Nous venions de vaincre Shâka. Bien que je n'eus pas vraiment de lien avec lui, ça me faisais mal d'avoir dû éliminer un frère. À mes côtés, Shura et Saga laissaient également transparaître leur tristesse. Quelques minutes nous suffirent pour sécher nos larmes. Personne ne devait voir nos sentiments. Surtout les miens puisque j'étais considéré comme l'être le plus insensible du sanctuaire.
Heureusement pour moi, la pluie qui s'abattait depuis que les fleurs des arbres jumeaux étaient tombées, masquer les sillons de mes larmes. Je souffrais de ce que l'on venait de faire et de la mission que le seigneur des enfers nous avait imposée. C'est vrai, j'avais eu l'idée de revenir à la vie mais pas pour prendre la tête de ma déesse.
Alors que j'étais dans mes pensées, Saga ramassa le rosaire laissé par le sixième gardien et d'un commun accord, nous nous dirigeâmes vers l'entrée du jardin de Twin Sal pour affronter nos frères d'ors et de bronze.
Les portes s'ouvrirent et on s'avança. Saga alla directement vers Mû sans tenir compte que Shura et moi, nous nous étions arrêtés.
J'écoutais distraitement la discussion entre les deux hommes, ma concentration étant fixée sur un autre chevalier. Il avait changé. Ses cheveux étaient légèrement plus longs, son corps était beaucoup plus musclé et son visage avait perdu ses formes enfantines depuis la dernière fois que je l'avais vu, il y a un an de cela, jours pour jours. Je voyais tout cela, malgré ma cécité, grâce à mon cosmo qui était devenu pitoyable, si je puis dire, par rapport au sien.
Je sentais qu'il me détaillait. Bien que pris par les remords de devoir lui faire traverser une nouvelle épreuve, j'étais quand même très fier de lui mais je ne pouvais lui faire savoir sans qu' Hadès ne s'en aperçoive.
Fier pour ce qu'il avait accompli certes, mais également parce que son visage était enfin dénué d'émotions et son cosmo était pareil aux glaciers de notre chère Sibérie. Malgré l'impassibilité dont il faisait preuve, je ressentais, néanmoins, la confusion en lui.
Soudain, je fus projeté en l'air et atterrit lourdement sur le sol en même temps que mes deux acolytes. C'était Aiolia qui venait de nous envoyer son Lightning plasma. Il était furieux et dans un sens, je le comprenais. Mû essaya de le raisonner mais en vain. Il nous lança une seconde fois son attaque mais Saga réagit et la fit disparaître grâce à son another dimension. Il parla un peu avec eux avant d'être interrompu par des pas puis une voix qui me fit froid dans le dos. Cette voix était celle de la personne la plus chère à mon cœur. Celle de mon meilleur ami, mon frère, celui que j'aimais. Le fort et fier scorpion.
La surprise de nos frères fût vite rattrapée par la nôtre. Je me retournai en même temps que mes acolytes pour découvrir la personne que je redoutais le plus.
Lui aussi avait changé. Sa peau, tannée par le soleil, était plus mâte que dans mes souvenirs. Ses cheveux étaient plus longs qu'avant, ce qui le rendait encore plus séduisant à mes yeux. Il nous regarda tour à tour et rapidement mais s'arrêta quelques secondes de plus sur moi. Son regard exprimait une profonde colère noire envers les autres, mais je savais que pour moi, il y avait plus que cela. Ce que j'y vis fut une profonde déception.
Pendant qu'il discutait avec Mû, je me décidais, même si c'était déjà trop tard, à lui révéler ce que je ressentais pour lui. Avant même de lui avoir transmis mentalement mes sentiments, il nous lança trois de ses aiguillons. Avec difficultés, nous nous relevâmes et en attendant les prochains, je lui déclarai ce que j'éprouvais pour lui. Le regard qu'il me jeta me tétanisa de froid et de peur. Un regard noir, glacé et dur que je n'avais jamais vu sur son visage même envers les autres. Je n'eus même pas le temps d'avaler ma salive que Saga, Shura et moi recevions trois autres aiguilles.
Alors qu'il répondait aux autres ors, j'entendis mentalement : « TU TE FOUS DE MOI ?! TU CROIS QUE CELA TE SAUVERAS ? JE NE TE PARDONNERAIS PAS CETTE TRAHISON ! ».
Cela me fit mal mais je m'y étais attendu. J'hésitai à lui répondre puis finalement je me tus. Je savais que quoique je dise, cela me porterais tort. Il avait raison et sa souffrance me le confirmer, et tout ça à cause de quoi ? Parce-que je n'avais pensé qu'à moi, égoïste que j'étais.
Il continua à nous infligés le Scarlett Needle, tout en nous en réexpliquant le principe, jusqu'au dernier coup mais il fut interrompu par Saga avant de réussir. Le gémeau avait utilisé son galaxian explosion et lorsque les étoiles éclatèrent, cela me fit mal de voir mon scorpion projetait contre le plafond du temple. Il se releva non sans peine et de longues minutes après, on se mit en position pour utiliser une nouvelle fois l'Athéna Exclamation contre ceux qui avaient été nos frères pendant une très longue période.
A notre grand étonnement, eux aussi se placèrent dans cette position et les bronzes finirent par tenter de nous faire revenir à la raison mais sans succès. Le dragon demanda à la cantonade si on savait ce qui se passait lorsque deux Athéna exclamation entraient en contact. Mû lui répondit mais cela n'empêcha pas les trois ors de continuer ce qu'ils avaient entrepris. Je me trouvais positionner en face de Milo. Celui-ci me jeta un regard rempli de haine mais également d'un sentiment d'amour perdu même s'il essayait d'être impassible.
Alors il m'avait aimé aussi ?! Ce qu'on avait pu être bête à ne pas se dévoiler. Je pensais qu'il se dévoilerait alors que j'étais encore en vie. Les sentiments que j'avais encore pour lui me donnaient envie de me jeter à ses pieds et de le supplier de me pardonner. Oui, j'étais prêt à mettre ma fierté de côté, quitte à me faire rabaisser, juste pour obtenir son pardon. Mais je savais que quoi que je fasse, je ne l'obtiendrai pas.
Lorsque les deux Athéna Exclamation s'entrechoquèrent, l'onde de choc envoya les bronzes contre les piliers du temple. Cela me fit mal de voir mon disciple, que je considérais comme mon fils, être projetait ainsi. Malheureusement pour moi, Milo ressenti ma douleur et il me lança d'une voix froide et glaciale par télépathie : « Cela te fait mal de le voir projeté ainsi ? As-tu aussi mal que lui alors qu'il a était obligé de te tuer ? Sais-tu la souffrance qu'il a endurée après ta mort ? je l'ai ramassé à la petite cuillère et j'ai réussi à lui faire remonter la pente avant qu'il ne soit trop tard ! Et ça malgré ma propre douleur de t'avoir perdu. Si on sort vivant de cette guerre et que tu es ressuscité, ce ne sera pas la peine de revenir vers nous car je le protègerais de toi ».
Les mots de Milo me blessèrent mais je savais qu'il avait raison. Hyôga tenta de me raisonner et au travers de ses paroles, je sentis qu'il avait confiance en moi. Tour à tour, nos jeunes frères tentèrent de nous faire revenir à la réalité en augmentant leur cosmos jusqu'à leurs limites. Ils réussirent à arrêter l'énergie destructrice de l'Athéna exclamation en la repoussant vers le ciel. Le plafond du temple s'effondra sur eux et sur nous. Nos armures et nos surplis nous protégèrent mais on ne sentait plus aucune trace des bronzes.
Peinant à reprendre connaissance, j'entendis difficilement Milo parler à Mû et Aiolia puis à Saga. Lorsque le scorpion voulut tuer le gémeau, Athéna s'interposa et demanda aux ors de nous amenaient auprès d'elle. Malgré quelques contestations, ils firent ce qu'elle leur demanda.
Des mains puissantes m'attrapèrent et le propriétaire de celles-ci m'aida à marcher. En marchant, je reconnus mon porteur et mon cœur se serra. Cela ne m'étonna guère que se soit lui qui me prenne, comme ça il pourrait me faire mal discrètement s'il en avait envie.
La douleur de l'avoir perdu s'ajouta à celle de ne pas pouvoir communiquer avec lui tellement j'étais affaiblis. Je sentais sa haine mais également sa tristesse qui était infinie.
Arrivés devant la déesse, ils nous lâchèrent sans douceur. La jeune fille demanda au frère jumeau de Saga, qui était à ses côtés, de donner un coffret au troisième gardien. Celui-ci l'ouvrit et fut stupéfait du contenu. Athéna nous expliqua ce qu'elle avait prévu de faire et on ne put retenir nos larmes lorsqu'elle se suicida.
De longues minutes passèrent avant que l'un de nous ne réagisse.
