Worshipping Todd
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N/A : " Although the title is English, this fic is written in French. I just thought it seemed cooler, and more appealing, than the original French. Sorry to disappoint anybody out there. However, if you still would like to read it, then I recommend the Google translator tool. Thanks a lot."
Note de l'auteur : Maintenant, pour mon auditoire francophone: non, ceci n'est pas du tout la suite de ma saga entre Todd et la petite sœur du colonel Sheppard, soit Sara Sheppard.
J'ai voulu commencer une fiction bien différente, mettant en vedette encore une fois mon wraith favori. Mais je voulais développer cette fois-ci la relation d'un wraith avec une humaine née dans la galaxie de Pégase plutôt qu'avec une terrienne. Éventuellement, elle deviendra son adoratrice.
J'aurais pu intituler cette nouvelle fiction «L'adoratrice de Todd » mais j'aimais mieux me servir du mot anglais « worshipping » (the worshippers) que je préfère.
Avertissement : Je ne possède évidemment pas les personnages créés pour MGM par les scénaristes de Stargate Atlantis et je ne fais aucun profit monétaire en écrivant mes fictions. J'ai cependant créé mon propre personnage féminin, celle qui deviendra la *worshipper* de Todd, ainsi qu'une ribambelle d'autres personnages-clé ou non dans cette nouvelle histoire. Également, je donne la cote générale "T" pour cette histoire, indiquant un contenu non approprié pour les enfants mais tout de même décent. Cependant, lorsque mes chapitres contiendront du contenu Mature pour 16 ans et +, je vous en avertirai en tout début du chapitre par la lettre "M".
Cette fiction se concentre sur les wraith mais éventuellement, on rencontrera plus tard nos héros d'Atlantis: soit l'équipe composée de John Sheppard, Rodney McKay, Teyla Emmagan et Ronon Dex ainsi que quelques autres. Cela n'arrivera que tardivement dans mon histoire, sauf quelques allusions à eux au début. Alors, soyez-en avertis et si vous désirez ne pas continuer à lire cette histoire, je comprends...ce n'est pas tout le monde qui apprécie le monde des wraith!
Finalement, le prologue plutôt long je l'avoue, servira à présenter le monde d'où vient notre héroïne et sa personnalité. Elle sera la future adoratrice de notre cher commandant Todd.
Cependant, sachez tout de suite qu'il ne sera pas son premier Maître.
A Worshipper's Lament
What have you ever given me?
What?
My world you have invaded.
My country you have conquered.
My village you have razed.
My home you have destroyed.
My people you have subjugated.
My family you have taken.
My hopes you have extinguished
and my dreams, you have smashed.
My body belongs to you.
Even my thoughts you can see.
I breathe at your command
and exist only to serve you.
What have you ever given me?
What?
Nothing...Nothing...nothing
except...
….the exquisite release of absolute surrender." *
(by Toska9)
Prologue
Bien avant qu'Ils n'arrivent pour effectuer la cueillette d'êtres humains et semer la destruction dans cet endroit, il y avait un monde sur une des planètes de la galaxie de Pégase, appelé Kélowna...
Notre histoire commence dans cet endroit paisible où les habitants ont atteint une relative aisance comme société (mais cependant pas aussi avancée en comparaison des progrès scientifiques et technologiques, comme sur terre actuellement).
Il n'y a pas de monde idyllique. Alors disons que la population, quelques milliers d'habitants, vivait principalement dans l'harmonie en fusion avec la nature et l'univers.
Leur mode de vie valorisait tout autant l'accomplissement de soi par l'éducation et la discipline personnelle, ainsi que la conscience sociale et le respect de l'environnement.
Cependant, ces gens restaient lucides et réalistes. Dans le passé de leur longue histoire, ils avaient connu la guerre et les conflits. Donc, dès leur plus jeune âge, filles et garçons se devaient d'apprendre l'art du combat et le maniement des armes.
De caractère paisible et optimiste, les kélowniens avaient depuis longtemps dédié leur vie à la spiritualité en tout premier lieu. Elle ne comportait cependant aucun dieu ni aucune hiérarchie compliquée, ni de dogmes rigides...ni même le besoin d'adorer un quelque être supérieur.
En fait ils se considéraient tous égaux, comme faisant partie d'un tout avec l'Univers.
Le respect de tous les humains, des animaux, des plantes, de l'environnement magnifique dont ils étaient reconnaissants étaient leur seule règle, tous leurs devoirs et traditions basés sur cette considération.
Rien ne se perdait vraiment, rien ne devait être gaspillé. Rien ne mourait vraiment puisque tout était absorbé dans l'univers où il n'y avait ni début, ni fin.
Vivant dans cette félicité et une certaine insouciance, les habitants du village prospère de Kélowna avaient peut-être oublié qu'autrefois, une race terrifiante de prédateurs avaient ravagé maintes fois leur planète et populations, considérant l'espèce humaine comme de la simple nourriture.
Seuls les ancêtres le leur rappelaient, lorsque certains s'aventuraient dans la montagne sacrée pour visiter ses caves et y admirer les dessins gravés dans la pierre depuis longtemps, décrivant les horribles cueillettes qui avaient décimé les populations dans le passé.
Les wraith...
Les jeunes générations, insouciantes, ne connaissaient sûrement pas la raison pour laquelle leur planète avait été épargnée depuis plus de deux cent ans de ces enlèvements d'humains, en vue de servir de nourriture ou de procurer des esclaves aux wraith.
Pourquoi donc les Anciens dans leur sagesse avaient-il permis que le monde de Kélowna soit épargné, entouré par la ceinture d'un champ de force? Pourquoi étaient-ils des privilégiés parmi tant d'autres mondes attaqués régulièrement par les wraith?
Nul ne le savait...
Cependant, la population avait un devoir à accomplir tous les jours pour assurer la protection de leur monde. Ce devoir était confié à de jeunes prêtresses - s'apparentant aux vestales de l'Histoire de la Rome Antique sur terre.
Leur tâche était de manipuler selon de méticuleuses instructions les rouages d'un appareil Ancien ayant besoin de trois outils appelés modules et qu'on devait interchanger trois fois par jour, sous peine d'affecter le fonctionnement du champ de force géant, si les modules n'étaient pas déplacés et replacés correctement.
Pour devenir prêtresse, autre que l'obligation d'être de genre féminin, d'être vierge et âgée entre seize et dix-huit ans, la candidate devait démontrer une grande discipline personnelle, être apte à recevoir une éducation centrée sur les sciences et la méditation et démontrer également une obéissance absolue envers leur Grande Prêtresse.
Mais ne nous éparpillons pas dans des détails qui nous serons expliqués plus tard dans cette histoire...
ψψψψψψψψψψ
Au coeur du sanctuaire de Kélowna, situé au pied de la montagne sacrée...
- Comment choisir un mantra pour votre séance de méditation? dit la Grande Prêtresse de sa voix calme et unie. Dans le calme, répétez à haute voix différents mots ou phrases, jusqu'à ce que vous en trouviez un dont le son vous semble être en harmonie avec votre âme. C'est seulement de cette manière que vous trouverez un mantra qui vous soit personnel...notez-le bien pour ne pas l'oublier. La tradition de notre peuple enseigne que le mantra personnel est sacré et ne doit être révélé à quiconque...
Baissant la tête, la vingtaine de jeunes filles rassemblées devant Nétayé, la Grande Prêtresse, se mirent à réfléchir à leur propre mantra, se recueillant pour mieux s'en imprégner.
- Nétayé...? dit soudain une toute petite voix hésitante. Et si je ne trouve rien, puis-je faire appel aux suggestions de mes soeurs?
Près de sa jeune pupille qui venait de parler sans en demander la permission, Tiélan (**) poussa un soupir en touchant le bras de Nori qui avait complètement oublié de lever la main pour attirer l'attention de leur Grande Prêtresse, une des premières règles d'étiquette à apprendre avant de poser une question.
La petite rougit, raclant sa gorge pour ensuite lever enfin sa main.
Tiélan lui lança un sourire indulgent.
Après tout, c'était la première journée de la petite au coeur du sanctuaire; elle lui faisait penser à elle-même lorsqu'elle avait commencé deux ans plus tôt à 16 ans, prise en charge par une prêtresse de seulement deux ans son aînée.
La vieille femme qui était la première prêtresse du sanctuaire ouvrit ses yeux et regarda sévèrement Tiélan.
«Évidemment! C'est de ma faute, je ne dois pas avoir assez bien renseigné mon élève au sujet des règles!» se dit tout de suite Tiélan en acceptant le reproche silencieux de Nétayé.
- Mon enfant, répondit la Grande Prêtresse en regardant enfin Nori. Comme je viens de le dire, le mantra est sacré et ne doit jamais être révélé. C'est pourtant une des règles les plus importantes que ta guide aurait dû t'enseigner! fit-elle en reposant des yeux sévères sur Tiélan qui eut le bon goût de baisser la tête, repentante. Mais si tu ne trouves rien qui peut t'amener à cet état de transe souhaitable pour méditer, alors penses à un endroit paisible où tu désirerais être en attendant que l'inspiration vienne pour ton mantra. Je suis sûre que tu trouveras ensuite le mot qui te servira à te mettre en état de méditation.
Nori inclina sa tête timidement en remerciement de cette leçon.
Nétayé marcha alors lentement devant le groupe de jeunes filles buvant ses paroles, passant son regard sur chacun des visages juvéniles. Semblant satisfaite de l'obéissance et de l'attention de ses élèves, elle leur fit un de ses rares sourires:
- Il est temps de clore la leçon, jeunes filles. dit-elle enfin. Vous pouvez vous reposer avant d'entreprendre la préparation du repas de mi-journée.
Dans le silence du sanctuaire, la vingtaine de prêtresses se leva, rassemblant les jupes de leur longue toge blanche pour marcher vers la sortie.
- Tiélan, restes ici, dit la voix calme et unie de Nétayé.
La jeune fille fronça les sourcils et poussa un petit soupir résigné.
«On dirait bien que je n'y échapperai pas!» se dit-elle. Elle fit un petit signe à Nori avec un silencieux mouvement des lèvres: «Je te rejoindrai plus tard!», concluant par un sourire rassurant.
- Tiélan...j'ai repensé à ta demande, commença d'une voix songeuse la Grande Prêtresse, une fois que les deux femmes furent seules au centre de l'atrium du sanctuaire.
Elle prit le temps d'observer la jeune fille de dix-huit printemps en face d'elle.
Elle était parmi les plus grandes du village pour une femme. Mince mais musclée aux bons endroits, comme bien des kelowniens qui mettaient en pratique les vertus de l'exercice, de la bonne alimentation naturelle et de la méditation pour l'esprit.
Mais ce qui était remarquable chez Tiélan était non seulement son intelligence et sa vivacité d'esprit, mais sa pure beauté.
Une longue chevelure couleur miel, bouclée naturellement mais qu'elle coiffait régulièrement en une longue tresse épaisse atteignant le milieu du dos. Un visage aux traits harmonieux, des sourcils châtains arqués et bien dessinés, un nez légèrement aquilin, un menton frondeur, des lèvres pleines et sensuelles, des dents un peu écartées mais très blanches. Ce qui était cependant le plus remarquable chez elle était ses grands yeux couleur pervenche, bordés de longs cils pâles. Quand elle souriait, on pouvait voir de jolies fossettes dans ces joues ayant gardé une rondeur enfantine, apportant à toute son expression un côté espiègle et heureux.
Intense, dévouée à tout ce qu'elle faisait avec ardeur et sérieux, la fille possédait de grandes qualités. Nétayé regrettait presque d'être obligée de la décevoir...
Tiélan de son côté avait du mal à ne pas trépigner d'impatience, levant avec espoir son regard sur la femme de taille moyenne au regard sévère.
Nétayé était dans le début de la soixantaine. Elle avait un visage long aux yeux bruns sombres en amande, des cheveux gris-blancs coiffés strictement en une longue tresse atteignant le bas du dos. Elle portait le même genre de robe blanche immaculée que les autres femmes du sanctuaire, mais décorée de longs fils dorés et soyeux, marquant son statut de Première Prêtresse. Malgré son air autoritaire et parfois distant, Nétayé était adorée de ses élèves, représentant l'expérience et la sagacité de celles qui vivaient dans le sanctuaire et assuraient la survie du peuple de Kelowna. Elle faisait preuve de discipline dans sa tâche et d'une main de fer, car elle était la réceptrice du savoir millénaire de leur civilisation.
- Mon enfant, je dois te décevoir. Je ne peux accepter ta demande de devenir apprentie pour le rôle de Grande Prêtresse.
Stupéfaite, Tiélan ouvrit grand sa bouche et ses yeux, plus incrédule que désappointée.
- Mais...mais pourquoi Nétayé? Je croyais que...si c'est parce que je n'ai pas réussi à bien enseigner nos règles à Nori, je..-
- Écoutes-moi maintenant! ordonna sèchement la Grande Prêtresse en lui coupant la parole. Tiélan, tu es une élève brillante et très disciplinée. Tu excelles dans tous les domaines nécessaires à la fonction de prêtresse. Tu es probablement une des meilleures, mais l'impétuosité de ta jeunesse, ton désir de sortir des sentiers battus mais surtout le fait que tu serais plus utile parmi notre communauté sociale, m'ont fait comprendre que ton avenir n'est pas de devenir mon successeur comme Grande Prêtresse. Même si ta ferveur dans l'apprentissage et ton ambition d'y accéder sont authentiques.
Malgré son désir de répliquer vertement, ce qui prouverait ainsi à Nétayé son «impétuosité», Tiélan resta coite et écouta sa supérieure, l'intensité de ses yeux trahissant sa déception et son incompréhension.
- Petite...continuait la Grande Prêtresse d'un ton radouci. Tu es si belle! Tu auras un bien plus bel avenir et une plus grande utilité dans la vie si je te retourne à la vie civile. En te mariant à un jeune garçon qui sera sûrement fort amoureux de toi, en faisant de beaux enfants. Je te vois également pratiquer la médecine des herbes médicinales, continuant ton apprentissage avec ta mère qui est la guérisseuse de notre village. Comprends-moi, je sais que tu ferais une très bonne prêtresse en tant que supérieure de cette communauté ma fille. Mais après avoir bien pensé à ta demande, j'ai tout de même décidé de prendre Sliva comme successeur...
- Sliva!? Mais...mais Nétayé, bien qu'elle soit plus vieille que moi d'au moins dix ans, Sliva n'a pas réussi les quatre épreuves essentielles pour bien manipuler les modules des Anciens! Je suis celle parmi toutes les prêtresses qui..-
- Tu es injuste envers Sliva, la coupa Nétayé. Elle s'est très bien reprise pendant la deuxième année de son temps au sanctuaire. Elle est sage et posée, très dévouée et elle ne veut rien de plus que de devenir Grande Prêtresse. Elle sera excellente! Allons mon enfant, tu es trop jeune et trop pleine de qualités pour perdre ton temps à vivre ici en solitaire à ne faire que de l'enseignement et à méditer pendant les trois-quart de tes journées...tu te remettras de ta déception!
Justement, Tiélan était si déçue que son coeur sembla exploser dans sa poitrine. Elle se mit à parler très vite, sur un ton indigné:
- Nétayé, je suis désolée de remettre en question ta décision, mais moi aussi je ne veux rien de plus que devenir Grande Prêtresse! Je suis sûrement la plus qualifiée...en deux ans, je n'ai fait aucune erreur en manipulant les modules. La cité serait bien plus en sécurité avec moi qu'avec n'importe qui d'autre! Et puis, je n'ai aucune envie de me marier! Les garçons du village, je les trouve tous insignifiants. Le mariage, les enfants, c'est pour les autres ça! Moi je veux passer ma vie ici dans le silence de la méditation, au sein de ce temple magnifique et si serein. Je veux la vie paisible d'une Grande Prêtresse. Je ne veux pas devenir guérisseuse et ma mère a déjà appris à se passer de moi pendant deux ans, alors elle comprendra!
À bout de souffle, la jeune fille se tut et osa soudain s'avancer et prendre la main de la vieille femme, verrouillant ses yeux dans les siens pour la supplier:
- Je t'en prie! implora-t-elle. Ne peux-tu reconsidérer ta décision? Je suis prête à tout pour prouver ma valeur. Je...je vais m'améliorer et tenter de contrôler mon impétuosité et mon désir de me rebeller et de suivre d'autres sentiers...je le jure! Je n'ai envie d'aucune autre vie que celle de Grande Prêtresse.
Au lieu de s'impatienter, Nétayé poussa un long soupir et eut même un léger sourire et un peu de remords, face à la profondeur des convictions de la jeune prêtresse.
- Ah la fougue de la jeunesse! laissa-t-elle enfin tomber. Crois-moi Tiélan, je ne remets aucunement en question ta volonté de bien faire et ton sérieux mais...je crois que tu me remercieras plus tard. Dans quelques temps, tu rencontreras un beau jeune homme et tu deviendras amoureuse de lui. Ils te faisaient déjà tous la cour, bien avant que tu ne commences ton service au sein du sanctuaire! Tu réaliseras alors que je t'ai rendu service en refusant ta demande de me succéder au poste de Grande Prêtresse. Maintenant, vas rejoindre Nori et les autres. Il te reste une semaine avant que tes deux années à notre service se terminent. Prends ce temps pour méditer profondément sur ta chance...le temps de réfléchir à ton retour dans la société de Kélowna, auprès de ta mère et de tes amis.
La vieille femme se détourna, signifiant ainsi que leur entretien était terminé.
Tiélan resta d'abord figée, ébahie, encore incrédule de la décision de Nétayé qui venait de faire s'écrouler son seul rêve.
Elle tourna les talons et sortit de la salle de l'atrium.
Si ce dernier avait possédé une porte, elle l'aurait sûrement claquée!
O0o0o0o0o0
Tard dans l'après-midi, nous retrouvons Tiélan et son élève dans le Sancti, coeur du sanctuaire, là où sont actionnés régulièrement les précieux modules assurant le maintien du champ de force autour de Kélowna...
- C'est bien Nori. Quand le premier module sera sorti, tu auras soixante secondes pour désactiver le module 2 et y placer le premier après les trois rotations vers la gauche. Après, tu devras sortir le module 3 et y placer le deux, mais après trois rotations vers la droite, cette fois-ci. Le 3 prendra ensuite la place du numéro 1 mais n'oublie pas!: pour que le champ de force soit maintenu, la rotation sera inversée et devra être verrouillée avant que tu n'actionnes le contrôle situé plus haut qui reprogrammera et enclenchera le nouveau cycle. Tu as bien compris? Je vais t'accompagner à chaque manoeuvre comme témoin, pour m'assurer que tout est fait selon les normes de sécurité.
Tiélan lança un sourire rassurant à la jeune fille un peu nerveuse qui allait effectuer l'importante manoeuvre de déplacement des modules pour la première fois.
Le ronron régulier du premier module se tut subitement lorsque le petit sifflement habituel accompagnant la levée de la petite tour de la cavité où elle était encastrée se fit entendre.
Nori souleva avec précaution et une certaine admiration le module brillant coloré de jaune, de vert et d'orangé, strié de ligne noires ressemblant à des veinules. La base comportait des taches d'un rouge lumineux qui se mirent à clignoter une fois que le processus de soixante secondes fut lancé. Nori déposa la précieuse tour avec précaution sur le socle d'attente et se dirigea immédiatement vers le module 2, l'enlevant à son tour. Sous l'oeil très attentif et selon les instructions claires et précises, répétées lentement par Tiélan, la jeune fille déposa le premier module dans la cavité du second, effectuant immédiatement les rotations exigées.
Avec prudence et efficacité, elle compléta la rotation des trois modules et sous le regard approbateur de son guide, elle enclencha finalement le verrouillage et vérifia que le nouveau cycle était bel et bien en fonction et parfaitement en état de marche.
Tiélan avait surveillé la progression de l'opération sur un écran de contrôle situé à la base du grand anneau où était encastré les trois modules, là où les Anciens avaient prévu un système de surveillance et de protection qui avertissait au cas où une mauvaise manoeuvre avait lieu, mettant en péril la bonne marche du champ de force. Tiélan approuva le tout d'un signe de tête et d'un grand sourire.
- Tu as pris 52 secondes pour chaque module. C'est très bien pour une première fois! Ne t'inquiètes pas, cela prend beaucoup plus de temps et d'expérience pour le faire en seulement trente secondes, comme les prêtresses les plus habituées.
Nori poussa un long soupir de soulagement, heureuse de n'avoir fait aucune erreur lors de sa première manipulation de l'appareil. Elle regarda ensuite longuement les modules qui s'étaient mis à briller et à émettre leur bourdonnement habituel, témoin que tout fonctionnait parfaitement. La jeune fille fixa la grande carte sur l'écran, simulant l'anneau immense du champ de force entourant la planète.
-Dire que c'est ici, au coeur de ce sanctuaire, que le sort de notre monde tient dans ces seules trois tours qui assurent le contrôle de ce grand champ de force! J'ai vraiment des frissons de savoir que nous, les prêtresses, sommes responsables depuis des millénaires de notre survie à tous! dit-elle.
- En effet! dit Tiélan qui trouvait le moyen d'être encore impressionnée par tout cela, même après deux ans de service au sanctuaire. Je suis honorée d'avoir été choisie pour être l'une d'entre elles. Mais mon temps s'achève, malheureusement...
Nori vit les traits du visage de Tiélan s'assombrir. Elle comprit que son entrevue avec Nétayé ne s'était pas si bien passée que cela. Elle crut à tort que c'était de sa faute...
- Tiélan, je suis désolée! dit-elle d'une petite voix timide. Si je n'avais pas posé cette question à la Grande Prêtresse sans tenir compte de l'étiquette, tu n'aurais sûrement pas été grondée si sévèrement...
Tiélan sortit de sa triste rêverie et regarda Nori, comprenant que la petite se blâmait de son humeur morose. Elle se demanda si elle pouvait lui raconter qu'elle avait postulé pour recevoir l'enseignement de Grande Prêtresse, dans le but de passer sa vie ici au sanctuaire au lieu de retourner parmi la population de Kélowna.
- Oh non ne t'en fais pas Nori! Nétayé ne m'a pas grondée à cause de cela. C'est juste que...dans une semaine, je serai de retour dans notre village alors que mon souhait le plus cher aurait été de poursuivre ma vie de méditation et mon travail au coeur de ce sanctuaire.
- Oh mais Tiélan!? s'exclama la petite. Tu es si aimable et surtout si belle, alors que moi je suis simplement...jolie. Quand tu seras de retour chez toi, tu auras sûrement des tas de soupirants qui vont te tourner autour et n'attendront qu'un mot de toi, à savoir qui tu choisiras comme futur mari!
Tiélan grimaça. «Tiens, une autre qui la voyait mariée et avec enfants et qui ne pouvait imaginer qu'on pouvait rêver d'un sort différent!» se dit-elle, amère.
- Et puis quelle jeune femme voudrait passer sa vie ici comme une ermite, coupée de tout, loin de sa famille, toujours en méditation et dont la tâche la plus importante est de s'assurer qu'un vieil appareil démodé, créé par nos ancêtres les Anciens, fonctionne correctement? reprit Nori d'un ton plutôt grinçant.
«Moi! pensa Tiélan avec ironie. Moi, je veux faire cette vie-là. Elle m'apporte la paix, la sérénité, le bonheur du devoir accompli... »
Mais elle n'eut pas le courage de le dire à haute voix, car elle savait que la grosse majorité des jeunes vierges choisies parmi la population féminine acceptaient ce devoir avec honneur mais qu'une fois leur deux ans de service terminé, elles ne rêvaient que de retourner à la vie civile et de se marier!
- Oh, comprends-moi! dit alors vivement Nori, réalisant qu'elle avait peut-être eu un ton irrespectueux en parlant des Anciens et de leurs inventions. Je ne veux pas montrer un manque de respect et de considération pour nos ancêtres qui nous ont ainsi assurés la paix et la sécurité, mais...sait-on vraiment si ce truc fonctionnera à jamais? Lorsqu'un des modules sera totalement épuisé, qu'arrivera-t-il au système du champ de force?
Tiélan reprit un visage impassible, tentant de chasser sa déception pour se concentrer sur ce que sa pupille disait.
- En fait, nul ne le sait réellement, dit-elle. Mais Nétayé prétend qu'il doit rester au moins une bonne centaine d'années de vie à chacun des modules, s'il est traité adéquatement et avec toutes les précautions et instructions nécessaires à son entretien. Cela laisse amplement le temps à nos ingénieurs de trouver un autre moyen de maintenir le champ de force dans le futur!
Nori sembla vouloir dire quelque chose, mais referma vivement sa bouche qu'elle avait ouverte pour parler.
- Quoi? demanda Tiélan qui n'avait pas manqué l'hésitation de sa jeune élève. Tu peux parler sans crainte. Qu'allais-tu dire?
- Tiélan...tu y crois, toi, à ces prédateurs de la galaxie qu'on appelle les wraith? Personne ne les a jamais vu! Mon cousin Wellan me dit que ce sont des histoires pour inspirer la crainte et le respect des ancêtres, ainsi que pour continuer à faire fonctionner ce sanctuaire, grâce aux dons des habitants de Kélowna et des villages environnants.
- Et que fais-tu de nos livres d'histoire qui racontent les grandes cueillettes d'antan qui ont apporté la mort et la désolation chez nos ancêtres? Que fais-tu des graffitis et inscriptions trouvés dans les caves de la montagne sacrée qui montrent clairement ces grands vaisseaux dans le ciel en train d'enlever des humains, de détruire le village par le feu et qui représentent même très bien ces wraith?
- Wellan prétend que ce ne sont que des légendes. Qu'il n'y a rien de fondé. J'ai tendance à le croire...
- Mais alors, pourquoi as-tu accepté de devenir prêtresse, Nori? Ces croyances sont à la base de l'existence même de ce sanctuaire, dédié à la protection de notre monde. Si tu penses comme ton cousin, alors je ne comprends pas pourquoi tu t'es engagée dans la formation de prêtresse.
La petite haussa les épaules.
- Ma mère était prêtresse, ainsi que sa mère. Le fait que j'aie été choisie également est une vraie fierté pour mes parents. Je ne voulais pas les décevoir et puis...je voulais vivre cette expérience, parce qu'elle apporte une grande notoriété parmi les nôtres et il me sera ainsi plus facile d'être remarquée et choisie comme épouse d'un bon parti...
Tiélan soupira. Décidément, comme pour la plupart des jeunes kélowniennes, le mariage était la seule option qui comptait!
- Eh bien moi j'y crois! dit-elle alors d'une voix ferme et entêtée. On n'a jamais vu aucun wraith de nos yeux de toute notre existence mais.. je fais confiance à la sagesse et à la parole de Nétayé. Elle dit toujours que les Anciens nous ont fait une vraie grâce en nous épargnant des horribles cueillettes de cette espèce, ceci à cause de ce champ de force dont nous devons prendre le plus grand soin possible pour toutes les générations à venir. Elle dit aussi que nous devons remercier l'Univers de ne jamais avoir posé les yeux sur une de ces créatures wraith...et d'espérer ne jamais avoir à le faire un jour.
Nori lança un regard encore un peu incrédule et circonspect en direction de son mentor.
- Es-tu déjà allée voir les graffitis des caves de la montagne sacrée Nori? lui demanda alors Tiélan.
Alors que la petite hochait négativement la tête en silence, Tiélan se décida tout soudainement:
- Bon alors demain est notre seule journée de repos. Je t'emmène dans les cavernes. Tu pourras observer ces graffitis qui sont à la fois de magnifiques oeuvres d'art et le témoin de ce qui s'est passé autrefois sur notre planète, de l'horreur des enlèvements de certains de nos ancêtres par ces monstres de wraith. Ce qui fait que la population de nos villages n'a pas pu s'accroître pendant un bon nombre d'années dans le passé.
Nori sourit, excitée, acceptant d'un hochement de tête empressé l'escapade proposée par Tiélan.
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Contournant le dernier corridor des caves humides et froides, les deux jeunes filles parvinrent enfin dans l'aile où les premiers graffitis anciens débutaient.
Comme il faisait plus noir qu'au tout début dans ce tunnel creusé dans la montagne sacrée, Tiélan et Nori portaient chacune une de ces lampes créées par les ingénieurs kélowniens, genre de lampes de poche qui projetait habilement partout l'unique et modeste lumière de ces petites lanternes, dotées d'un astucieux jeu de miroirs.
Elles marchèrent quelques minutes devant de grands pans de mur portant des dessins plutôt naïfs et presque effacés sur l'histoire des Anciens. Ils décrivaient l'arrivée de leurs ancêtres ainsi que les toutes premières coutumes et traditions cérémonielles de Kélowna.
Pourtant, elles hâtèrent le pas pour atteindre enfin une sorte de fin de caverne plus creuse dont le mur était encore plus bas; une sorte de cul-de-sac naturel.
C'est là où la plus belle fresque, mais aussi la plus funeste commençait.
Nori s'arrêta parce Tiélan avait cessé de marcher, se figeant tout autant que sa compagne devant le large dessin fantastique mais sinistre, presque monstrueux, fait de couleurs plus vives et de détails encore plus précis que le spectateur ne l'aurait souhaité.
- Voilà, dit Tiélan en élevant son bras portant la lampe pour mieux éclairer la seule et immense fresque représentant ce qui s'était passé il y a plusieurs siècles, lorsque la première grande cueillette de Kélowna avait eu lieu. Tu vois Nori, une telle oeuvre si détaillée et criante de vérité ne peut pas être que la représentation d'une simple légende! Je crois Nétayé quand elle nous dit que ces wraith existent bel et bien...
Elle avait parlé d'une voix basse, chuchotant presque, comme si elle avait peur d'éveiller les créatures fantasmagoriques de la grande peinture.
Dans le haut de la fresque, rasant le plafond, on pouvait voir un soleil lointain aux rayons fragiles, presque inexistant tant les nuages grisâtres s'accumulaient tout autour comme des ombres étirées, filamentées.
De ces nuages s'échappaient quelques dizaines de petits appareils sombres ressemblant à des moustiques, surtout de part leur très long nez se terminant comme une aiguille inquiétante et sinistre. Tout en haut à gauche se tenait le plus grand de ces vaisseaux. Il était énorme, sombre, menaçant et ils s'en échappaient des dizaines d'autres de ces minuscules vaisseaux-insectes.
Quelques-uns passaient en rase-motte près du sol et d'autres se tenaient juste légèrement au-dessus, projetant une sorte de long rayon blanc s'élargissant et balayant le sol, tentant de saisir des proies.
Nori s'approcha plus près et observa attentivement ce qui se passait au sol.
Très loin on voyait la montagne sacrée et sur les côtés le début de la forêt où les kélowniens aimaient se promener d'habitude, profitant parfois du beau temps pour organiser des pique-niques.
Mais cette fois-ci, il ne s'agissait pas d'un évènement aussi heureux et innocent.
Des dizaines de gens s'enfuyaient vers la forêt, courant de tout bord tout côté, pourchassé par des ombres grises et mystérieuses.
Plus loin vers la droite, des fermes, des maisons brûlaient dans le village.
Mais le plus terrible nota la jeune fille, se passait en avant-plan où d'autres silhouettes fuyaient et hurlaient, leur bouche et leurs yeux grands ouverts...l'une ayant encore sa fourche en main, l'autre ayant échappé le seau contenant le lait recueilli le matin, dans sa hâte de fuir. Une femme portant son jeune enfant accroché sous son bras. Plus loin, un homme plus vieux hurlait des instructions, montrant le chemin menant aux caves de la montagne sacrée à des gens qui hésitaient à le suivre, trop effrayés pour comprendre qu'il s'agissait du meilleur moyen de fuir.
En avant, un grand rayon blanc aveuglant venant d'un de ses bizarres petits vaisseaux était en train de capturer une famille de quatre personnes. Un homme, une femme, un jeune garçon et une jeune fille adolescente. Leur silhouette muette de terreur était déjà blême, leurs molécules commençant à s'effacer en vue de leur téléportation.
Nori avait cessé de respirer, tant la fresque était criante de désolation et de l'impuissance des habitants en train de se faire cueillir.
Mais le pire était à venir. En silence, Tiélan lui pointa du doigt le coin gauche où un jeune homme était à demi-accroupi sur le sol, sa bouche largement ouverte et ses yeux plein de souffrance.
La créature à demi-penchée sur lui était vêtue d'un long manteau noir. Une chevelure longue, blanche et lisse qui atteignait le bas de son dos se confondait presque avec la peau pâle, verdâtre de la chose qui portait sur son visage un rictus démoniaque et affreux. Il possédait les dents longues et acérés d'un grand félin et les yeux jaunes à la pupille verticale d'un reptile. L'attention du spectateur était retenu par ces yeux intenses et miroitant, jusqu'à ce qu'on aperçoive sa main gauche en train de saisir le jeune homme par la gorge, alors que sa main droite était agrippée étroitement à la poitrine de l'homme.
Près de lui, un autre de ces monstres observait sa main avec une expression de félicité sur un visage tout aussi blafard. Il regardait ostensiblement une sorte de bouche béante tachée de sang dans sa main, alors qu'à ses pieds gisait un cadavre ressemblant bien plus à une momie desséchée qu'à un corps d'humain.
Nori ne put s'empêcher un petit hoquet de terreur en rabaissant sa lampe, tant elle ne pouvait plus supporter les détails macabres de la fresque.
- Une belle oeuvre, n'est-ce-pas? dit Tiélan d'un ton un peu amer. Nos ancêtres avaient vraiment du talent, malgré leur manque de moyen pour peindre une si grande représentation...
Nori se retourna vers la prêtresse:
- Crois-tu qu'ils reviendront, Tiélan? Crois-tu qu'un jour notre champ de force cessera de fonctionner et que ces monstres viendront nous prendre?
- Eh bien? Tu me crois maintenant au lieu de croire ton cousin? ironisa Tiélan, malgré la frayeur évidente de sa jeune pupille.
- Je ne sais plus...murmura la jeune fille en réponse, détournant résolument son regard de la fresque. Je...j'avoue que c'est beaucoup trop réaliste pour une oeuvre parlant d'une simple légende.
- Je crois que cela prendra bien du temps, lui répondit finalement sa compagne. Nos modules contiennent encore beaucoup d'énergie, selon Nétayé. Probablement pour des siècles à venir, à moins que ces wraith ne découvrent un moyen de percer le secret de notre champ de force. Mais je ne crois pas que cela va arriver de si tôt. Les Anciens étaient beaucoup plus évolués techniquement parlant, alors disons que toi et moi ainsi que notre progéniture avons tout le temps de vivre une vie longue et productive!
- Il n'y a donc aucun moyen de les vaincre? demanda la petite, son regard irrésistiblement attiré encore une fois vers la fresque.
- Selon les écrits relatant les grandes cueillettes avant que les Anciens ne nous fassent l'immense cadeau du champ de force, il n'y aucun moyen de lutter contre ces prédateurs...ils vivent pendant des siècles, sont dix fois plus fort que l'homme moyen le plus fort. Ils peuvent également guérir vite et facilement lorsqu'ils se blessent. J'ai pitié des êtres humains sur les autres mondes, ceux qui ne bénéficient point de notre genre de protection! Il paraît que mourir sous la main d'une de ces créatures qui se nourrit de force vitale humaine est horrible...termina Tiélan d'une voix triste et basse.
Les deux jeunes filles se regardèrent et frissonnèrent en choeur.
- Mais tant et aussi longtemps que nous les prêtresses serons là pour bien faire fonctionner le système des modules, je crois que nous resterons à l'abri de ce sort affreux, ajouta Tiélan sur une note plus optimiste.
Elle se détourna résolument de la fresque relatant un passé sinistre et lointain.
- Maintenant viens. Il nous faut regagner le domaine. Je désire me reposer et méditer...il me reste si peu de jours encore pour profiter des murs sereins de notre sanctuaire! termina-t-elle avec regret.
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Deux semaines plus tard...
- Tiélan, viens ici s'il-te-plaît. Je vais avoir besoin de toi pour tenir le petit.
La jeune fille se tourna vers sa mère, agitant toujours la cuillère dans le bol du cataplasme qu'elle était en train de préparer.
- Mais ce n'est pas encore prêt! Le mélange est toujours aussi épais...
Elle frissonna de dégoût juste à l'idée de devoir se lever pour aller tenir l'enfant récalcitrant dont la jambe avait été salement blessée, après qu'il eut sauté par-dessus la clôture d'un fermier pour aller caresser un daim nouveau-né dans l'enclos. Malheureusement, il avait non seulement déchiré son pantalon mais aussi amoché le bas de sa jambe en se prenant dans les fils barbelés.
Tiélan n'aimait pas du tout la vue du sang, mais encore moins le spectacle de l'infection purulente sur la jambe de ce gamin imprudent...
La mère de Tiélan se tourna tranquillement vers sa fille, réprimant un soupir découragé. Elle prit sa voix la plus calme et unie:
- Tu le mélanges depuis assez longtemps. Juste à l'odeur, je sais que cet onguent est prêt! Allons, viens nous aider à tenir Salmi!
Tiélan ne se gêna pas pour pousser un long soupir. Saisissant le bol à l'odeur plutôt repoussante, elle se dirigea vers la table d'examen où travaillait sa mère et le posa sur le guéridon tout à côté.
L'enfant allongé sur la table se tourna vers sa mère et s'agrippa à ses jupes, commençant à gémir.
- Ce sera efficace pour combattre l'infection, Tiépi? demanda la mère, inquiète et tentant de se défaire doucement de l'étreinte du petit garçon.
- Ce n'est pas confortable comme sensation et ça va brûler pendant quelques minutes pendant que ça fera effet...mais pour une infection aussi avancée que celle-ci, je suis presque certaine que nous allons sauver sa jambe en appliquant ce cataplasme, dit la mère de Tiélan avec son sourire le plus rassurant.
- Bon alors, nous ne serons pas trop de deux pour le tenir, dit la mère en lançant un sourire incertain vers la fille de la guérisseuse du village.
Tiélan lui rendit un sourire plutôt froid.
«Comment as-tu pu être assez stupide et insouciante pour ne pas l'avoir amené à temps à ma mère, bien avant que cette dégoûtante infection n'apparaisse?» pensa la jeune fille sans toutefois vocaliser ce qu'elle pensait de la femme.
Elle poussa un autre petit soupir en jetant un coup d'oeil rapide sur la blessure qui avait été certes bien lavée par sa mère, mais qui commençait à suinter de nouveau.
Tiépi saisit le bol avec le médicament préparé par sa fille. Elle se tourna d'abord vers le petit garçon qui était de plus en plus effrayé.
- Salmi, je sais que tu es un garçon très courageux. Cependant, ta maman ainsi que ma fille Tiélan vont devoir te tenir, car je dois appliquer ce mélange en un seul coup en une grande couche épaisse. Tu vas devoir le garder un bon cinq minutes. Cela fera mal au début, ça va piquer et ce sera très inconfortable mais je te jure que passé les deux premières minutes, la douleur et l'inconfort font diminuer considérablement. Tu me promets de faire ça comme un grand et de te tortiller le moins possible?
S'il y avait quelque chose que Tiélan admirait chez sa mère, c'était que la femme dans la fin-trentaine était une guérisseuse non seulement compétente, mais rassurante pour ses patients, leur disant toujours la vérité mais avec tact, selon ce que l'individu pouvait en supporter. Dans le cas de ce jeune enfant terrifié qui n'avait que sept ans, Tiépi était même encore plus douce et habile, lorsqu'il s'agissait d'un si jeune patient.
Au bout de quelques secondes, Salmi lança un coup d'oeil de côté vers sa mère et regarda finalement la femme-médecin, hochant de la tête son accord sans dire un mot.
- Bon, c'est bien mon garçon! Serres-les dents. Nous allons commencer, dit-elle en jetant un regard d'avertissement en direction de sa fille et de la mère du petit.
Les deux femmes comprirent que c'était le moment de bien tenir l'enfant. La mère s'occupa de la taille et des jambes de l'enfant alors que Tiélan se pencha sur la poitrine de Salmi, saisissant ses deux bras en lui lançant un sourire réconfortant.
Après avoir mis rapidement des gants stériles, Tiépi plongea ses deux mains dans le cataplasme dense et rougeâtre et commença sans hésitation ni même un moment d'arrêt à l'étendre sur la blessure écoeurante et nauséabonde.
Comment elle pouvait accepter d'entrer en contact avec cette infection répugnante qui avait recommencer à dégouliner? C'était hors de compréhension pour sa fille qui dût user de plus de force et de fermeté pour tenir le corps du petit garçon qui avait commencé non seulement à crier, mais à se débattre comme un beau diable.
Elle lança un coup d'oeil vers la mère qui semblait avoir la situation en main, encourageant de sa voix douce et aimante son fils, même si sa voix était enterrée par les gémissements du gamin.
«Je parie qu'il n'ira plus courir dans les champs du voisin, entourés de clôtures barbelés!» se disait en ce moment Tiélan qui se rappelait très bien un incident presque semblable lorsqu'elle était enfant, alors que sa mère avait dû utiliser sur elle la décoction faite de menthe, de feuilles d'orme et d'une pâte de terre argileuse. Elle eut soudain pitié de cet enfant trop aventureux qui lui faisait penser à elle lorsqu'elle n'était qu'une petite fille trop curieuse et téméraire. Ouch! que cet onguent faisait mal en effet, mais ô combien efficace il était!
Au bout d'à peu près deux minutes, l'enfant se calma enfin, constatant probablement que la guérisseuse avait tenu parole et que le cataplasme ne faisait plus aussi mal qu'au tout début.
Tiépi regarda son travail et eut un sourire satisfait, enlevant ses gants et venant caresser le front du petit garçon blême dont les joues étaient encore tachées de boue et de larmes.
- C'est bien Salmi. Je te félicite. Tu t'es conduit comme un homme! Tu vas rester ici étendu sur ce lit pendant encore dix minutes. Tiélan va rester avec toi et te raconter une histoire. Je ne veux pas que tu bouges, le cataplasme n'a pas fini de faire effet. Je te ferai ensuite un pansement et après, je te promets une tranche de ce bon gâteau au pavot qui sent si bon dans ma cuisine!
Non seulement Tiépi était la meilleure guérisseuse du village, mais elle était aussi reconnue comme étant une cuisinière hors pair. On s'arrachait son pain et ses gâteaux, qu'elle vendait pour presque rien.
La mère et la fille ne roulaient pas sur l'or, mais se débrouillaient tout de même assez bien et vivaient honorablement. Quoique dernièrement, certains clients avaient demandé à Tiépi de leur faire crédit, car ils avaient des difficultés financières. Trop bonne et compatissante, la guérisseuse acceptait trop souvent au goût de sa fille!
Justement, la mère du petit Salmi s'éloigna un peu avec Tiépi et se mit à lui parler à voix basse, mais pas assez pour que Tiélan ne puisse pas comprendre:
- Euh...Tiépi, je te suis vraiment reconnaissante mais j'ai des problèmes d'argent ce mois-ci. Mon mari souffre encore de sa dernière pneumonie et n'a pas pu couper assez de bois pour aller le vendre au marché. Il ne peut faire que du demi-temps à l'usine, jusqu'à ce qu'il aille mieux. J'ai donc dû couper notre budget sur bien des choses à la maison...mais je dois cependant faire manger mes quatre enfants! Pourrais-je te payer plus tard, lorsque la chance tournera pour nous?
Tiépi lui fit simplement un sourire plein de bonté, posant son bras sur celui de la femme:
- Je comprends. Prends ton temps, ce n'est pas grave. Et dis à ton mari de passer me voir pour que je l'examine. Je trouve qu'il se remet trop lentement. Ce sera gratuit!
Le visage de la femme s'éclaira de soulagement.
- Tu es si bonne Tiépi! fit-elle avec un large sourire chaleureux. Tiens, je t'ai emmené un poulet en signe de reconnaissance et de premier paiement! fit-elle en sortant une volaille morte et plutôt maigre d'un sac à l'odeur suspecte.
«Bien voilà! On va encore manger de la volaille maigrelette cette semaine!» se dit Tiélan, un peu écoeurée de la trop grande compassion de sa mère.
L'argent ne rentrant pas n'aidait pas non plus à payer les factures! pensa-t-elle avec un peu de ressentiment.
Tiélan et sa mère pouvaient aller librement dans la forêt cueillir la plupart des herbes et racines nécessaires à la fabrication des médicaments, mais il reste qu'elles devaient se procurer certains produits cruciaux pour les décoctions de la guérisseuse et qu'on ne vendait ceux-ci qu'au marché du village. On leur faisait crédit pour le moment, vue la bonne réputation de Tiépi. Mais Tiélan appréhendait le jour où les marchands décideraient qu'il serait temps pour elle de payer les factures en souffrance, avant de lui accorder encore du crédit.
Tiélan reposa son attention sur le petit garçon qui tirait sur sa manche depuis quelques secondes, lui réclamant l'histoire promise.
Elle sortit de ses pensées moroses et posant son plus beau sourire à fossettes sur son visage, elle prit une voix faussement enthousiaste pour régaler l'enfant d'un conte tiré de sa propre enfance.
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- Mère, il va falloir que tu arrêtes d'accepter des poulets ou de la farine comme paiement pour tes services de médecin! dit Tiélan d'un ton exaspéré, aussitôt que la mère et le petit garçon eurent passé le pas de leur porte.
Tiépi marcha vers sa fille avec son sourire immuable.
- La volaille nous fournira trois ou quatre bons repas et puis...il me faut de la farine pour fabriquer mes bons gâteaux! lui dit sa mère d'un ton joyeux qui sembla un peu forcé à Tiélan.
Tiépi savait bien pourtant que sa fille avait raison. Elle était la logique et le gros bon sens dans cette maison, même déjà lorsqu'elle était toute petite!
Tiépi était une femme éternellement optimiste, mais un peu rêveuse et trop idéaliste.
- Et puis tu sais, comment pourrais-je dire à ces gens qui manquent de presque tout qu'ils doivent me payer sur-le-champ? Si je ne soigne pas son mari gratuitement par exemple, il ne sera pas assez fort pour reprendre son travail à temps plein et mettre de la nourriture sur leur table, puis vendre ses produits et ensuite être capable de me payer...
Elle saisit sa fille par les épaules et posa un baiser sonore sur ses joues, faisant naître sur celles-ci le fameux sourire espiègle de Tiélan. Cette dernière poussa toutefois un petit grognement, sensible à l'argument plein de bon raisonnement de sa mère...pour une fois.
- Allons...viens! J'aimerais que tu plumes ce poulet pour le repas de ce soir, dit sa mère en changeant de sujet.
- Je déteste ça! grogna la jeune fille. Et je commence à avoir la nausée à force de manger juste du poulet. Je crois que je vais aller à la pêche tôt demain matin, voir si je peux attraper un ou deux poissons.
Tiépi entraîna sa fille vers la cuisine et elles se mirent au travail.
- Euhhhh non, dit-elle avec un petit sourire contraint. Je préfèrerais que tu restes ici demain matin. J'aurai besoin de toi pour m'aider avec un ou deux patients qui ont des rendez-vous très tôt. Il y a aussi Kerwan dont je dois nettoyer le pied.
- Ah! Ce jeune homme qui s'est rentré un clou dans le talon! C'est dégoûtant! fit Tiélan en poussant un soupir à fendre l'âme. Tu es sûre que tu as besoin de moi pour ça?
Tiépi, qui était en train de mélanger les ingrédients pour faire du pain se retourna lentement vers sa fille en essuyant ses mains enfarinés sur son tablier. Elle marcha lentement vers elle. Tiélan ne cessa pas son travail de plumer la volaille et lui lança simplement un coup d'oeil de côté.
- Mais je croyais que tu allais prendre la relève et devenir guérisseuse tout comme moi? dit sa mère d'un ton calme mais néanmoins avec une pointe de reproche et de déception dans sa voix. Ton service au sanctuaire est terminé désormais et tu dois trouver un bon travail...avant de te marier un jour.
Tiélan cessa sa tâche et se retourna vers sa mère. Sa déception venait de lui rebondir en plein visage alors que sa mère venait d'évoquer deux choses qui la contrariait: le fait que tout le monde sur Kélowna s'attendait à ce qu'une jeune fille de dix-huit ans comme elle n'ait qu'un seul but dans la vie, soit le mariage...
….et le fait qu'elle ne serait pas ce dont elle rêvait tant, soit la Grande Prêtresse du sanctuaire de la montagne sacrée!
- Oh mère...je continue mon apprentissage avec toi parce que je veux t'aider en effet. Je vois que tu as beaucoup de travail avec tous ces gens malades et comme en plus tu ne fais pas payer ceux qui n'ont pas les moyens, alors bien sûr ils débarquent ici pour faire une longue file d'attente au lieu d'aller voir l'autre guérisseuse du village qui, elle, exige d'être payée immédiatement avant de les soigner! Et pour ce qui est de me marier...je t'ai dit mille fois que cela ne m'intéressait pas du tout! Tous les garçons que je connais sont nuls et je ne veux pas me retrouver plus tard à travailler durement sur une ferme et à pondre des petits kélowniens. Je...j'aurais tant voulu devenir l'élève de Nétayé et plus tard la remplacer! C'est le genre de vie que je voudrais, mère. Une vie sereine de méditation à servir dans notre sanctuaire.
Tiélan baissa les yeux, cachant des larmes qui menaçaient de couler sur ses joues.
Pleine de compassion, Tiépi prit entre ses mains les joues de sa fille pour relever sa tête, plongeant le regard de ses beaux yeux verts dans le regard pervenche de Tiélan.
-Oh ma chérie, je suis encore une fois si désolée pour toi! Je sais que tu aurais fait une formidable Grande Prêtresse. Mais Nétayé devait avoir ses raisons pour ne pas t'avoir choisie.
-Elle pense la même chose que toi, dit la jeune fille en boudant...que je dois devenir guérisseuse et ensuite me marier et avoir des enfants.
Tiépi eut le bon goût de ne pas en rajouter avec un «bon, tu vois bien que j'ai raison!».
Elle se contenta d'attirer sa fille contre sa poitrine et de la serrer fort contre elle.
Elle sentit Tiélan frémir et les larmes que la jeune fille laissa enfin couler rendirent son chemisier de travail humide. Elle caressa la chevelure opulente couleur miel de sa fille, se surprenant comme toujours de sa douceur ainsi que de sa couleur d'un doré si rare et brillant.
- Tu verras, tout va bien aller! dit-elle finalement. Je suis certaine que l'Univers te réserve un sort favorable et que ta vie servira de grandes causes, ma Tiélan. Tu pleures aujourd'hui, mais le bonheur est à portée de ta main. Dis-toi que nous avons tous un plan écrit par le destin, un but unique pour chacun de nous...
Tiélan hocha de la tête en silence, séchant ses larmes, juste à demi consolée.
Elle était toujours si édifiée de l'optimisme contagieux de sa mère et surtout de sa foi en l'Univers.
Pour Tiépi, tout avait un but. Chaque être humain avait un destin à qui il ne pouvait échapper. Quelquefois le destin de cet individu pouvait être fabuleux, quelquefois il était triste, voire horrible mais à la fin, il y avait un sens même à la souffrance...c'est juste qu'on en comprenait pas le pourquoi!
Mais l'Univers savait. Et à la fin de notre vie, notre corps était absorbé par la terre alors que les molécules de notre âme régénéraient la force de la vie universelle. Il fallait juste accepter de vivre pleinement, un jour à la fois, de faire confiance...et notre destin se réalisait. Il fallait s'y soumettre.
Oh bien sûr, cela ne voulait pas dire de ne pas se battre pour réussir, de ne pas se défendre contre ses ennemis et de ne pas croire en soi et en nos forces et nos possibilités! Mais il fallait accepter ses propres limites et se plier au rôle que l'Univers avait choisi pour nous.
C'était la base même de l'enseignement des prêtresses au sanctuaire...
Tiépi elle-même avait passé les deux ans requis dans le sanctuaire dans sa jeunesse. En ce temps-là, Nétayé avait même été son amie et son guide, tout comme Tiélan l'avait été pour Nori, la préparant pour passer ses deux années au Sanctuaire.
Tiélan ne voulut pas peiner davantage sa mère. Alors elle ravala son chagrin, hochant encore une fois de la tête pour signifier qu'elle comprenait ce que sa mère tentait de lui expliquer.
Mais c'était surtout parce qu'elle ne voulait plus s'appesantir sur sa grosse déception.
Les deux femmes se remirent tranquillement au travail.
- Je n'irai pas pêcher demain matin, dit soudain Tiélan. Tu as raison, je vois bien que tu as besoin d'aide avec les patients.
- Merci, dit sa mère. Tu sais, tu peux toujours aller pêcher dans l'après-midi?
Tiélan haussa les épaules.
- Non. Dans l'après-midi, les poissons ne mordent pas. Je vais plutôt y aller après-demain matin. Ce sera mon jour de congé et je tenterai de te ramener du bon poisson pour la table du soir...je suis habile à la pêche, grand-père m'a bien enseigné! dit-elle en se rappelant avec nostalgie de son grand-père décédé depuis quelques années. Il avait été pour elle le parfait substitut d'un père qu'elle n'avait pas connu.
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- Parles-moi encore de ton histoire d'amour avec Arlan, dit Tiélan à sa mère. Racontes-moi!
- Quoi...encore!? fit Tiépi avec un petit sourire chargé de nostalgie mais toutefois amusé.
Les deux femmes venaient de finir leur repas du soir et prenait le thé, se réchauffant près de la cheminée où Tiépi venait d'allumer un bon feu. Bien que Kélowna connaissait la plupart du temps un climat idéal, c'était la saison automnale et les températures chaleureuses du jour cédaient souvent le pas devant la fraîcheur humide du soir.
- Dis-moi Tiélan, cela fait combien de fois que je te raconte comment ton père et moi nous sommes connus? la taquina sa mère.
- Des centaines de fois depuis que je suis en âge de comprendre! gloussa Tiélan. Mais je sais que tu adores ça aussi. Alors ne te fais pas prier et racontes!
Tiépi étendit ses longues jambes devant le feu, avançant également ses mains pour les réchauffer aux flammes du foyer.
- Nous étions le printemps et je venais tout juste d'avoir dix-neuf ans, commença enfin sa mère. J'avais fait mon stage au sanctuaire et de retour parmi les miens, j'apprenais le même métier que ma mère, soit guérisseuse. Mes parents auraient voulu que je me marie assez tôt comme eux l'avaient fait, mais je ne voulais pas les laisser seuls tout de suite. Comme tu le sais, il n'y avait que trois mois que mon jeune frère de deux années de moins que moi était mort à la suite d'une grippe particulièrement virulente. Ils avaient tant de chagrin que je voulais rester à leurs côtés au moins un an avant de me choisir un prétendant...
- Tu es encore si belle, l'interrompit sa fille en regardant avec admiration la silhouette mince et encore juvénile de sa mère, sa longue chevelure châtain légèrement bouclée et ses beaux verts couleur des émeraudes. Je suis sûre que bien des garçons n'espéraient qu'une parole de toi pour te suivre au bout du monde!
Tiépi sourit doucement et continua:
- Un jour, mère m'a envoyé renouveler notre provision dans la clairière où nous allions habituellement cueillir les herbes et les racines pour fabriquer des onguents. J'avais ordre de ne pas trop m'éloigner et de revenir le plus vite possible, mais il faisait si bon ce jour-là! Le soleil brillait et il y avait cette brise délicieuse qui agitait le haut des arbres de la forêt. Alors une fois mon panier plein, j'ai décidé d'aller me balader dans la forêt. C'est là qu'au bout de quelques minutes j'ai entendu des gémissements de douleur qui venaient d'un peu plus loin. Je me suis approchée et j'ai fait le tour d'un gros arbre au tronc très large où gisait un jeune homme de mon âge. De toute évidence c'était un chasseur car il portait à sa ceinture deux lièvres morts. Mais ce qui m'a plutôt alerté, c'est le fait qu'il souffrait beaucoup! Il s'était pris la cheville dans un des pièges posés par ton grand-père. Quand il m'a vu, il a d'abord eu un mouvement de recul et une expression plutôt hostile. Et puis soudain ses traits se sont transformés alors qu'il s'est mis à me regarder attentivement avec de la surprise, puis de l'admiration dans ses yeux...
- Il venait de tomber amoureux de toi! dit Tiélan d'un ton joyeux.
Elle aimait souvent agrémenter le récit de sa mère de ses propres réflexions.
Tiépi sourit avec indulgence:
- Oh mais...je l'ai dévisagé aussi pas mal et je le trouvais si beau que moi aussi, je crois que j'ai eu véritablement le coup de foudre! Mais je me suis vite reprise et j'ai accouru vers lui, m'agenouillant à ses côtés pour observer sa blessure mais d'abord le délivrer du piège.
«Attention, cela va faire mal, ais-je dit. Mais je vais pouvoir te faire soigner après car ma mère est guérisseuse.» Je savais comment fonctionnaient les pièges de mon père alors j'ai réussi à le libérer de sa fâcheuse position.
«Merci, a dit le jeune homme. Je crois que celui-ci était si bien caché que je ne l'ai point vu et je me suis laissé bêtement prendre!»
- Puis le jeune homme et moi nous sommes fixées. Nous avions bien du mal à détourner nos regards l'un de l'autre! dit sa mère avec le petit rire niais des gens évoquant leurs histoires amoureuses.
- Comment était-il mère? demanda Tiélan d'un ton avide, ses yeux pleins d'étoiles, interrompant les rêveries de Tiépi.
Bien que cela fasse tant de fois que la femme décrivait le jeune homme à sa fille, Tiépi ne se fit pas prier:
- Il était grand, mince et bien bâti, je pouvais le voir même s'il était étendu sur le sol. Il avait des cheveux longs aux épaules, bouclés et du même blond que toi. Tu tiens de lui tes fossettes dans les joues mais surtout ses magnifiques yeux d'un bleu clair, couleur des pervenches qui me rappellent toujours son regard, ceci à chaque fois que je vois l'une d'entre elles! Il devait bien avoir dans les vingt-deux ans et j'ai réalisé que j'aimais tout de lui...même sa voix un peu chantante, malgré la note de souffrance en elle. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que je le fixais béatement, alors que j'aurais dû plutôt examiner sa blessure qui semblait sérieuse et l'emmener voir ma mère pour qu'elle le soigne, ceci pour éviter l'infection.
Bien que Tiélan ressemblait peu à sa mère et qu'elle était plutôt le portrait craché de son père selon elle, la jeune fille savait avoir la même forme en ovale du beau visage, le même menton, les mêmes lèvres pulpeuses et la même couleur crémeuse de la peau de Tiépi.
- J'ai repris contenance et je lui ai demandé son nom et d'où il venait, continua Tiépi, car je ne le reconnaissais pas du tout. Ce n'était pas l'un des nôtres. Pendant que je tâtais sa blessure et la nettoyait du mieux que je pouvais avec mon foulard et un peu d'eau venant de ma gourde, il m'a dit son nom et de quel village il venait...
- Il venait du nord, du village de Sovari, compléta Tiélan. Et il s'appelait Arlan...
- Oui, dit Tiépi en soupirant, se rappelant le regard ouvert et franc du jeune homme qui la contemplait toujours avec admiration. Je lui ai dit que je l'aiderais à marcher jusqu'à notre village, que nous n'étions pas loin. Mais il a vivement refusé; il m'a dit que leur famille ayant du mal à survivre, il avait dû se résoudre à braconner sur nos terres. S'il acceptait de me suivre au village, il se ferait prendre par les autorités et serait alors emprisonné. Nos lois étaient sévères à l'époque là-dessus, comme tu le sais...et elles le sont encore. Arlan ne voulait pas laisser sa famille qui dépendait de lui, vu qu'il était l'aîné d'une famille de cinq enfants et que sa mère était veuve. Et puis il faut dire qu'à cette époque, Kélowna sortait d'un long conflit avec ce village du nord. Nous vivions finalement en paix, mais pas du tout en termes amicaux cependant! Arlan ne voulait pas venir se faire soigner au village et devoir mentir sur ce qui l'avait amené aux abords de notre territoire. Il m'a supplié de ne rien dire de sa présence. Comme il constatait que j'avais l'air habile comme guérisseuse, il m'a demandé de lui donner des soins sans en avertir ma famille ni les autres kélowniens. Il ne tenait pas à ce que le conflit entre nos deux peuples reprennent, si l'on découvrait qui était responsable du braconnage!
- Hummmm...tu ne t'es pas trop faite prier pour accepter! dit malicieusement Tiélan. Il devait être pas mal convaincant et surtout très agréable à regarder...
Tiépi baissa les yeux, rougissant un peu.
- En effet dit-elle. J'ai donc fait de mon mieux mais je savais que j'aurais besoin d'un onguent, un peu le même genre de décoction que j'ai utilisé sur le petit Salmi ce matin. Je lui ai donc dit que je reviendrais dans moins d'une demi-heure, lui promettant également de ne rien dire à mes parents. J'ai donc laissé délibérément près de lui le panier d'herbes et de racines et une fois de retour chez moi, j'ai fait semblant de l'avoir oublié et de devoir retourner dans la clairière. C'était la première fois que je mentais aussi effrontément à mes parents! J'avais si peur qu'ils découvrent ma tromperie, mais ils y ont cru. Je suis donc allée en toute hâte quérir ce dont j'avais besoin dans l'atelier médical de ma mère, soit de l'onguent et des pansements stériles. Avant de partir, j'ai même subtilisé un peu de pain et un peu de l'alcool local dans la réserve de mon père et j'ai presque couru jusqu'à la clairière, découvrant que j'avais plus peur qu'Arlan ne se soit plus là, plutôt que de craindre que mes parents ne découvrent ma supercherie!
Tiépi fit une pause. Son visage devint soudain plein de félicité:
- Mais il était là! dit-elle enfin. Je me suis mise à soigner sa blessure comme j'avais vu ma mère le faire si souvent dans de tels cas, car cela arrivait un peu trop souvent que des gens soient assez insouciants pour mettre le pied dans les pièges à gibier, alors qu'ils savaient que c'était une façon courante pour prendre les petits animaux de la forêt. Nous avons parlé. Abondamment. Tellement que je n'ai pas vu l'heure! Il s'intéressait vraiment à moi, il me posait un tas de questions...et il me regardait comme si j'étais un ange...
- Mais tu es un ange, mère! dit Tiélan avec un accent sincère dans sa voix.
En effet, tout comme pour Nétayé, Tiépi était une des deux personnes que la jeune fille admirait le plus au monde.
Tiépi rit en agitant sa main négligemment, puis elle continua son récit:
- Malgré que cette décoction agissait vraiment bien pour contrer les infections et refermer des blessures de ce genre, j'ai tenté de le convaincre encore une fois de venir au village voir ma mère, mais il a refusé de nouveau. Je savais pourtant qu'il ne pourrait marcher avant quelques jours et que je devrais revenir changer le pansement et remettre encore de cet onguent, qu'il ne pouvait retourner ainsi vers son village qui était trop éloigné. Je connaissais une petite cabane de chasseurs pas très loin derrière le gros arbre et comme ce n'était pas la saison officielle de la chasse, je me suis dit qu'elle serait inhabitée. Je l'ai aidé à marcher jusque là à l'aide d'une branche en guise de béquille. C'était la cachette parfaite! Je lui ai promis de venir tous les jours le soigner et lui porter de la nourriture, vu qu'il ne pouvait vraiment pas prendre soin de lui. Et ce jusqu'à ce qu'il soit assez bien pour retourner chez lui...
- Ahhhh la cabane dans les bois. Que c'est romantique! dit rêveusement sa fille. Et si commode...
Tiépi ignora superbement la moquerie déguisée de sa fille et continua son récit:
- Cela a duré un peu plus de trois semaines avant qu'il ne soit guéri, grâce à mes bons soins et à la nourriture que je lui apportais tous les jours. Je devais user de faux-fuyants et de tout un tas de subterfuges vis-à-vis mes parents. J'avais mis ma meilleure amie dans la confidence, mais sans lui dire que ce jeune garçon était blessé et qu'il était un braconnier venu d'un village qui nous était hostile. Sans lui dire également qu'il était caché dans la forêt et que j'allais à lui tous les jours pour le soigner. Elle croyait que c'était quelqu'un du village que je fréquentais en cachette parce que je ne voulais pas aviser mes parents tout de suite, voulant apprendre à bien le connaître auparavant. Elle me couvrait donc, car je disais à mes parents que c'est chez elle que je me rendais tous les jours, non dans la forêt pour rejoindre mon braconnier blessé. Crois-moi, je n'aimais pas du tout avoir à leur mentir mais je...j'étais déjà si amoureuse que rien d'autre n'avait d'importance que ce garçon et notre amour naissant!
Tiépi replongea pendant un moment dans les doux souvenirs du passé, vers ces moments magiques qu'elle avait partagé avec le séduisant jeune homme. Tiélan respecta son silence, un peu envieuse de ce sentiment qu'elle n'avait jamais connu à la vue d'un seul des hommes du peuple de Kélowna. Peut-être est-ce pour cela qu'elle ne voulait pas d'un soupirant? Personne ici n'avait encore fait tant battre son coeur...aucun garçon n'avait fait naître en elle le doux sentiment et l'exaltation qu'elle voyait sur le visage extasié de sa mère en cet instant! Elle décida que si elle ne ressentait pas ce coup de foudre tout comme Tiépi envers ce jeune braconnier venu du nord, alors elle ne se marierait jamais!
- Puis un jour...continua doucement sa mère en baissant les yeux et en rougissant un peu, ce qui devait arriver arriva. Nous conversions de tout et de rien après que j'eusse lavé et bandé sa blessure à nouveau. J'étais contente de voir que mes soins portaient fruit et qu'il allait bientôt être totalement guéri. Mais je craignais aussi le moment où il marcherait sans difficulté et me dirait qu'il allait devoir repartir vers les siens qui devaient être très inquiets! Alors nos conversations sont devenus des silences prolongés, pendant lesquels nous étions perdus dans le regard de l'autre. Puis il m'a embrassé...et puis...eh bien je ne t'ai jamais caché rien sur ce qui se passe entre deux jeunes gens lorsqu'ils découvrent qu'ils s'aiment, ma chérie. Nous nous sommes donnés l'un à l'autre. C'était notre première fois à tous les deux.
Tiélan observa avec envie le doux sourire de sa mère, la couleur encore rosie sur ses joues, les étoiles dans ses yeux lorsqu'elle se rappelait la fougue et l'amour ressenti pour Arlan.
Le peuple de Kélowna n'en était pas un qui souffrait de préjugés face au sexe, ni de fausse pudeur. La sexualité faisant partie de la vie, de l'Univers, rien n'était caché aux enfants et tout était expliqué clairement, mais avec tact et à la portée de leur âge. Il était cependant fortement souhaité que le garçon, tout autant que la fille, ne commence sa vie sexuelle qu'à l'âge de dix-huit ans et aussi suggéré que les jeunes gens n'aient des relations sexuelles que lorsqu'ils s'aimaient. Pas besoin d'être marié mais cependant, cela était tout de même préférable, si on envisageait de créer une famille.
Sortant ce ses souvenirs à la fois merveilleux et douloureux, la mère de Tiélan continua son récit:
- Puis un jour...je suis retournée à la cabane et il n'y était plus.
Le sourire extatique sur les traits de Tiépi avait disparu pour céder la place à un regard hanté, à cette tristesse dans les yeux verts de sa mère. Ce petit éclair de chagrin qu'elle voyait parfois dans les yeux maternels, mais que Tiépi recouvrait tout de suite avec son expression éternellement optimiste.
- Il...il m'avait laissé une note me disant qu'il m'aimait, qu'il était si désolé mais qu'il devait retourner parmi les siens car il ne pouvait les laisser pendant encore longtemps dans l'ignorance de ce qui lui était arrivé. Il ne pouvait les abandonner pour rester avec moi, quand il était leur principal soutien pour survivre! Il terminait son mot en disant qu'il m'aimait sincèrement, éperdument. Qu'il allait trouver un moyen pour parler aux siens et aux membres dirigeants de son village pour avoir la permission de revenir me chercher, qu'il allait demander ma main à mes parents et m'épouser. Mais je ne comprenais pas pourquoi il était parti ainsi sans me donner ses raisons de vive voix? Je suis retournée chez moi comme dans un brouillard, comme si j'avais reçu un coup de poignard en plein coeur. À quelque part, j'espérais qu'il tienne parole et qu'il revienne me chercher mais mon coeur était brisé. Je suis allée trouver mon amie pour lui dire que mon histoire d'amour était brisée et que je n'aurais plus besoin d'elle comme couverture. Puis je suis retournée chez mes parents, sans rien leur dire, continuant ma vie et mon travail auprès d'eux comme si de rien n'était...espérant toujours. Quelquefois je retournais à la cabane, vivant du fol espoir de passer le pas de cette porte et de le revoir en train de me sourire et de m'ouvrir ses bras. Mais rien. Finalement, je n'y suis plus retournée...cela faisait trop mal.
Encore une fois une pause. Tiélan respecta la douleur encore bien présente dans les yeux de sa mère.
- Les jours ont passé, continua enfin Tiépi. Ma douleur était toujours vive, mais je la cachais bien. Pourtant, plus le temps passait, plus mes espoirs de le revoir s'envolait. Puis un matin je me suis levée avec des nausées et des étourdissements. Cela faisait quelques semaines que je me sentais ainsi. Ma mère, voyant que j'avais encore l'air malade après avoir vomi, m'a examinée scrupuleusement et j'aie vu dans ses yeux qu'elle savait. Elle m'a juste serrée contre elle et m'a laissée sangloter sans rien dire, sans juger. Elle a fait venir mon père et ils m'ont supplié de leur raconter ce qui causait mon chagrin et de leur confier surtout qui était le père de l'enfant qui allait naître. Je leur faisais confiance et je les aimais. Alors, j'ai tout raconté. Ils ont été admirable, Tiélan. Ils m'ont dit que je n'avais rien fait de mal, que j'avais juste connu l'amour et le désir...mais qu'il me fallait oublier ce jeune homme qui m'avait honteusement abandonné dans cette situation. Ils m'ont promis qu'ils seraient toujours là à mes côtés et qu'ils élèveraient mon bébé avec moi, comme si c'était leur propre enfant.
Une autre pause. Mère et fille échangèrent un regard plein d'amour mutuel et inconditionnel.
- Et puis tu es née. Toi, mon magnifique bébé avec tes cheveux blonds et bouclés, tes jolis fossettes et surtout les mêmes yeux bleus si clairs de ton père...
-...et tu m'as appelé Tiélan. Selon la tradition de notre peuple, «Tié» pour le début de ton propre nom Tiépi et «lan» pour la dernière syllabe d'Arlan, nom de mon père.
C'était la coutume parmi les kélowniens depuis le début de leur colonie. Les prénoms étaient uniques et créés souvent à partir de deux ou trois syllabes venant de la combinaison des prénoms de l'un des deux parents ou même des grands-parents. On pouvait aussi décider de prendre le prénom d'un ancêtre pour l'honorer, mais il fallait qu'il soit décédé pour que le prénom soit unique à l'individu. Quant aux noms de familles, il n'y en avait que quatre parmi tous les milliers d'habitants de leur village. Les liens réunissaient les familles par des clans spécifiques qui étaient au nombre de quatre dans le village de Kélowna.
Ainsi, l'enfant nouveau-né appartenait au clan des Quinn et se nomma Tiélan Quinn.
Sa mère hocha silencieusement de la tête.
- À partir de ce moment-là, tu as été la lumière de ma vie ma chérie. Et aussi une grande joie pour mes parents qui m'ont en effet aidée à t'élever avec amour. Tu étais une enfant curieuse et enjouée, mais qui demandait beaucoup d'attention et nécessitait de la discipline. Heureusement, tu es devenue cette belle jeune fille, intelligente et raisonnable mais surtout sérieuse et dévouée.
Elle caressa doucement la joue de sa fille et ses yeux reflétèrent toute la tendresse du monde. Tiélan devina que la jeune fille éplorée par la perte de son amoureux avait alors centrée sa vie sur son seul enfant.
- Et tu n'as jamais voulu te marier après cela, même si tu as eu plusieurs prétendants selon grand-père, dit Tiélan. Tu n'as jamais réussi à oublier Arlan, n'est-ce-pas?
Sa mère hocha négativement de la tête.
- Mes parents avaient beau me dire qu'il m'avait trahi, qu'il ne reviendrait pas me chercher. Qu'il s'était même sûrement marié depuis le temps à une des filles de son village, mais moi j'espérais toujours...je ne pouvais croire cela d'Arlan. J'avais vu tout l'amour qu'il avait pour moi dans ses yeux. Et ces yeux ne pouvaient mentir! Alors je me suis dit que quelque chose devait lui être arrivé. Pourtant, même si je n'ai jamais oublié ton père, Tiélan, j'ai fini par me résigner. J'ai continué mon apprentissage de guérisseuse auprès de ma mère. Mais en effet je n'ai jamais voulu fréquenter un autre homme, même si mes parents me suppliaient de le faire, ayant le goût d'avoir d'autres petits-enfants. Heureusement qu'ils étaient là pour toi et moi! Ils m'ont beaucoup aidé à bien t'élever et t'enseigner notre philosophie de vie et nos traditions.
Tiélan se souvenait avec nostalgie de sa mamie, comme elle l'appelait toujours. Une dame douce et digne, parlant peu mais toujours tellement dévouée et prête à cajoler sa petite-fille pour la consoler au besoin, lui apprenant également à cuisiner, à coudre et à cultiver le jardin familial. Son grand-père de son côté était un homme fort, tout autant physiquement que moralement. Il avait été maire du village pendant un bon bout de temps mais s'était finalement retiré pour laisser la place à un candidat plus jeune et moderne. Il savait bûcher le bois et le travailler, son sens artistique certain lui faisant réaliser de magnifiques sculptures. Mais surtout, c'était lui qui avait montré à Tiélan comment pêcher et chasser, même à un âge très jeune. La petite adorait la nature et les animaux sauvages et elle suivait joyeusement et sans broncher son grand-père dans les bois, au grand dam de sa mère et de sa grand-mère qui la trouvait bien jeune pour traquer et tuer des animaux!
Pendant toute son enfance, malgré la discipline rigide de son grand-père qui lui servit de figure paternelle et les principes rigoureux de vie de sa grand-mère, jamais elle n'avait été punie physiquement ou même empêchée de faire ce qu'elle aimait, en autant qu'elle apprenait la conséquence d'un acte, la responsabilité liée à une décision qu'elle prenait. On lui expliquait toujours pourquoi on devait la punir et aussi comment elle devait terminer quelque chose qu'elle avait commencé, et non la laisser tomber si cela ne lui plaisait plus.
Tiélan se considérait vraiment chanceuse d'avoir eu une enfance idéale. Sa petite famille n'était pas très riche, mais elle n'avait certes pas manqué d'amour!
Malheureusement, lorsqu'elle eut dix ans, sa grand-mère s'était doucement éteinte dans son sommeil. Trois ans plus tard, ce fut le tour de son grand-père si adoré qui mourut de pneumonie après avoir prit froid dans un lac plus au nord, lorsqu'il avait sauvé la vie d'une petite fille qui s'était éloignée imprudemment de sa famille. Il l'avait aperçue, avait sauté courageusement dans l'eau et nagé malgré l'eau frigorifiante, tombant malade par la suite et y laissant sa vie.
Ahhhh comme ses grands-parents lui manquaient! se dit Tiélan.
Depuis lors, sa mère et elle vivaient ensemble paisiblement dans cette petite maison un peu en retrait du village, mais où on venait consulter la guérisseuse presque tous les jours.
Elle fut distraite de ses pensées par la voix de sa mère qui continuait son histoire:
- Puis un jour, j'ai compris que j'avais eu raison de croire en lui, que c'était des circonstances malheureuses qui l'avait empêché de revenir dans mes bras. Les relations entre nos deux villages s'étant grandement améliorées avec le temps, ton grand-père s'est rendu un beau jour sur la place du marché de Sovari pour acheter une huile rare et précieuse que nous n'avions pas par chez nous et qui permettait au bois de ses sculptures d'être bien protégé et de durer ainsi plus longtemps. Il fut invité ensuite par des villageois pour prendre un verre à l'auberge du village et il put ainsi s'enquérir subtilement, posant des questions pour savoir ce qui était arrivé à un jeune homme nommé «Arlan», s'il vivait encore dans le coin? Mon père, tu l'as compris, aurait bien aimé lui dire deux mots! Un des fermiers lui confia qu'il connaissait bien la famille de ce jeune homme et que le fils aîné, qui avait toujours été un peu trop téméraire, s'était aventuré sur un terrain de chasse où peu allait, car il y avait beaucoup de prédateurs sauvages dans le coin. Comme il ne revenait pas après vingt-quatre heures, les villageois organisèrent une battue et malheureusement, ne découvrirent plus qu'un corps sans vie. Il avait été attaqué et tellement dévoré par un des félins de cette forêt qu'ils ne purent l'identifier que grâce aux vêtements uniques que sa mère fabriquait pour lui. Mon père revint et me raconta tout, car il voulait que je tourne la page, ayant deviné que je ne l'avais jamais oublié! J'ai beaucoup pleuré pendant des jours, se rappela Tiépi, sa voix étranglée par le chagrin. Mais au moins, je savais qu'il m'avait sincèrement aimée et qu'il serait revenu au bon moment, qu'il ne m'aurait jamais abandonnée ainsi, si seulement il avait su que j'étais enceinte de notre enfant! Mais mon père avait tort. Je ne l'ai jamais oublié et je n'ai jamais voulu me marier par la suite. Ma vie de guérisseuse, mes parents ainsi que toi mon enfant...vous étiez tout ce dont j'avais besoin.
Tiélan s'était souvenue également. Elle se rappelait que sa mère, toujours si souriante et optimiste, avait passé plusieurs jours, cachée dans sa chambre, n'acceptant pas d'en sortir...même pas pour manger. Elle avait versé bien des larmes et même la petite fille qui venait lui caresser les cheveux tous les jours arrivait à peine à lui arracher un pâle sourire à travers ses larmes.
Mais le temps passa et Tiépi reprit le cours de sa vie, retrouvant la sérénité.
- Bon alors, c'est ici que je termine cette histoire que tu connais si bien ma chérie! Mais je voudrais juste ajouter une seule chose. Tiélan, s'il-te-plaît, ne fais pas comme moi: ne te fermes pas en refusant de rencontrer des jeunes hommes parmi lesquels tu pourrais trouver un bon mari. Ne laisses pas ta déception de ne pas avoir été choisie comme future Grande Prêtresse t'isoler des autres. Ne refuses pas ton destin! Comme je te l'ai expliqué tant de fois, l'Univers a un projet pour toi et tu dois lui faire confiance...-
- -...dit la femme qui a toujours refusé de rencontrer de bons partis, même après la mort d'Arlan! termina Tiélan d'un ton narquois.
Sa mère eut une expression un peu exaspérée, même embarrassée. Mais elle reprit bien vite son expression douce et impassible.
- Mon destin à moi était de devenir guérisseuse, de prendre la suite de la profession de ma mère. J'étais même plus douée qu'elle. De me marier et d'avoir plusieurs autres enfants ne m'auraient pas permis de m'y consacrer pleinement!
Quand sa mère voulait se montrer entêtée, se dit Tiélan, alors personne ne pouvait rivaliser avec ses commentaires bornés!
Tiélan secoua sa tête, découragée, ne rajoutant rien.
Mais Tiépi n'avait pas terminé.
- Demain, Kerwan vient ici pour que je revois sa blessure. Tu sais, ce jeune homme t'adore littéralement...si tu ne t'en est pas encore aperçue!?
- Ah oui...? dit Tiélan d'un ton ironique.
Apparemment, c'était la VRAIE raison pour laquelle sa mère voulait qu'elle reste au lieu d'aller à la pêche!
- J'aimerais au moins que tu lui portes attention, que tu lui donnes une chance et que tu apprennes à mieux le connaître. C'est un jeune homme de belle apparence et de bonne famille. Il a bon coeur et il est très travaillant! On m'a dit qu'il a fait des études d'ingénieur et qu'il reprendra la firme de son père. Je t'en prie ma chérie, acceptes au moins un rendez-vous et écoutes-le! C'est peut-être un signe du destin...
Tiélan poussa un long soupir. Elle savait bien que sa mère ne lâcherait pas le morceau. Elle pouvait vraiment être très tenace quand elle le voulait! Tiélan se dit qu'elle pouvait bien accepter une rencontre avec ce jeune homme que sa mère venait de lui vanter, juste pour faire plaisir à Tiépi.
Cependant elle lui dirait qu'elle ne recherchait pas du tout l'amour et le mariage, mais qu'elle acceptait de considérer son amitié. Cela tuerait ses espoirs dans l'oeuf, mais au moins elle aurait la paix!
Mais bien sûr, elle ne dirait rien à Tiépi de cette petite entourloupe...
- C'est bien, mère. Je serai là pour t'aider et si Kerwan me quémande un rendez-vous, alors je vais peut-être accepter...mais sans rien lui promettre. Je ne te garantis pas que les flammes de la passion vont jaillir entre nous, du moins pas de mon côté. Ce que tu as connu avec mon père est vraiment rare, tu le sais bien!
Tiépi serra sa fille dans ses bras. Cette petite promesse lui suffisait pour être heureuse!
Tiélan fut contente de voir renaître un sourire sur le visage de sa mère. Raconter son histoire d'amour avec le bel Arlan l'exaltait toujours autant, mais cela la rendait néanmoins un peu triste à la fin.
0O0o0
Le lendemain, Tiélan refit le pansement de Kerwan après que sa mère eut nettoyé la blessure et statué qu'il remarcherait sans difficulté dans quelques jours.
Le jeune homme bavait presque d'admiration en examinant ouvertement la jeune fille qui selon lui, était la plus belle de leur village.
Il baissa la tête et rougit lorsqu'elle le surprit à la regarder comme si elle était la septième merveille du monde. Que c'était agaçant! pensa Tiélan en pinçant ses lèvres d'exaspération.
Plus audacieux que la dernière fois où il était venu, Kerwan osa lui demander d'une voix timide et hésitante si elle accepterait de venir ce samedi suivant participer à la soirée de danse qu'organisait leur auberge locale?
Tiélan aurait aimé un langage plus ferme et plus sûr de lui. Elle appréciait les hommes plus confiants en eux. Mais elle devait bien avouer que Kerwan n'était pas du tout pénible à regarder! Il avait une chevelure abondante et noire qu'il semblait avoir du mal à discipliner, il était grand, mince et il avait de beaux yeux sombres et sauvages. Pourtant, il était trop timide pour son goût...la jeune fille devina que cela avait pris tout son courage pour lui demander de sortir avec lui.
Elle hésita, leva sa tête pour refuser poliment mais sa mère était apparu derrière le jeune homme, dans l'entrebâillement de la porte. Elle lança à sa fille un sourire encourageant avec un petit éclair suppliant dans ses yeux, hochant fortement de la tête pour l'enjoindre d'accepter!
Tiélan soupira intérieurement et répondit oui. Après tout, cela lui ferait du bien d'aller se dégourdir les jambes avec des jeunes du village...
- J'en suis très heureux Tiélan! dit alors le jeune homme après être resté stupéfait pendant une bonne minute, croyant à peine à sa bonne fortune. Si tu le permets, je pourrais même t'emmener prendre un léger repas après la danse! Chez nous...je te présenterai mes parents.
«Holà! pensa Tiélan en lançant un regard dubitatif vers le jeune homme. Ne prends pas le mors au dents! Tu vas trop loin. Rencontrer tes parents, ça fait bien trop sérieux.».
- Merci beaucoup, dit-elle en taisant ce qu'elle pensait vraiment...mais la danse suffira. Je devrai me lever tôt le lendemain car ma mère et moi avons beaucoup de patients à voir.
Elle lança un regard d'avertissement vers sa mère pour que Tiépi ne sabote pas son échappatoire en disant à Kerwan qu'elle se passerait des services de sa fille le lendemain de la danse. Tiélan avait cédé pour une seule sortie avec ce jeune homme. C'était assez!
Kerwan ne poussa pas sa chance et quitta la maison de la guérisseuse en boitillant sur son pied blessé, le sourire aux lèvres et un éclat joyeux dans les yeux, ayant recouvré toute son assurance.
Tiélan était sûre qu'il allait aller se vanter à ses copains! Sans être prétentieuse, elle savait qu'elle était la fille la plus «recherchée» par la jeunesse masculine du village.
Une fois le jeune homme parti, Tiélan vit sa mère rayonner de joie pour le reste de la journée qui se passa admirablement bien.
Une fois ses tâches terminées, Tiélan alla rejoindre quelques amies et elles se baignèrent dans le lac aux eaux thermiques, celui qui était au pied de la montagne sacrée.
Même si elle avait accepté cette sortie avec Kerwan, elle allait trouver un moyen pour lui faire comprendre de ne pas espérer autre chose que de l'amitié entre eux.
Tout comme elle découragerait les autres garçons qui se montreraient entreprenants avec elle.
Elle allait continuer son apprentissage comme guérisseuse auprès de sa mère, car elle était loin d'avoir autant de connaissances que Tiépi.
Puis elle allait rédiger une longue lettre pour Nétayé. Peut-être écouterait-elle enfin sa supplique? Peut-être changerait-elle d'avis et considérerait-elle enfin sa demande de la prendre comme élève pour devenir Grande Prêtresse...
ψψψψψψψψψψ
Pendant ce temps, dans le Sancti...
Pour la troisième fois, Sliva tenta d'enclencher le nouveau cycle après avoir interchangé tous les modules de la bonne façon, selon le protocole.
Mais cela ne servit encore une fois à rien.
La troisième tour était demeurée désespérément éteinte, ne s'illuminant pas comme elle le devait après avoir été déposée dans sa cavité.
Aucun sifflement rassurant pour statuer que le cycle c'était bel et bien remis en marche!
Bien qu'elle eut effectué l'opération pour une troisième fois et plus calmement pour bien s'assurer qu'aucune erreur ne s'était glissée dans le processus, Sliva paniqua vraiment cette fois-ci.
Elle savait qu'elle ne disposait que de cinq minutes avant que l'énergie ne fasse défaut au système tout entier!
Respirant maintenant rapidement, angoissée, elle jeta un coup d'oeil sur l'écran de contrôle qui restait obstinément figé sur les mots «opération incomplète», écrits dans les long et élégants hiéroglyphes du langage des Anciens.
Puis elle regarda la troisième tour, toujours obstinément éteinte.
Mais que se passait-il? Avait-elle fait une erreur fatale? Ou bien est-ce que cette tour était désormais épuisée de toute son énergie?
Impossible.
Nétayé avait affirmé il n'y a pas longtemps qu'ils en avaient encore pour un bon centenaire d'années avant qu'un seul de ces modules ne soit complètement vide.
Il était temps d'aller quérir la Grande Prêtresse, se dit-elle en faisant signe à la jeune prêtresse qui l'avait aidée, son regard tout aussi bouleversé que le sien.
- Vas me chercher Nétayé. Tout de suite!
Il leur restait peu de temps avant que la première brèche ne commence à affecter le puissant champ de force entourant la planète des kélowniens.
0O0o0
Nétayé cacha l'inquiétude grandissante en elle et recommença tout le processus avec la prêtresse Sliva.
Mais rien n'y fit. Les cinq minutes étaient passées depuis un bon moment déjà et le troisième module refusait toujours de s'illuminer, ce qui aurait indiqué sa bonne mise en marche.
Pire, les deux premiers modules devaient prendre le relais et comme ils n'étaient pas conçus pour supporter bien longtemps la charge de l'appareil ayant nécessairement besoin des trois tours pour bien faire circuler l'énergie, Nétayé décida à la fin d'éteindre complètement le système de protection créé par les Anciens.
Un silence mortel tomba dans le Sancti.
En fait, depuis des millénaires, un bourdonnement constant et rassurant avait chanté en ces lieux vingt-quatre heures sur vingt-quatre, grâce au système bien entretenu par la fidèle présence des compétentes prêtresses du sanctuaire.
Sliva et sa jeune assistante ouvrirent grand leurs yeux, soudain effrayées.
- Mais Nétayé, qu'as-tu fait? demanda la première. On ne peut PAS laisser cet appareil éteint! Le champ de force va s'écrouler et..-
- Cela ne sert plus à rien Sliva, dit la voix triste et fataliste de la Grande Prêtresse. Ce module est totalement dépourvu de la moindre énergie. Fatiguer les deux autres tours encore valides ne va faire que les vider plus vite elles aussi. Et je veux que des ingénieurs viennent tout de suite ici pour nous confirmer ce que je crains...mais peut-être trouveront-ils une solution? Vas les chercher ma fille, dit-elle en direction de la prêtresse débutante qui déguerpit tout de suite pour se rendre au centre du village, soit à l'Institut des Sciences et de l'Ingénierie.
- Mais...tu nous avais affirmés que...que...que ces modules dureraient encore une...une bonne centaine d'années! bégaya Sliva qui elle, ne contrôlait pas du tout sa peur montante.
- Eh bien, il semble que je me sois trompée! répondit tranquillement Nétayé. Ou bien il est plus probable que ce troisième module était défectueux et que ses faiblesses n'ont pas été détectées à temps.
- Cela veut dire que le champ de force ne fonctionnera plus dans très peu de temps, dit Sliva d'une voix chargée d'angoisse.
Nétayé eut un sourire amer. Elle était aussi perturbée par le silence si inaccoutumé qui remplissait maintenant ce lieu saint. Jamais depuis aussi loin qu'elle s'en souvenait, même bien avant sa naissance ainsi que celles de ces ancêtres, l'impressionnant système créé pour protéger les mondes de Kélowna n'avait cessé de faire entendre le ronron habituel de la machine alimentée par ses trois modules d'énergie.
- À l'heure actuelle Sliva, il doit y avoir une brèche amorcée dans le champ de force. Voyons voir...
Elle enclencha l'ouverture de l'écran de surveillance qui simulait par un anneau virtuel le grand champ de force tout autour de leur planète. Comme elle le craignait, la brèche était là!
Mais c'était bien pire. Elle était plus large qu'elle ne l'aurait cru et plus loin, une faiblesse du champ vers la gauche, soulignée par une pâleur d'une des lignes du cercle qui marquait son affaiblissement, confirmait qu'une autre brèche se produirait bientôt.
Sliva poussa un petit cri étouffé.
Nétayé restait là, les bras ballants, son visage habituellement imperturbable portant maintenant une expression hagarde et profondément inquiète.
- Il va falloir prévenir les autorités. Il nous faut évacuer au plus vite, dit-elle de sa belle voix grave en sortant de sa léthargie temporaire.
- Tu crois que les...qu' ils vont venir si vite sur notre monde?
Nétayé se tourna vers Sliva, s'apprêtant à lui confirmer lugubrement qu'en ce moment même, l'un des vaisseaux-ruches wraith qui patrouillaient constamment leur système solaire devait s'être aperçu que l'invisibilité procurée artificiellement par leur champ de force n'existait plus. Leurs senseurs à longue portée avaient sûrement détecté la présence de plusieurs villages habités de nombreux humains.
L'arrivée de la jeune élève prêtresse suivi de deux ingénieurs, un jeune et un plus vieux, interrompit ce qu'elle s'apprêtait à répondre à Sliva.
- Il n'est peut-être pas trop tard! dit d'une voix hâtive le plus vieux des ingénieurs qui l'avait de toute évidence entendu, repoussant du bras la prêtresse d'un geste pourtant plein d'égards. Rien ne nous dit que les wraith sont déjà au courant de l'existence d'êtres humains ici alors qu'ils ont toujours cru, grâce à notre champ de force, que ce monde était totalement dénué de toute forme de vie.
Il se mit tout de suite en face de l'écran de contrôle et ordonna à son jeune collègue de sortir la troisième tour de son enclave pour l'examiner de plus près.
- Vous voyez? Le système ne rapporte aucun intrus s'approchant de l'orbite de Kélowna, dit-il en commençant ensuite avec son collègue à effectuer une dernière fois la rotation des tours.
Mais bientôt les deux ingénieurs durent constater à leur tour que le module numéro trois était bel et bien épuisé!
- Nous ne voyons rien en orbite sur l'écran, rétorqua calmement Nétayé, parce que les modules ne peuvent plus alimenter correctement ce système. Alors il doit en être de même pour les écrans de contrôle de surveillance. Donc, ce tableau ne nous dit probablement pas la vérité! Les senseurs ont peut-être détecté l'approche d'une ruche mais ne peuvent nous le transmettre correctement, termina-t-elle avec une logique implacable à laquelle l'ingénieur en chef ne put trouver aucun défaut.
Il grommela quelque chose, exaspéré mais hocha la tête pour reconnaître le bon sens de la femme.
- Grande Prêtresse, laissez-nous travailler! dit-il enfin. Nous allons tout faire pour trouver une solution et remettre en marche le système.
- Oui. En attendant dit Nétayé, je vais tout de suite me rendre trouver le maire et les responsables de la sécurité. Il nous faut envisager d'évacuer les villageois sans délai vers les caves de la montagne sacrée. Il n'y a que là que nous pourrions peut-être tromper les wraith en leur faisant croire qu'il n'y a plus aucun habitant sur ce monde.
Les deux ingénieurs et les deux prêtresses regardèrent Nétayé avec des expressions passant de l'incrédulité à la peur.
En étaient-ils vraiment rendu là?
- C'est votre sanctuaire, finit par dire avec réticence le chef des ingénieurs. Faites comme bon vous semble. Ma fille, dit-il en se retournant vers la jeune fille qui était venue les quérir plus tôt, vas me chercher autant d'ingénieurs disponibles que tu le pourras. Je crois que nous allons y passer toute la nuit finalement!
Il venait d'avouer que le problème de ces modules était plus grave et qu'ils auraient besoin de toute l'aide possible...
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Au-delà de la ceinture du champ de force entourant la planète des kélowniens, une grande ruche se promène paresseusement non loin de la planète...
- Commandant! dit le sous-officier affecté aux communications, venant à la rencontre de son officier supérieur.
Le Commandant de la ruche sortait des quartiers de la reine. Il était facile de voir son humeur sombre sur ses traits ordinairement impassibles.
Le sous-officier s'arrêta poliment devant le wraith, inclinant sa tête et attendant patiemment que le wraith de rang supérieur s'arrête devant lui et lui fasse signe de parler. Il espérait sincèrement que la nouvelle qu'il avait à lui apprendre amènerait de la satisfaction et une nette amélioration de l'humeur mauvaise du Premier Officier de la ruche!
Encore un désaccord d'importance avec leur souveraine? pensa le sous-officier, gardant son esprit hermétiquement fermé pour ne pas se valoir le courroux de son chef à cause de sa trop grande curiosité.
- Dites ce que vous avez à dire, mais vite! J'ai du travail qui m'attend, grogna le Commandant d'un ton sec et qui ne souffrirait pas d'atermoiement.
- Oui Commandant! Je suis venu vous aviser que nos senseurs à longue portée ont détecté de la vie sur la planète que nous nous apprêtons à orbiter.
- Impossible! dit le Commandant d'une voix cassante. Nous ne passons devant cette planète inhabitée que par routine pour nous rendre chercher des provisions sur un monde voisin. L'officier responsable de ces senseurs a dû se tromper! Il n'y a jamais eu de vie sur ce monde.
- Avec tout le respect que je vous dois Commandant, j'ai vérifié et revérifié avec cet officier qui m'a ordonné de vous prévenir expressément. Il y a signe de vie. Animale et...humaine, termina le wraith avec un air affamé.
Le Commandant réfléchit et ses traits devinrent perplexes.
- Comment est-ce possible? Nous sommes passés par ce chemin un nombre incalculable de fois et jamais aucun signe de vie n'a été détecté...?
- J'étais également sceptique Commandant. C'est pour cela que j'ai vérifié moi-même plusieurs fois avant de venir vous prévenir. Les senseurs ont également rapporté des traces d'une grande source d'énergie formant un cercle autour de la planète. Stupéfiant! C'est ce qui nous a leurré tant de fois auparavant, termina le sous-officier en emboîtant le pas avec son officier supérieur qui se dirigeait maintenant vers le pont de commandement d'un pas rapide pour examiner les nouvelles données que leur avaient fourni les senseurs à longue portée.
- Si cette information s'avère véridique, dit tranquillement le Commandant...il doit s'agir de la technologie des Anciens! Je croyais que la totalité de tous leurs champs de force s'était écroulée avec le temps? Mais apparemment, il en restait un.
Un sourire s'ébaucha sur les lèvres larges et pulpeuses du Premier Officier.
Le jeune wraith fut tout-à-coup soulagé de sentir l'humeur de son supérieur s'alléger considérablement. Il continua à divulguer ses informations avec une certaine allégresse dans la voix:
- Je crois justement que le champ de force entourant la planète commence à s'effondrer en effet. Nous avons détecté une large brèche et une autre qui vient de commencer de l'autre côté. Peu importe qui vit à la surface de ce monde, je crois que nous pouvons de toute évidence supposer que leur degré de technologie est assez avancé, mais qu'ils n'ont pas réussi à réparer ces brèches suffisamment à temps pour recouvrer l'invisibilité qui les protégeait...
Ils avaient déjà atteint le pont de commandement et le Commandant accéléra subitement le pas pour venir prendre la place de l'officier responsable des senseurs du vaisseau. Le wraith s'écarta vivement et avec respect du podium pour que son supérieur puisse examiner les données inscrites sur la console des senseurs.
Le Commandant passa sa main rapidement sur la toile organique et un écran vert s'illumina, laissant le wraith visualiser le champ de force en train de faiblir et de s'écrouler tranquillement autour de la planète.
Le Premier Officier poussa un long sifflement de satisfaction et sourit plus largement cette fois-ci.
- Je retourne chez la reine pour lui annoncer la bonne nouvelle, dit-il. Elle sera très satisfaite de cette découverte et je crois pouvoir dire sans me tromper qu'elle va ordonner une cueillette immédiatement. Avez-vous examiné la périphérie de ce système pour savoir si nous sommes seuls au-dessus de ce territoire? Y a-t-il des ruches d'une autre faction à proximité? fit-il d'une voix comportant une excitation à peine voilée, se retournant vers le responsable des senseurs.
- Cela a été fait Commandant, répondit l'officier en s'inclinant respectueusement. Aucune autre ruche, que ce soit de notre faction ou d'une autre, ne se dirige vers ce territoire. Il est donc à prendre...
Plus que satisfait, le Commandant tourna sur ses talons en direction de la sortie du pont de commandement.
- Je dois aller la prévenir. Mais d'ores et déjà je vous ordonne d'informer tous les pilotes disponibles et de préparer la première salve de darts pour la cueillette. Nous devons faire vite avant que d'autres factions ne découvrent cette nouvelle réserve alimentaire!
- Cela sera fait mon Commandant! dirent en choeur les deux subordonnés, le ton de leur voix portant une pointe de l'enthousiasme contagieux de leur supérieur.
- Oh...dit soudain le Premier Officier en stoppant devant la sortie. Faites préparer également mon dart. Je vais me joindre au festin avec tous nos frères...
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Sur Kélowna...
Tiélan avait toujours bien dormi. Du plus loin dont elle se souvenait, elle faisait très rarement des cauchemars même étant enfant et elle avait toujours dormi comme une bûche.
Pourtant, son sommeil fut soudain agité. Elle se mit à remuer d'abord légèrement, remontant les couvertures de son lit comme si elle avait soudain froid alors que la température de la maison était pourtant confortable, même plutôt chaude.
Quelque chose rampait sur elle...non. Plutôt à l'intérieur d'elle. Une sorte de grand froid.
Une sorte de démon hideux et glacé saisissait son corps, montant lentement par le bas.
Toujours endormie la jeune fille se débattit furieusement, comme si le démon aux mains glaciales tentait de la prendre par les pieds.
Mais elle se débattait en vain. Le grand froid saisit ses jambes puis monta plus haut, s'installant tout au creux de son ventre et rampant vers le haut, glaçant ses bras, sa poitrine, son cou.
Elle suffoqua littéralement lorsque le froid atteignit son menton, ses joues, tout son visage et toucha finalement son front jusqu'à la ligne des cheveux.
Ses yeux s'ouvrirent tout grand et ses mains (froides) se portèrent sur son visage, le frottant rapidement comme si elle cherchait à revivifier la circulation sanguine qui s'était engourdie dans tout son corps à cause du froid.
Elle s'assit soudain tout droit dans son lit, croisant ses bras sur sa poitrine en se réveillant complètement, cherchant à se protéger de la vague glaciale qui venait de saisir tout son corps.
En frissonnant, Tiélan se leva en plaçant précipitamment ses pieds dans ses pantoufles de fourrure, étirant le bras pour attraper une des couvertures de fourrure sur son lit pour s'en recouvrir.
Toujours glacée, elle marcha hâtivement vers la pièce centrale de leur maison et vit sur la grande horloge de la salle de séjour qu'il était quatre heures et demi du matin.
Elle vint se placer directement devant le feu de foyer rassurant, étendant ses mains pour les réchauffer.
Sa mère Tiépi avait dût y placer quelques bûches avant d'aller se coucher.
«Mais qu'est-ce que j'ai?» se demanda la jeune fille en grelottant de plus belle.
Elle arrivait à peine à se réchauffer. Elle s'approcha le plus près possible du foyer et frotta ses mains vigoureusement l'une contre l'autre.
«J'ai du attraper une saleté de grippe. Quelques-uns de nos patients qui sont venus se faire soigner aujourd'hui l'avaient.»
Pourtant, ce froid ne ressemblait pas vraiment aux symptômes d'une grippe.
Elle était non seulement glacée jusqu'aux os, mais le courant froid était plutôt une sensation, une sorte de prémonition qui la rendait anxieuse, s'agrippant tout autour de son coeur et jusqu'au creux de son ventre.
….comme si quelque chose d'affreux allait se produire.
«J'ai du faire un mauvais rêve et en plus, si j'ai attrapé cette saleté de grippe...»...se raisonna Tiélan qui décida de se rendre à la cuisine pour se faire une tisane.
Elle se mit sur le bout des orteils pour saisir le contenant de ces herbes d'un brun-roux foncé qui sentaient très mauvais, mais qui était drôlement efficace pour soigner des débuts d'infections grippales. En plus, la tisane l'aiderait à dormir.
Tiélan tenta de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller sa mère.
Tiepi avait eu une grosse journée de travail et elle s'était couchée tard en plus, devant préparer des vaccins alors qu'elle devait se rendre à la petite école du village le lendemain pour vacciner des enfants.
La jeune fille venait à peine de mettre l'eau à bouillir pour faire infuser sa tisane lorsque les voix se levèrent toutes ensembles dans sa tête, comme une sorte de murmure d'abord...se transformant ensuite en un tonnerre incohérent.
Tiélan saisit sa tête en poussant un cri de surprise.
Elle mit aussitôt la main sur sa bouche et tendit l'oreille. Heureusement, Tiépi dormait si profondément qu'elle ne s'était pas réveillée!
Pendant un moment, Tiélan crut qu'elle avait rêvé ou qu'elle avait subi une sorte de vertige ou une hallucination auditive à cause de ce début de grippe.
C'était plus sérieux qu'elle ne le pensait! se dit-elle. Il faudrait qu'elle se fasse examiner par sa mère demain matin avant que cette dernière ne parte au village.
Mais alors qu'elle venait de verser l'eau sur les herbes dans sa tasse, la sensation de froid monta de nouveau en elle. Les voix s'élevèrent en un sourd grondement puis montèrent toutes ensembles à nouveau dans la tête de la jeune fille qui paniqua et tomba sur ses genoux, mettant sa main sur ses oreilles et mordant ses lèvres pour ne pas crier.
C'était comme si quelqu'un, quelque chose tentait de passer à travers son cerveau pour communiquer avec peu importe qui ou quoi? La sensation glaciale était maintenant présente partout en elle, jusque dans sa tête.
Les voix s'élevaient encore comme si elles parlaient toutes en même temps, mais ignorant qu'elle était là. De plus, Tiélan ne comprenait rien à rien à ce qu'elles disaient! Non seulement à cause de la cacophonie de tant de voix résonnant à la fois, mais également parce que cette langue lui était totalement étrangère.
Mais les voix étaient froides, dénuées même d'émotions, transportant simplement des ordres et des commentaires, des sensations qu'elle ne reconnaissait pas comme étant humaines.
Et pourtant, il y avait deux sensations constantes qui revenaient à tour de rôle et s'entremêlaient dans le choeur de ces voix si étranges...deux émotions qu'elle reconnut quelque peu, mais pourtant si différemment exprimées que chez l'être humain: une excitation sauvage et aussi la faim.
Une très grande faim.
- Allez-vous en...gémit Tiélan en se prenant encore une fois la tête entres les mains. ALLEZ-VOUS-EN, TOUS!
Deux bras la saisirent soudain, l'entourant affectueusement.
Tiélan avait cru vraiment ne pas avoir crié si fort, mais apparemment ce qu'elle avait cru n'être qu'un gémissement sourd sortant de ses lèvres avait réveillé sa mère.
Tiépi enleva les mains des oreilles de sa fille et la força à la regarder.
- Allons allons, qu'y a-t-il ma chérie? Tu as fait un cauchemar? Es-tu malade? dit la voix inquiète de la guérisseuse.
- Mère...je...j'ai si froid! Et puis les voix...elles parlent, elles résonnent tout autour de moi mais...je ne vois pas ces personnes qui parlent! Je les sens à l'intérieur de moi, c'est tout. Suis-je en train de devenir folle?
Tiépi aida sa fille à se relever et la poussa doucement vers sa chambre.
- Retournes te coucher. Je vais finir de préparer ta tisane et te l'apporter. Tu as dû faire un cauchemar. Demain, je vais t'examiner plus attentivement.
Bien que la sensation de froid était toujours présente en elle, Tiélan retourna sous les couvertures de son lit qu'elle remonta jusqu'au cou, heureuse de découvrir que les voix n'étaient plus présentes dans sa tête.
Tiépi revint avec la tasse de tisane. Elle la tendit à sa fille et surveilla jusqu'à ce que Tiélan ait bu jusqu'à la dernière goutte, même si elle grimaçait à cause du goût amer.
Elle toucha le front de sa fille: pas de température. Pourtant, un léger voile de sueur couvrait sa lèvre supérieure.
- Ça va mieux, dit Tiélan une fois qu'elle eut terminé le breuvage aigre qui pourtant l'avait réchauffé agréablement.
- Ces...voix sont-elles encore dans ta tête? demanda soudain sa mère.
Elle avait l'air sérieuse. Très inquiète. D'habitude, quelqu'un aurait simplement calmé la personne prétendant avoir entendu des voix, lui affirmant que ce n'était qu'un mauvais rêve, voire une sorte d'hallucination si en effet la maladie en était la cause.
Mais Tiépi fronçait les sourcils, semblant attendre avidement la réponse de sa fille.
Tiélan se concentra.
- Non. dit-elle enfin. On dirait qu'elles vont et viennent.
- Décris-moi ce froid que tu ressens...décris-moi les voix, exigea soudain Tiépi.
Tiélan le lui expliqua du mieux qu'elle pouvait, puis elle fixa sa mère:
- Pourquoi me demandes-tu de t'expliquer les voix? As-tu déjà entendu parler d'une telle chose?
Tiépi hésita, son expression grave et angoissée inquiétant encore plus sa fille.
- Mère? demanda Tiélan, maintenant carrément effrayée. Tu crois que c'est une maladie mentale?
- Non. dit enfin la guérisseuse, hochant négativement la tête pour assurer sa fille qu'elle ne la croyait pas folle du tout. Je viens juste de penser à quelque chose. Ton père...Arlan. Il avait le Don. Peut-être tiens-tu de lui? Ce grand froid en toi, ces voix inhumaines qui murmurent autour de toi et parlent une langue inconnue...
- Je t'en prie, dis-moi tout de suite ce que tu veux dire par ce «Don»! Je veux savoir! dit la jeune fille d'une voix péremptoire et exaspérée.
- Ton père et moi parlions souvent de toutes sortes de choses lorsque j'allais le rejoindre dans la cabane de la forêt. Entre autres, nous avons parfois évoqué ces wraith dont nos ancêtres ont reçu autrefois la visite, lorsque le grand champ de force n'était pas encore en fonction autour de la planète. Il m'a alors appris que parmi les légendes de Sovari, courait une rumeur prétendant que certains des habitants de son village auraient autrefois possédé un don spécial leur permettant de ressentir la présence des wraith en avance. Il décrivait ce don comme une sorte de grand froid grandissant en eux...et encore plus pour certains, il y avait également la présence de voix dans leur tête. Ces gens qui à quelque part étaient des privilégiés pouvaient ressentir la présence de un ou de plusieurs wraith et ainsi prévenir les leurs pour que les habitants puissent s'enfuir avant que ces monstres n'arrivent pour les enlever.
- Tu...tu crois que moi, je possèderais ce Don? Tu parles d'un privilège! dit la jeune fille d'un ton narquois. C'est vraiment très désagréable, tu sauras! Je n'en veux pas, termina Tiélan en croisant ses bras sur sa poitrine.
- ….et puis, comment peux-tu être sûre qu'il s'agit bien de cela? reprit-elle au bout de quelques secondes. Est-ce que mon père possédait vraiment ce fameux don? Il te l'a affirmé?
- Il ne l'a jamais su avec certitude car évidemment, cela fait des milliers d'années que les wraith ne sont pas revenus sur notre monde, ceci grâce à la protection installée par les soins de la générosité des Anciens! Pourtant, je me souviens de la description qu'il m'en a fait, selon les textes anciens de son peuple. Alors je crois qu'il avait en effet ce don, hérité de ses lointains ancêtres. Mais il n'a jamais eu à ressentir ces sensations puisque nous n'avons jamais été attaqués.
Les deux femmes se regardèrent soudain, leur expression devenue encore plus lugubre et angoissée.
- Alors s'il est vrai que je possède ce don hérité de mon père, dit Tiélan d'une voix tremblante...cela veut dire que quelque chose s'est passé dans le sanctuaire! Que le système qui nous protège est défectueux. Ils...ils vont venir, mère!
Tiépi ne répondit pas, restant d'abord figée sur place.
- Habilles-toi, dit-elle soudain d'une voix qu'elle voulait le plus ferme possible. Nous allons au sanctuaire prévenir Nétayé. Ou plutôt, c'est elle qui nous apprendra que notre champ de force ne tient plus. Si ces voix ont pu rejoindre ton esprit...alors cela signifie que nous sommes en danger!
(à suivre)
N/A: J'espère que vous avez apprécié cette intro à ma nouvelle fiction! Je sais qu'un prologue se doit habituellement d'être assez court, mais comme certains d'entre vous mes lecteurs le savez déjà...je suis plutôt un auteur qui s'exprime et écrit longuement!
Comme toujours, j'aimerais que vous me donniez vos premières impressions et vous savez aussi à quel point j'aime vos reviews! Quand cela m'est possible, je réponds à chacun de vous.
Ma fiction étant basé principalement sur les wraith de la (malheureusement défunte) série La Porte des Étoiles d'Atlantis, nous les verront enfin dans le prochain (ou plutôt premier) chapitre.
Pour ce qui est de Todd cependant, soyez patient car lui apparaîtra probablement dans le chapitre qui suivra.
Note supplémentaire:
* Traduction du poème de Toska 9 :
"Lamentation d'une adoratrice":
"Que m'avez-vous jamais donné? Quoi? Mon monde a été envahi, mon pays a été conquis.
Mon village vous avez rasé, mon foyer vous avez détruit.
Mon peuple vous avez subjugué, ma famille vous avez prise.
Mes espoirs vous avez éteints, et mes rêves vous les avez écrasés!
Mon corps vous appartient...même mes pensées, vous pouvez les voir.
Je respire à votre commandement, n'existe seulement que pour vous servir.
Que m'avez-vous jamais donné?
Quoi?
Rien...rien...rien.
Excepté...
L'exquise libération de la soumission absolue."
** Notez que le prénom de mon héroïne Tiélan se prononce: «Tiélanne».
