Notes :
- Les conversations à l'orale sont entre " ", les échanges par mails entre ' '.
- Comme je suis chiante avec le japonais, j'utilise le vouvoiement pour simuler les niveaux de parole. Et donc je fais se vouvoyer des lycéens. Désolée.
- Je rappelle que les SMS n'existent pas au Japon, pour ceux qui se demanderaient "mais pourquoi des mails ?" quelque part dans cette fic.
"Tsukki, donne-moi ton numéro !
- Je n'ai pas de portable."
Bokuto le regarde, incrédule, avant de pointer vers les mains de son interlocuteur.
"Et ce que tu as en main, c'est quoi ?
- ... c'était une manière polie de vous dire que vous n'auriez pas mon numéro, Bokuto-san.
- Morveux, va.", répond Bokuto et alors que Tsukishima va ranger son portable en poche pour conclure la conversation, il sent qu'on le lui prend des mains.
"...74 et... voilà !", marmonne Kuroo avec un sourire bien trop grand pour être honnête, alors qu'un téléphone se met à sonner dans sa poche. "C'est comme ça qu'on fait, Bokuto !", ajoute-t-il en raccrochant, coupant net la sonnerie.
"Kuroo-san, rendez-moi mon téléphone.", dit Tsukishima avec un ton un peu plus irrité que d'habitude.
"Je t'en prie.", répond Kuroo en rendant l'objet du délit.
"Et effacez mon numéro du votre.
- Dans tes rêves.
- J'ai des rêves bien plus intéressants que ça, merci.
- J'espère qu'ils ne consistent pas à recevoir des appels de Bokuto.
- Je vous préviens tout de suite, si l'un de vous deux me contacte, je ne répondrai pas.
- C'est ça qui fait ton charme, Tsukki.
- ... c'est Tsu-ki-shi-ma. Vous ne pouvez pas retenir plus de 2 syllabes, ou alors vous êtes vraiment aussi idiots que vous en avez l'air ?"
Le sourire de Kuroo ne fait que s'agrandir alors qu'il passe un bras autour des épaules de Bokuto.
"Jamais vu un kôhai aussi ingrat.
- C'est peut-être juste comme ça qu'il exprime son affection.
- Vous ne vous lassez jamais, hein ?", demande Tsukishima en poussant un soupir, sans s'étonner de recevoir un "nooooon" à l'unisson des deux zigotos qui l'ont pris pour cible.
Au bout du cinquième appel interrompant sa musique, Tsukishima pousse un soupir, retire son casque et décroche.
"Oui ?", demande-t-il avec le ton le plus agacé qu'il arrive à produire.
"Hoi, Tsukki ! Tu en mets du temps à répondre !
- Soyez contents, je vous avais dit que je ne répondrais pas.
- Roh, c'est bon, on est potes maintenant, hein ?
- Certainement pas. Et si vous n'avez rien à dire, je raccroche.
- Non, attends, j'avais vraiment quelque chose à dire.", reprend Kuroo, sur un ton plus sérieux. "On a retrouvé une semelle orthopédique dans le vestiaire. On ne sait pas à qui c'est. Tu peux voir si c'est à quelqu'un de chez vous ? Notre coach n'a pas le portable de vos profs et Kenma a essayé de contacter votre ptit rouquin mais il tombe directement sur le répondeur. C'est pour ça que je me suis permis. De t'appeler.
- Hm. Je vais demander. Je vous rappelle.
- Tu vois que tu peux quand tu veux, Tsukki.
- C'est Tsukishima.", répond-il avant de raccrocher.
Tsukishima fourre son téléphone et son casque dans son sac à ses pieds et se tourne vers Yamaguchi.
"C'était qui ?", demande Yamaguchi.
"Le capitaine de Nekoma. Ils cherchent le propriétaire d'une semelle orthopédique abandonnée dans les vestiaires. Tu te pousses ?"
Yamaguchi se lève de la place du minibus qui les ramène à Miyagi pour laisser passer Tsukishima. Une fois à l'avant, ce dernier explique la situation au professeur Takeda, et retourne s'asseoir alors que leur responsable réveille la moitié de l'équipe pour trouver le propriétaire de l'objet trouvé.
Bon, la semelle venait bien de Karasuno. Alors qu'il entend le professeur Takeda appeler l'entraîneur de Nekoma -et s'excuser de la gêne occasionnée-, Tsukishima décide que son rôle s'arrête là et il renfile son casque.
Cinq minutes plus tard, un appel interrompt à nouveau sa musique.
"Oui ?
- Et ben, il t'en faut du temps pour poser une pauvre question à tes petits camarades.", raille Kuroo de l'autre côté de la ligne.
"Notre superviseur s'est chargé de rappeler votre coach.
- Et c'est une excuse pour ne pas rappeler un pauvre sempai qui s'inquiète ?
- Inquiet de quoi ? De perdre les quelques neurones qu'il lui reste ?
- Ah, Tsukki, tu es tellement cruel.
- C'est Tsukish...
- ... c'est ça que j'aime chez toi.", interrompt Kuroo. "Bon, en fait, on part aussi donc je raccroche. J'ai oublié de prendre ton mail. C'est quoi ton mail ?
- Comme si j'allais vous le donner.
- Sinon je demande à Kenma, qui demande à petit rouquin, qui demande à tâche de rousseurs et je l'aurai quand même.
- Essayez pour voir.", conclut Tsukishima en raccrochant.
Non mais.
'Moins d'une journée, Tsukki !'
Tsukishima regarde son portable. L'adresse mail ne laisse pas de doute sur l'expéditeur(kuroot ) et Tsukishima se tourne vers Yamaguchi.
"Tu as donné mon mail à Hinata ?
- Oui, pourquoi ?
- Qu'est-ce qui te fait croire que c'était une bonne idée ?
- Il m'a dit que ce serait bien, au cas où il y ait un entraînement annulé, ce genre de choses... qu'on puisse tous se prévenir.
- ... et tu penses sincèrement que Hinata a pensé à quelque chose d'aussi intelligent tout seul ?
- Euh... quelqu'un aurait pu lui donner le conseil.", dit Yamaguchi. "Désolé, je pensais pas qu'il en abuserait.
- ... si seulement c'était que ça.", soupire Tsukishima.
'Alors, c'est quoi ton gage, vu que j'ai gagné le pari ?'
Un nouveau mail de Kuroo.
'Il n'y avait pas de pari.', répond Tsukishima, énervé.
'J'ai gagné quand même.'
'Grâce à la crédulité d'un idiot, bravo.'
'J'ai gagné quand même.'
'Même à l'écrit vous êtes insupportable.'
'Toi par contre, tu es toujours aussi charmant !'
Tsukishima serre les dents alors que Yamaguchi fait mine de regarder son écran.
"Et ben, il en a des choses à te dire, Hinata !"
'Tsukki, j'ai faim.'
'Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la préfecture de Miyagi n'est en fait pas limitrophe à celle de Tôkyô.'
'Est-ce que tu as mangé ?'
'Arrêtez de m'écrire.'
'Ne loupe pas les repas, Tsukki, il faut que tu prennes du muscle.'
'C'est Tsukishima.'
'Je vais manger.'
'Grand bien m'en fasse.'
Tsukishima reste perplexe quelques secondes devant son écran, sans vraiment comprendre ce qui vient de se passer.
'Tsukki, c'est toi qui lisais un roman de Natsume Sôseki, pendant le camp ?'
Tsukishima est décidé à ne pas rentrer dans son jeu. Ce coup-ci, il ne répondra pas.
Au bout d'un moment, le capitaine de Nekoma se lassera forcément et le laissera tranquille.
'Je dois en lire un pour les cours, tu me conseilles ?'
Mais pourquoi il s'adresse à lui ? Qu'il aille donc demander à son prof de japonais, plutôt que d'embêter un kôhai d'une autre école.
'J'hésite entre Botchan et l'Eloge de l'Ombre.'
'L'Eloge de l'Ombre est un roman de Tanizaki.
C'est même pas la même époque.', ne peut s'empêcher de répondre Tsukishima.
'Oh. Bon, ben Botchan, alors.'
'Original avec ça, hein ?'
'En même temps, c'est bien parce que j'avais pas d'idée que je te contactais. C'était quoi que tu lisais, au camp ?'
'Certainement pas du Sôseki, en tout cas.'
'Tu l'as lu, Botchan ?'
'Comme tout le monde.'
'C'est bien ?'
'Non.'
Une heure plus tard, sans réponse de Kuroo, Tsukishima ne peut s'empêcher d'écrire.
'Sôseki a écrit un feuilleton qui s'appelle "Je suis un chat".'
'Qui te fera pour toujours penser à moi, désormais, ah ah :D'
'Ça parle d'un chat très arrogant, donc oui, certainement.'
Le prochain mail de Kuroo arrive trois semaines plus tard avec une pièce jointe.
C'est une photo de son travail sur "Je suis un chat", affublé d'une (très) bonne note.
'Si tu as d'autres romans à me conseiller, je suis preneur.'
'Est-ce qu'il y a besoin que le personnage central soit imbu de lui-même pour que vous vous identifiez ?'
'C'est préférable.'
'Hercule Poirot, alors ?'
'Je note.'
Tsukishima se surprend lui-même quand au prochain mail de Kuroo, arrivé 3 jours plus tard, il n'est pas qu'agacé mais aussi un peu curieux.
'Tsukki : conseiller littéraire. C'est ton futur métier.'
'On dit "bibliothécaire" ou "libraire", dans la vraie vie. Merci, mais non merci.'
'Tsukki : conseiller littéraire. C'est le nom de mon futur roman, alors.'
'Plutôt mourir.
Au fait, c'est Tsukishima.
Avec deux syllabes en plus à la fin.'
'Ca a moins d'impact. Je veux un titre de roman qui ait de l'impact. Si tu veux tu seras mon premier lecteur.'
'Est-ce que le personnage principal sera imbu de sa personne ?'
'J'imaginais un grand blond condescendant.'
'J'aurais été surpris du contraire.'
"Qu'est-ce que tu regardes ?", demande Yamaguchi, assis à côté de lui pour manger.
"Rien d'intéressant.", répond Tsukishima en remettant son portable en poche.
'Kenma me dit que vous aviez un match amical aujourd'hui.
C'était bien ?'
'On a joué au volley.'
'Vous avez perdus, c'est ça ?'
'Non.'
'Tu t'es servi des conseils de ton sempai préféré ?'
'Je crois que le seul conseil que m'ait jamais donné Sawamura c'était de plus manger, donc non.'
'Bon, et de mes conseils, alors ?'
Tsukishima s'arrête et pousse un soupir.
Il se fait avoir à chaque fois, maintenant.
Il répond au premier mail (ou au deuxième, ou au troisième), puis se laisse entraîner dans la conversation.
'Pourquoi vous m'écrivez ?', décide-t-il de répondre.
'C'est de l'espionnage : je mets un pied dans l'équipe pour connaître votre stratégie.'
'D'après Hinata, notre stratégie consiste en zwwoooouim et poum.
(Je ne suis pas certain de l'orthographe.)'
'Ca me conforte dans mon choix de sujet d'espionnage.'
Toutes les conversations avec Kuroo se ressemblent.
Le capitaine de Nekoma commence systématiquement par lui poser une question, ou par annoncer quelque chose sorti de nulle part.
Tsukishima répond avec dédain.
Kuroo le provoque un peu plus (Tsukishima n'a aucun mal à imaginer son sourire narquois pendant qu'il tape ses piques).
Quelque part dans la conversation, Tsukishima aura rappelé quel est son nom.
Et quand Tsukishima arrête de répondre, Kuroo arrête d'écrire (pendant un ou deux jours, en général).
Puis ça recommence.
Au final, Tsukishima se rend compte qu'il a fini par prendre l'habitude de répondre à Kuroo et que ces conversations ne sont pas si désagréables que ça.
Il connait maintenant les goûts de Kuroo en jeux vidéos (mauvais), en musique (encore pire), en lecture (ça va mais c'est bien parce qu'il lit avec enthousiasme ce que Tsukishima lui conseille), et ne pourrait pas vraiment dire comment c'est arrivé.
'Tsukki, tu es rentré ?'
'Sur le chemin.
Et c'est Tsukishima.'
'On se fait une partie de shôgi après ?'
'Vous en avez pas marre de perdre ?'
C'est la nouvelle lubie de Kuroo depuis quelques jours : il joue au shôgi en ligne.
Et Tsukishima ne sait pas pourquoi, mais il joue avec lui.
Kuroo n'est pas vraiment bon, pas mauvais non plus, mais Tsukishima qui n'a jamais joué que quelques fois à ce jeu le bat la plupart du temps.
En même temps Kuroo fait n'importe quoi. D'une partie à l'autre, il joue totalement différemment, sacrifie les trois-quarts de ses pièces, ou bien mise le tout pour le tout sur un seul coup.
Des fois ça paie, mais la plupart du temps il perd à plate couture.
'Non, faut que je trouve ma stratégie, c'est tout.
20h30, ça t'ira ?'
Il ne sait pas comment il a fait pour se retrouver à avoir des rendez-vous devant un ordi pour jouer au shôgi avec un joueur de volley d'un équipe de Tôkyô et ne cherche même plus à comprendre pourquoi il répond 'Oui'.
'43 minutes. J'espère que c'est parce que t'as une super stratégie, hein.'
'Désolé, un imprévu. Vous pouviez vous déconnecter, hein.'
'Pas question, je suis en train de gagner.', répond Kuroo et Tsukishima voit mal comment il espère gagner cette partie mais préfère ne rien faire remarquer.
'Bon, alors, c'est quoi ton gage ?'
'Je ne sais pas de quoi vous parlez.'
'Pour avoir fait poireauter un sempai 43 minutes sans excuse.'
'Comme si vous étiez resté à contempler la partie pendant 43 minutes.'
'Là n'est pas la question. Comme gage, tu vas me raconter une histoire de quand tu étais petit.'
'J'ai toujours été grand.'
'Je voulais dire, genre en primaire. Moi quand j'étais petit j'ai démonté la télé pour essayer de capter les chaînes du câble, par exemple.'
'Passionnant.'
'Allez, ton tour.'
'Non.'
'Tsukkiiiiiiiii'
'C'est Tsukishima.'
'Tu sais combien je peux être chiant.'
'Oui.'
'Tsukki.
Tsukki.
Tsukki.'
'Pas besoin de le démontrer.'
'J'ai même pas demandé une histoire honteuse, franchement, tu pourrais faire plaisir à un sempai qui t'as attendu sans nouvelle pendant quarante-trois minutes.
(Et vingt-cinq secondes)'
'Bon.
Une fois, j'étais au zoo. J'avais 7 ans. Devant la cage des lions, j'entends quelqu'un beugler "Keeeeiiii".'
'C'est qui, Kei ?'
'Vraiment ?'
'Ben oui, c'est bien beau que tu me racontes des trucs, mais si je connais pas les protagonistes, c'est tout de suite vachement moins passionnant.'
'C'est moi, Kei.'
'C'est pas Tsukki, ton petit nom ?'
'C'est pas Insupportable, le votre ?'
'Si, si, c'est une autre lecture des kanji de mon prénom, en fait.'
'En fait je me demande pourquoi je continue de vous encourager en vous répondant.'
'Ne t'inquiète pas, je fais cet effet-là à tout le monde. Finis ton histoire, c'est qui, qui beuglait "Kei", alors ?'
'Laissez tomber, je sais même pas pourquoi je vous racontais ça. Je vais manger.'
'Bon appétit, Kei.'
'J'ai envie de répondre "Crève, charogne", mais on me souffle que c'est impoli. "Merci de ne plus jamais me contacter" me parait plus approprié.'
'Tu reviens finir la partie après ?'
'... oui.'
Ce n'est que la troisième sonnerie, mais Tsukishima est tout sauf certain de ce qu'il va faire.
C'est la première fois que Kuroo essaie de l'appeler depuis la fois dans le bus (et il doit admettre qu'il avait une bonne raison à ce moment-là).
Mais bon, il répond à ses mails, il joue au shôgi avec lui en ligne... ce serait saugrenu d'ignorer les appels d'un type avec qui il est en contact presque tous les jours.
Il décroche.
"Hm ?
- Kei, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t'annoncer.
- J'imagine que la mauvaise c'est que vous avez décidé de m'appeler par mon prénom ?
- Tu n'aimes pas ?
- J'exècre. Mais passons.
- Tu peux m'appeler Tetsurô, si tu veux.
- Si on en est à ce que je veux, je vais vous le dire : je veux juste que vous arrêtiez de me contacter, en fait.", dit Tsukishima, pas totalement convaincu lui-même, mais il a un rôle à jouer.
"Ce n'est pas si extraordinaire d'appeler un sempai par son prénom quand on est proches.
- Je vous ai vu trois fois dans ma vie, Kuroo-san.
- Tu sais ce que j'aime chez toi, Tsukki ?", demande Kuroo, et Tsukishima est presque rassuré d'entendre ce surnom à nouveau. "C'est que je peux en faire autant que je veux et tu gardes toujours le même ton désabusé, et juste un brin dégradant.
- Vous oubliez condescendant.
- Oui, voilà, c'est ça. Comme le héros de mon roman. J'ai arrêté au milieu du premier chapitre, hein. Si tu espérais le lire un jour, je suis désolé.
- Vous n'imaginez pas à quel point je suis déçu.", répond Tsukishima. "... et, donc, les nouvelles ?
- Donc, la nouvelle, c'est que nous allons bientôt nous revoir, parce que le coach Ukai, le vieux, le premier du nom, a invité le notre pour je sais pas quelle raison, et que comme il veut pas se payer le voyage, il va contacter votre lycée pour qu'on se fasse un match amical.
- OK pour la mauvaise nouvelle. Et la bonne ?"
Kuroo éclate de rire à l'autre bout du fil et Tsukishima ne peut empêcher un coin de sa bouche de se relever dans un léger rictus.
"Ah, Tsukki, d'habitude j'arrive à répliquer facile, mais celle-là, je l'ai pas vue venir.
- Ca y est, je vous fais perdre vos moyens ?
- ... si tu savais."
Un léger silence s'installe, et tout ce que Tsukishima a à en penser, c'est qu'il n'aime pas ça.
"Enfin bon, on va se taper 8 heures de route et ça me saoule déjà.
- Si vous espériez que je compatisse, je crois que vous vous êtes trompé de personne.
- Non, mais au fond de toi tu m'aimes bien, je le sais.
- C'est beau les illusions. Bon, à 18 ans, c'est plutôt pathétique, quand même. Et cette mauvaise nouvelle, alors ?
- On ne vient que pour la journée, et je sais que tu vas être déçu de ne pas pouvoir profiter de moi plus longtemps.
- C'est cela, oui.
- ... et puis vous allez perdre, aussi, mais bon, ça c'est habituel.
- Je suis qu'un pauvre petit première année... la responsabilité d'une défaite ne m'incombe certainement pas.
- Petit, petit... j'espère que t'as pas trop grandi parce que j'aime bien te toiser de haut.
- Comment vous pouvez bien aimer quelque chose que vous n'avez jamais fait ?
- Tss, quelle mauvaise mémoire, Tsukki...
- Je suis à peu près certain d'être plus grand que vous.
- Sans déc ? Combien tu fais ?
- 1m88. Enfin, en début d'année, je me suis pas remesuré depuis.
- Bon, avec les épis je te dépasse, c'est bon.
- C'est ça votre excuse pour ne pas vous coiffez le matin ?
- C'est méchant de se moquer, tu sais, c'est un véritable problème pour moi d'être incapable de me coiffer. Tu pourrais être plus gentil.
- J'essaierai d'être plus gentil si vous faites l'effort d'être plus intelligent.
- 'tain, ça va être chaud, je suis déjà un crack, tu sais...", répond Kuroo en rigolant. "En tout cas je me réjouis de t'embêter en vrai, Tsukki !
- Moi pas.
- Je m'en doute ! Allez, ciao !", finit Kuroo avant de raccrocher.
Tsukishima relève ses lunettes, frotte ses yeux et se concentre sur l'écran.
Ça fait trois parties de suite que Kuroo gagne, apparemment les doigts dans le nez.
'Encore une ?', demande le capitaine de Nekoma dans la barre de messagerie du jeu.
'Vous êtes sûr que c'est vous qui jouiez ?'
'Ça y est, tu es enfin estomaqué par ma stratégie !'
'Je ne comprends pas comment après avoir passé 200 parties à déplacer des pions aléatoirement vous avez fini par savoir jouer.'
'C'est toi qui m'as demandé d'être plus intelligent.'
Quand Kuroo vient s'asseoir à côté de lui contre le mur du gymnase, Tsukishima n'a déjà plus l'énergie pour l'envoyer balader.
Pas vraiment l'envie non plus, mais ça s'est une autre question à laquelle il n'a pas trop envie de penser.
"Alors, comment va mon petit protégé ?
- Trop fatigué pour répondre.
- Hey, on peut aussi avoir une conversation normale où tu n'as pas besoin de te forcer à être méchant, si tu préfères.", propose Kuroo avec le sourire.
"Je croyais que c'était ma cruauté qui vous plaisait.
- Ecoute, j'aime énerver les gens, toi tu aimes les vanner, on était faits pour s'entendre, non ?
- Kuroo-san, je crois que vous vous méprenez. Je n'aime pas "vanner" les gens. Ce n'est pas une attitude que je me donne : je suis vraiment comme ça.
- Oh ?
- Pas grave.", conclut Kuroo, et un silence s'installe.
Tsukishima remonte ses genoux vers son torse, puis attrape la bouteille d'eau qu'il a amenée avec lui. Ce silence le met mal à l'aise mais plutôt mourir que de céder en reprenant la parole.
"Tsukki, est-ce que tu préfères les garçons ?", demande Kuroo et Tsukishima s'étouffe sur l'eau qu'il a en bouche.
"Pardon ?", demande-t-il une fois sa quinte de toux passée.
"Ou alors tu préfères les filles et je suis un cas à part, c'est ça ?
- Un cas à part... ça c'est sûr, vous êtes un cas à part.", répond Tsukishima en se voulant cassant mais il se rend compte qu'au final, ça donne plus l'impression qu'il répondait à la question.
"Et dire que j'avais peur de ne pas avoir une place de choix dans ton cœur !", ironise Kuroo et Tsukishima trouve juste son attitude pathétique.
"... c'est nul de me chambrer pour une raison pareille, Kuroo-san. Il y a des sujets sur lesquels même vous, vous ne devriez pas rigoler.", dit-il, et il s'étonne lui-même du ton sérieux qu'il a pris.
Tsukishima se lève et repart vers le banc de remplacement de Karasuno.
"Tsukki !", appelle Kuroo, mais Tsukishima fait la sourde oreille et se contente de signaler au coach Ukai qu'il est assez reposé pour réintégrer un des matchs en 3 contre 3 en train de se jouer.
'Tu aurais au moins pu me laisser m'excuser plutôt que de te casser avant tout le monde sans dire au revoir.'
'J'espère que ça vous aura fait réfléchir, malgré la difficulté que vous rencontrez avec ce concept.'
Son téléphone sonne.
La sonnerie le met mal à l'aise.
Kuroo le met mal à l'aise.
Passe encore à l'écrit, mais il n'est pas près de lui reparler.
Il raccroche.
'Je n'ai pas envie de vous parler.', envoie-t-il à l'écrit, et il se rend compte à quel point il se contredit lui-même, à refuser la discussion tout en l'encourageant par mail.
Quelque part, il a peut-être vraiment envie d'avoir des excuses formelles de Kuroo.
Mais sans entendre le son de sa voix.
'J'ai beaucoup d'expérience sur le sujet, et je sais que les excuses ça passe mieux à l'oral.'
Tsukishima soupire en lisant le message. Kuroo est juste... chiant.
Pas chiant comme Hinata, qui est insupportable et con comme un balai, mais chiant parce que Tsukishima ne sait pas comment il doit se comporter avec lui.
Au final, il ne répond rien et plusieurs minutes passent avant que Kuroo n'écrive à nouveau.
'Je sais aussi arrêter de me la ramener. Je ne discute pas avec toi pour te faire du mal. Pardon si c'est ce que j'ai fait.'
En fait, les excuses de Kuroo lui nouent les entrailles aussi.
'Je pensais que c'était évident qu'on flirtait ensemble depuis des mois et j'essayais de faire avancer les choses en évitant de me prendre un trop gros râteau le cas échéant.'
Tsukishima lit le message de Kuroo, puis le relit et le lit encore une fois.
Il jette son téléphone sur son lit et quitte sa chambre pour se servir à boire.
Le roi de la provoc.
Il mérite bien son surnom, celui-là.
'Après mûre réflexion, je crois que j'aurais préféré un râteau plutôt que de me faire ignorer.', reçoit Tsukishima le lendemain pendant la pause-déjeuner.
Il appelle.
"Il faut que je vous le dise en quelle langue ?
- Hein ?
- Ce n'est pas drôle. Je sais que ça vous fait rire, mais s'excuser pour en remettre une couche derrière, c'est nul.
- Hey, Tsukki, je suis sérieux.
- Moi aussi je suis sérieux. Je sais même pas pourquoi je continue de vous répondre mais j'en ai ma claque. Trouvez une autre victime. Ca y est, vous avez gagné, je vous supporte plus. Vous êtes content ?
- Et ben merci, ça fait plaisir à entendre. C'est toi qui as pas voulu de mes excuses à l'oral ! J't'ai dit que j'étais meilleur à l'oral...
- Hmpf.
- Promis, je suis sincère pour les prochaines minutes. Je ne remettrai pas le sujet sur le tapis, je suis désolé que tu l'aies si mal pris mais si on pouvait continuer de se vanner de temps à autres, je préfèrerais rester en bons termes.
- Tu m'excuses ?
- Je ne sais même pas pourquoi je dis oui.
- Yes, merci.
- Vous êtes quand même un mec super malsain, hein.
- C'est l'hôpital qui se fout de la charité."
'Non, c'est bon, le shôgi c'était déjà bien suffisant.', répond Tsukishima a un mail de Kuroo lui demandant de jouer au poker en ligne avec lui.
'Je t'assure, c'est cool.'
'Vous pouvez pas vous occuper tout seul ?'
'Alleeeez, Tsukkiiiiii.'
'TsukiSHIMA.'
'Pourquoi tâches de rousseurs a le droit de t'appeler comme ça et pas moi ?'
'S'il pouvait arrêter, ça m'arrangerait.'
'Vraiment ?'
'Oui. Je m'y suis fait avec le temps, mais ça ne me plaît pas outre mesure.'
'On se fait une partie de poker, et si je gagne, je peux t'appeler Tsukki ?'
'C'était pas subtil une seconde.'
'Tu préfères Kei ?'
'Je préfère quand vous ne m'écrivez pas.'
Kuroo arrête de répondre.
Bon, s'il le prend comme ça, Tsukishima repose son téléphone et attrape un bouquin.
Ça lui fera du bien une soirée calme.
La soirée calme se transforme en deux soirées, puis trois, et une semaine sans un seul message de Kuroo. Tsukishima est allé voir l'une ou l'autre fois s'il s'était connecté au jeu de shôgi en ligne, mais pas de trace du capitaine de Nekoma.
Donc lorsque le professeur Takeda annonce un prochain match amical contre Nekoma, Tsukishima sent que ça va mal se passer.
Après tout, il a peut-être vexé Kuroo.
Il ne voit pas comment, vu qu'il ne se souvient que très vaguement de leur dernière conversation et qu'il est bien certain d'avoir été bien plus insupportable à d'autres occasions, mais bon, en sortant du club, il fait l'effort de sortir son portable pour écrire un message.
Mais comme il n'a jamais initié la conversation avec Kuroo, il ne sait juste pas quoi dire.
Est-ce qu'il doit s'excuser ? (Et de quoi ?) Parler du match à venir comme si de rien n'était ?
Après avoir écrit 5 messages différents et les avoir tous effacés, Tsukishima se décide.
'Est-ce que quand on se croisera dans deux semaines vous me parlerez plus non plus ?'
'C'est toi qui m'as demandé de plus t'écrire.'
'Pour la 498e fois. Je ne pensais pas que vous la prendriez plus au sérieux que les 497 fois précédentes.'
'Tu aurais préféré que je continue, alors.'
'Je sais pas, j'ai même pas imaginé que vous puissiez m'écouter, je crois.'
'Je t'ai manqué ?'
Tsukishima ne sait pas vraiment quoi répondre.
Parce que bon, oui, peut-être, il doit se l'avouer, discuter par mails avec Kuroo lui a (un peu) manqué.
Mais il ne peut décemment pas le dire.
Il a une réputation à maintenir.
'Forcément je t'ai manqué, sinon tu n'aurais pas écrit.', finit par ajouter Kuroo avant que Tsukishima n'ait répondu.
'Imaginez ce que vous voulez.'
'J'ai une imagination débordante.'
'Je ne veux pas savoir.'
'Vous arrivez bientôt ?'
'J'espère, parce que mes jambes sont définitivement trop grandes pour ce bus.'
'Tu te prépares déjà une excuse pour ta future défaite ?'
'Gagner ou perdre ne changera rien au fait que vous serez insupportable toute la journée.'
'Et pourtant tu es pressé d'arriver.'
'Pour étendre mes jambes. Pas pour vous écouter vos jérémiades.'
Quand le bus de Karasuno arrive finalement à destination, le club de Nekoma est déjà en train de jouer.
A l'appel, les deux équipes se saluent rapidement, mais le coach Nekomata envoie de suite les joueurs de Karasuno se changer et s'échauffer.
Ce n'est qu'au bout de deux heures et demie (quatre tours de lycée, des pompes et deux sets joués) que Tsukishima arrive à s'esquiver et prendre une pause pour s'asseoir contre le mur du gymnase.
Kuroo est de l'autre côté du terrain.
Tsukishima se demande s'il doit traverser pour le rejoindre. C'est quand même un sempai (et presque un ami), il ferait peut-être mieux de ne pas l'ignorer. Mais bizarrement, à l'idée de traverser le gymnase est d'aller lui parler, Tsukishima sent son estomac se nouer.
Au final, alors que Tsukishima est encore en train de tergiverser, Kuroo lève la tête, l'aperçoit et lui fait un grand sourire, le rejoignant en quelques enjambées pour venir s'asseoir à côté de lui.
"Tsukki ! Tu vas bien ?
- Qu'est-ce que c'est que cette question ?
- C'est une question normale à poser à un ami qu'on n'a pas vu depuis longtemps.
- On s'est écrit ce matin.
- Tsukki... c'est moi où c'est la première fois que tu ne rejettes pas notre amitié ?", demande Kuroo en faisant semblant d'écraser une larme.
"Je ne peux pas vous reprendre sur toutes vos incohérences, il y en a trop.", dit Tsukishima dans un soupir mélodramatique, et Kuroo se met à rire. Tsukishima se met à rire aussi, et il ne trouve même pas ça trop désagréable.
Enfin, jusqu'à ce que Hinata le dévisage de loin.
En fait, pas que Hinata : la moitié de Karasuno est en train de le dévisager.
A y réfléchir, la tête de Yamaguchi serait même à inscrire dans les annales.
"Eh ben, Tsukki, ton rire cristallin fait tourner plus d'une tête.", rajoute Kuroo et Tsukishima éclate à nouveau de rire, plaçant sa main sur sa bouche pour moins attirer l'attention mais réussissant juste à s'étouffer un peu plus.
"Il semblerait que le cerveau du p'tit rouquin ait grillé à cette vue.
- Fermez-là.", arrive à répondre Tsukishima entre deux remarques de Kuroo. "Il faut que je reprenne mon souffle.
- Ah, Tsukki, haletant, les joues rouges, ça te va tellement bien.
- J'vous emmerde.
- Je t'ai connu plus poétique. Et plus poli, aussi."
Tsukishima reprend doucement son souffle, et quand il arrive enfin à relever les yeux vers le gymnase, plus personne ne fait attention à lui. Il essuie un de ses yeux sous ses lunettes et repose sa main au sol.
C'était involontaire, mais son petit doigt a atterri contre la main de Kuroo. Le contact l'électrise et son esprit encore léger de sa crise de fou-rire semble se réveiller d'un coup.
Il n'ose plus bouger et n'entend plus que le bruit infernal que fait son cœur dans sa cage thoracique.
C'est à ce moment que Tsukishima se rend à l'évidence.
Il a le béguin pour le capitaine de Nekoma.
