en prenant le dossier des mains de son frère.
Il a froncé les sourcils en voyant le nom indiquait sur la chemise : Peterson ? L'affaire Peterson ? Peterson, le baron de la drogue ? A demandé Charlie, étonné.
- « Lui-même » a répondu Don.
- « Mais je pensais que tu l'avais arrêté et que l'affaire était terminé ».
- « Je le voudrais bien mais figures-toi que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ! On a travaillé sur cette affaire pendant des mois, on a recueilli des aveux de son bras droit. On a des témoignages, on a même fait des descentes dans les laboratoires où il fabriquait sa satanée drogue. Et on a même arrêté Peterson à l'aéroport avec une mallette remplie de cocaïne. Et tout ça réduit à néant parce que ce cher juge d'instruction Meyers dit qu'il n'y a pas assez de charges pour que l'affaire passe en jugement. Résultat des courses, Peterson a été remis en liberté et continue ses activités !».
- « Quoi ?! Mais ce n'est pas possible. Alors il va continuer à vendre de la drogue impunément ?! »
- « A l'allure où vont les choses, j'en ai bien peur. Je suis sûr que ce juge a été menacé mais je n'ai aucune preuve. Je suis allé l'interroger mais il est borné et refuse de s'expliquer. ».
- « Il est peut-être corrompu. »
- « Non. Je ne pense pas qu'il soit corrompu. Il a eu la présence d'esprit de motiver son non-lieu en fait et non en droit. Cela signifie que la réouverture de l'instruction est possible. Mais pour ça, il nous faut des éléments nouveaux. Je voudrais coincer Peterson avant qu'il ne quitte les Etats-Unis et qu'il se rende dans un pays où il ne pourra pas faire l'objet d'une extradition ».
- « Bien, je vais voir ce que je peux faire. Mais pour être honnête, je ne vois pas ce que je pourrais découvrir de plus.»
Don a remercié Charlie en regardant sa montre :
« Merci, Charlie. Essaie seulement de faire ce que tu peux. Si on découvre des faits nouveaux, alors on aura peut être une chance de faire juger Peterson. Et je demanderais à Nadine de faire tout ce qu'elle peut pour que l'affaire soit instruite par un autre magistrat. »
« Bon, je dois y aller. J'te vois plus tard». Il a tapoté son petit frère sur l'épaule et est sorti du bureau.
Don était à peine sorti du bureau que Charlie a pris son téléphone pour appeler son père.
- « Allo ? »
- « Papa, c'est Charlie ».
- « Hé Charlie, justement j'étais en train de penser à toi. Je suis au supermarché et je me demandais ce que tu voulais manger ce soir ».
- « Papa… »
- « Charlie, tout va bien ?» a demandé Alan en entendant la voix tendue de son fils.
- « Oui, je vais très bien. C'est au sujet de Don que je t'appelle…»
- « Don ! Oh mon dieu ! Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Il s'est pris une balle ? Il a été poignardé ? Il a eu un accident en poursuivant un suspect ? Il a …. »
- « Whoa ! Ralenti papa ! Rien de tout ça n'est arrivé à Don ». Charlie a entendu son père lâcher un soupir de soulagement. « Je viens de le voir et je suis vraiment inquiet pour lui. Il a l'air terriblement malade. J'ai l'impression qu'il avait dû mal à respirer quant il parlait et il transpirait à vue d'œil. Mais tu le connais, il dit qu'il va bien. Il serait à l'agonie qu'il continuerait à dire qu'il va très bien et que la vie est belle !»
- « Oui…je sais » a répondu son père tristement. « Je l'ai vu hier et il n'avait pas l'air bien. Depuis qu'il est revenu de Bucarest il y a deux jours, je ne l'ai jamais vu aussi fatigué. Mais je pensais que c'était dû au décalage horaire ».
- « Je pense que c'est beaucoup plus que ça. Je suis vraiment inquiet papa. J'avais l'impression qu'il allait s'effondrer à tout moment ».
- « Bien, je vais l'appeler. Je vais lui dire de venir dîner à la maison ce soir et alors on essaiera de le convaincre d'aller voir un docteur ».
- « Ouais. Statistiquement on a plus de chance de gagner au loto que de le convaincre d'aller voir un médecin ».
- « Je sais Charlie. Mais on essaiera tout de même. Mais ne t'inquiètes pas trop, si ça se trouve c'est une simple grippe ».
- « Tu as peut être raison. Mais je suis vraiment inquiet ».
- « Moi aussi mon fils, moi aussi ».
Don était assis à son bureau essayant d'ignorer les regards inquiets des membres de son équipe. Depuis qu'il était revenu de calsci, il avait l'impression d'être une bête curieuse.
«Si vous continuez à me regarder comme ça, je vous assigne à faire que des rapports pendant un an et je ne plaisante pas » a lancé Don, grincheux.
Megan, David et Colby se sont échangé des regards. Ils étaient exaspérés par l'attitude de Don. Quel mal y avait-il à s'inquiéter pour lui ? Mais ne voulant surtout pas risquer de se retrouver à brasser de la paperasse une année entière, ils se sont remis au travail, chacun à leur bureau.
Don s'est rendu compte trop tard de sa brusquerie. Mais le mal était fait et sa préoccupation première était d'arrêter les palpitations dans sa tête. Il avait l'impression qu'un troupeau d'éléphants avait donné la charge dans sa tête. Il ferait des excuses plus tard. L'anéantissement de Don grandissait à la vue de la pile de dossier à remplir s'amoncelant sur son bureau. Et il fait si chaud ici. Don a soupiré en détachant encore un peu plus sa cravate et en essuyant la sueur sur son front avec le dos de sa main. Je dois commencer à me faire vieux. S'est demandé Don en regardant son équipe. Ces cinq derniers mois ont été harassant et extrêmement stressant, sans compter un voyage pratiquement à l'autre bout du monde et ils donnent l'impression d'être prêt à courir un marathon dans la minute qui suit. Don a été interrompu dans ses pensées par la sonnerie de son téléphone portable.
- « Eppes » L'énervement était évident dans sa voix.
- « Donnie, c'est papa ».
- « Bonjour papa, qu'est-ce que tu veux ? ».
- « Ce que je veux ? Est-ce que je ne peux pas appeler mon fils sans avoir forcément une raison ? Juste pour demander des nouvelles ? » a répliqué Alan, un peu choqué par la tonalité de son fils.
- « Bien sûr que si. Excuse-moi………Alors, qu'est-ce que tu veux ? »
- « Je me demandais si tu voulais venir dîner à la maison ce soir ? ».
- « Oh papa, j'ai vraiment beaucoup de travail et je n'ai vraiment pas beaucoup de temps. Je ne sais pas si…. »
- « Don… » Alan a hésité. Il connaissait trop bien son fils pour savoir qu'il détesté qu'on s'inquiète pour lui. Mais il savait que Don n'allait pas bien en ce moment. Aussi, il a insisté : «Don, ton frère m'a dit qu'il t'avait vu aujourd'hui et que tu avais vraiment l'air malade. Il s'inquiète pour toi tu sais. Et moi aussi ».
- « Papa, je vais très…. »
- « Non Donnie » a coupé son père. « Non tu ne vas pas bien. J'ai remarqué aussi que tu n'avais pas l'air dans ton assiette ces derniers temps. Je ne t'ai jamais vu aussi fatigué et aussi pâle».
- «Papa…toi et Charlie vous n'avez pas à vous inquiéter pour moi. Je n'ai besoin de personne pour s'occuper de moi. J'ai toujours dû compter sur moi-même et tu le sais». Don a regretté la rudesse de ses mots mais il ne se sentait vraiment pas bien en ce moment. Qu'est-ce qu'il fait chaud ici. On peut à peine respirer ! Tout le monde s'est ligué contre moi aujourd'hui ou quoi ? S'il n'était pas déjà assis, il était sûr qu'il se serait effondré.
En entendant les mots de son fils, Alan a eu un sentiment de culpabilité. Il savait que Don avait raison. Il a préféré ne pas répondre. S'il le faisait, il était sûr que Don ne viendrait pas pour le dîner. Il a opté pour une autre tactique : « J'avais l'intention de te faire du rumsteck avec des pommes de terre au four tu sais ». « Amita et Larry seront là aussi ».
Rumsteck ! Tous les sens de Don étaient soudainement en alerte. Il y aura enfin quelque chose de positif aujourd'hui. Il se trouvait face à un dilemme : soit il se retrouvait seul ce soir dans son appartement soit il se retrouvait entourer par des gens qu'il aimait dans sa maison d'enfance. D'autant plus que son réfrigérateur était vide. Par conséquent il commanderait une nouvelle fois de la pizza. Mais aller à son appartement, c'était aussi aller plus vite au lit. Non, la vraie question était : Rumsteck ou pizza ? Pizza ou rumsteck ? Rumsteck ou … »
« Donnie ? »
« Rumsteck ! »
« Rumsteck ? »
« Oh, euh, pardon papa. Je veux dire…oui je viendrais à la maison ce soir ».
Alan souriait intérieurement. « Très bien. Alors je te vois ce soir ». Fier de sa petite victoire, Alan a continué : « Donnie, tu as toujours ton ancienne chambre ici. Tu pourrais l'utiliser cette nuit et je te ferais un bon petit déjeuner demain matin. Des pancakes ! ».
« Papa… »
« Donnie, je ne te donne pas le choix. A ce soir ». Alan a raccroché sans laisser le temps à Don de répondre.
Après que son père ait raccroché, Don a laissé échapper un petit gémissement. Il faisait face quotidiennement à des tueurs en série, à de dangereux criminels, à des poseurs de bombes. Il était le roi des interrogatoires. Il intimidait les suspects par son regard de laser. Mais il ne pouvait pas avoir le dernier mot avec son père.
A suivre.
