Disclaimer : pas à moi, pas de bénéfice et tout le tralàlà

Couple : Declan x Kyle. Quoi d'autre ?!

Résumer : Simple et rapide... L'humanité et ses sentiments, expérimentés par Kyle.


Quand l'amour fait mal

1


Elle est belle, je ne sais pas pourquoi j'aime la regarder sourire. C'est quelque chose qui n'a pas de réelle explication, pas comme les formules de mathématique que le professeur de sciences et moi partageons pendant de longues heures. Il y a encore, dans cette vie, des choses qui semblent aussi confuses pour moi que je ne le suis pour elles. Je suis devant le frigidaire, regardant les étiquettes qui affichent des mots imprononçables. J'ignore ce qu'est du dextrose, ni même du colorant E214, mais une fois dans ma bouche, ces mots ne sont que des vagues souvenirs.

Parfois, lorsque tout le monde dort et que le sommeil se refuse à moi, je sors, je regarde les étoiles, est-ce que je viens d'un autre monde ? Josh a fini par me faire douter. Mais il est certain que je me sens étranger de tout, pas seulement des Trager, mais aussi du reste de l'humanité : ce flot de gens qui avancent vers des buts qui me sont incompréhensibles. L'humanité est mon sujet d'étude, il y a tellement à en dire, tellement à apprendre et à comprendre. Je ne saisirais peut-être jamais son ensemble, il me faudrait mille vies, pour ce but ultime, mais j'essayerai d'en tirer le plus de plaisir.

Je referme le frigo, repu, je n'ai réveillé personne pour une fois et ce qu'il appellerait crise de boulimie vient de passer. La nourriture, je commence à la comprendre dans son ensemble. Les aliments crus, les cuits, les réchauffés, les boites, les plats préparés, les burgers, tous se posent à mes yeux comme une suite d'éléments chimiques, enchevêtrés dans une équation bien trop complexe pour tenir sur le pauvre tableau blanc du professeur de chimie.

Je soupire, rassasié, le sourire aux lèvres napées de chocolat. J'ai un faible pour cette odeur sucrée et amère, pour ce goût prenant qui remonte du palais jusqu'aux sinus, provocant une joie soudaine et immense. Cette matière qui fond, engluant la langue, pénétrant chaque papille dans une extase puissante.

La cuillère encore noyée dans cette pâte brune reste entre mes doigts, je la lècherai avant d'aller me coucher dans ma baignoire. Tiens donc, pourquoi n'ai-je jamais pu dormir dans un lit ? Pourquoi je ne me sens en sécurité que dans cet abri blanc et profond, frais et sécurisant. La porte de l'ancien atelier, de celui que j'appelle timidement père, s'ouvre devant mon regard, ma chambre, simple et épurée, comme l'est mon cerveau. Je referme la porte, sans bruit, regarde les dessins qui tapissent ma chambre : Amanda. Amanda partout et ce sourire qui m'hypnotise. Est-ce ça qu'ils appellent aimer ?

En tout cas, je sais que mon corps, indiscipliné continue de me trahir lorsqu'elle pose ses mains sur mon corps. Pourquoi dois-je avoir honte de ça, de cette chaleur qui s'étend dans le milieu de mon corps ? Pourquoi leurs regards gênés se dérobent pour me fuir ?! Pourquoi rient-ils ?

Les humains sont blessants. Oui, elle m'a fait mal, ils m'ont tous fait mal, en me pointant du doigt comme un idiot. La risée de tous ! Nicole m'a raconté ces choses, ainsi que son mari, Stephen, une vérité dissimulée, racontée avec des pincettes, comme si… comme si le fait d'en parler pouvait être dangereux. Je n'ai pas compris, mais ne voulant pas le mettre plus dans l'embarras, je n'ai posé aucune question. Peut-être est-ce mieux ainsi, laisser aux secrets ces choses dont ils ne veulent pas parler.

Je regarde cette cuillère depuis quelques secondes, il fait trop chaud, le chocolat liquide s'étire, dû à la force de gravitation pour tomber par terre en une goûte brune tachant la moquette bleue de ma… de la chambre qu'ils m'ont prêté. Vais-je être amené à partir, à quitter Josh, Lori, Nicole et Stephen ?! Me souvenir m'obligera peut-être de m'en aller loin d'eux, à jamais…

La cuillère me tend les bras alors mon bras se plie en direction de ma bouche, je ferme les yeux, excité par la félicité qui va enfin exploser en moi. Lorsque soudain, un bruit, un choc contre la vitre de la fenêtre. Je regarde en face, voyant une ombre frapper à la fenêtre.

- Declan ? »

Ça ne serait pas la première fois qu'il cognerait à cette fenêtre. Je ne sais pourquoi, mais je sais que c'est lui, sans vraiment avoir distingué son visage. La cuillère dans la bouche, j'ouvre le battant regardant un jeune homme en jeans, baskets et… pourquoi est-il torse nu ? Sa tête est basse, il renifle triture ses doigts, vraisemblablement anxieux.

- Quelque chose ne va pas ? »

Il relève la tête soudainement, sa lèvre est en sang, elle est toute gonflée. Il a du se battre… ses yeux sont humides et fuyants, on croirait qu'il va pleurer. Que se passe-t-il ? Mais dans ce regard, je ressens tout ce qu'il ne dira jamais : les coups qui m'assomment, qui m'arrachent le peu de bon sens que j'ai. Il me fait mal !

Je passe le torse au travers de la fenêtre, me saisissant de son bras puis le tire à l'intérieur brusquement, manquant de le faire tomber à l'intérieur de ma chambre comme s'il s'agissait d'un paquet de Mars & Murries …
Pourquoi je ne peux m'empêcher de penser à du chocolat ? Suis-je sous le contrôle de cette sucrerie ?
Declan grimpe la fenêtre et redescend lourdement sur la moquette définitivement souillée par ses baskets terreuses. Je ne m'en formalise pas, ignorant encore que Monsieur Propre ne fait pas réellement tout ce qu'il fait lors des spots de pub. La main de Declan frotte pâteusement sa joue, puis sa lèvre, nettoyant un peu le liquide rouge qui s'épand de sa blessure. Il inspire, et sans me regarder, il me demande, s'il peut squatter pour la nuit.

- Squatter ? Squatter quoi ? »

Il a un sourire en demie teinte, soupirant qu'il n'est pas d'humeur à m'apprendre la signification de ce nouveau mot. Declan s'écroule sur mon bureau maculant les feuilles blanches rendant vaguement un sourire que je ne ferais jamais. Du rouge… une mer de rouge sur les images d'Amanda.
Il saigne, je sais que ce n'est pas bon signe, je sens quelque chose s'agiter en moi, mon sang aller plus vite, mon cœur bondir comme un enrager. J'ai peur. Et tandis qu'il arrache des croûtes en poussant un râle, je sors de la chambre précipitamment, grimpant les escaliers comme un forcené. La porte à droite, je l'ouvre, le placard de gauche, seconde et troisième étagère, je tire sur mon t-shirt, improvisant un réceptacle pour tout ce que mon bras fait tomber des étagères : sparadraps, gazes, bandes, alcool, Bétadine, strips, des boites et des flacons qui jouent au trampoline dans un textile élastique. Je redescends ensuite les escaliers aussi rapidement que je ne les ai monté.

- Tu as mal ? »

Il grogne, tandis que, essayant de faire comme à la télé et essayant d'imiter Nicole, j'imbibe de Bétadine une compresse pour m'occuper en premier de sa lèvre inférieure. C'est ce qui est pour le moment le plus inquiétant. Elle ressemble à celle du poids plume vainqueur du championnat de boxe hier.

- J'ai connu mieux. »

Ses yeux bleus observent mes mouvements discontinues et craintifs, je ne sais pas trop comment je dois m'organiser. J'ai peur de lui faire mal si j'appuis trop fort, cependant, si on ne nettoie pas assez bien, sa lèvre pourrait s'infecter. Il décide, peut-être avec raison, de me repousser pour se soigner seul devant le miroir, à l'entrée de ma chambre. Il a du se battre. Mais avec qui ? Declan est un garçon sans histoire, enfin, il le semble. Es-ce son père qui lui a fait ça ?

- Je peux dormir ici ce soir ? »

Je regarde ses mains faire, comme si il avait l'habitude, il ôte le sang, désinfecte les plaies, les désencombre puis il pose les différentes bandes collantes sur sa lèvre, puis son front. Oui, ça doit être son père. Ils ne s'entendent pas bien. Il ne me l'a pas dit, mais aux vues des quelques allusions qu'il a fait de Monsieur McDonough, j'ai l'impression que sa vie de famille n'est pas rose. J'ai de la chance d'avoir Nicole et Stephen, comme j'aimerais qu'ils l'adoptent lui aussi.
Vaguement, je fais un oui de la tête, espérant qu'il a vu ma réponse dans le reflet du miroir.

Je ferme les yeux, sur le rouge qui remplit ma corbeille à papier. Tandis que son regard brillant m'épie à travers la surface réfléchissante qui relie son vert à mon bleu. Il est silencieux, je le suis aussi, pas par habitude, mais plutôt parce que je ne comprends pas l'homme qui s'oppose à moi. Ce n'est pas totalement l'homme que je connais. Declan a cette fois les yeux à demi clos, il marche d'une drôle de façon, s'approchant de moi tout en faisant nombre de détours, ses bras se lèvent pour retomber sur moi, me serrant au niveau des épaules. Il soupire. Une odeur aigre et chargée m'atterrit dans les narines. Je ne connais pas cette odeur, mais elle semble irradier de tout son corps.

Et puis soudain, il rit, il rit à gorge déployée, alors qu'il n'y a rien de drôle, à moins que se ne soit de moi qu'il se moque, mais j'en doute. Même si il est souvent tenté d'exploser de rire devant moi, lorsque je fais quelque chose d'incongru, il se retient pour m'expliquer pourquoi j'ai mal fait, et comment je devrais faire ou dire telle ou telle chose.

Declan a toujours du temps, du temps pour m'apprendre, pour me faire comprendre. Je le sers, ne sachant quoi faire d'autre pour l'aider. Il rit et pourtant, je sens mon cou devenir humide, non pas par la chaleur, ou son souffle sur ma gorge, mais pour bel et bien des larmes dont mon t-shirt s'abreuve.

Pourquoi je caresse son dos ? Depuis quand ma main fait ce mouvement de va et vient contre sa chaire, suivant sa colonne, déviant sur ses omoplates, puis redescendant au creux de ses reins. Dois-je m'arrêter ? Dois-je continuer ? Je pars du principe que si ce contact lui déplaisait, alors il me l'aurait dit depuis longtemps, je continue donc, remontant contre sa nuque, me perdant dans sa chevelure courte. Je m'arrête, il s'est calmé, mais ses bras, tout à coup crispés, se ferment autour de moi avec plus de vigueur, serrant mon vêtement comme des agresseurs.

- Merci. »

Nous sommes amis, c'est le moins que je puisse faire pour lui. Je me confie à lui, plus librement qu'avec ceux qui m'ont accueilli sous leur toit. Pourquoi ? Parce qu'il a mon âge ou quelque chose comme ça ? Parce que c'est un homme, sans être un père ? Parce qu'il m'apprécie ? Parce qu'il a été le petit-ami de Lori ? Je ne sais pas. Je ne peux pas importuner les Trager tout le temps, et puis il y a des questions et des doutes plus faciles à livrer à Declan qu'à eux. Je souris, son regard quitte mon cou, pour se poser en face de moi, ses paupières sont lourdes, mais ce n'est pas totalement dû à la fatigue. Il semble passer au ralenti. Qu'a-t-il ? Un sourire en coin ourle son visage avec grâce, quoi qu'il y ait là, dans ce regard et dans ce sourire, quelque chose qui me met mal à l'aise. Que fait-il ?
Sa main glisse sur ma joue, puis contre la commissure de mes lèvres, son pouce les frôle, son sourire s'étire, alors que son pouce disparaît entre ses lèvres en un mouvement qui m'a soudainement déclenché un frémissement électrique.

- Nutella. Tu as encore eut une crise ? »
- Il y a tellement de goûts différents, tellement de texture… »
- Tu aimes… le chocolat ? »

J'ai l'habitude qu'il me coupe la parole, ce n'est pas ça qui me laisse perplexe. En effet, il n'a pas peur de me dire que je le saoule avec mes explications longues et rébarbatives sur mes découvertes de la vie. C'est plutôt le ton de sa question qui me laissa coi. Je l'observe attentivement, son expression me rend nerveux, je suis obligé de baisser les yeux car je sens quelque chose me brûler. J'ignore de quoi il s'agit, mais mon instinct me dicte de ne pas continuer à contempler ses yeux narquois et le pli de sa bouche.
Étrange j'ai la gorge sèche.

- Oui… C'est à la fois… excitant et euphorisant. J'ai lu que le chocolat était une drogue douce antidépressive. »

Je ne sais pas vraiment ce qu'est une dépression, mais je suppose que ça doit avoir un rapport avec les garçons. Lori disait déprimer à cause de Declan, lorsqu'ils avaient rompu. Peut-être qu'un jour, moi aussi je déprimerais. Mais pour lors, je suis et demeure heureux à chaque instant.

- C'est elle qui te fait déprimer ? »

Qui ça ? Je regarde son pouce m'indiquer nonchalamment le portrait d'Amanda que j'ai accroché sur le mur de droite. Un sourire, une paire d'yeux dans lesquels je me perdrais volontiers. Amanda… J'aimerais qu'elle soit là, pour que je puisse sentir son parfum.

- Je croyais que la dépression était due aux hommes. »

Declan sourit, secouant la tête de gauche à droite, me signifiant que ma déduction est fausse. Il soupire ensuite, inclinant la tête vers moi, il attrape mon cou au creux de l'un de ses coudes, m'attirant vers lui, vers ce regard vague et brillant. Sa langue glisse sur ses lèvres, ça me trouble l'espace de quelques secondes. Son visage s'approche encore du mien, je ferme les yeux et je sens son souffle s'approcher de mon oreille.

- Lori aime les hommes, normal qu'elle déprime à cause d'un homme. Tu aimes les filles non ? Tu aimes cette fille ? »
- Je… crois... »

Je baisse les yeux, incapable de les tourner en sa direction. Ce soir, il m'angoisse autant qu'il me trouble. Je n'ai jamais aimé, comment saurais-je ? A cause de ce… cette… Je l'ignore…

- Fait pas ton malin avec moi, je sais bien que tu n'en peux plus, tu la désires physiquement ! »

Est-ce que tout en reviendrait à ça ? Cette réponse physique à un besoin ? A une envie ? Ne peut-on pas, aimer sans ça ? Et ne peut-on, pas aimer avec ça ? Tout ceci est trop compliqué. J'ignore ce dont il veut parler, mon désir, quel désire ? Quelle envie ? Je ne la veux pas. J'aime la voir sourire, j'aime regarder ses yeux, sentir sa chevelure.
Je le regarde, lui souriant.

- Il n'y a rien de tout cela. J'aime Amanda, oui, j'aime la voir sourire. J'aime la dessiner et discuter avec elle dans la baignoire. Tu veux essayer ? »

Force est de constater, que Declan n'est jamais entré dans mon monde malgré le fait qu'il vienne souvent passer la nuit dans ma chambre. Aujourd'hui, j'ai envie de l'inviter dans cette dimension intime, car il mérite. Je l'attire vers la baignoire, le poussant dans ce qui me sert de lit, lui d'un côté, moi de l'autre, les yeux dans les yeux, nous nous observons un moment.

- J'aime ça… On peut tout se dire, ici, c'est un peu une autre dimension. »

Avoir une présence, quelqu'un avec moi, dans une bulle, c'est réconfortant. J'observe son regard à la fois perçant et fuyant, c'est si étrange de le voir là. Le principe est simple, ce qui se passe dans ce cocon reste dans ce cocon, ce que l'on dit dans cette baignoire reste secret, il reste un éternel souvenir. Un rire, un son, un mot, un regard, une sensation, un toucher… Je sers mes jambes contre moi, m'approchant de lui. J'ai envie de savoir…

- Et toi ? Tu aimes toujours Lori ? »
- Non… t'es loin du compte. »

Il lève les yeux au ciel, soudainement irrité par ma question. Son bras contre le rebord de la baignoire tombe sans vie de l'autre côté, dehors, inerte. Il tourne la tête à droite, puis à gauche, lève les épaules et après un arc de cercle ses yeux se posent sur moi. Comme si ça devait être une évidence, pour moi, de savoir qu'il n'aimait plus Lori. Aimait-il quelqu'un d'autre ? Je lui demanderais bien, mais il renvoie la discussion sur Amanda.

- Alors c'est tout ce que tu fais avec elle ? Parler dans ta baignoire ? T'es désespérant ! »
- Que veux-tu que je fasse ? A part parler avec elle ?! De toute façon, il est bien difficile de faire autre chose ici. »

Question innocente, après tout je ne vois pas ce que je pourrais faire d'autre avec elle, dans cette bulle. Ma question l'irrite aussi, ses sourcils se froncent et puis il éclate d'un rire bref et fugace. Ha ! La bonne blague. J'incline la tête, attendant qu'il développe sa blague que je ne comprends pas. Dois-je rire aussi ? Je souris, il sourit, puis secoue la tête, consterné par mon innocence.

- Kyle, sérieux, je vais finir par croire Josh ! D'où tu sors ? On n'est pas dans un conte de fée ! La reine du bal on finit toujours par la baiser ! »
- Baiser ? … »

Un mot répété, un énième arc de cercle émit par ses yeux verts. Que voulait-il dire par… baiser ? Ce n'est pas la première fois que j'entends ce mot, mais je n'en ai jamais compris le sens. Le jour où je l'avais intégré dans une phrase, Nicole m'avait bien fait comprendre qu'elle n'autorisait pas ce genre de mot sous son toit.

- Ce que je veux te dire… Kyle… c'est qu'on ne peut pas se contenter de regarder, quand on aime. On touche, on désir plus, on a envie de son corps, de son contact, un corps, contre un autre et laisser la nature faire ! Que se soit une histoire d'hormones ou d'amour, y'a toujours un moment où Mister happy a envie de se la ramener. J'envie ton côté sainte nitouche de temps en temps ! »

Où dois me mener cette discussion ? Où doit le mener ces mots ? Vers où allons-nous ? Il semble si énervé, si secoué par ses questions, ses insinuations ? Serait-il… lui aussi amoureux d'Amanda ? Pourquoi ne pas me l'avoir dit. Après tout, entre elle et moi, il n'y a rien, rien de si particulier qu'il doive me prendre pour un voleur. Il est muet depuis cinq minutes, il ne me regarde même plus. J'ai l'impression d'être fautif, d'avoir attiré sa colère, le problème c'est que j'ignore pourquoi. Seulement, je n'ai pas le courage de demander car il semble parti bien loin dans ses pensées.
On devrait peut-être dormir ? Mes jambes me propulsent en dehors de la baignoire, je vais préparer son lit. Nicole n'a jamais demandé pour qui était prévu le matelas que je lui avais fait acheter, peut-être le savait-elle. Les draps sont mis, son lit est prêt, il est maintenant debout devant moi, le regard sombre.

- Tsss… je n'arrive même pas… à t'en vouloir. Ni même à te faire une chose aussi… C'est déjà pas dans mon tempérament, mais quand je te vois, avec ta tête de retardé et la gueule enfariné de Nutella, je suis incapable de te faire un plan pareil. Pourtant c'était prémédité, j'étais venu pour ça… »

Venu pour ça ? Quel plan avait-il pour cette soirée ? Je l'ignore et il me semble qu'il ne m'en dira pas plus. Le comportement de Declan a changé depuis quelques semaines, il n'arrête pas de me coller, d'être là quasiment chaque soir. J'ai l'étrange impression qu'il veut me dire quelque chose, mais qu'il n'y arrive pas.

- Kyle ? »
- Hum ? »
- Si tu n'attends rien de plus d'Amanda… jette-moi ces portraits, je ne veux plus la voir, pas ici, pas dans ta chambre, je ne veux plus t'entendre me parler d'elle. Fais-moi ce plaisir, ok ? Rien que ça… ça sera un peu plus supportable… Tu me fais chier, Kyle ! »

Declan me toise de haut, tout en soupirant, son regard se détourne de moi pendant que ses mains détachent sa boucle de ceinture pour qu'il puisse ôter son pantalon et enfin glisser dans son lit. Je suis loin de comprendre ce qu'il me dit avec ses mots, cependant son regard déverse sa haine, sa colère, sa frustration, là, au fond de moi, dans une bourrasque de frémissements. J'éteins la lumière, me déplaçant vers mon bureau ; les papiers qui y gisent ainsi que ceux épinglés sur mon mur disparaissent dans la poubelle. J'ignore pourquoi je fais ce qu'il me demande, peut-être à cause de son regard qui m'a bouleversé.

- Kyle… J'aimerais juste que… tu saisisses tout ce que tu me fais… »

Un dernier murmure au creux de la nuit, je me hisse presque hors de la baignoire regardant de son côté. Declan me tourne dos, son corps se tasse formant une boule de chaire. Comment font-ils pour dormir ainsi ? Je me pose souvent la question et puis j'oublie… Il a l'air de souffrir, mais je n'arrive pas à comprendre en quoi j'en suis la cause. Pourquoi les humains ne disent pas ce qu'ils ont au fond d'eux ? Ça serait tellement plus facile.

- Je ne te fais rien… Declan. »
- Si seulement c'était vrai, je ne serais pas dans cet état là. »
- Declan ? »
- Laisse tomber… J'ai plus envie de parler, de TE parler ! »

En colère, toujours en colère, je reste ainsi éveillé, à regarder son corps à un mètre de moi, essayant de comprendre en vain la complexité des êtres qui me sont chers. Declan, pourquoi tu souffres ?

Nicole passe la porte de ma chambre, une ride marquée sur le front, sûrement furieuse à cause de ma crise d'hier, le frigo ne se porte plus aussi bien qu'il ne l'était hier soir. Elle pose son regard sur moi, puis sur Declan qui le regard embué, émerge avec difficulté. Il semble ailleurs, son regard sonde les alentours, puis reste scotché au bureau atrocement vide, qui inquiète Nicole tout à coup.

- La reine du bal s'est fait baiser apparemment… »

Ma pseudo-mère fronce des sourcils face au langage employé par Declan qui se lève en fusillant du regard la corbeille pleine. Il ne regarde même pas Nicole, il est déjà en train de se rhabiller en silence.

- Merci… »

Une larme libératrice glisse sur sa joue gauche, son visage est serein, libéré de cette frustration et de cette rage. Pourquoi ne pas m'avoir fait part de ce désintérêt pour Amanda ? Pour son aversion pour elle ? Par amitié ?

- Je rentre, sinon mon père va me tuer. »

Nicole n'a pas le temps de l'arrêter pour regarder ses blessures, il passe par la fenêtre, mains dans les poches et disparaît de mon champ de vision.

- Que lui est-il arrivé ? »
- Je crois que c'est son père. Nicole ? Pourquoi vous ne dites jamais la vérité ? Pourquoi vous gardez vos secrets ? Je ne comprends pas… Je n'ai pas compris Declan. Va-t-il m'en vouloir ? »

Nicole incline la tête. Elle n'a pas de réponse à me donner, à part un sourire rassurant. Sa main caresse mon visage, puis mes cheveux pendant qu'elle s'installe sur le rebord de la baignoire.

- Raconte-moi… »