Titre: Le retour du fils prodigue.

Personnages: Théodore Nott, & Hermione Granger en second rôle.

Résumé: Théodore Nott revient de son exil forcé à Durmstrang, l'école de sorcellerie bulgare. Pourquoi semble-t-il avoir autant changé au cours de cette année passée? Et surtout, pourquoi son père l'a-t-il envoyé en Bulgarie?

Rating: un moyen T. hé oui les gars, on n'est pas dans le monde des bisounours.

Note de l'auteur: j'ai voulu écrire une fic' exclusivement du point de vue de Théodore. J'ai donc modelé le personnage à ma façon, et vraiment, il me plaît comme ça. Je ne pouvais pas faire cette histoire sans le pousser dans les bras d'Hermione Granger, c'est d'ailleurs cette relation qui les a poussés à leur propre perte. J'ai voulu qu'ils aient une relation à l'image de Severus et Lily, peut-être exploiterai-je cet aspect là de leur relation plus en détails (au travers de flash-back par exemple) , mais la romance, pour une fois, sera minoritaire. Je compte surtout axer cette histoire autour de l'exil forcé de Théodore à Durmstrang, sur son passé, mais aussi, sur sa rivalité avec Drago Malefoy ou encore son refus de rejoindre les Mangemorts, et son combat pour la liberté, sachant que dans l'absolu, il ne rejoindra aucun camp, il fait cavalier seul. Vous comprendre aussi pourquoi la mention fils prodigue, parce que j'aurai évidemment des choses à raconter sur ce point. J'ai écrit ce prologue avec les bandes originales du Da Vinci Code et de Henri IV, toutes deux composées par Hans Zimmer, donc pas de paroles de chanson pour cette fois =) j'espère que vous serez nombreux à suivre cette histoire, qui s'annonce tout de même très sombre.


[PROLOGUE.]

Durant toute cette année passée à Durmstrang, j'avais eu le temps d'haïr mon père. J'avais haï mon père de m'avoir contraint à l'exil, de m'avoir coupé du monde, de m'avoir forcé à descendre de mon trône, de m'avoir déchu de mon titre. Je le haïssais parce qu'il m'avait pris tous ce que j'avais, il avait fait de moi cet individu froid et sans fantaisie, cet être écorché et sans âme. En résumé, un monstre, à son image, comme Dieu a pu façonner Adam tel qu'il était lui. J'étais pieds et poings liés, enchaîné à ce destin dont je ne voulais pas, j'étais obligé de courber l'échine et d'obéir. Marcher ou crever, c'était la loi. Et moi, j'étais bien trop lâche pour m'enfuir, pour embrasser la destinée que je voulais, pour remporter ce combat déséquilibré.

Aujourd'hui, c'était mon dernier jour en Bulgarie. Demain allait signer la fin de mon exil. À Poudlard, on m'attendait comme le Messie, paraît-il. Mais j'aurais voulu le constater de mes propres yeux. Voir l'envers du décor, assister clandestinement aux différents évènements qui façonnent l'histoire de l'école. J'en avais manqué des choses. J'avais tant à savoir, tant à rattraper. Un an, c'est beaucoup quand on y pense. Il a pu s'en passer des choses, en un an. Des bonnes ou des moins bonnes. Blaise y a pourtant mis toute sa bonne volonté, à tout me raconter en détail. Mais même Blaise, pourtant avide de ragots, ne savait pas tout. Il ne savait pas ce qui se tramait dans l'intimité des salles communes, il ne savait pas ce qui se jouait lorsque nous avions le dos tourné. Personne n'en savait rien. Et j'étais le seul qui pouvait prétendre être omniscient. Lorsque ma gloire était encore à son apogée, j'avais été les yeux et les oreilles de ce bon vieux Poudlard, j'étais celui qui savait tout mais qui ne disait rien, gardant jalousement ses secrets à l'intérieur.

Le vent frais m'ébouriffa les cheveux, alors que les pans de ma veste volaient autour de moi, claquant comme le ferait un drapeau hissé au bout d'un mât. Demain, je n'allais plus être obligé de porter l'uniforme pourpre, je n'allais plus m'efforcer de comprendre cette langue que je ne comprenais toujours pas et que je balbutiais à peine. N'allez pas croire que cette année était infructueuse, bien au contraire. J'avais su bien des choses, que je jugeais utile. Disons que je m'étais lié à certaines personnes par intérêt. Viktor Krum, par exemple. Il ne m'intéressait pas parce qu'il était l'un des joueurs de Quidditch les plus connus au monde, non, il était intéressant parce qu'il était allé au bal avec elle. Dès que j'avais su qu'il était là, il avait fallu que je luiparle, que je lui soutire ces renseignements qui allaient largement contribué à ma survie.

Et ce que j'avais su m'avait fait sourire, drôlement sourire même. Un sourire jubilatoire, certes, mais qui sonnait terriblement faux. J'avais interrogé Krum, je l'avais épuisé jusqu'à la moelle, pour me rendre compte que finalement, il ne savait rien d'elle. Ils étaient restés en contact, et leurs liens s'étaient distendus d'eux-mêmes, pour s'éteindre complètement ensuite. Je ne savais pas s'il m'avait dit la vérité, mais il ne s'était rien passé entre eux. Rien qui ne puisse attiser ma jalousie, en tout cas. De toute manière, s'il m'avait menti, je l'aurais bien vite su. Parce qu'on ne me mentait jamais, sous peine de subir les affres de ma colère. Je n'explosais pas souvent, il est vrai, mais quand je le faisais, mieux ne valait pas rester dans les parages.

Je rentrai finalement au château, l'heure du dîner n'allait pas tarder à arriver. Je m'étais faufilé jusqu'à la Grande Salle, sans que personne ne m'arrête en chemin pour parler, simplement parler. Ici, j'étais une ombre, j'étais anonyme. Au début de l'année, on s'était intéressé à moi parce que j'étais nouveau, et lorsque l'enthousiasme suscité par ce changement était retombé, on m'avait oublié. C'était aussi simple, et aussi compliqué que cela. Dans un sens, ça m'arrangeait, d'être une ombre. Je pouvais voir sans être vu, continuer à observer, comme je le faisais toujours. J'étais tellement discret que ça ne m'étonnait même pas que Voldemort me veuille comme espion, là où mon père aurait aimé me voir bras-droit.

Car là se trouvait la racine du conflit entre mon père et moi. Une racine profondément enfouie, ensevelie, bien ancrée dans un sol en béton armé. Je ne voulais pas faire partie de ce système sordide, mettre le doigt dans l'engrenage. Parce que avec ça, on y mettait le doigt, et c'était le corps entier qui y passait. Je n'avais pas envie d'être grevé à vie par cette malédiction, parce que oui, à mon sens, être enrôlé dans l'armée du Seigneur des Ténèbres était une calamité et non pas un privilège. De même, moi, Théodore Nott, je n'étais qu'un bâtard, je ne pouvais pas prétendre à être davantage qu'un espion.

Un bâtard…mes poings se serrèrent à cette simple pensée. Ces poings que j'aurais pu abattre sur quiconque passant par là si j'en avais eu l'occasion. Ma mère était l'une des nombreuses maîtresses de mon père, et comme il fallait s'y attendre, il l'avait engrossée pour l'abandonner ensuite. Ma mère m'a porté à bout de bras jusqu'à mes onze ans, jusqu'à ce qu'elle ne décède d'une longue maladie. Ou si ça se trouve, elle était juste morte de chagrin. Et cela faisait cinq ans que je vivais avec cette culpabilité écrasante, qui me faisait réveiller en sursaut la nuit parce que mes rêves avaient été troublés par d'horribles cauchemars. Cela faisait cinq longues années que j'étais persuadé que c'était à cause de moi qu'elle était morte, parce que j'étais parti pour Poudlard, Parce que son fils unique et adoré l'avait abandonnée.

L'année suivante, j'étais retourné vivre avec mon père, qui vivait en autarcie. Il était seul dans un manoir trop grand et trop lugubre pour lui. Un manoir impersonnel, grouillant d'elfes de maison et où, comme j'en avais eu l'impression sitôt après en avoir franchi le seuil, s'étaient déroulés des évènements macabres. Les appartements de ma mère étaient chaleureux, illuminés de sa noble présence. Plus tard, lorsque je fus en âge de comprendre, j'ai appris que mon père avait assez d'argent pour entretenir chacune de ses maîtresses, et que ces appartements avaient été offerts à ma mère en guise de dédommagements. Ma vie changea alors du tout au tout. Pendant onze ans, j'avais été pourri par l'amour démesuré que me portait ma mère. J'avais été choyé, protégé, j'avais été traité comme un prince. Elle ne m'avait jamais rien privé de quoi que ce fut, et avec elle, j'avais eu une existence douce et heureuse, même si la figure paternelle manquait cruellement à ma vie.

Puis, Merlin semblait avoir pris connaissance de mes prières, puisqu'il m'a permis de connaître mon père. Dès lors, je connus une vie de privations, d'humiliations, de froideur et d'indifférence. J'avais cessé d'aimer, je m'étais mis en veille, je m'étais réfugié dans mes livres comme d'autres buvaient de l'alcool pour oublier leurs soucis. Petit à petit, le souvenir de ma mère s'était estompé dans mon esprit, pour devenir de plus en plus lointain. J'avais appris à vivre sans elle, et ce, au prix d'une grande souffrance, de châtiments corporels, comme si mon père cherchait à me punir de mes origines: après tout, je n'étais qu'un enfant illégitime, un fils indigne de lui succéder dans l'empire Nott, un incapable, un utopiste. Et mon utopie, c'était un monde où Voldemort n'existait pas, où je n'étais pas obligé de suivre la funeste destinée qui était la mienne. Tôt ou tard, j'allais tomber au combat, et je ne voulais pas que ma vie ne s'achevât de la sorte. Je voulais vivre. Je voulais être libre. Je voulais faire honneur à ma mère, qui aurait fortement réprouvé ce que j'étais en train de devenir.

Ce fut l'esquisse d'une conversation qui me tira de mes réflexions. Viktor Krum s'était penché vers moi, pour m'adresser des futilités, comme toujours, depuis qu'il croyait que nous étions copains. L'ombre d'un sourire sournois se dessina sur mes lèvres tandis que je portais à mes lèvres le gobelet empli de vin pour en boire une gorgée. Déjà, je ne l'écoutais plus. J'étais en train de penser que c'étais grâce à elle qu'il savait se débrouiller en anglais, et que moi, après un an, je savais à peine balbutier quelques mots de bulgare. Je resserrai ma poigne autour de la coupe, m'imaginant que j'étais en train de l'étrangler. Puis, tout en dédiant à mon interlocuteur une grimace emplie d'arrogance, je lui assénai:

-Krum, Krum, Krum, s'il te plaît, sois gentil. Va ennuyer quelqu'un d'autre, tes babillages ne m'intéressent pas.

Ce n'était pas très gentil, ni même très poli de lui asséner une telle vérité après l'avoir mené en bateau pendant presque un an, mais la jalousie me faisait faire des choses qui dépassaient ma seule volonté. En quelques mots, je venais de détruire ce que je m'étais évertué à bâtir, pour des mauvaises raisons, certes, mais il n'empêche que j'y avais investi beaucoup de temps et d'énergie. Sans regrets, je me surpris à penser. J'avais eu les renseignements que je convoitais, tant pis pour l'autre idiot qui me regardait avec incompréhension, avant de se tourner vers son voisin, légèrement vexé. Je bus une autre gorgée de vin, dardant mon regard outremer sur la silhouette gracile d'une fille qui me faisait cruellement penser à elle. Ma poigne se resserra davantage, alors que je sentais la jalousie me bouffer de l'intérieur. C'est à croire que je ne pouvais pas vivre sans ressentir tout un lot de sentiments négatifs. Mon moteur, c'était la haine, mon réconfort, c'était la douleur, ma raison d'être était indéniablement rattachée à ma jalousie, tout comme je ne pouvais vivre qu'à travers toute la rancœur qui m'habitait. J'avais le cœur noirci de toutes ces passions négatives, Thanatos avait fini par prendre le pas sur Eros, l'écrouant à double tour. Les autres avaient tort lorsqu'ils disaient que les Serpentard n'avaient pas suffisamment d'humanité pour pouvoir ressentir quoi que ce fût. J'étais suffisamment vivant pour être remué par tout ça.

Le goût de sang qui inondait ma bouche était mon pain quotidien, tout comme les migraines qui s'en suivaient. J'avais mal, de me foutre en rogne pour un oui ou pour un non, j'avais mal d'imaginer que ses sales pattes avaient pu se poser sur elle. Et le simple fait de savoir qu'il n'y a rien eu d'autre, que j'avais été le seul à lui avoir accordé un baiser, ne suffisait pas à réfréner mes passions, j'étais vindicatif, fiévreux et virulent, j'étais la peste qui s'abattait sur un village tel un fléau, j'étais le mal qui gangrenait la chair. Mon cœur glacé avait emmagasiné la violence que mon enveloppe charnelle avait subie, et la douleur suintait de chacune des cicatrices qui jadis m'avaient mutilé. Il était bon que je partais demain, je me mis à songer, je n'aurais pas pu rester un jour de plus ici. Retrouver la mère patrie me ferait le plus grand bien, j'en étais convaincu.


-Théodore, quelle bonne surprise! S'écria mon père d'un ton qui se voulait enjoué. Déjà rentré de Bulgarie? Ton voyage s'est bien passé?

-Tu le saurais si tu étais venu me chercher à la gare. Je répliquai, acerbe. Mais tu as sûrement mieux à faire que de retrouver ton fils unique après une si longue séparation.

-Tu sais tout comme moi les raisons qui m'ont contraint à t'exiler là bas, mon fils. C'était nécessaire pour que tu retrouves la raison.

-eh bien, vous devriez vous réjouir du succès de votre manœuvre, mon père, je suis guéri. J'affirmai, non sans adresser à a figure paternelle un sourire narquois.

Nott Senior darda sur ma silhouette efflanquée un regard venimeux, traduisant toute l'acrimonie qu'il éprouvait à mon égard. Sa haine, son mépris. Simplement parce que je jetais le voile de la honte sur sa sacrosainte famille, à laquelle je n'avais même pas le sentiment d'appartenir. Je lui en voulais, à mort, d'être responsable de tant de mes maux, de tenter d'avoir le contrôle sur ma pitoyable vie.

-en effet Théodore, tu m'as l'air flambant neuf. Suffisamment changé, en tout cas, pour que je puisse te permettre de retourner à Poudlard.

-Cela n'a pas l'air de vous émouvoir outre mesure.

-à mon sens tu étais bien mieux en Bulgarie, au moins, Karkaroff pouvait t'avoir à l'œil.

-Je n'ai rien fait, là bas, qui puisse compromettre votre réputation. Je répondis simplement. Posément.

J'avais appris, avec le temps, qu'il était inutile contre Nott Senior, que je n'aurai jamais gain de cause face à cet homme cruel et acariâtre. Nott Senior gagnait toujours, quels que soient les moyens employés pour ce faire. Quitte à me mettre un sbire de Voldemort sur le dos. Je savais très bien à qui Igor Karkaroff avait porté allégeance, il ne fallait pas non plus être né de la dernière pluie pour le deviner. Même si j'avais obtenu cette information de façon tout à fait fortuite. Pour une fois, je n'espionnais pas, j'avais simplement surpris une conversation au détour d'un couloir. Je me mis à faire les cent pas devant le bureau de mon père, qui n'avait pas daigné lever le regard de ses papiers.

-Il paraît que Voldemort est de retour? Je m'enquis, platement, ayant parfaitement conscience que je m'engageais sur un terrain miné.

-Je te prie d'avoir un peu plus de respect pour ton futur maître, m'asséna-t-il durement alors que je m'étais renfrogné. Tu n'espérais tout de même pas échapper à ton devoir?

-Non, mais je pensais que cette longue…pause vous aurait permis de revoir vos ambitions concernant mon avenir.

-Et pourquoi le ferais-je?

-Pourquoi vous ne le feriez pas?

Un sourire satisfait vint tordre mes lèvres, alors que je m'étais arrêté de déambuler. Mon insolence avait eu l'effet escompté. Nott Senior venait de lever ses yeux de ses précieux papiers. Il rajusta son monocle, pour m'examiner attentivement. Nott Senior…C'est drôle quand on y pense, j'étais tout bonnement incapable de l'appeler père. Encore moins papa. Me faire prononcer ce mot reviendrait à m'arracher un bras. Finalement, ce n'était pas plus mal que je sois obligé de le vouvoyer, cela me permettait de maintenir une certaine distance entre nous. Manifester tant de familiarité à son égard m'aurait sans nul doute tué. Je repris, tout aussi calmement.

-Je tiens à vous rappeler, cher père, je sifflai, avec dédain, que vous ne vous êtes jamais préoccupé de mon existence jusqu'au décès de ma mère. Et bizarrement, maintenant, je vous intéresse. Je ne crois pas que le retour de Voldemort et la soudaine attention que vous me témoignez ne soient que des simples coïncidences. Après tout, cela fait des années que vous me conditionnez pour que je corresponde à cet idéal que vous vous êtes créé.

-Effectivement, je vous ai conditionné, mais je ne pense pas que ce soit assez, espèce de vaurien. Tu ne sera jamais mon fils puisque tu n'es qu'un bâtard et que de toute évidence, tu n'as aucune goutte du sang Nott qui coule dans tes veines.

-Je suis ravi de l'entendre, je me permis d'ironiser, ne voulant surtout pas laisser entendre que sa remarque m'avait blessé. Je suis rassuré de savoir que je n'ai rien en commun avec vous.

Je sus instantanément que j'étais allé trop loin, que je n'aurais pas dû dire ça. Mais la haine que je ressentais à l'égard de mon géniteur était trop vivace pour que je puisse l'étouffer, elle avait pris le pas sur ma raison, sur mes capacités de réflexion. Et je compris d'autant plus mon erreur que Nott Senior venait de m'asséner une gifle magistrale, qui me fit légèrement vaciller. Je clignai des yeux, sous le choc, portant ma main à ma joue meurtrie. Nott Senior allait recommencer, quand mes doigts fins s'enroulèrent autour de son poignet pour l'en empêcher.

-Vous avez perdu le droit de me frapper dès lors que vous m'avez abandonné.

-Je vois que les leçons de discipline que je t'ai inculquées n'auront servi à rien, tu est toujours aussi inutilement frondeur et désespérément idiot.

-Je n'ai que seize ans, père, je ne suis qu'un enfant. Vous ne l'avez jamais compris.

-Tu n'es plus un enfant, Théodore. Dans un an, tu atteindras la majorité magique. Dans un an, tu devras faire des choix.

Je ne suis plus un enfant, bien sûr que non. J'avais grandi beaucoup plus vite que les autres, modelé par le deuil, stigmatisé par mes vieilles cicatrices. J'avais toujours été doté d'une certaine sagacité, me rendant différent des autres. J'avais un esprit brillant et intelligent, et ce même si mon père se plaisait à penser que je n'étais qu'un crétin. J'étais aussi terriblement cartésien, concis, et particulièrement éveillé. Je n'étais pas du genre à me pétrir d'illusions, même si j'avais commencé à ébaucher un semblant d'utopie. Le Choixpeau avait même envisagé de m'envoyer à Serdaigle, tant je savais faire preuve d'esprit, mais j'avais refusé, de toutes mes forces, encore bercé par la chimère que je pouvais faire la fierté de mon père en allant à Serpentard, la maison de mes ancêtres. C'est alors que j'avais amèrement regretté mon choix, peut-être que si j'avais été effectivement réparti à Serdaigle, on m'aurait laissé tranquille avec tout ça. Mais plus tard, j'ai compris que je ne pouvais rien faire, que ma maison d'appartenance n'aurait rien changé quant à ma mission future, mon père m'aurait quand même envoyé au combat, même si j'avais été un stupide Poufsouffle ou un imbécile de Gryffondor. Et encore. J'aurais sans doute été renié si je m'étais retrouvé ailleurs qu'à Serpentard.

Je jetai à mon père un regard incertain. moi-même je ne savais pas où je devais aller, ce que j'allais devenir. Mon avenir ne m'avait jamais paru aussi nébuleux, c'était comme si le temps m'était compté, comme si l'épée de Damoclès s'apprêtait à s'abattre sur ma nuque trop fragile. J'étais grevé par la malédiction de ma mère, le sang pourri des Nott coulait dans mes veines, j'étais le descendant de ces branches maudites. C'était donc ça, mon destin? Mourir alors que je n'étais qu'à l'aube de ma vie, mourir à genoux qui plus est, à servir un vieux fou complètement mégalomane? Je ne voulais pas d'une vie passée dans la servitude, dans le mensonge, dans la clandestinité. Je ne voulais pas voir ma peau imprimée par ces pigments indélébiles, je ne voulais pas m'enfoncer davantage dans les ténèbres.

Non, je n'étais plus un enfant, il est vrai. Mais j'étais humain. J'avais des désirs, des ambitions, qui ne cadraient pas vraiment avec ceux de mon père. Comme tout le monde, j'étais hanté par mes propres démons, j'avais peur aussi. Peur de tout, peur de mon ombre, peur d'aimer, peur de m'attacher, peur de partir sans pouvoir revenir. Et en servant Voldemort, je gagnais un ticket pour l'enfer, un aller-simple, le cul vissé sur un strapontin qui ne manquerait pas de m'éjecter à la première embardée. Non, ce que je voulais, c'était prendre le train pour la liberté, celui qui me laissera entrevoir la lumière. J'étais comme un aveugle qui avait besoin de recouvrer la vue. Il ne s'agissait plus d'un simple confort personnel, il s'agissait bel et bien d'un désir vital, viscéral, devenu essentiel à ma survie.

-C'est à croire qu'un an n'était pas assez. M'asséna mon père, en me gratifiant d'un sourire doucereux. J'avais pourtant préconisé l'utilisation plus fréquente des châtiments corporels dans ton cas.

-Vous ne parviendrez jamais à tuer ce que ma mère s'est appliquée à faire de moi. Je murmure, dans un souffle, alors que mon père s'était fendu d'un rictus mauvais.

-Elle t'a bourré le crâne avec des sottises, mon fils! Un Nott n'aime personne, et surtout pas les sang-de-bourbe! un Nott ne fléchit pas devant l'adversité, un Nott digne de ce nom, mon garçon, doit véhiculer les valeurs inhérentes à son rang social et à son sang. Un Nott ne doit pas foutre en l'air de quelques malheureuses paroles ce que ses ancêtres se sont échinés à construire! Et toi, Théodore, et toi, tu as fait exactement ce qu'il ne fallait pas faire, ce qui signifie que tu es complètement indigne de notre lignée. Tu une erreur, mon garçon, une grossière erreur et j'aurais pu t'éliminer d'un avada kedavra il y a bien longtemps de cela. Mais sache bien que tu dois ton salut au Seigneur des Ténèbres, il est très intéressé par ta personnalité et tes capacités. Il a lui-même estimé qu'éliminer un esprit comme le tien serait un immense gâchis. Alors je te prie de bien vouloir lui prouver qu'il n'a pas eu tort en te laissant la vie sauve. Ai-je bien été clair?

Je lançai à mon géniteur un regard abattu, écœuré par ses paroles. Il venait encore une fois de me dire que je n'étais qu'une raclure, que je ne méritais pas de vivre et que si j'étais encore en vie à l'heure qu'il est, c'est parce que j'avais un tant soit peu de matière grise exploitable à souhait. Je pinçai les lèvres, profondément blessé, puis je répondis, froidement:

-Vous avez été on ne peut plus limpide, père.

J'avais presque craché ce mot avec dégoût, alors qu'une violente nausée commençait à me tordre les entrailles. J'adressai un énième regard blessé au paternel, avant de transplaner brusquement, sous son regard ahuri. Il ne fallait pas surtout pas qu'il s'attende à me revoir de sitôt.


Furieusement, je jetais une vieille balle de tennis contre le mur de ce qui avait été mon ancienne chambre. Je m'étais enfui du manoir Nott pour me réfugier chez ma mère. Sa maison avait été abandonnée depuis longtemps, mais qu'importe, ici, je me sentais chez moi, mieux que n'importe où ailleurs. La balle rebondissait d'un bruit sourd, et ce même son se répercuta sur les parois de ma boîte crânienne. J'avais ramené mes genoux contre mon torse. J'avais l'air si fragile ainsi, si vulnérable. Ma carcasse était à l'image de ce qu'elle habitait: une âme exsangue, poussée à bout, qui semblait porter le poids du monde sur ses épaules décharnées. Si jeune, c'était de la pure folie. Mais personne ne semblait assez lucide dans ce monde de fous pour le comprendre, tous semblaient au diapason, tous respiraient le même air contaminé par tant de démence, tous semblaient marcher sur la tête, et moi, j'étais peut-être bien le seul qui marchait encore droit. Des bruits de pas me firent tourner la tête, alors que je m'apprêtais à relancer cette balle, dans ce même geste répétitif, presque mécanique.

-Ha, tu es là. Je t'ai cherché partout.

J'accueillis les paroles de mon meilleur ami avec la plus grande indifférence. Puis, je me mis à lancer cette balle, de nouveau, sans en être calmé pour autant. C'était à croire que j'étais condamné à me laisser consumer par toute la rancœur qui m'habitait. J'avais mal, mon cœur saignait, mais je n'avais pas l'intention de surenchérir dans le pathos, je m'isolais quand ça n'allait pas, et je tergiversais. Point. Je ne m'apitoyais pas sur mon sort, je savais rester digne et fier, dans toutes circonstances. Personne ici bas ne devait se douter que j'allais mal, que j'avais le cœur en vrac, que j'avais envie de massacrer ceux qui m'ont fait du mal, ceux qui s'activaient déjà à creuser ma tombe. Blaise Zabini s'approcha un peu plus de moi, une ride soucieuse venant barrer son front. Il se faisait du souci pour moi, je le savais, mais je n'avais rien à dire, j'étais déjà passé à autre chose, un Serpentard oublie vite, ça sait rebondir. Un peu à l'image de cette balle, tiens, qui venait de frapper la cloison en émettant un poc sonore.

-Qu'est-ce que tu as, vieux, tu en tires une de ces tronches. Tu devrais être content d'être rentré, pourtant, tu ne parlais plus que de ça dans tes dernières lettres.

Oui, et c'était une erreur, de m'être exprimé aussi librement. Surtout que je ne pouvais pas totalement faire confiance à mon ami d'enfance. C'était triste, mais c'était ainsi. D'entre nous tous, il était peut-être le seul à être réellement motivé pour être Mangemort, à part peut-être cet imbécile de Malefoy. Je ne pouvais pas lui confier mes doutes, mes craintes. Et c'était bien mieux comme ça. Je ne voulais pas le laisser croire que j'avais des faiblesses. Je ne voulais pas lui laisser l'occasion de jouer sur mes cordes sensibles.

Alors, je gardais résolument le silence, grognant légèrement parce que la balle m'avait échappé. Je ne pouvais même plus contrôler ces mouvements linéaires, tout semblait m'échapper, comme de l'eau qui file entre les doigts. Ma vie était aussi indomptable qu'un cours d'eau, elle était tumultueuse, sinueuse. Comme un cours d'eau, elle prend sa source et s'arrête quelque part. Comme un cours d'eau, elle peut être soit très courte ou soit très longue, pleine de ressources ou au contraire, mortellement vide.

-J'ai eu la merveilleuse idée d'aller voir mon père tout à l'heure. Apparemment, il n'a pas l'air ravi que je sois là. Je me permis d'ironiser, avec une once de méchanceté.

Je voulais paraître détaché, pour pouvoir prétendre m'en foutre, mais ça ne marchait pas, j'étais toujours aussi en colère, toujours aussi haineux. Mes pulsions négatives étaient palpables, évidentes, et ce serait mentir si j'essayais de les cacher. Mais mentir, je savais bien faire, je ne faisais que ça. Ma vie, en elle-même, était un immense mensonge, une odieuse farce, une cruelle bouffonnerie, j'étais moi-même un masque, une imposture, tant et si bien que j'avais fini par y croire, réellement, me perdant chaque jour un peu plus. J'étais doué pour me planquer, pour me trouver des excuses, en bref, me comporter comme le dernier des lâches. Le pire, c'est que personne ne m'en tenait rigueur. À part peut être elle.

Mais ça aussi c'était fini, il n'y avait plus de elle qui tienne, elle avait dû m'oublier depuis le temps, et être passée à autre chose. Je n'oublierai jamais le regard haineux qu'elle m'avait lancé lorsque j'avais osé lui reprocher ses origines moldues. Mais trop tard, le mal était fait. Non seulement je l'avais perdue, mais notre petite aventure était arrivée aux oreilles de mon père. Grâce à qui? À Malefoy, pardi, qui peut m'en vouloir autant à part mon rival de toujours? Et depuis, à chaque seconde qui passe, j'avais eu le temps de me mordre les doigts, comme si je subissais une punition divine, ou quelque chose comme ça, pour avoir bafoué quelque chose d'aussi rare, d'aussi précieux. Elle n'avait pas compris que j'avais volontairement tout sabordé pour la tenir éloignée de ça. Mon univers morbide, carcéral, conditionné, mon mensonge permanent, le plus réussi. J'avais eu une chance de m'en sortir, et j'avais tout gâché, comme d'habitude. C'était à croire que j'étais particulièrement doué pour tout détruire autour de moi.

-Tu sais comment est ton père. Répondit finalement Blaise, après quelques minutes de silence pesant. Il ne fallait pas non plus que tu t'attendes à des effusions de joie de sa part.

-Non, peut-être, mais je ne demande pas la lune non plus. Un Bonjour Théodore, comment tu vas depuis tout ce temps? aurait été largement suffisant. Je singeai, avec un soupçon de sarcasme.

-N'en demande pas trop non plus, Théo. Je sais que ta mère te manque, que tu aimerais bien avoir quelqu'un à tes côtés, pour t'aimer et te soutenir, mais ce n'est pas ça la vie. Nous ne sommes que des maillons dans cette grande chaîne.

-Tu verrais quoi, toi, dans le miroir du Rised? Demandai-je, brusquement, faisant sursauter Blaise.

-Le quoi?

-Le miroir du Riséd! M'entêtai-je. Tu n'as donc pas lu l'Histoire de Poudlard?

-j'ai autre chose à faire que de m'abrutir l'esprit avec des données inutiles.

La remarque de Blaise me fit hausser un sourcil désabusé. Au fond, sa réponse ne m'étonnait guère. Il avait toujours mieux à faire que perdre son temps avec des vieux livres poussiéreux. C'était ce qu'il revendiquait souvent. Lui, au moins, il vivait. J'étais persuadé que, comme moi, il ne faisait que vivoter, mais c'était simplement mon opinion personnel. Je savais ce à quoi je m'exposais si je me risquais à le contredire sur ce point.

-Tu devrais t'instruire plus souvent, je ricanai, légèrement cynique. Si tu avais pris la peine de lire ce livre, tu saurais qu'il existe à Poudlard un miroir capable de te refléter tes désirs les plus enfouis.

-Et ce miroir, tu l'as déjà vu? S'enquit Blaise, soudainement intéressé.

-Non, je suis de plus en plus persuadé qu'il s'agit d'une légende, pourtant, ce n'est pas faute d'avoir passé les six dernières années à le chercher…enfin…cinq, si on enlève l'année que je viens de passer en Bulgarie.

-Pourquoi tu t'obstines à vouloir chercher ce stupide miroir, si ce n'est qu'une légende? Demanda Blaise, légèrement dubitatif.

-Je cherche simplement certaines réponses. Je murmurai calmement, mon regard perdu dans le lointain.

-Et tu penses que ce miroir enchanté va te donner les réponses à tes questions? Se moqua Blaise, qui s'était fendu d'un rictus amusé.

-N'est-il pas censé refléter ce que l'on désire le plus au monde? J'éludai, en haussant les épaules.

-Moi, je ne pense pas que ce soit ton désir le plus cher. Affirma sérieusement Blaise.

Je lui lançai un regard interloqué, l'invitant à poursuivre sa démonstration. Le métis se rengorgea, puis reprit, plein d'autosuffisance.

-Tu désires certes trouver des réponses à tes questions, reconstituer le puzzle de ton passé, mais ces réponses t'effraient également, tu est viscéralement flippé par tout ce que tu pourrais découvrir. Tu avais la possibilité de connaître ces réponses en t'adressant aux bonnes personnes, mais tu ne l'as pas fait. Pourquoi? Parce que tu fuis, éternellement, tu repousses l'échéance alors que tu sais que tu ne peux pas échapper à ton destin. Tu voudrais fuir, comme tu le fais toujours, mais tu ne peux pas, tu es pieds et poings liés, tu luttes, mais c'est en vain. Tout est vain.

-Tu es bien pessimiste. Je raillai, en gratifiant mon meilleur ami d'un sourire narquois.

-Non, je t'ai très bien cerné. Contra Blaise, toujours aussi sûr de ce qu'il avançait. Moi, je pense que tu verrais autre chose dans ton miroir, là. Et si tu as si peur de te regarder en face, c'est bel et bien par peur de ce que tu pourrais y découvrir, tu ne te connais pas vraiment et tu te cherches encore.

Je ne répondis rien, me contentant de regarder ce même point fixe, l'air absent. Jamais je ne l'avouerai, mais Blaise avait raison, je craignais plus que tout de savoir qui j'étais réellement. Mon être entier n'était qu'un vaste mensonge, un vaste et vain mensonge. Merlin sait quels secrets étaient les plus susceptibles d'êtres révélés au grand jour. Peut-être ne voulais-je pas savoir tout ça dans le fond, peut-être que je voulais rester dans l'ignorance, parce que mon mensonge était la solution la plus arrangeante, pour moi. Peut-être que dans mon mensonge, j'étais tout simplement en sécurité.

-Et pour répondre à ta question d'origine, reprit Blaise, légèrement songeur, je pense que je verrais dans ce miroir la reconnaissance que j'ai si longtemps convoitée. Je serais auréolé de gloire et tout le monde me respecterait. Je serai le nouveau maître du monde.

Il ponctua ses dires par un clin d'œil, ce qui me fit hausser les yeux au ciel. À ce moment précis, je ne saurais dire s'il se moquait de moi ou bien s'il disait vrai. Peut-être qu'il était sérieux, après tout, c'était tout à fait le genre de Blaise de convoiter ce genre de choses. Mon meilleur ami regarda autour de nous, songeur lui aussi. Puis, ses prunelles d'ébène se posèrent sur ma silhouette décharnée.

-Et toi, Théo? Qu'y verrais-tu?

-Le bonheur. Je répondis, simplement. Le bonheur, Blaise, le bonheur. C'est tout ce que je souhaite.

-Rien que ça. Siffla le métis, légèrement moqueur. Il me donna une grande claque dans l'épaule. Eh bien mon pote, tu as du boulot.

-Je sais. Mais rien n'est impossible.

-Et ton bonheur, tu l'imagines comment?

-Je ne sais pas. Je répondis, en toute sincérité. Je ne sais pas quelle définition je donnerais au bonheur. Mais…en tout cas, je vivrais dans un monde où il n'y a rien de tout ça. Ça me paraît être le minimum syndical. Le reste…on verra.

Je soupirai longuement, avant de me déconnecter complètement de la réalité. Je m'étais mis en veille, je n'existais plus, ni pour moi, ni pour personne. Un ange passa, et les minutes continuaient de s'égrener en silence, un silence apaisant et confortable. Blaise se décida à rompre ce silence tant béni, en posant une des questions auxquelles je ne voulais pas répondre.

-Au fait…Pourquoi ton père t'a envoyé là bas? Il doit bien y avoir une raison, non?

Je pinçai les lèvres, avant de me renfrogner. Un nom me brûlait les lèvres, un seul. Un nom honni, maudit, détesté, et qui n'était pas celui de mon père. Mais plutôt celui de mon rival, qui s'évertuait à me pourrir la vie.

-Je ne sais pas quelle mouche l'a piqué. Je répondis, froidement. Mais maintenant, je suis revenu. On n'en parle plus, d'accord?

Blaise acquiesça, puis, je le remerciai intérieurement de ne pas insister davantage. Blaise saurait tout en temps voulu. Mais pas maintenant, je n'étais pas encore prêt pour les révélations fracassantes. J'avais encore besoin de préserver mes secrets.


L'eau ruisselait sur les parois de la douche alors que je fermais les yeux, profitant de cette pluie brûlante et salvatrice. Je sentais la flotte me rouler sur le long de mes muscles tendus, noués par l'anxiété engendrée par les récents évènements. En réalité, mon corps entier était un sac de nœuds, un enchevêtrement de soucis et de problèmes que j'avais bien du mal à démêler. Je ne m'étais jamais aperçu à quel point mes muscles pouvaient être durs, contractés au maximum. Une pointe de douleur me transperçait les épaules et ma colonne vertébrale affleurait la surface. La sentence était cruelle: j'avais maigri, et pas qu'un peu. J'avais perdu mes traits enfantins, mon visage était devenu plus adulte, plus mature. Plus rien ne me restait de cette époque bénie. Il fallait dire que je n'avais jamais été très imposant, j'avais toujours été un petit garçon maigrichon, avec la peau sur les os. Ma mère, pourtant, avait bien essayé de me gaver avec tout un tas de bonnes choses, comme une oie, mais la moindre couche de graisse avait refusé de s'installer sur mon corps décharné. J'avais une silhouette toute en angles, sans aucune souplesse, j'étais rouillé avant l'âge, parfois, le moindre mouvement me devenait pénible.

Je n'arrivais pas à ressentir la chaleur de l'eau qui roulait sur mon épiderme. C'était à l'intérieur que j'avais froid, que j'étais glacé. Et quand bien même on m'aurait plongé dans un bain d'eau bouillante, je ne parviendrais même pas à me réchauffer. Ma peau mouillée s'était recouverte d'une insidieuse chair de poule, alors que mes lèvres avaient pris une délicate teinte bleutée. Je me savonnai les cheveux, tentant de ne pas regarder les rigoles écarlates qui maculaient la peau blême de mes avant-bras, qui étaient comme autant de punitions que je m'étais moi-même infligées, dans un pur élan de folie abjecte. J'étais physiquement marqué des névroses que j'avais reçues de mon lignage maudit, ces névroses qui auraient pu me conduire tout droit à Sainte-Mangouste si elles avaient été plus graves, plus profondes. J'étais en sursis, je le savais bien.

Un crac sonore retentit dans la salle de bains, me faisant sursauter. Je me cognai violemment le coude contre la tuyauterie, me faisant au passage un bel hématome. Je passai la tête par le rideau de douche, pour voir qui était l'intrus venu me déranger dans un moment que je jugeais critique. Mon cœur ralentit sa cadence lorsque je reconnus Jinx, le vieil elfe de maison encore vêtu de sa vieille taie d'oreiller crasseuse. J'adressai à la répugnante créature une œillade méprisante.

-Que fais-tu ici, Jinx, ce n'est pas le moment. J'haranguai, mâchoires serrées.

-Jinx est désolé. Couina la créature, mais votre père veut vous voir, maintenant.

-Eh bien, il attendra. Je coupai, sèchement. Je dois finir de me sécher et de m'habiller. Il a bien su se passer de moi pendant une année complète, ce n'est pas en m'attendant cinq malheureuses petites minutes de plus que ça va le tuer.

-très bien, jeune maître, continua l'elfe, en me fixant de ses grands yeux larmoyants, aussi volumineux que des balles de golf, je dirais à Monsieur Anastase que je vous ai averti.

-C'est ça. Maintenant, fiche le camp d'ici, que je sois un peu plus présentable!

La créature disparut comme elle était venue. Je soupirai longuement, tout en me laissant glisser contre la paroi. Que voulait donc mon père? Pourquoi me convoquer à une heure si tardive? À tâtons, je cherchais la serviette de bain que j'avais préparée, pour m'enrouler dedans et me sécher. Une fois que cela fut fait, j'enfilai une chemise blanche en lin, puis un pantalon noir. J'allais retourner dans ma chambre pour lire un de mes manuels scolaires, mais j'étais obligé d'aller voir mon père. Au pire, je pouvais toujours dire que ce crétin d'elfe n'était pas venu me rapporter sa demande, ce qui impliquerait que cette saleté se fasse corriger comme il se doit. Mais non. J'avais d'autres chats à fouetter que de me préoccuper du sort d'un elfe crasseux, aussi je sortis de la salle de bains sans plus tarder.

Lorsque j'arrivai enfin dans la salle à manger, une mauvaise surprise m'attendait. Mon père était en grande conversation avec Lucius Malefoy. À l'écart se tenait Narcissa, raide et guindée, comme à son habitude, et une vague de fureur me submergea alors que mon regard se posa sur ce petit con de Malefoy. Mon rival me toisait, de ses prunelles orageuses, le nez en l'air, dédaigneusement levé, ses lèvres ourlées en un sourire suffisant qui d'ores et déjà m'exaspérait au plus haut point. Lorsque fut venu le tour de serrer la main du jeune Malefoy, j'essayai de briser ses phalanges en resserrant ma poigne, mais cette enflure était increvable, aussi je lâchais sa main avant de le foudroyer du regard. Si j'avais eu des revolvers à la place des yeux, sans nul doute cette fouine peroxydée serait morte et enterrée à l'heure qu'il est.

-Alors comme ça, le fils prodigue est de retour? Demanda le jeune Malefoy, de sa sempiternelle voix traînante.

-on ne se débarrasse pas de moi aussi facilement qu'on peut le croire, je sifflai, avec hargne. Je colle à la peau, comme un mauvais sort.

-Apparemment, tu as toujours les nerfs aussi sensibles. Le froid de la Bulgarie n'aura pas servi à calmer tes ardeurs.

-Pendant toute cette année, j'ai eu le temps d'orchestrer ton meurtre d'une bonne dizaines de manières différentes. Et si tu continues à m'importuner de la sorte, il se pourrait fort bien que je les mette à exécution.

-Encore faut-il que tu en sois capable, Notty Nott, (NDA: jeu de mots. Dérivé de Naughty, vilain) Tout le monde sait que tu es doux comme un agneau, après tout, tu as été le seul d'entre nous à t'enticher d'une sang de bourbe. Granger, en plus de ça. Il a fallu que tu choisisses la fille la plus moche de l'école, tes goûts en la matière sont pour le moins…insolites. Pour ne pas dire complètement exécrables.

Je n'aimais pas la façon dont il parlait d'elle, surtout pas en ces termes. Mais je ne me risquai pas à répliquer pour la défendre, j'étais en terrain miné. Et quitte à convaincre Malefoy, autant essayer de remplir à ras-bord une carafe percée. Je me contentai de rétorquer, froidement.

-Tu me sous estimes, la fouine. Ce qui est bien entendu une grossière erreur de ta part. Tu oublies que je suis, par ailleurs, le plus instruit d'entre vous, aussi si tu savais quels sortilèges j'étais capable de lancer, tu n'en dormirais plus de la nuit. J'espère que tu t'y plais bien, à ta place de préfet.

-Comment tu sais?

-J'ai des indics, voilà tout. J'ai été remarquablement bien informé de ce qui s'est passé à Poudlard l'année dernière. Simples précautions. J'ajoutai nonchalamment, en voyant le regard effaré de mon ennemi juré. Ne va surtout pas imaginer que j'ai eu le temps de fomenter un complot contre toi, j'ai mieux à faire que d'échafauder des stratagèmes tous destinés à te déloger de ta sacrosainte place. En revanche…

Je marquai une pause, le temps de le laisser s'imprégner de mes mots. Le visage de Malefoy était resté impassible, mais son regard exprimait une certaine crainte, qu'il dissimulait derrière un masque de mépris et de condescendance.

-En revanche, cette année d'exil n'aura pas été inutile, puisque j'ai accru mes connaissances dans de nombreux domaines, et j'ai pu obtenir des renseignements bien plus intéressants encore, tu vois, je suis passé maître dans l'art de faire avouer tout un tas de choses. Je me suis follement amusé pendant cette petite parenthèse, tu ne peux pas savoir à quel point. Je poursuivis, d'un ton badin.

En fait, je n'en pensais pas un traître mot. Je voulais simplement le faire bisquer, lui démontrer par A + B que ses stratagèmes n'avaient servi à rien, que le jour où je tomberai n'était pas encore venu. Puis, toujours sur le même ton guilleret, plein d'entrain, je poursuivis, avec une certaine ironie cependant.

-Et la dame de mon cœur, qu'est-elle devenue pendant cette année? Tu dois bien être au courant de ça, ma petite fouine, puisqu'il s'agissait précisément du but de ta manœuvre

Question purement rhétorique. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il me donne des nouvelles de Granger, puisqu'il s'agissait bien de la personne qu'il détestait le plus à Poudlard, en dehors de moi-même cela s'entend. Mais il ne s'agissait ni plus ni moins que de le déstabiliser, de poser des questions pièges. Particulièrement gênantes pour lui, et formidablement jubilatoires pour moi. Mais Malefoy n'eut pas le temps de répondre, déjà, Narcissa venait de s'avancer vers nous, de sa démarche souple et gracieuse, pour poser une main sur l'épaule de son fils adoré.

-Puis-je savoir ce qui se passe ici, demanda-t-elle, d'un ton doux et calme.

-Oh, rien de bien important, je me permis de répondre, en place et lieu de Malefoy. Mal…Drago et moi étions juste en train de discuter. Vous comprenez, on ne s'est pas vus depuis près d'un an, on en a des choses à se dire.

J'avais assorti mes dires d'un grand sourire hypocrite, témoignant de la fausseté de mes propos. Aux yeux des autres, Drago et moi nous entendions à merveille. Mais, une fois que les autres avaient le dos tourné, il était venu le temps des injures et des coups bas. La joute verbale qui venait de se dérouler entre nous en était la preuve. Une preuve parfaite et irréfutable. J'adressai un sourire aimable à la mère de mon pire ennemi, puis, mon père s'approcha du petit groupe que nous formions.

-Et si on passait à table? S'enquit mon père, armé de son sempiternel sourire hypocrite. Nous n'allons pas passer la soirée debout, tout de même, ce n'est pas un manière d'accueillir ses invités.

Narcissa Malefoy adressa un sourire aimable à mon père, mais elle n'en pensait pas moins. Je mis quelques minutes à comprendre ce que tout ce cirque signifie. PARDON? Les Malefoy n'allaient tout de même pas rester dîner, si? Mais ce n'était visiblement pas le moment de formuler mes interrogations à voix haute, mon père n'en serait sûrement pas ravi. Et, la dernière chose que je voulais, c'est bien qu'il me corrige devant ce crétin de Drago Malefoy.

Je fus installé en face de mon ennemi juré. Drago me fixait, sourire goguenard accroché aux lèvres. Un sourire que j'aurais bien voulu lui faire ravaler d'un coup de poing magistral. Mais, ce n'était pas le moment de faire d'esclandres, aussi, dociles, j'écoutais du plus qu'il m'était possible les conversations entre les adultes. Comme j'aurais dû m'y attendre, elles portaient autour du retour du Seigneur des Ténèbres, et de la résurrection du tristement célèbre cercle des Mangemorts. Drago aussi écoutait avec intérêt la conversation, un intérêt presque morbide, qui m'écœura.

Aussi, je pus intercepter quelques informations qui m'intéressèrent. Mais surtout, et il s'agissait sans doute là de l'information la plus inquiétante, la guerre était en marche. Voldemort avait rassemblé ses fidèles autour de lui, et ils s'apprêtaient à mettre la mainmise sur les lieux stratégiques du monde magique -le Ministère et Poudlard notamment, même si je pensais en mon for intérieur que le jour où Voldemort sera aux portes de Poudlard n'était pas encore arrivé. Une fois que les adultes eurent fini d'évoquer les nouvelles, j'eus le temps de plonger dans une certaine torpeur, jusqu'à ce que le dîner ne s'achève. Tout au long, un profond sentiment d'amertume m'était resté sur le bout de la langue. Cette septième année à Poudlard n'allait pas être de tout repos.


Voilà. Le prologue finit bizarrement, j'en ai conscience, mais je ne savais pas comment le continuer, alors, j'ai préféré arrêter là pour éviter le massacre. Cela faisait un moment qu'il traînait dans mon ordinateur, donc j'ai voulu vous le faire partager, héhé. Dès le prochain chapitre, on se retrouve à Poudlard. Et pour ceux qui se posaient la question, Théodore s'est absenté toute la sixième année, il est donc de retour pour la septième. Voilà pour les explications chronologiques, dirons nous (: je ne tiens pas compte du septième tome.

Pour ceux qui se seraient posé la question, le choix du nom des parents de Théodore est complètement arbitraire. Après avoir vérifié dans l'encyclopédie HP (ma bible), je n'ai toujours pas trouvé le prénom de Nott Senior, ni même celui de la mère. Théodore étant un prénom d'origine grecque, j'ai tâché de jouer le jeu et de trouver des prénoms ayant la même origine, et tant qu'à faire, une signification particulière quant au personnage qui va le porter. Aussi, j'ai décidé d'appeler Nott senior Anastase, qui signifie en grec « résurrection », et la mère décédée (qui va avoir son importance dans la suite de l'intrigue, je pense), je l'ai nommée Philomène, qui signifie « aimée. » Voilà voilà, j'arrête avec ma note d'auteur sinon elle va encore être à rallonge. Le prologue était volontairement long pour bien mettre en place les différents rouages de l'histoire, et j'ai l'honneur -ou le regret- de vous annoncer que les chapitres seront à peu près de la même longueur =D J'espère que vous aurez aimé mon Théodore, et la façon dont je l'ai dépeint dans ce prologue, et tel qu'il sera interprété par la suite. N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire.