Chapitre 1. Une arrivée douloureuse
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Souffrir, c'est très rassurant Ca n'arrive qu'aux vivants. Renaud.
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-Enfin, un peu de repos, soupira Lily en entrant dans une petite salle de repos, s'affalant dans un siège, sans le moindre égard pour sa tenue d'infirmière d'un blanc immaculé.
Deux jeunes hommes et une femme d'une quarantaine d'années entrèrent à leurs tours, et l'imitèrent avec un soupir de soulagement.
-On a de la chance fit l'un des garçons en jetant un œil par la fenêtre qui révélait une nuit noire, c'est rare qu'on puisse se poser avant trois heures du mat' ! Et puis, ton secteur est presque resté désert Lily, alors que le mien... Enfin, heureusement que tu étais là !
C'était un immense jeune homme d'à peine plus de vingt ans, avec une coupe décoiffée, très à la mode ces dernières années avec un faux air pincé qui masquer à s'y méprendre sa jovialité.
-Shuuuttt ! Joffrey ! Tu vas nous porter la poisse avec tes conneries ! Fit Marie, une aide-soignante corpulente en lui administrant une tape amicale sur le dessus du crâne. C'est notre dernier jour avant la semaine de recup', alors pas de blague !
-Si une déchoc' arrive, je t'en tiendrais pour seule responsable, plaisanta Lily dans un sourire.
Elle aimait l'ambiance bonne enfant qui régnait dans les urgences de l'établissement parisien où elle avait obtenu un poste d'infirmière il y a trois ans, et ne laissait pas d'entendre ses collègues se taquiner à leurs rares heures de paix.
À peine eut-elle le temps de plongée les lèvres dans sa tasse de café brûlant qu'un interne entra en trombe et s'écria :
-Une urgence... Une vraie ! Dépêchez-vous !
Tous se levèrent d'un bon et se précipitèrent après avoir jeté un regard noir au cadet de l'équipe.
Dans le couloir, un brancard de réanimation allait bon train vers la salle de déchoquage, prévu pour les urgences vitales. Le secteur confié à Lily pour la nuit, et qui était à cette heure-là, encore vide. Cette dernière interpella l'infirmière du SAMU qui lui fit un rapide topo, imitée par les médecins non loin :
-Des passants nous ont appelées, après avoir vu ce type sortir de nuls parts. Il souffre de blessures multiples, possiblement de fractures, et de dénutrition sévère. Nous avons dû lui découdre les lèvres pour l'intuber... Ces jours ne sont pas en danger dans l'immédiat, mais vous êtes bon pour un bilan complet... Il pourrait décompenser à tout moment... Ce type n'est qu'une blessure, on ne sait même pas par ou commencer... Il a du vivre un véritable enfer, et ceux, depuis un certain temps...
-Vous lui avez décousu les lèvres ? S'étonna Lily, mais qui aurait pu...-Nous n'en savons rien, il n'a pas repris conscience depuis que nous l'avons trouvé. Bonne chance !
Une fois le patient arrivé dans l'endroit voulu, tout se passa très vite, et en moins d'une dizaine de minutes, tous les dispositifs de surveillance nécessaires avaient été méticuleusement installés et opérationnels sur cet homme qui demeurait inconscient.
Ce n'est que durant une brève accalmie, soit le moment ou la jeune infirmière attendait le radiologue avec son appareil "portable" que Lily s'accorda le temps d'observer son nouveau patient plus en détails.
Il devait avoir, vingt-cinq, trente ans tout au plus, et son visage n'étaient qu'ecchymoses et blessures sur lesquelles c'était collé diverses saletés. Ses cheveux lui arrivaient environs aux épaules, étaient d'un noir de jais, emmêlés à souhait. L'infirmière se saisit d'un gant de toilette et d'un peu d'eau pour tenter de nettoyer les plaies superficielles de son visage quand elle entendit la voix de Marie qui pestait un peu plus loin dans la pièce :
-Il n'y a rien dans ses affaires, rien du tout ! Pas un papier, pas l'ombre d'un portefeuille ou d'une pièce d'identité ! Il n'y a que... Vêtements noirs poisseux découpés par le SAMU ! Déclara-t-elle avec une mine dégoûtée en fourrant le tout dans un sac portant le nom de l'hôpital.
-Ce sera donc Mr. X. jusqu'à ce que nous en sachions plus, déclara Lily d'un ton résigné, en continuant à son ouvrage, ça faisait longtemps que nous n'avions pas eu d'anonyme ici...
Et ce n'était pas à regret. Les "anonymes" étaient souvent des gens avec des histoires complexes, et même très triste. Souvent sans amis, sans famille... Et sans dossier médical accessible. La police internerait souvent dans ses cas-là, et l'on découvrait que le patient était en vérité un agresseur, ou une victime d'un crime quelconque et que l'anonymat était une nécessité, bien que souvent accompagné d'un lot de mensonges aussi dangereux que confortable.
-C'est la faute de Joffrey ! J'espère qu'il préparera un gâteau pour se faire pardonner !
-Il faudra lui faire part de l'idée, approuva l'infirmière alors qu'elle achevait sa tâche pour une autre, bien moins plaisante : l'administration. Aussi indispensable que rébarbative.
Alors que l'infirmière s'écartait du patient, les fines mains de Mr. X la saisirent avec violence, et elle rencontra ses yeux bleus, qui brillaient de panique alors que son corps s'était mis à s'agiter de manière désordonnée.
-Du calme Monsieur, fit Lily, un peu dérouter par si soudaine réaction alors que toutes les machines s'affolaient autour d'eux, du calme. Vous êtes aux Urgences de Lariboisière, à Paris... Nous allons prendre soin de vous. Est-ce que vous avez mal quelque part ?
Mais l'homme ne desserra pas sa prise, au contraire. Il fit mine de vouloir se relever, tirant dangereusement sur sa perfusion. Mais il était faible, et malgré que Lily soit plutôt dans la catégorie poids plume, elle parvint à le retenir, priant néanmoins Marie d'aller chercher du renfort rapidement. Malgré son état de faiblesse, cet homme avait un physique assez musclé, et la peur pourrait bien avoir raison du mètre soixante-dix de l'infirmière.
-Non, vous êtes blessé, vous ne devez pas bouger poursuivit d'une voix douce, qui se voulait rassurante. Du calme, personne ne vous fera de mal ici... Je suis Lily, l'infirmière des urgences, et vous êtes ?
-Loki, fit-il d'une voix faible et étranglé, alors que ses yeux se refermèrent alors que son corps s'agitèrent de tremblement avant de s'apaiser de nouveau.
Le médecin de garde arriva en trombe suivit des deux autres infirmiers un instant trop tard.
-Que s'est-il passé ? Demanda Joffrey d'une voix inquiète.
-Notre patient ne a eu un réveil agité, l'espace de quelques instants... Je n'ai réussi qu'à savoir son nom : Loki. Rien de plus.
-Un battant, lâcha le médecin en allant examiner son patient, c'est une bonne chose. Mais s'il s'agite à nouveau, 5mg d'Haldoperidol dans le fessier de notre Mr Loki. Ne prends aucun risque Lily, ce serait dommage que l'on t'abîme juste avant tes vacances !
Tout au long de la nuit, les examens s'enchaînèrent, et Loki ne se réveilla plus, notamment par ce qu'il lui avait donné un traitement afin qu'il puisse se reposer paisiblement.
Alors que l'aube se profilait, les comptes-rendus des examens complémentaires arrivèrent. Le jeune homme souffrait de trois côtes fracturées, de dénutritions ainsi que de plusieurs plaies sur-infectées. Des marques de sévices et de séquestration avaient été constatées et les forces de l'ordre averti.
Cependant, aucune trace de signalement de cet homme, ou que ce soit en France. Personne ne l'avait recherché, ou ne s'était inquiéter pour lui.
Une constatation qui serra le cœur de Lily, qui ressentit une grande tristesse à cette constatation.
Tandis que Lily mesurait les paramètres vitaux de son patient endormi et malgré les médicaments, ce dernier la fit sursauter en lui demandant un verre d'eau d'une voix éteinte. L'infirmière la regarda, surprise, et obtempéra rapidement.
La jeune femme aux cheveux blonds vénitiens ramassés en un chignon décontracté était dès plus étonner. Elle l'observa avec attention alors qu'il portait le verre à ses lèvres, jetant un œil inquiet à sous ses câbles qui reposait sur lui.
Elle l'observa avec attention alors qu'il portait le verre à ses lèvres, jetant un œil étonné à sous ses câbles qui reposait sur lui. Des lèvres gercées, avec juste au dessus des marques indiquant qu'elles avaient été cousues, arrachant un frisson d'horreur à Lily qui détourna rapidement les yeux, refusant d'accepter que l'on pouvait faire cela à un homme.
Sa peau était d'albâtre, et de nombreuses cicatrices plus ou moins anciennes, dont une plus marquée que les autres, d'une dizaine de centimètres de haut pour deux de large.
Un miracle que l'on puisse survivre à une telle blessure... Et un bon chirurgien.
Elle reporta son attention sur son patient qui lui rendit le verre d'eau, et elle demanda :
-Avez-vous mal ?
-Cela n'a aucune importance...Où... Où suis-je ?
- À l'hôpital Lariboisière dans le 10e arrondissement de Paris. Vous pouvez me dire ce qui vous est arrivé ?
-Paris, répéta-t-il, Hel a vraiment le sens de l'humour... Toussa Loki, Midgard, pour que je souffre encore plus... Pour qu'ils viennent me tuer...
-Loki, personne ne viendra vous tuer, vous êtes en sécurité ici... Je vais appeler le docteur, pour qu'il vous examine.
Lorsque que sept heures arriva enfin, l'équipe de nuit achevait sa garde de douze heure pour un repos bien mérité. Quand Lily quitta le service, le médecin était toujours dans la salle de déchoquage avec Loki. À contre cœur, elle quitta le service sans le saluer, sachant qu'elle ne le rêverait sans doute jamais. Dans les urgences, les gens n'étaient que de passage. Il venait chercher de l'aide durant la phase aiguë de leur maladie, et disparaissait aussi vite qu'ils étaient venus. Pas le temps de créer des affinités, pas de risque de créer des liens avec un de ces passagers d'un temps qui filait à toute allure.
Et c'était mieux ainsi.
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Fin de chapitre.
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Vos premières impressions?
