Disclaimer : L'Univers de Batman ne m'appartient pas, en dépit de Myst.
Note : Un premier chapitre un peu court, une introduction à quelque chose de tout à fait expérimental ! Si vous avez des idées pour la suite, n'hésitez pas ! :)
Bonne lecture !
Chapitre I : Zones d'Ombre.
« C'est hors de question, tu n'iras pas là-bas ! »
Puis elle avait claqué la porte, pleine du subtil mélange de rage et de tristesse qu'on appelle amertume. Moi, j'étais restée de glace, le regard fixe, le souffle court. Un geste, un mot n'auraient fait qu'empirer la situation. Seule, debout dans la pénombre, il faudrait me faire à l'idée que ce sujet là ferait irrémédiablement partie des zones d'ombre de notre famille, oublié même au creux de la mémoire de ceux qui peuvent s'en souvenir.
Ce jour-là, il pleuvait des cordes. Sûrement pleuvait-il ailleurs aussi. Soudain toute aussi maussade que le ciel qui surplombait la ville, je décidai de ne pas m'enfermer dans la fatalité, et d'ignorer son éternelle incompréhension. Quoi de mieux pour passer l'éponge une fois de plus sur ses paroles amères et douloureuses qu'un soir avec mon petit ami du moment ? Je glissai dans mes rangers, empoignai mon blouson de cuir et voilà que j'étais déjà repartie sur les routes, le cœur apaisé par la pluie qui s'abattait sur mon corps alors bouillonnant de colère.
Bien sûr, je n'aurais pas oublié d'embrasser ma mère malgré tout, il fallait que je me fasse à l'idée. Le simple fait d'y penser lui secouait déjà les tripes, pourquoi lui en vouloir si elle ne pouvait supporter de remuer le couteau dans la plaie ?... Même si souvent, j'aurais désir é qu'on en parle, je savais qu'elle en souffrait en silence, du lever au coucher, peut-être même bien que cela hantait-il aussi les rêves de ses nuits. Ça n'avait été facile pour aucun d'entre nous, à commencer par elle. Froide, elle avait encaissé ma bise sans broncher et, alors que je filais vers l'entrée telle une ombre, je sentis son regard plein de regrets dans mon dos. Dans un dernier mouvement, j'esquissai un sourire indulgent à son égard, puis je disparus, refermant soigneusement derrière moi.
J'accélérai le pas alors que le tonnerre grondait pour la première fois dans le ciel mitigé. Comme dans un mauvais film, où le temps qui se dégrade annonce un mauvais présage. Peut-être finalement ce cliché minable n'était-il pas si loin de la vérité. J'avais les clés de son appartement, et comme à mon habitude, j'étais rentrée sans prévenir. Il était là, dans la pièce qui lui servait à la fois de salon et de chambre à coucher, toujours aussi miteuse et mal rangée. Et il n'était pas seul. A cet instant, je crois que mon esprit fit abstraction de tout ce qui se passait autour, et mon regard se figea, en même temps que mon cœur. Dans ma tête, le ronflement du ciel noir, et les hurlements frénétiques de cette fille, cette gonzesse que je ne connaissais de Dieu, alors qu'il la prenait avec tout l'amour qui lui était dû…
Oh oui, Lloyd, plus fort ! Plus profond !...
Je t'aime, mon cul, oui. Des foutaises. Ce mec était comme tous les autres… Un enfoiré de première qui n'avait que l'envie de sexe comme raison de vivre. Et alors qu'il s'était relevé sans aucune intention de cacher sa nudité, son visage et celui de sa putain me riaient au nez, affichant cette peur pathétique, et cette surprise qui se mue si vite en un sourire presque mesquin, j'avais déjà fait demi-tour, m'enfonçant à nouveau dans les ténèbres de ce lourd soir d'été.
« Myst, attends ! J'peux tout t'expliquer ! Myst, bordel de merde… ! »
Une fois trop loin pour entendre les conneries qu'il me hurlait depuis le seuil de son clapier, je stoppai lentement ma course et, perdue entre deux vieux immeubles, je trouvai refuge sous une un escalier de secours, épuisée. Une bonne clope, ou deux, ou le paquet entier, peu importait finalement, j'avais besoin de tout arrêter pour réfléchir une seconde. Connard. Connard. Connard. Ce n'était pourtant ni le premier, ni le dernier des connards. Mais c'était un connard, et cela suffisait à justifier, là encore, le fait qu'il fallait que je me fasse à l'idée que le monde dans lequel nous vivons n'était qu'un ramassis de mensonges et d'immondices cachés derrière de belles paroles et un mur d'apparences. Et c'était sans appel.
Vous vous douterez bien que Myst n'est pas mon vrai nom, mais un sobriquet dont les gens que je fréquente m'ont affublée, aussi loin que je m'en souvienne. « Parce que t'es toujours ailleurs, dans la lune, et que t'es aussi troublante que l'brouillard. » m'avait toujours fait sourire, j'aimais bien et finalement, ils n'étaient peut-être pas si loin de la vérité eux non plus. Non, savoir qui je suis réellement n'aurait pas d'importance.
Je n'ai rien de spécial pour une fille de mon âge moyenne, toujours vêtue de couleurs sombres, je ne porte que les fringues dans lesquelles je suis à l'aise. Subtil mélange de politesse et de vulgarité, je n'accorde que peu d'importance aux manières de ce monde vis-à-vis de ceux qui ne me reviennent pas. Il n'y a peut-être que mes cheveux d'un bleu électrique qui rappellent un souffle de vie dans mon corps, fendant le gris monotone de cette ville au rythme de mes pas. Souvent les gens se retournent sur mon passage, étonnés, presque effrayés est-ce une couleur de cheveux tant inhabituelle qui les fait fuir, ou bien le fait que le mouvement de ma silhouette se détache si nonchalamment de cette masse noire qui se meut en silence… ?
Je ne sais combien de temps j'ai marché. Probablement perdue, j'errai sans envie et sans véritable but, poussée par la seule musique dans ma tête et la fumée de chaque cigarette qui se consumait lentement, recrachée d'entre mes lèvres, portée par le vent. Mon pèlerinage avait pris fin près d'un arrêt de bus, alors qu'il faisait déjà nuit. Vidée, les poumons en miettes, mon regard s'éleva vers l'autocar qui approchait, telle la réponse évidente à toutes mes questions.
Il était peut-être une zone d'ombre à notre famille, mais lui seul saurait me dire les mots pour en sortir. La porte du bus se referma derrière moi dans un grincement. Le chauffeur cachait sa somnolence d'un air sérieux, et les quelques passagers à bord dormaient déjà ou s'occupaient en silence. Muette, je me trainai jusqu'à l'arrière, où j'aurais un peu moins de deux heures de sommeil devant moi. Mon nom est Myst. Et ce soir-là, je ne suis pas rentrée chez moi. Je vais à Gotham, faire la lumière sur une partie de mon passé.
