Titre : Ici commence une autre histoire…

Auteur : loonie_lupin (ff. net) – Lisapahud (ao3)

Fandom : Les Misérables (livre + 2012)

Personnages/pairings : Valjean, Javert, Cosette, Marius (+apparition d'autres)

Résumé : Montreuil-sur-Mer. Une vieille gitane jette un sort à Javert. Tout change mais certaines choses sont destinées à arriver, d'une façon ou d'une autre…

Disclaimers : Tous les personnages et lieux que vous reconnaissez appartiennent à leur créature. Rien n'est à moi. Je ne fais que de m'amuser.

Note : Je travaille en ce moment sur la version anglaise de cette histoire. Elle sera postée certainement dans le courant du mois d'août.

Je posterais quelques chapitres par jour, puisque j'ai fini de les écrire. Il me faut seulement les relire avant de poster… Si des erreurs m'ont échappées qui vous sautent aux yeux, n'hésitez pas à m'en faire part.


Ici commence une autre histoire…

Prologue

La première chose dont il prit conscience fut le brouhaha ambiant qui emplissait ses oreilles. Il pouvait entendre, dans le lointain, des conversations, des bruits de la vie citadine et surtout des enfants, s'amusant bruyamment, riant et criant et Javert ressentit un soudain désir d'en retrouver les parents afin de leur adresser des remontrances et exiger d'eux qu'ils contrôlent leurs enfants s'ils ne voulaient pas se retrouver en état d'arrestation pour trouble sur la voie publique. D'un autre côté, cette irritation démesurée ne lui étant tout de même pas habituelle, il s'agissait peut-être d'un effet secondaire de son mal de tête.

Il se sentait aussi nauséeux que la première – et dernière – fois où il s'était permis d'abuser de la boisson. Le réveil avait été aussi rude à l'époque qu'il ne l'était aujourd'hui et l'avait empêché de remplir son rôle au meilleur de ses capacités c'était tout du moins comme cela qu'il l'avait ressenti sur le moment et s'était, par conséquent, juré de ne plus jamais se laisser aller à se saouler. Depuis, il ne lui arrivait que de s'autoriser un verre de fin, ci et là, tout sauf régulièrement et uniquement lors de grandes occasions.

Gardant cela à l'esprit, il était en mesure d'affirmer, en toute sincérité et sans le moindre doute, qu'il n'avait pas bu la moindre goutte d'alcool la nuit passée et ce dont il souffrait présentement ne pouvait en aucun cas être une gueule de bois.

Il essaya d'ouvrir les yeux et sa vision, bien qu'il fût aveuglé par la lumière vive du jour, s'adapta rapidement grâce à la protection providentielle d'énormes cageots de bois qui le cachaient des rayons du soleil. Un coup d'œil autour de lui permit à Javert de jauger ce qui l'entourait et il ne mit pas long à en déduire qu'il se trouvait sur les docks. Il lui était, par contre, assurément impossible de se souvenir de comment il en était arrivé à dormir à cet endroit.

Ce qui était primordial maintenant n'était, cependant, pas de réfléchir au comment de cette situation mais de se hâter de retourner à son appartement et de se changer avant que quiconque ne le reconnaisse et que sa réputation en ville n'en soit à jamais changée, et pas pour le mieux. Il s'assit brusquement et, ne se laissant pas ralentir le moins du monde par le vertige qui le prit face à ce mouvement abrupt, pas plus que par la douleur lancinante qui irradia son épaule sous l'effort, sauta sur ses pieds. Ce fut l'instant où il réalisa que quelque chose n'allait définitivement pas, quelque chose de bien plus grave que son apparent désir de faire une sieste sur les docks.

Ces cageots, qu'il connaissait bien pour être passé maintes fois devant durant ses tournées, n'étaient très certainement pas supposés être si grands. Ou, mieux encore, lui-même n'était pas supposé être aussi petit. Comme la perspective qui l'accueillit lorsqu'il regarda droit devant lui en étant debout ne fut pas celle à laquelle il était habitué, il baissa les yeux et réalisa, avec une horreur détachée, que son corps était désormais celui d'un enfant, petit, autour de six ans s'il s'autorisait brièvement à penser à sa propre enfance et le rythme auquel il avait grandi.

Il devait être en train de rêver. Ce fut la première pensée, des plus compréhensibles soit dit en passant, qui traversa son esprit. Néanmoins, sa tête douloureuse, ainsi que les coups de couteau qu'il lui semblait recevoir à intervalle régulier dans son épaule – il pouvait maintenant déceler une lacération, étroite mais profonde – contestait cette possibilité, sachant qu'il n'aurait jamais pu ressentir une telle douleur s'il avait été dans un état somnolant.

Javert, réalisant qu'il était bel et bien un enfant pour le moment présent, commença à sentir la panique s'insinuer en lui et il ferma les yeux, prenant une grande inspiration et la relâchant, afin d'essayer de la combattre et la repousser au plus profond de son être car il n'était de loin pas le moment de se laisser compromettre par un sentiment si pitoyable, qui l'empêcherait très certainement de penser de façon posée, claire et concise, à la manière dont cet étrange état des choses en était venu à exister. La vague de panique s'estompa et il rouvrit les yeux, calme, permettant à son esprit de revenir sur les événements de la nuit précédente.

Il s'était dirigé vers les docks après que la rumeur lui soit parvenue par ouï-dire qu'un clan de bohémiens avaient établis leur campement à cet endroit. Les honnêtes citoyens de la ville étaient méfiants, avec raison, à leur égard et il y avait déjà eu plusieurs accusations – notamment de vols – faites à leur encontre. En vue de cela, il ne pouvait décidément pas les autoriser à rester plus longtemps. Ceux qui avaient volés les habitants de Montreuil-sur-Mer, à condition qu'il puisse le prouver, serait convié à passer un certain temps dans les geôles de la prison et le reste à choisir entre se disperser ou les rejoindre pour cause de non-respect aux injections d'un agent de l'ordre.

Ce qui aurait dû être une soirée aisée avait pris une tout autre tournure lorsqu'il s'était retrouvé devant une bande de bohémiens des moins coopératifs et que le ton de la confrontation s'était extrêmement rapidement détérioré. Les renforts de l'inspecteur avaient sorti leurs épées, se sentant menacés, et une mêlée dont il se sentait maintenant bien incapable de raconter les détails, avait commencé. Il pouvait, sans autre, en déduire que ses hommes avaient, en fin de compte, prévalu, compte tenu du fait qu'il n'y avait maintenant plus aucun signe des bohémiens aux alentours et que les docks avaient retrouvé leur aspect d'avant l'arrivée du clan. Comment cela s'était produit, par contre, il ne pouvait s'en souvenir.

Ce dont il se rappelait parfaitement, cependant, c'était le visage d'une vieille femme, peut-être la septantaine, avec des yeux tristes et dont il émanait une aura de sagesse. Elle l'avait regardé, non avec la colère du reste de son peuple, non avec l'ébauche d'une imploration, mais avec pitié. Cela n'était pas de la pitié dirigée envers elle-même, mais envers lui et, à ce moment-là, il n'avait pas été en mesure d'en comprendre la cause et, il devient bien se l'avouer, il n'avait pas cherché à faire l'effort de le comprendre. Peut-être que s'il l'avait fait, il aurait pu éviter d'être la victime de ce qui ne pouvait avoir été qu'un mauvais sort.

Il avait vu ses lèvres bouger mais il n'avait pas été en mesure de comprendre les mots prononcés. Leur langue, cette langue qui, il y avait si longtemps de cela, avait été la sienne, lui semblait maintenant si mystérieuse, son esprit ne se rappelant que des mots les plus simples. La dernière phrase qu'elle avait articulée, par contre, il pouvait s'en souvenir, avait été dans la langue de Molière.

« Il te faudra bien apprendre à ne pas vivre dans un monde fait d'une dualité de noir et de blanc mais tu devras finir par percevoir les nuances de gris ou cela te mènera à ta perte. »

C'était la dernière chose dont il parvenait à se souvenir avant son réveil sur les docks et cela n'avait aucun sens pour lui. Bien entendu, il savait parfaitement que, au-delà de la bonne aventure que les bohémiens aimaient à pratiquer sur des citoyens naïfs, il existait un pouvoir bien réel à leur portée, un qui pouvait accomplir des prodiges dans des mains expérimentées, mais dont ils ne se servaient que très rarement et encore moins sur des étrangers, de peur d'être persécutés par ceux qui ne comprenaient pas. Cette vieille femme avait-elle décidé de faire une exception en son cas, ou avait-elle réalisé qu'il savait déjà ?

Cela n'avait pas la moindre importance. Ce qui comptait à présent était de trouver un moyen de contrer le sortilège parce que, qu'était-il supposé faire avec cette seule phrase gravée dans son esprit comme guide ? Cela n'avait aucun sens pour lui et il savait que la seule manière dont il pourrait redevenir lui-même serait de retrouver la vieille femme l'obliger à inverser sa magie.

Gardant ce but très précis à l'esprit, Javert commença à rebrousser chemin en direction du centre de la ville, avec la très ferme intention de retrouver la trace du clan qui semblait avoir disparu sans laisser de trace. Ce ne fut qu'après plusieurs incidents ou des passants le bousculèrent – parce que, soyons réalistes, qui se souciait donc d'un enfant des rues, d'un gamin – que l'inspecteur réalisa la gravité de sa situation : il ne pouvait très certainement pas se rendre au poste de police et utiliser leurs ressources pour retrouver cens gens parce que qui pourrait bien croire qu'il était réellement l'Inspecteur Javert ?

Il s'arrêta brusquement, cessant sa progression déterminée qui le rapprochait irrémédiablement du poste de police, et s'adossa contre un mur de briquer, laissant la place aux piétons qui l'ignoraient aussi résolument qu'il avait généralement l'habitude d'ignorer les petits vas nu-pieds qui virevoltaient dans les rues, sans endroit où aller, et il ferma les yeux.

Qu'est-ce qu'il pouvait donc bien faire maintenant ? Comment pourrait-il parvenir à retrouver ces gens à lui tout seul ? Et qui donc engagerait un enfant de six ans sans parent pour lui permettre de gagner de quoi se nourrir en attendant ? Il s'agissait là d'importantes questions pour lesquelles il n'avait aucune réponse. Il n'avait pas apprécié son enfance la première fois qu'elle avait passée et la deuxième fois n'allait très certainement pas être plus réjouissante. Il ne pouvait pas rester ici, en plein trafic il fallait qu'il trouve un endroit isolé où il pourrait réfléchir en paix, loin du bruit de la foule.

Il rouvrit les yeux avec la ferme intention de courir trouver un refuge mais il suspendit son mouvement avant même qu'il ne commence. Là, droit devant lui, à une quinzaine de mètres à peine de lui, se trouvait Monsieur le Maire Madeleine, faisant la charité. Le bon maire, capable de soulever une charrue, avec une claudication si caractéristique, mais si discret qu'aucune des suspicions de Javert n'avait pas trouvé résolution dans un sens ou dans l'autre. Javert se surprit à presque sourire, une lueur déterminée naissant dans ses yeux.

Peut-être qu'il pouvait encore attendre quelque peu avant de rompre l'enchantement. Il avait tout le temps de retrouver les bohémiens. Après tout, il ne savait même pas par où commencer les recherches, alors il lui fallait de toute façon réfléchir avant de pouvoir agir. En attendant, s'il pouvait faire autre chose, quelque chose qu'il avait déjà voulu faire depuis un long moment sans pouvoir agir de manière officielle, pourquoi ne pas tenter sa chance et utiliser ses circonstances actuelles à bon escient ?

Madeleine avait toujours pris soin de garder une certaine distance par rapport à son inspecteur – sans tout de même que cela paraisse suspicieux – comme s'il avait peur de ce que celui-ci aurait pu trouver et Javert n'avait jamais pu vérifier si le soupçon qu'il avait, celui que Madeleine et Valjean ne faisaient qu'un, était vrai. Mais maintenant, Javert n'était plus l'inspecteur si redoutable, il n'était qu'un gamin parmi d'autre. Pour quelle raison Valjean se méfierait-il donc ? Maintenant, Javert pouvait se rapprocher sans que Madeleine ne soit sur ses gardes. Peut-être que, finalement, ce sort était un cadeau de la providence, le moyen pour que Valjean se retrouve à nouveau face à la justice.


Note : J'ai été inspirée par plusieurs prompts sur le kinkmeme qui demandait Javert transformé en enfant. Les autres détails ne correspondent pas donc je ne considère pas cette histoire comme une réponse à un d'entre eux, mais c'est de là que l'idée m'est venue.