Chapitre 1. Retrouvailles

Legolas ouvrit les grandes portes avec fracas et s'élança dans le flot de lumière de cet après-midi de printemps. Il s'arrêta soudain et se mit à sauter d'un pied sur l'autre. Les adultes pouvaient être très lents parfois.

La rivière était encore haute ce jour là. Habituellement, son murmure se faisait entendre dans les montagnes d'où elle venait et dans la forêt à travers laquelle elle courait, mais à ce moment, elle rugissait si fort que Legolas ne pouvait pas même entendre ce qu'il disait.

Il s'approcha du bord de la plus haute marche et se fit le plus grand possible pour pouvoir regarder par-dessus la balustrade. Une longue branche tentait de sortir de l'eau, mais le courant de la rivière l'attirait et elle se dressait vers le pont, comme une grande flèche noire. Un instant, Legolas se sentit étourdi. Puis il entendit la voix de la personne qu'il attendait, et le monde se redressa à nouveau.

« Mae Govannen, Tolas, dit sa Nana en souriant au garde de la porte. Avez-vous réussi à terminer la réparation de votre toit avant la pluie d'hier?

Au grand soulagement de ma femme, j'y suis arrivé, ma dame. Les coins de ses yeux se plissèrent quand il lui rendit son sourire.

-Un elfe qui sait garder sa femme heureuse est sage en effet, » répondit Nana, et le garde se mit à rire.

Ada disait que Legolas ne devait pas parler aux gardiens parce qu'ils surveillaient pour les mauvaises choses, alors Legolas ne leur adressait jamais la parole. Cependant nana ne semblait jamais s'en inquiéter et Legolas pouvait dire que les gardes aimait lui parler. Il pensait que peut-être les règles d'Ada ne s'appliquait pas à Nana parce que, après tout, elle était Nana.

« Ton manteau est déboutonné, mon coeur. »

Nana s'accroupie devant lui, et il leva le menton afin qu'elle puisse fixer le bouton du haut qu'il ne pouvait pas voir. Quand elle eut fini, elle l'embrassa sur le front.

« Voilà. On y va? »

Une main glissant le long de la balustrade de pierre, Legolas descendit les marche. Quand ils arrivèrent au pont, il entendirent la rivière cogner contre la pierre et il glissa sa main dans celle de sa Nana.

« La rivière est en colère?

Non, la fonte des neiges et les pluies de printemps l'ont tellement remplie qu'elle ne sait pas quoi faire de toute cette eau. Quand elle se sera débarrassée de ce qu'il y a en trop, elle chantera doucement une fois de plus. »

Ils descendirent du pont pour atteindre l'herbe, il lâcha la main de Nana et se mit à sautiller.

«Nous devrions aller à l'étang de nouveau. »

« J'ai pensé que tu aimerais aller sur les terrains de formation pour regarder les archers ? »

Legolas s'arrêta, fit un pas dans la direction que Nana montrait, puis ramena ses yeux vers le chemin de l'étang.

« Hier nous sommes allés à l'étang, et Ithilden est arrivé par là. Ada dit qu'Eilian pourrait arriver aujourd'hui."

Nana souriait.

«Eilian ne viendra pas par là, chéri. Et à ton avis, par quel côté va t'il probablement arriver? »

« Par les terrains? » Sans plus attendre, Legolas s'élança vers le chemin des terrains de formation. « Nous devons y aller! »

Il courait très vite, mais il vit de nouveau les deux garçons. La veille, ils avaient été là à regarder dans un tas de feuilles, sans doute à la recherche d'un animal. Il avait voulu s'arrêter et regarder aussi, mais il s'était rappelé qu'un de ses frères allait sans doute arriver et il avait supplié Nana de se dépêcher.

Aujourd'hui, ils étaient tous deux assis au pied d'un érable près de la rivière. Il vit l'un d'eux laisser tomber quelque chose dans l'eau, tandis que l'autre se cramponnait au tronc de l'arbre.

Legolas le connaissait. Son nom était Annael. Quand il y avait des jeux sur le green, sa nana l'emmenait jouer, mais Legolas ne savait pas quel chemin conduisait à son chalet. Et il ne connaissait pas l'autre garçon du tout.

Il ne ralentit sa course qu'un moment. Eilian était peut-être déjà aux terrains d'entrainement.

Arrivé à l'extrémité du green, il plongea dans l'ombre de la forêt et courut le long du chemin, laissant Nana derrière. Les arbres devant lesquels il passait devenait flous . "Mae Govannen ! Mae Govannen!" leur dit-il s'en s'arrêter de courir et ils agitèrent leurs branches vers lui, remuant la pâle dentelle verte de leurs nouvelles feuilles.

Le chemin tourna et il quitta le couvert des arbres. Sur les terrains de formation, juste devant lui, un archer tira une flèche. Elle vola comme un faucon prêt à attraper sa proie. Il courut jusqu'à la clôture et saisit la rampe, regardant les flèches atteindre leurs objectifs, une, deux, trois.

Une ombre tomba sur l'herbe et il leva les yeux pour découvrir Ithilden qui le regardait sévèrement.

« Legolas, que fait-tu ici sans adulte? »

Parfois, la voix d'Ithilden était aussi douce que de la fourrure, mais pas là. Là, elle piquait comme des orties.

Legolas fronça les sourcils.

« Nana arrive. »

« Alors, tu aurais dû l'attendre. Tu ne dois pas être près d'épées ou de flèches seul. »

-«Je suis ici maintenant, chéri, ne le gronde pas. » dit Nana en posant sa main sur le bras Ithilden et en se mettant sur la pointe des pieds pour lui baiser la joue.

-«Tu as manqué le petit déjeuner et le déjeuner. Y a t'il une nouvelle règle interdisant au commandant des troupes de manger ?

Ithilden ri. «Dès que Todith et ses éclaireurs arriveront, je m'attends à être enfermé dans la salle de réunion avec Adar et tous mes capitaines. J'ai besoin de vérifier ce qu'il nous manque comme matériel pour la formation des novices et faire la liste des approvisionnements nécessaires quand je le peux encore."

Elle tapota sa manche. "Ton adar a de la chance que tu gères les choses avec tant de compétences, mais tu dois garder du temps pour moi aussi. Tu me manque quand tu pars vérifier l'état de tes patrouilles ."

-«Parfois, je pense que tu devrais être le commandant des troupes, Naneth," dit Ithilden. "Ils feraient ce que tu souhaites et se croiraient privilégiés d'en avoir l'occasion."

"Non!" cria Legolas. "Je ne veux pas que Nana s'en aille tout le temps."

Souriant maintenant, Ithilden passa sa main dans les cheveux de Legolas. «Je ne pense pas que tu doives t'en inquiéter. Adar pense sans doute la même chose, donc Nana n'est pas susceptible de te laisser de si tôt. J'imagine qu'elle ne peut pas être commandant des troupes, après tout."

Le bruit de chevaux attira l'attention de Legolas. Il glissa hors des mains d'Ithilden et couru voir qui arrivait. Quatre guerriers se dirigeaient vers eux, l'un des chevaux était sans cavalier.

"Eilian!" Il couru pour saluer le dernier cavalier du groupe.

Les chevaux l'esquivèrent de justesse et Eilian glissa sur le sol, le saisit par la taille, et le fit tourner dans les airs avant de le reposer sur ses pieds.

"Tu as besoin de regarder où tu vas, gamin! Tu as fait peur aux chevaux."

Legolas rougit. Il caressa la jambe du cheval de Eilian. "Je suis désolé, Rogue."

Nana embrassa Eilian, puis posa ses mains sur ses épaules. Legolas fronça les sourcils. Elle le regardait de la même façon qu'elle le faisait quand lui, tombait et se blessait.

Eilian grimaça. Il attrapa ses mains et les enleva. "Je vais très bien. Ne t'inquiètes pas autant, Naneth."

Ithilden parlait au guerrier qui dirigeait le groupe et était le seul, outre Eilian, qui soit descendu de cheval. Legolas les regarda du coin de l'œil. Ithilden devint tout raide, et il baissa la tête un instant. Quand il la releva de nouveau, sa bouche formait une ligne droite.

Nana se dirigea vers eux. "Mae Govannen, Todith."

Le guerrier posa la main sur son cœur et s'inclina. "Mae Govannen, ma dame."

"Vous apportez la douleur avec vous, je pense."

"Oui, ma dame. Nous ramenons Fithral à la maison pour la dernière fois."

Nana regarda le cheval sans cavalier. Legolas le regarda aussi, mais la seule chose présente sur le cheval était une sorte de grand sac de cuir.

Eilian bougea légèrement, et Legolas pensa qu'il allait dire quelque chose, mais il se retourna pour voir les archers qui continuaient à tirer sur le terrain de formation. Il avait l'air triste, alors Legolas lui prit la main.

«Nous ne vous retenons pas" déclara Ithilden. "Quand vous aurez annoncé cela à sa famille, venez à mon bureau. Je veux savoir tout ce qui s'est passé ».

«Bien sûr, mon seigneur."

Todith s'adressa aux autres guerriers. "Vous êtes rejetés. Je vais m'occuper de Fithral."

«Je tiens à venir, capitaine,« dit l'un des guerriers.

Legolas fut surpris de reconnaître un ami de Eilian, Gelmir. Gelmir disait toujours Mae govannen à Legolas et tirait sur ses tresses, mais aujourd'hui, il agissait comme s'il ne l'avait même pas vu. Le quatrième guerrier Maltanaur, était le garde du corps d'Eilian, mais il ne voyait pas Legolas non plus. Il regardait Eilian.

"Tu n'as pas à faire ça, Gelmir" dit Todith.

"Il était mon partenaire" déclara Gelmir. «Je veux le faire."

"Je vais y aller aussi." fit Eilian en remontant à cheval.

"Non, Eilian," lui répondit Todith. "Ils n'ont pas besoin d'une maison pleine de guerriers quand ils entendront les nouvelles. Gelmir et moi suffiront."

Legolas pensa qu'Eilian allait protester, mais après un instant, il referma ses doigts autour de ceux de Legolas et mit son autre main sur son cœur.

"Oui, monsieur." Eilian protestait souvent. Mais jamais en tant que guerrier.

Todith remonta et partit avec Gelmir, le cheval sans cavalier trottant derrière eux. Legolas était heureux de voir Todith s'en aller parce que sans lui, Eilian redeviendrait probablement juste son frère. Sauf si Ithilden avait besoin de lui, bien sûr. Ithilden était plus guerrier à la maison que Eilian n'avais jamais été.

«Avec votre permission, mon seigneur. Ma dame." Maltanaur salua Ithilden et fit un signe de tête à Nana. "Je te parlerais ce soir, Eilian."

«Je te fais confiance là-dessus." Eilian n'avait pas l'air de voir ça comme une bonne chose. Legolas lança un regard noir à Maltanaur, qui eut un petit rire avant de s'éloigner.

"Il est bon de te voir, Eilian." Ithilden serra Eilian dans ses bras. «Je le regrette, mais je n'ai pas le temps de te parler maintenant. Ce soir, peut-être." Il s'éloigna à grands pas vers son bureau, la tête baissée.

Nana regarda Ithilden un moment, puis enveloppa ses mains autour du bras d'Eilian et se dirigea vers le palais. "Legolas et moi étions en train de t'attendre Chéri. Je suis plus heureuse que je ne peux le dire de t'avoir à la maison. Tu arrives juste à temps pour la fête nocturne de l'équinoxe de printemps de demain, et si tu peux rester quelques jours, tu seras ici pour la danse du printemps aussi. "

«Le temps que je passerais ici dépendra de Adar," dit Eilian. "Il a convoqué cette réunion des capitaines, je suppose? Ou était-ce Ithilden?"

«Je crois qu'ils l'ont décidé tout les deux," répondit Nana.

Legolas sautilla à leurs côtés. «Je vais à la fête, Eilian. Nana dit que je peux rester jusqu'à ce que Menelvagor ait fait tout le chemin au-dessus des arbres." Il regarda par-dessus son épaule vers Rogue qui marchait derrière eux. "Puis-je monter ton cheval?"

"Rogue a hâte que tu le montes." Eilian attrapa Legolas et le fit monter sur le dos du cheval. "Hier encore, il me disait:« Où est ce bel elfling qui grimpe parfois sur mon dos? Je veux le porter à nouveau. "

Legolas passa ses doigts dans la crinière de Rogue. Avec Eilian d'un côté du cheval et Nana de l'autre, il se dirigea vers la maison. «Je sais où sont les flocons d'avoine à l'écurie, dit-il à Rogue. "Le maitre d'étable me permet d'en donner aux chevaux, et je vais t'en donner un peu aussi." Rogue remua l'oreille, et Legolas crut qu'il avait compris.

Rogue ne parlait jamais à Legolas comme il le faisait à Eilian, mais il l'écoutait, et Legolas espérait qu'un jour, il pourrait décider de parler alors que Legolas était là.

Eilian était calme, mais Nana parlait de toute façon. "Que penses-tu de Amila comme femme pour Ithilden, Eilian? Elle semble très agréable. Je vais prendre des dispositions pour que sa famille puisse s'asseoir près de nous à la fête de l'équinoxe. Penses-tu qu'il la remarquera, ou aurais-je à la pousser sur ses genoux? "

Eilian ri, Legolas aussi. "Organises-tu des rencontres pour moi aussi quand j'ai le dos tourné ?" dit Eilian .

Nana lui tapota le bras. "Non, chéri. Je ne crois pas que tu ais besoin de mon aide là-dessus."

Eilian rit de nouveau. Legolas regardait la tête noire de Nana, et le bonheur emplissait sa poitrine. Il était en train de monter à cheval, et ce soir, toute sa famille mangerait le diner ensemble.

Son esprit toujours sur Eilian, Lorellin passa par la grande porte pour atteindre l'antichambre où elle trouva son mari sortant tout juste de la salle de réunion avec Sathien courant derrière lui.

"Je ne peux toujours pas croire les dégâts que les inondations du printemps ont fait à ce pont." Sathien tordit le rouleau de parchemin dans ses mains. «Une partie de la forêt sera quasiment inaccessible jusqu'à ce que nous fassions la réparation, mais je tiens à améliorer la situation. Les Inondations reviendront après tout, et de toute façons, la forêt en a besoin. Nous devons donc les permettre, tout en contrôlant leur destruction, mais il peut être difficile de faire ces deux choses à la fois. "

Lorellin étouffa son amusement. Les épaules de Thranduil étaient légèrement voûtées contre l'assaut incessant de la voix de Sathien. Au cours du déjeuner, Thranduil s'était plaint à propos de cette rencontre avec Sathien, l'elfe qui surveillait les voies de communication. Thranduil appréciait la manière subtile avec laquelle Sathien gardait utilisable la forêt sans la perturber, mais celui-ci avaient tendance à tourner en rond, et, plus exaspérant encore, il ne semblait pas remarquer quand Thranduil tentait de le faire taire.

Quand il la vit, il souleva une longue main élégante. "Je ne peux pas en parler davantage maintenant, Sathien." Il avait parlé assez fort pour l'arrêter au milieu de sa phrase. Thranduil fit un sourire à Lorellin. "Ma femme est ici."

Sathien semblait près à continuer de parler. Lorellin pensa que, peut-être, il était vraiment incapable de s'arrêter, un peu comme quand Ithilden débattait avec lui-même sur la façon de déployer ses troupes.

"Vous pensez que la pierre est meilleure, mon seigneur?"

"Comme je l'ai déjà dit, j'ai confiance en votre savoir-faire», déclara Thranduil. Faites ce que bon vous semble, mais faites-le rapidement s'il vous plaît."

Sathien ouvrit la bouche, et Lorellin se hâta de prendre le bras de son mari. "Nous avons de la chance de vous avoir à ce poste, Sathien. Je suis impatiente de voir comment vous résoudrez le problème."

Sathien cligna des yeux comme s'il venait de se réveiller. Il se redressa. «Merci, ma dame. Avec votre permission, mon seigneur, je vais aller vérifier le pont à nouveau."

Thranduil hocha la tête, et Sathien se hâta de sortir par les portes ouvertes et de descendre les marches.

Thranduil embrassa sa tempe. "Tu m'a sauvé, murmura t-il, son souffle chatouilla le bout de son oreille sensible. «Selon les récits, je crois que je te dois un baiser."

Elle rit et le repoussa. Le garde à la porte du hall souriait le regard fixé ailleurs.

"Comporte-toi bien, dit-elle.

Il lui sourit, impénitent, et passa son bras autour de ses épaules. Ils passèrent par la porte des quarts de la famille. «Où est Legolas? Je croyais que lui et toi étiez parti faire une ballade à pied ? »

L'inquiétude revint, tourbillonnant dans ses pensées. «Nous avons rencontré Eilian, il a emmené Legolas à l'écurie pour l'aider à s'occuper de son cheval."

Tout en gardant son bras autour d'elle, Thranduil s'écarta légèrement d'elle. "Todith est arrivé?"

"Oui, et tu dois savoir qu'il a ramené avec lui le corps de Fithral."

Thranduil ferma les yeux un instant. Quand il les rouvrit, sa voix était stable.

"Avez-vous réglé les arrangements funéraires?"

"Oui, j'ai envoyé des messages. J'ai besoin d'en envoyer un de plus pour demander Nimloth de rester avec Legolas."

Ils s'arrêtèrent dans le couloir, juste devant le bureau de Thranduil. "Je pense que Legolas devrait aller à l'enterrement», déclara t-il. "Il s'est bien comporté quand il était avec moi hier quand Galivion est passé me donner des nouvelles d'Esgaroth."

«Non» Le mot était sorti de la bouche de Lorellin avant même que Thranduil ait fini de parler. "Il est trop jeune, et il ne connaissait même pas Fithral."

Thranduil haussa les épaules. "Il est assez vieux pour se conduire respectueusement si on lui tient la main, et ça n'a pas d'importance s'il ne connaissait pas Fithral. Fithral était un de mes guerriers, et il est mort au service du Royaume. Nous lui devons notre gratitude."

"Je sais ça, Thranduil, mais c'est un bébé."

Thranduil secoua légèrement la tête. "Le truc, mon amour, c'est que c'est mon bébé."

Elle se mordit les lèvres. Il n'y avait pas d'échappatoire alors. "Très bien. Je vais essayer de lui expliquer à l'avance, pour qu'il sache ce qu'il faut faire."

"Je te remercie. Je vais te rejoindre dans le salon."

"Eilian est bouleversé», lança Lorellin.

Thranduil fit une pause sur le pas de la porte de son bureau. «Par la mort de Fithral? Je m'attendais à ce qu'il le soit. Fithral était un camarade, sans doute un ami. Bien sûr, qu'Eilian est bouleversé."

"Je sais ça." Lorellin fronça les sourcils. Qu'avait-elle senti quand elle avait touché son deuxième fils sur les terrains de formation? Était-ce seulement de la douleur? En supposant que l'on pourrait qualifier la douleur de «juste».

Thranduil soupira. "Eilian fait parti de la patrouille du sud depuis des années maintenant. Il doit être habitué à la perte de camarades."

Elle soupira. "Je ne veux pas qu'Eilian s'habitue à la mort."

A la netteté de sa voix, ses sourcils se rapprochèrent. "Je ne veux pas qu'il s'y habitue non plus. Tu sais ça."

Elle le savait. Elle l'avait vu à la fermeture brève de ses yeux, si semblable à ce que Legolas faisait quand il voulait nier l'existence d'une réalité déplaisante, les betteraves dans son assiette ou un vase brisé qui était tombé de la table par exemple.

Thranduil posa ses mains sur ses épaules. "Je sais que c'est dur pour toi. J'étais à Dagorlad, et c'est toujours difficile pour moi." Il l'embrassa sur le front. "Je vais parler à Eilian. Un guerrier doit canaliser son chagrin et sa colère dans l'action contre l'ennemi, plutôt que de le laisser manger son cœur."

"On dirait que tu le blâme, mais Eilian n'a jamais eu de problème à prendre les mesures nécessaires."

Même si elle protestait, Lorellin se demandait si Thranduil n'avait pas raison. Etait-ce le problème de son fils ? Un peine de coeur? Elle se reprit.

"Si tu veux aider Eilian, tu dois l'écouter, pas lui parler."

"Très bien." Thranduil leva les mains. "Je vais l'écouter, mais je vais essayer de l'aider à faire ce qu'il doit. Le domaine boisé est un endroit dangereux, et comme Legolas, il est le fils du roi. Il ne peut pas permettre à ses émotions de le dominer."

"Il est un elfe des bois. Il ne peut pas étouffer ses sentiments."

"Et ce n'est pas ce que je veux. Je veux simplement lui demander d'exercer un peu de sagesse dans leur traitement."

Elle le regarda, puis lui fit un sourire triste. "C'est son tempérament, honnêtement, mon amour. Sa naneth est malheureusement également sujette à des débordements émotionnels."

Sa posture tendue s'assouplie. "Sa naneth est le foyer où je me réchauffe quand le monde devient froid. Je ne vais pas entendre un mot contre elle."

Elle rit. «Quand je t'ai connu, je crois que c'est ta capacité à raconter des non-sens poétique qui m'a le plus surprise."

Il embrassa ses doigts. "tu fais ressortir ça chez moi. Et ce n'est pas absurde. C'est la simple vérité." Il se dirigea vers la porte de son bureau à nouveau. "Je vais te rejoindre dans le salon dès que je peux."

Elle se rendit alors au salon, où un feu brûlait contre le froid persistant du printemps. Elle laissa tomber son manteau sur le dos d'une chaise et s'agenouilla près du feu pour se réchauffer les mains. Elle regarda les flammes.

Thranduil parlait rarement de Dagorlad. Elle se demanda pourquoi il y pensait aujourd'hui. Elle savait que lui et Ithilden avaient convoqué cette réunion de leurs capitaines en espérant planifier une offensive contre l'Ombre venant du nord, mais ils n'avaient surement pas prévu des pertes comme celles Dagorlad.

Elle décida d'attendre que le repas du soir finisse avant de parler à Legolas des funérailles de Fithral. Il avait encore du mal à penser trop loin dans le futur. Elle resserra sa main sur la cheminée. Il était si petit! Mais il était aussi le fils du roi, et cela signifiait qu'il était obligé de tenir sa place depuis le jour de sa naissance. Elle le savait. Elle avait vu grandir ses fils aînés, après tout, même Eilian, qui était un enfant de la paix.

Et puis, sa propre vie avait également changé depuis son mariage. A combien de funérailles avait-elle assisté en tant que reine? Parfois, elle ne pouvait pas comprendre comment les gens pouvaient réussir à se relever. Son propre père était mort avec Oropher alors qu'elle était trop jeune pour se souvenir de lui, et sa mère n'avait jamais pu vivre heureuse sans lui. Elle avait attendu que Lorellin se soit installée dans la forteresse, puis avait navigué vers l'Ouest, dans l'espoir de retrouver son amour en train de l'attendre. Lorellin priait souvent pour que ç'ait été le cas.

Elle ramassa, sur la table voisine, le dessin à la craie de son petit Legolas. Il était très bien fait, pensa t-elle. L'artiste avait capturé la curiosité des grands yeux de Legolas pleins de curiosité pour le monde qui l'entourait, une telle joie à regarder.

Elle posa l'image à côté de celles d'Ithilden et d'Eilian, dessinées quand ils avaient le même âge. Ithilden tenant une boule qu'il avait choisi après un examen sérieux et Eilian essayait de se jeter hors de ses genoux. Elle ne put s'empêcher de sourire. Ils avaient été eux-mêmes dès le départ, même s'ils étaient les fils du roi.

Elle allait et venait dans la pièce. Elle avait été injuste de s'attaquer ainsi à Thranduil. Il s'inquiétait aussi pour Ithilden et Eilian. Le problème, c'était que sa croyance dans le devoir et la discipline l'emportait largement sur tout soucis qu'il pouvait avoir. Elle comprenais le devoir. Elle le vivait au jour le jour. Mais c'était sa propre vie, pas celles de ses enfants. La différence, c'était que Thranduil avait été élevé pour envoyer ses fils vers le danger (son père l'y avait envoyé aussi), alors que tout son instinct à elle était de les protéger de tout préjudice qui pourrait menacer un cheveu d'une de leurs tête.

Des pas légers éclatèrent dans le couloir, et elle eut juste le temps de sourire avant que Legolas ne s'élance dans la pièce, son visage rougit par la course.

"Nana! Nana! J'ai brossé Rogue et je lui ai donné de l'avoine, et Eilian a dit que Rogue a aimé."

«Je suis sûr qu'il l'a fait." Elle écarta les cheveux vaporeux de son front.

Un Eilian souriant s'appuya contre le chambranle, un paquet jeté sur son épaule. "Avez-vous pensé à lui acheter un poney, Naneth?"

"Oui!" Legolas rebondissait sur ses orteils. "Un poney pour moi."

Lorellin ri. «Bientôt, mon ange." Elle jeta un regard de reproche à Eilian. "Tu es un fauteur de troubles."

Il lui fit une révérence moqueuse. "A ton service. Je ferais mieux d'aller me laver et me changer avant le repas du soir. Tu ne peux pas savoir à quel point j'avais hâte de pouvoir faire ça."

"Dépêche-toi de revenir." répondit-elle avec un sourire. «tu m'as manqué."

«A moi aussi», s'écria Legolas. «tu m'as manqué, Eilian."

«Viens avec moi alors, proposa Eilian. "Tu pourras m'aider à déballer mon sac."

Legolas était hors de la salle avant qu'Eilian ait fini de parler, ce dernier ricana avant de le suivre et ils disparurent. Lorellin écouta leurs pas et leur voix s'estomper. Aussi triste qu'elle pouvait être pour Fithral et sa famille, elle ne pouvait s'empêcher de se réjouir que tous ses fils soient sains et saufs.

TBC