« -Allez, du nerf !
Je tapais de toutes mes forces contre cet arbre à l'écorce robuste. Mon bâton de bois commençait, lui, à rendre l'âme : il était cassé à multiples endroits.
Trop essoufflée pour protester, je mis toute mon énergie dans un dernier coup qui fut critique pour mon bâton. Il se brisa dans un craquement sourd. Haletante, je tournais les talons.
-Satisfait ?
Mon oncle Thor me scruta de ses yeux gris et perçants. Sa chevelure blonde reflétait le soleil cuisant de ce jour-là. Il croisa les bras avant de me répondre en secouant la tête, ses cheveux se balançant de part et d'autre de ses épaules :
-Ce n'est toujours pas assez, et tu le sais très bien. Je t'entraîne depuis que tu es toute petite et j'ai tenté de renforcer ton entraînement avant ton départ, mais ça n'a pas l'air de marcher… Tu n'es pas encore prête à recevoir l'arme sacrée. Pas encore.
Je fis la moue. Thor souri d'un air nonchalant dont il avait l'habitude
-Allez, fais pas cette tête ! Je suis sûre que tu maîtriseras tes pouvoirs, quand tu seras là-bas ! Après tout, tu es intelligente, bien la fille de ton père…
Son visage prit une expression triste. Il était soudainement comme plongé dans ses souvenirs. C'était toujours comme ça, quand on parlait de Père…
-…Oncle Thor ?
Sa mélancolie prit fin soudainement. Thor sursauta au son de ma voix.
-Quoi qu'il en soit, la leçon est terminée pour aujourd'hui. Pars vite te préparer, un long voyage t'attend ! »
J'hochais la tête avant de descendre les grands escaliers qui descendaient de la terrasse. Mes pas résonnaient sur le sol de marbre.
Mon nom est Mia, Mia Lokichild. Si vous ne l'avez pas remarqué à mon nom, je suis une Déesse. Mon père, Loki, est le Dieu Trickster d'Asgard. Habituellement, j'habite sur Terre, mais je remonte parfois pour voir ma famille. Je n'ai jamais été comme tout le monde, depuis toute petite, même si mes pouvoirs se sont déclarés quand j'avais 4 ans. A cette époque, je n'avais pas beaucoup d'amis. Je sais qu'à cet âge-là, les enfants sont incroyablement stupides. Mais cela n'empêche que je me suis toujours sentie seule, Si seule. Les humains m'avaient rejeté, et je les haïssais secrètement aussi. On dit que cette j'ai hérité cette haine de Loki. Moi, je ne pense pas que Père soit quelqu'un de mauvais.
Alors à la fin, je passais tout mon temps à Asgard. Je m'amusais avec mon oncle Thor et Bragi m'apprenait à lire. Au fil du temps, je n'ai plus jamais quitté la Terre des Dieux. Mon chez-moi.
Puis j'ai commencé à grandir et j'ai dû fréquenter un collège. On m'a envoyé en France, dans une école pour sorcier de « Beaubaton ». Mes pouvoirs pouvaient être utilisés sans l'aide d'une baguette, mais cela m'aida néanmoins à développer mes capacités. Ainsi, je me suis aussi fait mon premier ami : Alex. C'était mon camarade de conneries et mon meilleur ami.
« -Fais bon voyage, ma fille. Je t'offre pour ton départ, ce marteau sacré et béni par les Dieux. Taillé dans la même étoile que le Mjöllnir de Thor, il saura te protéger si toi, tu prends soin de toi. « Aide toi, le ciel t'aidera ».
Je pris l'objet embaumé de bandages et l'accrochai à mon dos. Je le trouvais étrangement léger.
-Seule toi et toi seule pourra l'utiliser. Oh et, si ce Mjöllnir-là a un manche plus long, c'est parce qu'il n'y a pas de Dieu fripon pour déconcentrer le forgeron.
Il éclata de rire. Moi, je ne rigolais pas. Je me dis qu'Odin avait parfois un humour douteux.
Après avoir reçu la bénédiction du Dieu d'Asgard, je descendis jusqu'au portail de la cité. Thor m'y attendait.
« -Te voilà fin prête. Et dire que tu étais encore un nourrisson il y a de cela 1000 ans. J'ai l'impression que c'était hier… Les enfants grandissent bien vite…
-Où est Père ?
Il me fixa d'un air désolé
-Ton père, et bien… Il a eu un empêchement, tu sais bien.
Je compris enfin. Je compris quel était ce goût amer qui persistait dans ma bouche depuis ce matin-là. Depuis mon réveil, je savais déjà que mon père ne serait pas là pour me dire au revoir. Je le savais et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de garder une lueur, l'espoir secret, au fond de moi, qu'il viendrait me sentis les larmes me monter aux yeux. Des goûtes salées dévalèrent mes joues. Avant que je ne m'en rende compte, j'étais dans les bras de mon oncle. Je serai le plus fort que je pouvais.
-Ne te chagrine pas, tout se passera bien, dans ta nouvelle école, j'en suis sûre. Tu es ma nièce adorée et je te chéris plus que n'importe quoi.
De nouveau cet air mélancolique. Je répondis pour lui dans mon esprit « Avec mon frère »
-Cette cité sera toujours ton chez-toi. Allez, reviens-nous vite et en bonne santé. Et puis, tu as ton Mjöllnir. Quand tu rentreras de Midgard, on combattra ensemble, comme au bon vieux temps.
Je reniflai bruyamment
-Promis ?
Il me serra encore plus fort, avant de relâcher son étreinte
-Promis.
Après une heure de marche, j'arrivais enfin à la porte, frontière entre le monde du Ciel et de la Terre. Heimdall, le gardien du Bifrost, l'arc-En-Ciel tricolore qui relie Asgard et Midgard, me laissa entrer dans une pièce sombre et froide. Je tremblais, quand je me sentis soudainement propulsée vers l'avant. Une explosion de couleur s'offrait autours de moi. Je ne savais si c'était les étoiles qui tombaient ou bien si c'était moi qui allais trop vite. Enfin, j'atterris misérablement sur le trottoir d'une ville qui me semblait être Paris. Je me levai en titubant avant de partir vomir dans les caniveaux. Le voyage Asgard-Midgard ne me réussissait jamais vraiment. Venant s'ajouter à mon calvaire, une violente averse s'abattit sur moi et je me retrouvais ainsi, en un instant, trempée jusqu'aux os.
Je rassemblai mes bagages et sortis mon plan de la ville tout en éternuant.
« -Alors, la gare… »
Un éclair blanc déchira le ciel, me faisant sursauter. Je regardai les nuages en souriant, me faisant bousculer par des passants pressés. Je pris une grande inspiration avant de crier en direction des Cieux :
« C'EST PROMIS, HEIN ? ! »
Comme pour me répondre, plusieurs éclairs s'abattirent non loin de là où je me trouvais. Les gens autour de moi me dévisageaient. Mais ça, je m'en fichais.
Sur le quai de la gare, des personnes aux chariots remplis à ras-bord couraient dans tous les sens. Je jetai ensuite un œil sur mon sac ridiculeusement petit et mon maillet recouvert. Une pensée me traversa soudain l'esprit.
« -Au fait, je n'ai toujours pas dit à Oncle Thor la raison de mon renvoi… »
Je baillai, me décrochant presque la mâchoire.
« -Bah, pas grave »
Et je m'assoupis, bercée par le son des goûtes de pluie sur le toit de la gare.
