Un froid réparateur

Réveillé en sursaut, il s'empara de son révolver avant même d'être pleinement conscient de l'endroit où il se trouvait. Un rapide coup d'œil à l'intérieur de sa chambre sous la faible clarté lunaire lui confirma qu'il était bien seul, à l'abri derrière une porte fermée à double-tour. Il alluma sa lampe de chevet, reposa son arme sur la table de nuit.

Voici Olrik, l'homme qui a semé la terreur dans le monde libre, à présent tremblant dans son pyjama à minuit dans une chambre insolite. Posant résolument ses pieds sur le sol, il balaya du revers de la manche la sueur de son visage, prit une gorgée d'eau. C'est la première fois en quatre mois que cela se produisait, une petite victoire en un sens. Peu après son évasion, les cauchemars peuplaient chacune de ses nuits, bien après que chaque hématome se soit dissipé, que les troubles dus à la fragilité et à la confusion mentales aient complètement disparu. Même de jour, le simple craquement d'une branche lui faisait serrer les poings, dans un accès de nervosité. Quand il se laissait aller à considérer tout ceci, Olrik se demandait si les agressions si souvent répétées de Septimus sur son esprit n'avaient pas laissé quelque blessure invisible, qui ne guérirait jamais complètement, comme une cicatrice sur son psychisme.

Olrik se leva et repoussa les couvertures afin d'aérer les draps. Il passa sa robe de chambre et ses pantoufles. Il y avait une satisfaction toute particulière à porter de beaux vêtements. La robe de chambre était en simple flanelle bleu marine, mais était doublée de soie épaisse, et aussi chaude qu'un pardessus. Les pantoufles étaient également sobres, mais taillées dans le meilleur cuir qu'on puisse s'offrir. Certains zélés fonctionnaires de sa connaissance n'auraient jamais le loisir d'apprécier de tels habits…

Il marcha jusqu'à l'antichambre et ouvrit les portes vitrées menant au balcon. L'air froid le surprit quelque peu malgré ses vêtements chauds. Olrik contempla la ville à ses pieds, remarquant quelques rares voitures traçant leur route dans la neige fraîchement tombée, un jeune garçon portant un lourd sac de journaux, et la gaieté des lumières de Noël sur le grand arbre en bas de la rue. C'est à cette époque de l'année que l'emprise que Septimus exerçait sur lui avait pris fin, peut-être était-ce pour cette raison que les cauchemars revenaient alors que tout allait pour le mieux. Olrik inspira lentement quelques longues bouffées d'air glacé et sentit le battement sur ses tempes revenir à un rythme normal. Il se sentait fort et alerte, en meilleure condition qu'il ne l'avait été depuis des années.

La nuit était belle, comme seule peut l'être une nuit de pleine lune glacée et sans nuages. Cet hôtel était l'un des meilleurs, dans l'une des villes les plus prospères et animées du monde. Il avait à sa disposition des fonds quasi illimités, et son nouveau client était très satisfait. Septimus était mort, réduit en poussière atomique, et ses autres ennemis le cherchaient sur le mauvais continent.

Olrik sourit et rentra dans sa suite. Il déposa sa robe de chambre sur une chaise et retourna se coucher dans un lit désormais accueillant. La vie était belle, malgré les revers et les mauvais souvenirs. L'argent, la vengeance, les occasions d'exercer le pouvoir – toutes ces choses faisaient que la vie valait la peine d'être vécue. Il se détendit, laissant le sommeil le gagner, certain de ne faire que de beaux rêves jusqu'au matin.