Ses talons claquaient sur le bitume. Son pas s'accélérait au fur et à mesure qu'elle entendait des « Attendez ! » à tout va derrière elle. Elle n'osait pas se retourner pour faire face à un pervers de plus. S'il s'était agi d'un client régulier, pourquoi pas ! Mais la voix ne lui disait rien et elle n'avait aucune envie que tout le quartier sache ce qu'elle faisait. À moins qu'ils ne soient déjà tous au courant… Bah, elle apprendrait à faire avec, si c'était le cas. Elle tourna à un virage et soupira de soulagement quelques mètres plus loin car la voix avait disparu. Il fallait dire que sa petite robe violette au balcon échancré avait tout pour attirer le gueux de service. Elle se fondit derrière un pan de mur et osa jeter un coup d'œil vers le chemin qu'elle avait emprunté. Pas de signes de vie, à part une petite bonne femme qui secouait un tapis à sa fenêtre. Un sourire agrandit ses lèvres pulpeuses et elle repartit presque en sautillant vers son appartement.

En entrant, elle savoura le calme apaisant de son appartement coquet et cosy. Elle laissa son sac blanc à fleurs de couleur prune sur un pouf en cuir crème et se hâta d'enlever sa robe pour aller prendre une douche. L'eau chaude lui fit un bien fou. Elle se récura bien partout car la petite course jusqu'à son appartement l'avait fait un peu transpirer, et puis surtout parce qu'un client n'allait pas tarder à arriver. Elle choisit ensuite une nuisette en soie bleue et perfectionna son maquillage devant un large miroir. Ses cheveux blonds tombaient en boucles lourdes sur ses épaules nues. Satisfaite du résultat, elle fonça vers son lit, ayant constaté que l'arrivée du jules était proche, et elle sauta dessus. Une fois allongée et bien droite, elle ferma les yeux et demeura immobile. Le thème du jour était « la Belle au bois dormant ». Elle se fichait bien de la nature des fantasmes de ses clients tant que ça n'allait pas trop loin.

La porte d'entrée s'ouvrit lentement. Elle refoula un sourire, sachant pertinemment que son client avait demandé à ce qu'elle ne bouge pas d'un iota. Elle entendit des pas feutrés se diriger lentement à l'intérieur de l'appartement. Le soleil commençait à se coucher et elle sentait la chaleur du soleil fondre sur elle à travers les stores. Les pas s'arrêtèrent. Ils reprirent avec une cadence plus rapide, se rapprochant d'elle. « Qu'est-ce que… » entendit-elle ensuite. De l'étonnement pointait dans le murmure de son client. Devait-elle deviner qu'elle lui faisait l'effet escompté ? Elle espérait que c'était bien le cas. « Je… Je suis navré… d'avoir… » bredouilla-t-il pour sa plus grande joie. Elle lui faisait bien de l'effet ! Tant mieux. Un tel service allait lui coûter bonbon. « Que vous arrive-t-il ? » enchaîna-t-il alors qu'elle le sentait se rapprocher d'elle. Elle tenta de ne pas froncer les sourcils. Ca commençait s'éterniser et elle n'avait pas que ça à faire. Il lui fallait trouver une stratégie. Elle se mit à gémir, évitant cependant de bouger. Enfin, il posa sa main sur son bras. « Je ne comprends pas pourquoi vous êtes accoutrée comme… ça… mais vous allez mal et je me dois de faire quelque chose. »

Elle ouvrit brusquement les yeux quand il commença à la soulever du lit. Ca ne faisait pas partie du plan ! Toute la scène devait se passer sur le lit ! Elle tourna la tête et constata que son client n'avait rien d'un cinquantenaire à double menton.

« Merde ! »

Elle se débattit et elle tomba sur le lit. Elle se retrouva presque à genoux, mais avec les jambes plus à l'extérieur, une énorme mèche sur le visage qu'elle chassa dans un souffle irritée. Elle foudroya l'inconnu du regard. « Vous n'êtes pas Mr. J, dit-elle avec froideur, vous avez trente secondes pour m'expliquer ce que vous fichez-là ou j'appelle la police. »