Disclaimer : Albator, Toshiro et Clio appartiennent à leur créateur, M. Leiji Matsumoto.

Bob l'Octodian appartient à Aerandir Linaewen qui m'autorise à le lui emprunter et à l'utiliser.

Les autres personnages sont à bibi

1.

Le patron du Metal Bloody Saloon de RadCity aurait aimé accueillir son jeune et unique client avec un sourire, mais la mimique de son museau pourvu de défenses n'avait rien de rassurant, en harmonie néanmoins avec son épais épiderme, ses bras multiples et ses oreilles en regard ridiculeusement petites.

Mais Albior s'avança, sans la moindre crainte, du plaisir dans ses yeux gris, sautant sur un des hauts tabourets alors que l'Octodian lui servait une citronnade.

- Alors, tu es bien en congé pour deux mois et demi ? s'enquit ce dernier.

- Oui, mais je ne pourrai pas venir aussi souvent que lors des vacances des années précédentes. Ne le prends pas mal.

- Avant de repartir pour la mer d'étoiles, ton grand-père m'a dit que tu avais un stage à effectuer dans le cadre de ton cours d'Ethique. En revanche, tu n'avais pas encore décidé où le passer ?

- Soreyn a accepté que j'étudie des fichiers d'Intervention de l'AL-99. Ils ont eu tant de fois maille à partie avec les cabinets juridiques sur leurs actions que ces dossiers regorgent de faits de jurisprudence !

Un des bras de Bob flatta doucement et affectueusement l'épaule du jeune adolescent tandis que de trois autres, il lui préparait son dîner.

- J'ai faim ! signala Albior avec un clin d'œil complice.

- Tu n'es qu'un estomac sur pattes, comme tous ceux de ta famille ! A ce propos, tes aînés ? Mon gamin préféré à la crinière blanche n'était pas très causant avant son départ, mais tu es son petit cœur !

- Alguénor s'est installé sur la Côte Est avec sa copine et il commence à être bien considéré dans le cabinet d'avocats qui l'a pris à l'essai. Alyénor séjourne sur son Campus Universitaire et la Comptabilité Financière a finalement attiré toute son attention et bien qu'il soit en vacances lui aussi, il n'adore rien de mieux que de se plonger dans des chiffres ! Moi, j'aurai la meilleure part, mon stage, à l'AL-99…

Albior marqua un temps de suspension alors que l'Octodian posait devant une planche de bois, avec une belle pièce de viande grillée et juteuse, des oignons frits et une sauce tomatée, une bonne portion de diverses crudités ainsi qu'un plat de frites de taille respectable.

- Tu vas à l'AL-99 de ton père, compléta-t-il. Ca va te faire du bien, et ça va te faire du mal.

Albior plongea une grosse frite dans le pot de sauce épaisse et presque caramélisée qui les accompagnait.

Bob avait fini de nettoyer rapidement son plan de travail et sa cuisinière, avant de se tourner à nouveau vers son jeune visiteur, si cher à son cœur d'Octodian qui ne s'ouvrait pas facilement mais qui ne relâchait jamais ceux à qui son affection était donnée.

- J'imagine que tu préfèrerais une autre ambiance, du monde, reprit-il, désignant de ses bras la salle vide du MBS mais ta mère s'inquiète toujours de te savoir dans la foule !

- Je dois lui téléphoner pour qu'elle vienne me chercher. Mais elle n'entrera pas, tu lui fais une peur bleue.

Albior eut un petit rire.

- Elle a des photos de corps mutilés dans ses fichiers, des descriptions de sévices à glacer le sang, mais un remarquable et pur spécimen d'Octodian la terrorise !

- Mais elle te dépose ici, et te laisse, en confiance, glissa Bob alors qu'Albior dévorait avec un appétit héréditaire.

Ce dernier rit encore, avec fraîcheur et innocence.

- Elle sait que si besoin était, en l'absence de papa et de grand-père, tu foncerais à notre secours. Elle t'aime beaucoup – pour tout ce que tu représentes pour eux deux – mais à distance !

- Tu as une mère formidable.

- J'ai eu des parents merveilleux, je leur dois tout et je suis très fier d'eux !

- Tu peux, assura Bob. Ils t'ont tout donné et ta mère continuera, pour toi et tes aînés, ainsi que toute la famille.

Il passa une langue râpeuse et d'un rose déconcertant, sur les lèvres de son museau évoquant celui d'un phacochère de taille démesurée dépassant allègrement les deux cents cinquante centimètres.

- Je suppose que je ne t'apprendrai rien si je dis que ton grand-père est parti dans un bien triste état d'esprit ? Mais il ne pouvait absolument plus rester sur un sol terrestre, et ce en dépit de son amour pour toi et les tiens, tout en sachant que vous aviez besoin de lui…

- Il a toujours vécu libre, pas nécessairement de sa propre volonté durant longtemps, mais c'est sa vie. Et si besoin était, si on était vraiment mal, il reviendrait dare dare ! Je pense qu'il ne va guère croiser loin de Ragel.

Bob débarrassa son goinfre hôte qui était venu à bout d'un copieux repas mais dont la mine indiquait selon toute évidence qu'il attendait son dessert !

- Je vais t'apporter le pot de crème glacée dans un moment. En revanche, il te faudra aller chercher le spray de crème chantilly au frigo car ce petit truc échappe complètement à mes grosses pognes.

Albior sourit largement, ravi de sa venue, ayant apprécié le temps passé avec son ami, s'étant changé les idées et il en avait grand besoin comme il le prouva en avalant son dessert dans un silence presque complet, l'appréciant mais sans la gourmandise manifestée jusque là

Ayvanère ayant envoyé un message sur le téléphone du cadet de ses fils, ce dernier avait enfilé une chemise par-dessus son t-shirt et glissé le léger sac à dos à son épaule.

- A bientôt, Bob !

- Avec plaisir, Albior. Tu es toujours le bienvenu et je suis toujours heureux de voir évoluer la descendance de mon gamin préféré !

Avec un petit signe de la main, le jeune adolescent quitta le Metal Bloody Saloon.

Sa mère l'attendait effectivement dans le tout-terrain noir, lui sourit alors qu'il bouclait sa ceinture de sécurité.

- Tu t'es amusé ?

- Bob est un être charmant !

- Je ne dirais pas ça, quoique si, en réalité.

- Alors, pourquoi ?

- Les monstres de mes dossiers sont réels, mais ils ne sont que des données informatiques quelque part, il n'y a eu que à deux reprises que j'ai été confrontée aux triplés qui m'ont si atrocement éviscérée… Bob est réel, un gentil monstre, mais c'est épidermique, je vois en lui l'incarnation des tarés de mon boulot alors qu'il est tout l'inverse ! Qui sait, un jour… ?

- Et très vite ! assura Albior. La prochaine fois, tu viendras avec moi, c'est ma volonté !

- Et nul n'ignore que tes treize ans portent toute la famille et que tu es notre Mâle Alpha !

Albior s'attrista.

- Je ne l'ignorais pas… Mais je ne voulais pas le devenir si vite ! Et je ne suis d'ailleurs pas toujours sûr de le mériter… Alguénor et Alyénor…

- Ils vivent leur vie, tellement terre-à-terre, normale. Tu ne devrais que prendre exemple sur eux !

- Je ne peux pas, sur aucun plan de ma vie… Je suis né ainsi, j'ai évolué en ce sens, et je ne compte pas m'arrêter.

- Que veux-tu dire ?

- Il y a encore du gâteau au fromage à l'appart ?

- Oui, pourquoi ?

- Il me reste un petit creux…


En milieu de nuit, entre digestion laborieuse, trop de citronnade bue et d'impérieuses nécessités de se rendre aux toilettes, Albior avait vu sa mère descendre quatre à quatre l'escalier en colimaçon, téléphone collé à l'oreille, prenant des notes sur sa tablette.

- Maman ! glapit-il.

- Albior… Je dois sortir, vas te recoucher.

- Maman ! ? insista-t-il.

- On vient de repêcher un corps dans le Canal de Dérivation…

- Ce n'est pas mon papa ! hurla le jeune adolescent.

- Je dois aller aux premières nouvelles, s'attrista Ayvanère. On ne saura, avec certitude, que d'ici quelques jours. Vas te reposer, il n'y a rien de sûr… Et je ne voudrais pas que tu t'affliges inutilement… ou que tu espères aussi en ce sens. Il faut attendre, mon grand cœur, comme depuis toutes ces semaines !

- Oui, maman, fit docilement Albior.

Il retourna dans sa chambre, se recoucha, les yeux rivés au plafond.

« Je ne perçois toujours rien de toi, mon papa… Je ne sais donc rien de ce que t'es arrivé, de ce que tu as pu faire… Tu me manques tant ! Et je ne sais quoi penser… J'ai encore tant besoin de toi, je n'ai que treize ans, tu m'es trop nécessaire ! Et, moi aussi, j'ai vu le Tourbillon et les Têtards… Cette menace pour les Sanctuaires et ce monde naturel, j'ai tellement peur ! Oncle Kwendel a dit que tu étais le mieux armé pour ce combat, issu des deux mondes. Mais avec toi, lui-même a disparu… ».

Les larmes avaient jailli des yeux d'Albior, roulant le long de ses tempes et se perdant dans ses longues boucles auburn, sa vision floue désormais, mais bien moins que la cécité de son père dans ses derniers jours.

« Les Têtards vont venir, déferler, et tu n'es plus là… Dès lors, je suis le seul à pouvoir m'interposer. Enfin, je vais essayer, car je ne suis absolument pas à la hauteur… ».

Albior essuya rageusement ses larmes, se moucha.

« Mais je serai là, car c'est mon devoir, comme ce fut le tien. Je suis ton fils, et je vais le faire ! ».

Mais, nullement rassuré, Albior ne se rendormit pas du reste de la nuit, tremblant et dévasté de chagrin à la fois, mais faisant confiance à ses propres jeunes forces.


Bien qu'il fasse nuit, Soreyn Romdall, le Capitaine de l'Unité Anaconda, et en charge du Bureau Spécial des Polices AL-99, avait accueilli l'épouse de son Général porté disparu.

- Ayvi. Je ne sais si je dois me dire qu'il s'agit d'une bonne nouvelle, ou non…

- Quel que soit le résultat, ce ne sera jamais une bonne nouvelle car ce corps repêché a forcément une famille. Je ne peux toujours pas croire qu'Aldéran se soit volontairement jeté dans le Canal, il aurait opté pour une solution plus radicale et imparable, mais je redoute malgré tout… Que peux-tu me dire sur ce cadavre…

- Oui ?

- Albior a tout entendu, il doit angoisser au possible… Ce gosse est trop fragile et trop fort dans ses désirs d'adulte à la fois… Il me fait aussi peur que son père…

Ayvanère se reprit.

- Le corps ?

- Le cadavre a séjourné dans les eaux stagnantes du Canal durant une période proche du temps de disparition de ton mari, livra Soreyn, avec réticence, mais devant le faire. Sur une première estimation physique, il ressemble… L'autopsie va donner la réponse… Je suis désolé.

Ayvanère prit une bonne inspiration.

- Soreyn, tu m'as fait venir pour une identification, ne me prends pas pour une idiote !

- C'est la procédure, sauf qu'il n'y a pas grand-chose à reconnaître… Une hélice de péniche ou de navire cargo l'a déchiqueté… Tu ne pourras jamais savoir, avant les tests ADN. Je voudrais t'éviter l'épreuve d'aller voir…

- Je dois le faire, pour mes fils, pour Albior, pour notre famille. Il faut ce premier constat, ensuite à toi et au Labo de l'AL-99 de poursuivre !

- En ce cas, entre, Ayvi. Et je suis là.

Tout proche d'Ayvanère, Soreyn se tint auprès d'elle alors qu'elle se tenait auprès du cadavre mutilé sorti des eaux.