Bien le bonjour à tout le monde. Aujourd'hui, j'entame une courte fic sur deux ou trois chapitres. Quatre, au grand maximum mais certainement pas plus.

Ne vous fiez cependant pas trop au titre, ce n'est pas parce que c'est bientôt Noël que je vais devenir gentille. Je n'en ai pas l'intention pour tout dire. Enfin voilà quoi, une petite fic de Noël à savourer comme les chocolats du calendrier de l'avant.

Bonne lecture à vous et joyeux Noël.

Edit: Fic révisée dans sa totalité avec l'aide de ma Béta et d'une lectrice récente qui m'a noté quelques fautes supplémentaires. Merci donc à Céline96 et Elsa Kisiel. En espérant ne pas avoir oublier de fautes, autant de frappe que d'orthographe, je vous souhaite ou resouhaite une bonne lecture.


_ Maman ! Maman ! Regarde comme il est beau celui-là !

Le petit gamin blond plaqua son nez rougi par le froid sur la vitrine brillamment éclairée, les yeux grands ouverts et pétillants d'envie et d'émerveillement.

Tout était fait pour attirer l'œil du passant. Lumières chaudes et clignotantes, couleurs éclatantes, jouets empilés en un indescriptible fouillis plus ou moins artistique, petite musique entraînante. Jusqu'à la fausse neige qui recouvrait les présentoirs et les automates grossiers d'un Père Noël ventripotent et jovial, accompagné de ses rennes et son traîneau rutilant.

Bref, de quoi appâter les enfants qui traînaient alors joyeusement leurs parents dans leur sillage. Quoique dans certains cas, l'inverse était possible aussi.

La mère du garçonnet, une jeune femme aux longs cheveux châtains, sourit et se pencha un peu en avant, observant de ses yeux gris le jouet que lui désignait son fils, sautillant dans la neige sale du trottoir. Il fallait avouer que cette énorme peluche de panthère noire semblait bien douce et se blottir dans sa riche fourrure artificielle devait être un vrai bonheur. Ses grands yeux bleus en plastique avaient un étrange côté réconfortant et complice, qui ne manquait pas de plaire aux plus jeunes. La maman jeta un coup d'œil rapide à l'étiquette qui ornait joliment son oreille et une grimace furtive passa sur ses traits.

Papa Noël ferait des frais cette année.

Le petit blond leva vers sa mère, deux yeux emplis d'espoir.

_ Tu crois que le Père Noël il pourrait m'en apporter une toute pareille ? demanda-t-il de sa voix enfantine et terriblement mignonne.

La jeune femme sourit et lui ébouriffa les cheveux avant de lui prendre la main.

_ Si tu es sage, dit-elle en usant de la formule traditionnelle pour obtenir un peu de paix de la part des gosses. Veux-tu de la barbe à papa, Ed ? Il y a un vendeur là-bas.

_ Une grosse comme ça alors ! Répondit le garçon en ouvrant grand les bras pour illustrer ses propos.

La mère éclata de rire et l'entraîna derrière elle vers le marchand, un peu plus loin dans la rue illuminée par les décorations de la ville. Centrale avait mis les bouchées doubles cette année pour offrir à ses habitants un Noël haut en couleurs. Guirlandes immenses qui traversaient les rues, hauts sapins aux branches fournies et couvertes de décorations. Le tout se perdant sous une épaisse couche neige.

Un sourire doux et un rien mélancolique étira les lèvres de l'adolescent solitaire assis sur un banc public non loin de là. Il suivit un instant la mère et l'enfant de son étrange regard ambré alors qu'ils disparaissaient au milieu de la foule qui se pressait sur les trottoirs glissants.

Il poussa un soupir un peu triste, de la buée volant devant sa bouche, et rentra le cou dans son manteau bordeaux, nichant son nez dans son écharpe de laine noire, les mains enfoncées dans les profondeurs insondables de ses poches.

Devant lui, les gens marchaient à grands pas précipités, chargés de paquets de dernière minute, traînant parfois leurs enfants derrière eux, lesquels les forçaient à s'arrêter tous les cinq mètres pour regarder une vitrine. Un joyeux brouhaha, fait de cris, de rires et de cantiques, emplissait l'atmosphère en cette veille de Noël. La neige tombait doucement sur toute cette agitation, maculant les trottoirs et la chaussée qui devenaient alors aussi glissants que des plaques de glace, virant doucement au gris et s'accrochant aux bas des pantalons, les détrempant allègrement.

L'adolescent sur son banc regardait d'un air vide toute cette effervescence et l'euphorie qui s'en dégageait. Personne ne semblait faire attention à lui, ce jeune de quinze ans, enveloppé dans son lourd manteau presque trop grand. Personne ne le remarquait, ce gamin tout juste sorti de l'enfance, se prenant déjà pour un adulte. Les gens passaient sans le voir, sans lui adresser un regard ni une parole, pressés qu'ils étaient de retrouver leurs foyers et familles qui les attendaient avec impatience. Ah ça, lui n'avait pas cette chance. Alors il regardait passer le temps, assis sur son banc, de la neige fondue dans les cheveux, des remords plein le cœur et de souvenirs plein la tête.

Contrairement aux idées reçues et à ce qu'il laissait croire, Edward Elric, du haut de son malheureux mètre cinquante-sept et ses quinze ans passés, n'aimait pas Noël. Ce n'était pas tant la météo, qu'il avait pourtant en horreur et qui lui valait des douleurs lancinantes le long de ses membres artificiels, mais d'avantage la fête en elle-même et tout ce qu'elle entraînait. Tout ce que cette période de merde représentait à ses yeux. Les siens seulement, à croire que son frère n'était pas touché plus que cela par les remords et la tristesse qui l'envahissaient à l'approche des fêtes de fin d'année. Ce n'était pas plus mal. Il devait déjà souffrir de se trouver dans une boite de conserve en guise d'unique corps pour ce qui serait peut-être le restant de ses jours -si ce n'était plus- il n'avait pas besoin que des souvenirs viennent en plus le tourmenter. C'était à lui, ainé de leur famille meurtrie, qu'était dédiée cette tâche. Celle de souffrir en silence, aussi bien mentalement que physiquement.

Bien sûr, s'il était un peu moins fier, s'il était un peu moins borné, un peu moins solitaire, un peu plus ouvert aux autres, un peu plus conciliant parfois, cette fête serait comme toutes les autres. Un bon moment.

Sauf qu'Edward n'était pas tout ceci et savait que même avec toute la meilleure volonté du monde, même en se forçant au possible, il ne parviendrait pas à enlever l'air morne qui marquait ses traits. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il se retrouvait seul sur son banc, alors que son frère devait sans doute préparer ce fameux arbre de Noël. Ed ne voulait pas gâcher son plaisir et celui des autres par sa tête d'enterrement. Pas encore une fois.

Le jeune homme poussa un nouveau soupir, plus profond encore que le précédent, et son regard vogua un moment sur les vitrines. Il détestait Noël. Définitivement.

Mais s'il se confiait un peu plus souvent, s'il laissait pour un soir seulement sa fierté, cette conne de fierté, au placard, peut-être aurait-il le courage d'avouer tout ce qu'il avait sur le cœur. Tout ce qu'il ressentait au fond de lui-même en croisant dans la rue, une mère et son fils en train de regarder les vitrines, une gamine et son chien qui mange une crêpe au bord d'un trottoir, une bande d'adolescents qui joue dans la neige.

S'il disait simplement…

Avec des « si » on pourrait refaire le monde.

Ce devait être Winry qui le lui avait dit un jour. Edward ne put retenir un grognement ironique. Stupide dicton. Il y avait tant de choses qu'on ne pouvait refaire, même avec des « si » interminables.

Les « si » entraînaient immanquablement les remords et ceux qui lui rongeaient l'âme depuis ce fameux soir de pluie n'étaient pas près de s'en aller.

Et si… et si… et si…
Intéressante litanie.

OoO Flash back OoO

_ Ed ! Nii san !

L'interpellé grogna et se tourna sur le côté, s'enfouissant d'avantage dans les draps, tentant d'échapper à la prise de son « agresseur ». Ce dernier le secoua plus fort, y allant à deux mains pour le forcer à se lever.

Le petit blond daigna finalement ouvrir un œil endormi et tomba sur le visage de son adorable petit frère, à quelques centimètres du sien.

_ Ed, réveille-toi ! Le pressa Alphonse, fébrile, en lui agrippant le bras.

_ Laisse-moi dormir Al, râla le blond en se retournant, fermant les yeux pour retrouver les bras si accueillants de Morphée. Le cadet ne l'entendit pas de cette oreille et grimpa à son côté sur le lit, le secouant comme un prunier.

_ Mais alleeeeez ! Gémit-il de sa voix enfantine. J'ai entendu du bruit en bas.

Edward poussa un soupir et se redressa en se frottant les yeux, baillant à s'en décrocher la mâchoire.

_ Et alors ? Gronda-t-il, mécontent d'être ainsi tiré de ses rêves. C'est une raison pour me réveiller ?

Alphonse le regarda avec des yeux ronds, ahuri que son frère n'ait pas encore compris de quoi il en retournait. Ce n'était même plus être long à la détente, à ce stade c'était carrément de la bêtise pure !

_ Du bruit, répéta le plus jeune alors que son aîné se passait une main dans les cheveux. Dans le salon.

_ Oui, et qu'est-ce que ça peut faire ? Moi j'veux dormir, j'suis fatigué. Retourne te coucher Al.

_ Mais Ed ! Protesta Alphonse, sidéré du manque de jugeote de son Nii san adoré. Et si c'était –il baissa la voix, sur un ton de confidence- le Père Noël ?

La réaction du petit blond ne se fit pas attendre et il stoppa son geste à moitié retourné, les couvertures par-dessus la tête. Il pivota vers son cadet qui souriait de toutes ses dents, à genoux sur le matelas.

_ Tu crois ? Chuchota le plus vieux, à présent parfaitement éveillé. Il n'attendit pas la réponse de son petit frère et sauta du lit, envoyant voler les draps et l'entraîna avec lui.

Se tenant par la main, les deux garçons passèrent la tête dans le couloir silencieux. Leurs regards se portèrent instinctivement vers la chambre de leur mère, fermée, puis scrutèrent le couloir obscur à la recherche d'un éventuel Papa Noël. Un léger raclement retentit en bas et ils se regardèrent en souriant, avant de sortir sans un bruit de leur chambre. Ils atteignirent l'escalier à pas de loup et restèrent indécis devant la volée de marches qui s'enfonçait dans les ténèbres insondables et guère rassurantes. Un nouveau froissement eut raison de leur angoisse naissante et ils descendirent prudemment chaque degré de bois. Alphonse était fermement accroché à l'épaule d'Edward qui avançait d'un pas de conquérant, les yeux brillant d'une lueur de détermination. Sans son frère à ses côtés cependant, il était certain qu'il n'aurait pas tenté seul cette petite escapade. Et inversement.

Ils atteignirent enfin le bas des marches, ne pouvant retenir un petit soupir soulagé. Les bruits s'étaient tus et de là où ils se trouvaient, les garçons pouvaient voir un léger rais de lumière jaune filtrer de sous la porte du salon. Ils s'approchèrent sans un bruit et Edward colla son oreille au battant en fronçant les sourcils. Il fit signe à Alphonse, qui ouvrit timidement la porte.

Aussitôt, ils se précipitèrent à l'intérieur, persuadés de prendre sur le fait le fameux bonhomme rouge et sa hotte pleine de jouets. Quelle ne fut pas leur déception cependant, lorsqu'ils avisèrent que la pièce était vide. Le feu mourait doucement dans la cheminée sur leur droite, jetant une lumière rougeâtre sur les meubles, allongeant leurs ombres. La porte d'entrée était soigneusement fermée. Le trousseau se trouvait bizarrement sur la porte, alors que leur mère avait pour habitude de le laisser sur le buffet juste à côté de l'entrée. Mais ce n'était pas ce qui retenait l'attention des deux frères, les yeux maintenant rivés sur le fond de la pièce joliment décorée.

Cette année, leur mère avait remis la main sur un vieux carton de décorations et autres accessoires qu'elle croyait avoir jetés depuis longtemps. Devant l'insistance des gamins, elle avait déballé le tout et ils avaient passé l'après-midi à décorer la maison. Résultat : sur les vitres s'étalaient des pochoirs en forme de flocons et des pics de glace les murs et les cadres photos s'étaient vus parés des plus belles guirlandes. Ils avaient installé le sapin –un vrai- dans le fond de la pièce, près de la cheminée et l'avaient lui aussi décoré avec ce qui restait dans la boite et les décorations fraîchement achetées pour les fêtes.

Et c'était sur ce dernier que leurs yeux s'étaient fixés et agrandis ou plus précisément sur les volumineux paquets enveloppés de papier coloré qui cachaient entièrement le pot qui lui servait de pied.

oOo fin flash back oOo

Edward sourit alors que le souvenir remontait à la surface. Cette année-là, ils avaient fêté Noël à trois heures du matin après avoir été chercher Trisha. Maintenant qu'il y pensait, il était persuadé que c'était leur père qui avait déposé les cadeaux au pied de l'arbre : Trisha elle-même avait été très surprise en les voyant, preuve qu'elle n'y était pour rien. Il avait eu un nouveau kit de chimie et Alphonse, une peluche. Deux nouveaux vélos avaient également été déposés dans l'arrière-cour et les autres paquets contenaient presque tous des livres traitant curieusement de l'Alchimie, ainsi que quelques jouets.

L'année suivante, Edward avait découvert que le bonhomme au gros ventre n'était qu'une invention, ce qui l'avait extrêmement déçu. Charitable, il n'avait rien dit à son frère, soucieux de préserver son innocence de petit garçon encore un peu. Innocence qui vola en éclats quelques mois plus tard, alors qu'ils passaient leur dernier Noël tous les trois.

Depuis, cette foutue fête familiale n'en avait plus été une.

Edward soupira un grand coup, essuyant machinalement une larme qui était venue glisser sur sa joue. Saleté de neige qui fondait !

Il bailla un peu et se passa une main dans les cheveux avant de regarder l'heure. Certes, il n'aimait pas Noël, certes cela lui rappelait de bons souvenirs qui en entraînaient alors des douloureux. Certes, cela lui coûtait de jouer les adolescents satisfaits et heureux de vivre pour donner l'illusion de l'être. Certes, il souffrait en silence, pauvre idiot qu'il était à se cacher derrière les murs de son cœur. Mais il n'avait pas le droit de faire souffrir les autres par son humeur de chien et sa mine noire. Il était égoïste mais pas à ce point.

Il se leva en ronchonnant. Ce qu'il détestait plus que tout finalement dans cette affaire c'était la corvée des cadeaux. Venait toujours le moment fatidique de faire ses courses et se posait alors la question à laquelle on était chaque année confronté : qu'est-ce qui leur ferait plaisir pour Noël ?

Bonne question.

Pour Alphonse, il connaissait relativement bien ses goûts et pour une fois –ô miracle- il avait eu la présence d'esprit d'aller réserver à l'avance les places à la fête foraine qui devait se dérouler dans quelques mois. Plus quelques bouquins qu'il avait repérés et qu'il lui emprunterait sans doute. Histoire de joindre l'utile à l'agréable, il avait fait un effort pour lui prendre de la lecture non conventionnelle en plus des traités d'Alchimie.

Winry était venue passer Noël à Centrale City avec le reste de l'équipe de Mustang, histoire de faire « une vraie fête tous ensemble pour une fois, parce qu'ils ne revenaient pas souvent à Resembool et qu'elle en avait marre de les attendre pour le réveillon. » Bref, pour elle aussi, il lui faudrait un petit quelque chose. Quoique qu'avec cette malade des auto-mails et férue qu'elle était de mécanique, il avait matière à cogiter. Autant dire que ses cadeaux à elle étaient réglés. C'était déjà ça de fait.

Restait alors le problème épineux de la bande de militaires qui bossait avec lui. Edward avait été tenté de ne rien faire. Après tout, il connaissait aussi bien leurs goûts que la cartographie complète de Xing. Mais après tout ce qu'ils avaient fait pour lui et Al, après tout le temps qu'ils avaient passé à les aider, il ne pouvait décemment pas arriver au QG les mains vides. Sauf qu'il n'avait aucune idée sur ce qu'il pourrait bien leur offrir à tous. Surtout au Colonel à la réflexion. C'était déjà suffisamment bizarre que de songer à offrir quelque chose à son supérieur en toute amitié alors qu'ils étaient censés se détester cordialement. Cette perspective le laissait d'ailleurs curieusement gêné. Le pire, c'était qu'il se décarcassait pour ce bâtard en sachant pertinemment que celui-ci n'aura même pas levé le petit doigt pour lui. Mais comme Al avait particulièrement insisté… et c'était Noël après tout, il ne se voyait vraiment pas faire de la peine à son frère.

Le blond se leva d'un bond en frappant dans ses mains, déterminé. Même sans avoir le cœur à la fête, il ferait tout de même en sorte qu'elle soit belle pour ses proches. Il leur devait bien ça.

Il s'emmancha alors dans le flot humain qui défilait devant lui et se laissa entraîner par le mouvement de masse. Il passa devant plusieurs vitrines, s'arrêta un peu, flâna beaucoup sans trouver de quoi satisfaire sa quête. Sans qu'il n'y prenne réellement garde, l'heure avançait doucement, l'échéance se rapprochant dangereusement. Et pas un seul paquet dans les bras.

Le Fullmetal finit par échouer, il ne sut comment –le fait de garder constamment les yeux rivés sur ses chaussures y étant sans aucun doute pour quelque chose– dans un quartier peu éclairé et dépourvu de la moindre vitrine. Relevant la tête, il examina les alentours. Le contraste était saisissant, entre la zone brillamment éclairée et pleine de monde qu'il venait de quitter, et les bâtiments austères et lugubres qui s'enfilaient en longue ligne grise sous ses yeux. Les lampadaires à moitié déglingués grésillant dans la nuit jetaient sur les murs en béton une lumière aveugle et vacillante qui accentuait les ombres environnantes et leur donnait une dimension toute autre.

Edward frissonna, sous le coup de la morsure du froid, cela allait sans dire, et tourna les talons, pressé, mais sans l'admettre, de quitter cet endroit. Les mains enfoncées dans les poches, le nez rentré dans son écharpe, il fit demi-tour sans attendre et repartit en direction des rues illuminées et vivantes dont il percevait vaguement les chants et les rires. Comment diable avait-il pu se retrouver là, à errer dans les bas-fonds, si éloigné du centre-ville ? Pestant contre à peu près tout ce qui se trouvait à sa portée et sans raison aucune, l'alchimiste sursauta violement lorsque retentit un étrange bruit sur sa droite. Il s'arrêta au milieu du trottoir et tourna la tête vers la ruelle noire qui semblait ouvrir pour lui ses recoins les plus sombres.

Le bruit reprit, comme un reniflement étouffé, et le jeune homme fut un instant tenté de faire mine de n'avoir rien entendu et de passer son chemin. Il se reprit, se traitant mentalement d'idiot. Ce son était de toute évidence d'origine humaine, quelqu'un pouvait très bien se trouver là et avoir besoin d'une aide qu'il était en mesure d'offrir. Ça, c'était la solution dans le meilleur des cas. Dans le pire, il pouvait toujours se défendre contre un éventuel agresseur. Il n'était pas le plus jeune Alchimiste d'Etat du pays pour rien tout de même ! Il s'avança prudemment dans la ruelle, l'écho de ses pas se répercutant sur le gris des immeubles

La lumière des lampadaires ne venait pas jusque dans cette enclave sinistre et frappait seulement l'entrée du lieu, découpant sur le mur abîmé de vieilles affiches et autres graffitis. Le reste se perdait dans une pénombre malsaine où s'entassaient poubelles odorantes et cartons humides. Des prospectus jonchaient le sol sale et volaient devant lui sous l'effet du vent qui s'engouffrait entre les hauts bâtiments avec une plainte rauque et lugubre. Comme un râle d'agonie. Il déglutit, sentit un frisson lui parcourir le dos. Le froid, n'est-ce pas ? Juste le froid…

Un chat de gouttière jaillit soudain d'entre une pile de cartons moisis et lui fila entre les jambes avec un sifflement menaçant. Edward poussa une exclamation, autant de colère que de peur, il devait bien se l'avouer. La rue résonna un instant de ses malédictions envers le pauvre félidé et il frappa du pied avec fureur dans la bouillasse infâme que formait la neige fondue, soufflant sèchement dans son écharpe. De la buée se forma devant sa bouche et de nouveau, le reniflement retentit, un peu plus loin devant lui.

_ Y a quelqu'un ? Appela-t-il sans bouger. Ho ?! Quelqu'un m'entend ?

Il y eut un silence, qui parut s'éterniser bien plus que de raison, et Edward crut s'être trompé. Il s'apprêtait à faire demi-tour et partir de cet endroit vite fait lorsqu'un sanglot timide lui parvint. Il se figea d'un bloc et tourna ses yeux ambrés vers le fond de la ruelle. Sa bouche s'ouvrit avec un son mat alors que devant ses yeux ahuris se distinguait la silhouette noire d'une fillette de huit ans. Malgré la pénombre, il voyait parfaitement les replis que formait son lourd manteau d'hiver, d'une jolie couleur rosée et bordé de fourrures artificielles d'une blancheur fantomatique, ses grosses moufles rouges en laine grossière qui tenaient serrées contre son cœur une peluche miteuse en forme de chat. Ses cheveux châtains étaient humides et nattés en deux tresses qui encadraient son petit visage rond, éclairé par deux yeux bleus bordés de larmes. Ses joues et son nez, à demi dissimulés dans son écharpe, étaient rougis par le froid mordant.

Edward en resta sans voix, planté là sans bouger devant cette petite fille fantôme qui semblait sortir de ses pires cauchemars. De ses souvenirs les plus insupportables.

Impossible.

C'était impossible… totalement impo…

_ Monsieur, gémit elle en s'avançant vers lui, ses pas traçant dans la neige des marques lourdes. Semblant peser des tonnes. Monsieur s'il vous plait, je me suis perdue… Aidez-moi.

Sa voix… le même timbre… les mêmes intonations suppliantes. Comme quand lorsqu'il jouait avec elle, quand il courait derrière elle et que son rire emplissait le jardin devant la maison. Avant… avant qu'elle…

Une petite main lui saisit soudain la manche et le tira brusquement de ses pensées avec un violent sursaut. Désorienté, il baissa la tête vers la gamine qui levait vers lui de grands yeux implorants. Ce bleu…

_ Aidez-moi s'il vous plait, aidez-moi à retrouver ma maman.

Edward la regarda sangloter sans rien dire, déboussolé, encore sous le choc, puis se secoua soudain. Il s'accroupit devant la gamine qui pleurait maintenant à gros sanglots dans la fourrure élimée de sa peluche. Il hésita un instant, lui-même aussi bouleversé que la petite, puis mit ses pensées et questions de côté. Il lui releva le menton avec douceur. Bon sang, ce visage…

_ Eh… dit-il doucement en essuyant une larme du bout des doigts. Calme-toi, tout va bien. Je vais t'aider à retrouver ta maman. Dis-moi comment tu t'appelles.

La gamine le regarda, le fixa de ses grands yeux bleus et il sentit soudain une onde glacée lui traverser le dos. Il secoua les épaules. Foutue neige qui lui coulait dans le dos !

_ Je m'appelle Anni, renifla-t-elle en se frottant le nez. Je me suis perdue. J'ai peur toute seule… Vous allez vraiment m'aider à retrouver maman ? Je ne veux pas rester ici, il fait noir, il y a des bruits bizarres…
Edward lui sourit gentiment et mit un genou à terre.

_ Bien sûr que je vais t'aider, lui promit-il. On va retrouver ta maman. Mais avant tu vas venir avec moi, on va aller voir des amis à moi qui pourront nous dire où elle est en ce moment. D'accord ?

Il projetait de l'emmener avec lui au QG et de demander à Mustang de l'aider pour retrouver sa mère. Un jour de Noël en plus, la dame en question devait être totalement paniquée. Il se releva et lui tendit la main, qu'elle saisit vivement, ne cessant de jeter des coups d'œil par-dessus son épaule. Si lui se sentait mal à l'aise dans cette ruelle glauque, que devait-il en être pour une gamine de huit ans ? Que faisait-elle là d'ailleurs, perdue dans ces quartiers à l'écart du centre-ville et des rues éclairées ? Ils étaient presque sortis de l'impasse, la gamine trottinant sur ses talons, semblant apeurée. Rien de plus normal.

_ Qu'as-tu demandé à Noël, Anni ? Demanda le Fullmetal, soucieux de la mettre à l'aise en sa présence. Elle devait avoir eu suffisamment peur comme ça, la petite. Et ce silence commençait à lui peser quelque peu. Cette rue était donc si longue que ça ?

_ Ce que j'ai commandé ?

La petite le regarda, un peu surprise et il hocha la tête pour l'encourager à poursuivre.

_ Et bien… commença-t-elle en baissant la sienne, faisant mine de réfléchir.

Elle releva finalement sa frimousse alors qu'ils atteignaient enfin de bout de l'impasse.

Edward s'arrêta net lorsqu'il sentit la pression sur son bras se transformer en un véritable étau. Il se tourna vers la fillette. Un sourire carnassier étirait ses lèvres alors que ses yeux violets brillaient d'un éclat mauvais.

Violets…
_ Toi !

Le reste se noya dans un flot de douleur et de noir.


Je me suis rendue compte que peu de personnes avaient tilté, même avec la description de la fillette dans la ruelle. Cherchez donc un autre nom que l'on peut faire avec les lettres d'"Anni"...