Cette année fut difficile pour Drago. Ses camarades n'avaient pas été tendres avec lui, c'est le moins que l'on puisse dire! Son statut de petit chef avait volé en éclat suite à la chute de Voldemort. Sa réputation fut broyée, réduite en confettis, quand la nouvelle s'est répandue dans le monde sorcier: Lucius Malefoy – son père – croupirait à Azkaban jusqu'à la fin de ses jours, et les très nombreux chefs d'accusation avaient bien sûr été rendus publiques, affublant son épouse et son fils d'une terrible étiquette, celle de traîtres ayant 'fricoté' avec les Mangemorts. Ils étaient détestés dans tout le pays, si bien que Narcissa avait voulu partir à l'étranger, refaire sa vie très loin, là où on ne les associerait pas avec ce monstre qui avait gâché leur vie.

Mais c'était sans compter sur l'insistance de McGonagall pour que Drago revienne à Poudlard pour obtenir ses ASPIC.

McGonagall n'appréciait guère la famille Malefoy, elle savait pertinemment le rôle que tenait Lucius Malefoy auprès du Lord, mais elle savait aussi faire la part des choses. C'était une femme juste, d'une grande bonté, et sa loyauté envers Dumbledore guidait encore ses choix malgré l'absence de celui-ci.

Merlin sait que Dumbledore nourrissait de grands espoirs en ce qui concernait le jeune Malefoy, et McGonagall ne comptait pas oublier le jeune homme et l'abandonner à son triste sort alors qu'il se retrouvait seul et complètement démuni.

Drago avait donc fini par accepter de retourner à Poudlard, mais ce n'était ni pour les beaux yeux de la directrice, ni pour ses ASPIC. Non, la raison était toute autre...

Aujourd'hui était le dernier jour des épreuves des ASPIC, et après toute une année d'ignorance et de mépris, quelqu'un lui avait enfin adressé un mot gentil...

En début d'après-midi, après la pause déjeuner, en entrant dans la Grande Salle aménagée pour les examens, il se retrouva à coté de Granger et à sa grande surprise elle lui adressa la parole, à lui!

- Bonne chance Malefoy, lui dit-elle sans la moindre trace de sarcasme dans sa voix.

Le ton de la Gryffondor sonnait un peu triste mais sincère, tout comme son sourire.

Pris au dépourvu, Drago ne put que hocher la tête poliment.

À la fin de l'épreuve, en sortant de la Grande Salle, ils se bousculèrent sans le vouloir, tous deux un peu gênés d'avoir été projeté l'un contre l'autre par la foule d'élèves se hâtant de sortir.

- Alors Malefoy... tu penses avoir réussi tes examens, lui demanda-t-elle avec un naturel déconcertant.

Habitué depuis le début de l'année à ce que tout le monde le dénigre – ou au mieux, ignore son existence, sa seule réaction fut de hausser les épaules d'un air penaud.

- Je suis sûre que tu as réussi, lui dit-elle en lui tapotant gentiment l'épaule. En tout cas, je te le souhaite...ajouta-t-elle en le regardant dans les yeux.

Cette fois ce fut lui qui lui sourit, légèrement, en hochant la tête, incapable de faire face à cette nouvelle sollicitude. Comprenant qu'elle n'obtiendrait rien de plus, Hermione acquiesça en guise d'au revoir et elle partit, toujours avec ce sourire triste.

Le soir venu, lors du dîner dans la Grande Salle, Drago picorait sans trop d'appétit, isolé à une extrémité de la tablée presque vide des Serpentard, tout seul. Encore un repas à ruminer ses erreurs et ses échecs pendant que le reste des élèves ignoraient totalement son existence et sa détresse. Ce n'était pas plus mal. Il préférait ça aux insultes et aux menaces auquelles il avait dû faire face en début d'année. Oui, il préférait largement être considéré comme un meuble plutôt que comme un assassin, ce qu'il n'était pas!

La plupart des élèves – hormis les plus jeunes peut-être – étaient au courant pour La Marque sur son avant-bras, cela faisait de lui un vrai Mangemort à leurs yeux, bien que Drago aurait préféré ne jamais avoir aucun lien avec tout ça, mais lui avait-on laissé le choix? La vie de se garçon se résumait à deux mots: Obéir et Subir. Il n'avait été qu'un pantin. Rien qu'un foutu pion sans valeur sur un échiquierqui lui avait toujours paru absurde et d'une injustice sans nom !

D'ailleurs, en parlant de pion...

Drago sortit discrètement sa baguette et miniaturisa son assiette et son contenu pour la mettre dans une petite boite en bois qu'il rangea dans son sac à dos avant de quitter la Grande Salle sans un regard pour personne. Il sortit du château, fouilla dans un buisson pour y récupérer un balai qu'il planquait là, puis il s'éleva dans les airs et alla se poser sur une sorte de terrasse à hauteur des toits du château, tout près d'un vieux clocher qui ne sonnait plus depuis fort longtemps et servait d'abris aux oiseaux. Il atterrit sur le large parapet et sauta à pieds joints pour en descendre, puis il se dirigea droit devant, vers une sorte de tout petit préau qui était sensé être une geôle fermée d'une grille solide, mais qui avait manifestement subi un sortilège explosif... Depuis le temps qu'il venait là tous les soirs, il se demandait bien ce qui avait pu se passer pour mettre cette geôle dans cet état.

Drago avait sa petite théorie à ce sujet... Selon lui, ce serait ici qu'on aurait enfermé Sirius Black juste avant qu'il ne se fasse la belle une deuxième fois. Comment aurait-il pu exploser cette cellule constitué de massifs blocs de pierre? Il devait forcément 'posséder' une baguette, ou bien il avait un complice au sein de l'école... Mais qui? Drago avait toujours pensé que Dumbledore n'était pas tout blanc dans cette affaire, il en était persuadé! Mais ce vieux bougre était trop malin pour intervenir lui-même et prendre le risque d'être associé à l'évasion d'un criminel, du sorcier fugitif le plus recherché de tout le pays. Non, c'était forcément quelqu'un d'autre... Mais qui? Son intuition lui disait que Potter et ses acolytes étaient mêlés à ça, mais il n'avait aucun élément pour le prouver.

Drago secoua la tête pour se sortir cette histoire de l'esprit. Maintenant qu'il n'était plus rien pour personne, il avait le temps de cogiter sur les événements passés, et le cas de Sirius Black envahissait souvent ses pensées. Plus il y réfléchissait, et plus cette histoire lui paraissait étrange. Sirius était un Black, comme sa mère. Il était de sa famille mais le jeune Malefoy n'avait jamais été autorisé à le considérer comme tel. Et maintenant que sa famille était définitivement brisée et qu'il était tristement libéré de cette entrave, il se rendait compte de tout ce qu'il avait raté à cause de Voldemort et des Mangemorts... Sans eux, peut-être qu'il aurait pu un jour faire la connaissance de ce grand-cousin si différent des autres Black? Peut-être que Sirius l'aurait pris sous son aile comme il l'avait fait avec Potter?

Potter...

Potter avait eu droit à ça, lui. Il n'avait pas eu de parents, d'accord, mais il avait eu la chance d'avoir été entourés de bonnes personnes quand il en avait eu le plus besoin...

On pourrait croire que Drago jalousait Harry, mais ce n'était pas le cas. Certes, il l'enviait encore pour un certain nombre de choses, mais ce n'était plus vraiment de la jalousie. Depuis la fin de la guerre, ce sentiment avait muté en une sorte d'ignorance respectueuse. Les rares fois où ils se'étaient fait face cette année, ils avaient simplement chacun opiné d'un air entendu et passé leur chemin sans un mot, dans un silence qui exprimait une forme de gratitude.

Harry était reconnaissant envers Drago pour les avoir couvert comme il avait pu lorsque Bellatrix faisait pression sur lui pour qu'il les dénonce lors de leur 'visite' au manoir Malefoy, et pour lui avoir cédé les baguettes avant qu'il ne s'enfuit avec Dobby et ses amis, car oui, Drago avait délibérément lâché les baguettes que Harry tentait de lui arracher des mains.

Et Drago était reconnaissant envers Harry pour avoir rassuré sa mère quand elle lui avait demandé si son fils était encore en vie, et aussi pour avoir témoigné en sa faveur après la guerre, ce qui lui avait permis d'échapper à Azkaban et aux Détraqueurs.

Tout cela avait en quelque sorte remis les compteurs à zéro. Ils n'étaient certainement pas amis, ça non, mais ils n'étaient plus ennemis non plus, et c'était pour Drago une sacrée épine en moins sous son pied.

Il sonda du regard l'ensemble de la terrasse, jusqu'au fond de la geôle mais il n'y avait personne. Il fit lentement un tour sur lui-même, scrutant les alentours, analysant tout ce que le clair de lune lui permettait de percevoir. Chaque ombre, chaque mouvement, le moindre oiseau, le moindre bruissement d'ailes, rien n'échappait à sa vigilance. Mais à part quelques volatiles nocturnes se reposant ça ou là, il était seul sur ce toit. Il soupira et alla se réfugier dans la geôle – enfin ce qu'il en restait.

À l'intérieur se trouvait un petit lit de camp avec un oreiller et plusieurs épaisseurs de couvertures impeccablement disposées sur le matelas. Il y avait aussi une chaise, un guéridon servant de table d'appoint et quelques vieux journaux empilés dans un coin.

Drago alluma les trois bougies magiques du chandelier avec sa baguette et celui-ci se mit à flotter dans les airs au milieu de la cellule de pierre, réchauffant immédiatement l'ambiance de ce lieu exiguë et lugubre. Le jeune homme prit l'assiette propre posée sur le guéridon, la rangea dans son sac après l'avoir miniaturisée, et la remplaça par celle de son dîner à laquelle il rendit sa taille normale. La nourriture avait conservé sa chaleur comme si elle sortait juste du four. Il disposa consciencieusement les couverts de chaque coté de l'assiette, remplit le gobelet en étain de vin rouge et laissa la bouteille qu'il avait subtilisé en cuisine juste à coté, remettant le bouchon de liège en place seulement après avoir chipé une ou deux gorgées. Il sortit de son sac la gazette du jour, ainsi qu'une plume toute neuve et un petit encrier, le tout soigneusement disposé près de l'oreiller.

Tout ceci fait, il s'assit sur la chaise et patienta en croisant les bras sur sa poitrine.

Après quelques minutes d'attente, un volatile vint se poser sur la terrasse, juste devant le trou béant qui servait d'entrée à la geôle, tirant Drago de ses songes. Le blond se leva et s'adressa au corbeau qui le fixait.

- Te voilà enfin! Je t'ai connu plus ponctuel, argua-t-il en fourrant ses mains dans ses poches avec nonchalance.

Drago lança un petit rictus à l'animal puis lui tourna le dos, regardant à présent le mur de pierre juste devant lui, à seulement quelques centimètres de son nez. L'oiseau noir se mit alors à sautiller dans sa direction, mais lorsqu'il arriva à l'intérieur de la petite cellule, le corbeau n'en était plus un. À la place se tenait un homme nu comme un ver...