"Je suis là."
PARTIE UNE
Suggestion musicale, fortement conseillées pendant la lecture de ce chapitre:
London Grammar - Nightcall
Hyphen Hyphen - The Fear is Blue
"C'est cela l'amour, tout donner, tout sacrifier sans espoir de retour." Albert Camus
C'était une belle soirée d'août, de celles où il fait bon s'étendre à l'extérieur avec un vieux roman, afin d'attendre que le crépuscule n'arrive enfin, et qu'avec lui les fêtes estivales ne se mettent à battre leur plein. La journée en elle-même avait été presque étouffante, dotée d'un soleil omniprésent et de températures ayant explosé les normales de saison. Aussi, le petit air vespéral, brassé par une brise aérienne, avait perdu de sa lourdeur. Il n'y avait aucun doute là-dessus cela ramenait une certaine légèreté qui rafraîchissait les corps, et apaisait les esprits.
Clarke, assise à sa fenêtre, les pieds ballant dans le vide, avait le regard perdu dans le vague. Ses grands yeux bleus, d'une couleur marine surprenante de profondeur, étaient légèrement clos. Son dos demeurait avachi dans une position confortable, la tête reposant contre le chambranle en bois de la fenêtre. Installée ainsi, à une dizaine de mètres du sol, elle avait l'air en pleine méditation, telle l'artiste réfléchissant à son prochain chef d'œuvre. Entre ses mains désœuvrées, négligemment posées sur ses cuisses, sommeillaient une trousse et un petit carnet vert à ressort dont elle ne se séparait jamais. Malgré son aspect usé par des heures et des heures d'esquisses, elle y tenait comme pas permis en même temps, c'était elle qui le lui avait offert, quelques mois auparavant. A peine avait-elle déchiré le papier cadeau qu'elle l'avait adoré. Aussi, dès qu'un moment propice se présentait, elle se dotait d'un crayon et se perdait parmi ses pages blanches. Cet après-midi d'aout en était le parfait exemple elle avait dessiné pendant plus de deux heures, tandis que le soleil décrivait sa courbe descendante au-dessus de la ville. Puis, levant nonchalamment le nez de ses croquis, elle s'était finalement perdue dans la contemplation du ciel, teinté de rose et de pourpre, et en avait délaissé son vieux compagnon de papier.
Si Clarke aimait crayonner et peindre, découper et assembler, tracer et colorer, alors sur une échelle de ses passe-temps favoris, on pouvait dire qu'elle adorait regarder les nuages passer. Observer ces immenses entités difformes cheminer dans les hautes sphères, inaccessibles et indépendantes de la vie terrestre, lui procurait un apaisement certain, cloisonné hors du temps, presque mystique. Les nuages et les étoiles avaient toujours eut cet effet sur elle, aussi loin qu'elle se souvienne. Ils ravivaient la part rêveuse qui sommeillait au fin fond d'elle-même, et lui rappelait surtout de bons souvenirs, en particulier toutes ces belles fins d'après-midi avec lui, allongés dans l'herbe, chantonnant des poèmes qu'elle apprenait à l'école, ou l'écoutant lui lire des contes fées. Elle se rappelait des jus de pomme partagés, des éclats de rires et de l'herbe dans son dos, tandis qu'elle pointait du doigt les dragons et autres animaux fantastiques que les cumulus de passage offraient gracieusement à leurs regards. Elle regrettait ces moments de paix, de plénitude, de partage. Cela lui manquait.
Beaucoup de choses lui manquaient. Beaucoup trop. Mais ce n'était pas comme si elle avait d'autre choix que de faire avec.
Plongée dans ses pensées, elle sursauta lorsque son téléphone vibra dans la poche arrière de son short, pour la énième fois de la journée. Elle se retint mécaniquement au linteau de la fenêtre, pour d'une part récupérer un peu de stabilité, et d'une autre éviter un aller simple à l'hôpital ; ce n'était certainement pas le moment de se tuer en chutant du deuxième étage, tout ça à cause d'un vulgaire texto. En se stabilisant à nouveau, elle parvint par réflexe à retenir son carnet, sa trousse et sa tasse de thé glacé vide, mais laissa échapper les quelques pastels en équilibre instable sur ses genoux. Elle grimaça en les regardant dégringoler le long de sa jambe, et ne put rien faire lorsqu'ils basculèrent inexorablement dans le vide, s'écrasant en bas avec un petit bruit mat désagréable, qui lui fit froncer le nez.
-Meeeerde, grommela-t-elle en se penchant pour essayer d'évaluer leur état.
D'aussi haut, elle n'y vit évidemment rien. Ayant une bouffée de frustration en s'imaginant qu'ils s'étaient peut-être brisés en tombant, elle laissa glisser ses autres affaires en sécurité à l'intérieur, sur la table qui lui servait plus de marchepied pour accéder à la fenêtre que de bureau, puis elle se rassit de mauvaise grâce, extirpant son smartphone de sa poche. Elle était franchement décidée à savoir quel était l'idiot, en quelque sorte, qui était responsable du possible assassinat de ses crayons adorés.
Nerveusement, elle déverrouilla l'interface, et constata que cela faisait vraisemblablement un sacré bout de temps qu'elle avait délaissé son téléphone. Au milieu des notifications pour quelques réseaux sociaux désertés et autres mises à jour d'applications plus que périmées, elle comptabilisa une quinzaine d'appels manqués, et presque autant de messages non lus.
La plupart venaient d'Octavia et Raven, sans grande surprise. Elles s'inquiétaient pour elle, évidemment. Elle ne pouvait d'ailleurs s'en prendre qu'à elle-même voilà des semaines qu'elle n'avait pas vu les deux jeunes filles. Seulement, Clarke n'avait pas envie de voir leurs yeux soucieux ou d'entendre leur voix. Malgré toute sa bonne volonté, elle n'arrivait tout simplement pas à avoir envie de leur parler, sachant pertinemment qu'elle ne parviendrait pas à garder la tête haute face à elles. Qu'elle craquerait. Et elle n'avait pas besoin de ça, elle ne se sentait pas… prête à pleurer pendant des heures sur une épaule attentive. Elle préférait encore hurler dans ses coussins, tard durant la nuit. Elle tapa alors du bout des doigts un mensonge, comme quoi elle n'avait plus eut de batterie et avait égaré son chargeur ses amies ne seraient pas dupes, mais peu importe.
Elle consulta le reste des notifications d'un œil désintéressé, ignora les messages répétitifs de Wells, supprima sans scrupules ceux de Finn, mais ouvrit par curiosité le dernier reçu en date, en l'occurrence celui qui l'avait fait sursauter. Un reflux de contrariété lui revint en mémoire lorsqu'elle repensa à ses crayons tombés dans le jardin, mais il passa vite quand elle lut le fameux SMS. Il provenait de Jasper, un de ses amis, et la conviait à une des beuveries monumentales dont seuls lui et son meilleur ami Monty avaient le secret.
Elle fixa un instant l'écran de son téléphone, hésitante. Cela faisait longtemps qu'elle n'était pas sortie de chez elle et qu'elle n'avait vu personne, et malgré un oppressant besoin de solitude qui la poussait à se couper de même Raven et Octavia, celles qui la comprenaient pourtant le mieux, elle se sentait irrésistiblement attirée vers cette soirée, sans vraiment savoir pourquoi. Elle vérifia l'adresse qu'indiquait le jeune homme de mémoire, elle donnait rendez-vous dans un quartier voisin, dans la maison imposante et ridiculement friquée d'Harper, une de leur camarade de fac, plus réputée pour ses soirées durant jusqu'au bout de la nuit que pour son assiduité scolaire. Raven ne la portait pas spécialement dans son cœur (elle n'aimait pas grand monde, de toute façon), et Octavia la détestait pour l'avoir vue tourner autour de Lincoln, son cher et tendre. Clarke était donc quasiment assurée de ne croiser ni l'une ni l'autre lors de cette fête, ce qui signifiait une paix relative et de l'alcool à flot au milieu de gens bien trop éméchés pour se préoccuper d'elle.
-Qu'as-tu à perdre ? finit par décréter la jolie blonde en son for intérieur.
Elle cessa de tergiverser et descendit de son perchoir, posant un pied au milieu des feuilles de cour abandonnées sur le bureau. Elle sauta légèrement sur le tapis et se dirigea vers son armoire. Elle ne prêta pas attention au désordre qui jonchait le sol, enjamba quelques fringues et bouquins échoués par-ci par-là, et poussa même du pied son attirail de peinture qui trainait en plein milieu du passage. Fouillant parmi ses affaires, elle finit par en sortir un short propre, ainsi qu'un haut blanc cassé. Le tenant entre ses mains, elle tiqua en se rendant compte qu'il lui appartenait à elle, mais n'hésita pas plus que ça pour l'enfiler en vitesse. Il ne portait plus son odeur, mais elle se sentit quand même grisée de le porter et de le sentir sur sa peau. C'était comme… l'avoir un peu avec elle.
Un peu perturbée, elle passa une main dans ses cheveux blonds pour les recoiffer, noua distraitement une chemise rouge et noire autour de sa taille pour la fin de soirée. Elle se contenta d'un trait de crayon pour maquillage, puis parti à la recherche de ses vielles Converses blanches, sur lesquelles elle avait dessiné au marqueur quand elle était plus jeune. Elle ne jeta même pas un œil au miroir, tant elle se moquait de son image, et évita consciencieusement de regarder le mur qui jouxtait son lit. Elle n'osait pas encore regarder la multitude de Polaroids qui y étaient accrochés, de peur de se retrouver face à un fantôme. Dégotant son deuxième basket derrière son chevalet, elle s'empressa de quitter la pièce, fermant à derrière elle. Elle traversa le couloir d'un pas silencieux, puis descendit les escaliers afin de pénétrer dans la cuisine. Son cœur se serra malgré elle, mais elle en fit abstraction et se contenta se saisir une des pommes abandonnées dans la corbeille de fruit, essayant de repousser loin de son esprit les souvenirs de bonnes odeurs et de rires aux éclats, qui un jour avaient étreint ces murs désormais froids et vides de sens.
Clarke expira longuement pour reprendre consistance et passa la porte, le fruit serré entre ses mains. Elle traversa le hall à la hâte, mais s'arrêta lorsque ses doigts se refermèrent sur la poignée de la porte d'entrée, coupée dans sa lancée par sa conscience. Tiraillée, elle finit par faire demi-tour et se dirigea vers le salon, plongé dans la pénombre. Comme elle s'y attendait, elle y trouva une scène qu'elle aurait préféré ne jamais connaitre de sa vie, et qui pourtant avait déjà des airs de déjà-vu.
-Maman… murmura-t-elle, dépitée.
Abigail Griffin, chirurgienne de renom, était tristement allongée en travers le divan, entourée de quelques bouteilles de bourbon de basse qualité et de canettes de bière. Clarke se força à ne pas prendre la fuite, et malgré un écœurement palpable, s'approcha de sa mère tout doucement, pour de ne pas l'éveiller. Elle poussa du pied les restes vides ou presque qui traînaient, et, machinalement, tira sur l'épaule d'Abby pour la mettre de côté, afin de lui épargner un étouffement si jamais elle devait rendre tout ce qu'elle avait manifestement ingéré. Elle posa la pomme qu'elle se réservait sur la table basse, pour qu'elle ait de quoi remplir son estomac avec autre chose que de l'alcool à son réveil, puis récupéra une vieille couverture sur l'un des fauteuils inoccupés et la couvrit. Elle la contempla une poignée de secondes, avant de s'en aller, sans un coup d'œil en arrière. Ce n'était pas la peine de chercher en cette loque la mère aimante qu'elle avait connu ; elle n'était plus, et Clarke ne le savait que trop bien. Et même si elle lui en voulait terriblement pour un nombre incalculable de raisons, elle se sentait juste incapable de faire quoi que ce soit, et son cœur se déchirait à chaque fois qu'elle y pensait. Cela pouvait peut-être passer pour de la lâcheté, mais elle préférait encore l'esquive à la confrontation.
Elle s'empressa de fermer à clé derrière elle, n'emportant avec elle qu'un petit sac bandoulière contenant son vieux carnet, quelques billets et son téléphone. Elle fit un détour pour récupérer ses fusains suicidaires, et se réjouit de tous les retrouver miraculeusement intacts. Les fourrant dans son sac, elle traversa l'allée du jardin d'un pas rapide, constatant à nouveau que les massifs de violettes et de coucous qui la bordait étaient maintenant chevauchés par des mauvaises herbes. Clarke aurait bien voulu toutes les dégager de là, mais elle n'arrivait pas à s'y résoudre. Elle se contentait de marcher entre les bottes de trèfles lui montant jusqu'aux genoux : c'était peut-être puéril, mais ça lui évitait de retourner ouvrir la cabane de jardin où tous ses outils se trouvaient, et, au fond, ça l'arrangeait bien. Secouant la tête, elle poussa le portail grinçant et déboucha enfin sur la rue, soulagée d'être enfin sortie de chez elle. Elle respira un bon coup et s'en alla d'un pas pressé le long du trottoir, trottinant presque.
En vingt minutes, elle se retrouva devant l'immense maison d'architecte de la famille Harper, et elle se rendit vite compte qu'elle était loin d'être en avance. Le soleil se couchait à peine, et la « Skykru Party », comme scandait la banderole accrochée de travers à deux des balcons du dernier étage, semblait pourtant déjà bien entamée. On entendait la musique résonner du carrefour en contrebas, et les cris des jeunes fêtards retentissaient dans tout le quartier. Clarke sourit devant l'aura euphorisant qui s'échappait de l'endroit. Elle grimpa les marches du perron en même temps que Monroe, une étudiante avec qui elle partageait son cours de sociologie les deux jeunes filles discutèrent platement en attendant que la porte ne s'ouvre. Ce fut un Jasper complètement survolté qui apparut dans l'encadrement. Vêtu d'un short de plage décoré de palmiers verts et jaunes et d'un maillot des Yankees, le tout agrémenté d'une paire de lunettes d'aviateur vissées sur le haut de son crâne, il semblait déjà bien entamé. Il adressa un sourire à Monroe qui le lui rendit avant s'éclipser à l'intérieur, puis il serra Clarke dans ses bras lorsqu'il la reconnu enfin son haleine sentait littéralement la vodka-ananas.
-Claaaarkey ! pouffa-t-il en la relâchant. Ça fait un bail qu'on t'a pas vue par ici ! Genre depuis au moins… J'sais pas en fait… Qu'est-ce que tu foutais de beau ?
-Rien de très intéressant, répondit-elle, évasive. Comment va Maya ?
-Tranquille, rit-il, tu vas même sûrement la croiser, j'l'ai chargée des mojitos ce soir, tu sais comment elle les fait… des vraies merveilles ses mojitos… J'en boirais toute la journée. Et ses cocktails à l'annanas là… Elle est trop forte. J'l'aime tu sais.
-Je sais, fit-elle avec un demi-sourire, incapable de rester sérieuse devant l'air complètement à l'ouest de son ami d'enfance.
-J'suis content que tu sois là, c'est une fête d'enfer ! « Skykru party », la fête du ciel, c'est pour ça les lunettes, dit-il en pointant le haut de sa tête. Harper qu'a trouvé le nom dans une série qui passe sur la CW. Le truc con c'est que pas grand monde a compris le délire j'crois, parc'que personne s'est fringué dans l'esprit.
-L'important est de participer, répondit Clarke avec un léger rire. Je plaide coupable, je n'ai pas pensé à m'attifer en oie sauvage pour coller au thème. Tu m'excuses hein ?
-Mais ouai, t'inquiètes pas pour ça, poursuivit-il avant de prendre un air subitement sérieux. Au fait Clarkey… Hum... J'suis pas doué pour ce genre de truc, mais j'suis vraiment désolée pour… tu sais quoi.
Clarke je dévisagea un instant. Malgré sa désinvolture et sa barde de trois jours mal rasée, il avait l'air sincère. La jeune fille lui adressa un sourire qui lui fit plaisir.
-Merci, Jasp'. Mais je ne veux pas en parler.
-J'comprends. J'crois que pas beaucoup de gens sont au courant pour tout ça, parce qu'il y a plein de personnes d'autres écoles, du coup pas grand monde viendra t'emmerder. Essaie d'passer une bonne soirée Clarkey, tu mérites de souffler un peu. Puis, tu sais où me trouver, hésites pas.
Il lui accorda un regard aussi affectueux que soûl, et tourna les talons, percutant l'encadrement de la porte dans sa route. Il se retourna en s'excusant auprès du mur, et disparut dans le salon en appelant Maya à tue-tête. Cela amusa un peu Clarke, rendant son cœur un peu moins lourd à porter cela la poussa d'ailleurs à parcourir la petite distance la séparant de la fête à proprement parlé.
Elle resta bouche-bée. La pièce jouxtant l'entrée était tout bonnement immense, et vraiment bondée. Il y avait de tout partout en plus de la multitude de canapés confortables parsemés dans tous les coins, il y avait des petites tables, un bar, un buffet, et elle crut même apercevoir un véritable fut de bière dans le fond, sur lequel un garçon improvisait un rodéo grotesque. Les grandes baies vitrées donnaient l'impression d'être à l'extérieur, agrandissant l'espace et laissant rentrer la lumière du jour en train de s'achever. Cela n'empêchait pas la présence de gros spots lasers qui pulsaient selon le tempo de la musique. Clarke identifia cette dernière comme étant de la techno, c'est-à-dire un ensemble assourdissant de sons sans queue ni tête, dénué de paroles, sur lequel il était aisé de déhancher, même sans aucun sens du rythme.
Les invités présents formaient un étonnant mélange de gens de tous horizons, dansant, mangeant, riant, fumant et buvant, tous éclairés par les mêmes stroboscopes, qui donnaient des allures irréelles au moindre mouvement. Des efforts de décorations avaient été faits pour concorder avec le thème : des faux nuages en papiers étaient placardés un peu partout sur les vitres et de petits avions pendaient au plafond, tandis que de petits appareils électriques soufflaient dans la pièce un espèce de brouillard en volutes. C'était plutôt pas mal, les garçons et Harper avaient géré et Clarke était impressionnée, alors qu'elle en avait vu d'autres. Avant, elle avait l'habitude de sortir le soir, et elle savait distinguer une bonne boîte de nuit branchée quand elle en voyait une. Aussi, il fallait reconnaître que le salon d'Harper, ainsi agencé, s'approchait presque du Grounder's, la discothèque la plus courue de la ville, dans laquelle elle allait parfois en bande avec Octavia, Raven et leurs amis, ou bien à deux avec… avec elle.
S'empêchant de penser plus, Clarke se jeta à l'eau et se faufila le long d'un mur pour se dégoter un verre auprès de Maya, qui comme le lui avait dit Jasper, se trouvait à proximité du stand de boissons. La jolie barmaid improvisée lui proposa un de ses jus alcoolisés maison avec un sourire, mais Clarke préféra se servir une tequila bien dosée. Elle voulait absolument anesthésier les mauvaises pensées qui bourdonnaient dans sa tête. Ne pas penser à lui. Ne pas penser à elle. Choses plus complexes et épuisantes à faire qu'à dire. Sous le regard inquiet de Maya, elle siffla le gobelet cul sec, faisant abstraction de l'alcool fort lui piquant la gorge. Elle s'ébroua pour se remettre les idées en place, essayant de rassurer son amie avec un sourire peu convaincant. Maya, bien que désapprobatrice, ne se permit aucun commentaire, étant au courant de sa situation. Elle préféra lui rendre son sourire et la laisser tranquille, s'en allant vanter ses cocktails auprès d'autres invitées qui trépignaient à l'autre bout du comptoir sommaire.
Clarke la regarda s'éloigner, puis s'empara incognito de la bouteille qu'elle avait entamé et d'un paquet de chips barbecue, décidée à entamer sa soirée par une purge anesthésiante. Elle se faufila entre les invités, saluant de la main le peu de gens qu'elle connaissait, et alla s'asseoir dans un coin de la grande pièce, d'où elle pouvait avoir tout le monde à l'œil sans elle-même être trop vue, cachée à moitié par un pilier. Personne ne venait l'importuner la majorité des jeunes de la soirée venant des pôles scientifique et sportif de l'université, et les rares « immigrés » provenant des lettres ou du social ne lui prêtaient pas attention. Au final elle ne connaissait pas grand monde et s'en félicitait, car cela signifiait une certaine transparence : pas de questions inopinées, pas de jugement de valeur, pas de pitié. Elle enchaîna les verres, entrecoupés par des Doritos pour la maintenir à flot, et passa le temps à regarder le petit monde qui évoluait autour d'elle, pris dans une euphorie passagère.
Elle assista de loin à quatre parties de bière-pong interminablement acharnées, à quelques tentatives de poll-dance avortées, à la rupture et la réconciliation immédiate de deux couples, à la formation d'un autre, à un madison et une macarena endiablés, et à tellement d'autres jeux à boire qu'elle se sentait incapable de tous les citer. Comme postée devant un écran de télévision, elle suivi attentivement le feuilleton de la soirée et enchaîna remarquablement bien les verres, se surprenant elle-même quant à son inaccoutumée tenue face à l'alcool. Elle était d'habitude connue pour être cuite dès les premières gorgées un peu trop fortes, et sujette aux vilaines gueules de bois. Néanmoins, ce soir-là semblait déroger à la règle comme quoi, tout pouvait changer. De temps à autre, Monty seul ou accompagné d'Harper avec qui il sortait depuis peu, Jasper ou Maya venaient s'asseoir à côté d'elle, lui tenant compagnie : ils discutèrent de tout et de rien, riaient, trinquaient, se moquaient des pauvres hères se dandinant sur la piste et puisqu'ils évitèrent soigneusement tous sujets délicats, Clarke du reconnaître que ce contact simple et naturel lui fit un bien fou. Le temps ne semblait plus avoir de prise ici, les rires et l'alcool désinhibant même les plus coincés. Ça restait une beuverie, un peu extravagante, mais l'ambiance était presque bonne enfant, et cela la faisait se sentir mieux. Ses problèmes semblaient lui laisser enfin un peu de répit, demeurant en filigrane dans son esprit puisqu'impossible à effacer complètement.
Quand la bouteille de tequila en vint à se terminer, grandement entamée à cause d'un concours de shots au sel-citron entre ses amis et elle, Clarke se leva à regret de son canapé caché et se mit à la recherche de quelque chose d'autre à boire. Elle se sentait légère, et ne voulait sous aucun prétexte quitter cet état second que lui conférait la boisson. Au détour d'une table et après avoir échangé quelques mots avec Monroe et son copain Sterling, elle tomba malencontreusement sur Fox et Murphy, des camarades de classe d'Harper, en train de se fumer un joint gros comme leur pouce. La blonde n'eut pas le temps rebrousser chemin pour fuir les vapeurs nauséabondes et l'aura détestable de l'autre jeune fille, que cette dernière la hélait, l'air mielleux.
-Salut Clarke, ça fait longtemps qu'on ne t'as pas vu !
-Fox, fit-elle sans grand intérêt.
-Pourquoi tu n'étais pas là fin Juin ? continua l'autre dans sa lancée. T'as loupé le bal de fin d'année tu sais, c'était fantastique. Bon tu n'aurais pas été élue reine étant donné que tu n'as pas de roi, mais ça aurait été chouette que tu te sois déplacée… pour respecter le travail des organisateurs tels que moi, par exemple.
Clarke eut une moue réprobatrice, déjà excédée au bout de deux minutes de cette conversation à sens unique. Elle n'avait aucune envie de pérorer à propos de robes en tulle et de fleur en papier crépon, et encore moins de parler de cette période de l'année. Le bal avait coïncidé à quelques jours près avec son départ, elle n'y avait donc pas été. Clarke jura mentalement : en venant dans cette partie de la salle, elle avait juste eu pour objectif de se trouver une autre bouteille, pas de démarrer un conflit avec cette imbécile de Fox et son sourire de garce. Cette dernière, voyant son air désabusé, prit la mouche et se rebiffa.
-Remarque, fit-elle en prenant de grands airs, si c'était pour tirer la gueule et te trimbaler fringuée comme aujourd'hui, c'est clair que t'as eu raison de rester chez toi. Personne n'est irremplaçable.
Clarke se figea, ayant du mal à digérer ce qu'elle venait d'entendre. Lui oui,il l'était. Elle aussi. Irremplaçables. Et absents maintenant. Elle eut soudain mal au cœur, redescendant brutalement de son petit nuage. Un mal de tête soudain la fit vaciller et elle du se rattraper à une chaise pour s'empêcher de perdre l'équilibre.
-Mais ma parole, t'es complètement cuite ! ricana Fox, sans se rendre compte de l'ironie de la situation, étant donné qu'elle en était à son troisième pétard et qu'elle sentait le whiskey à deux mètres.
-Fox, t'es perchée, laisse là tranquille, tenta Murphy en lui prenant le poignet.
-C'est à ça que t'as passé ton temps pendant que tu séchais les derniers cours en fin d'année ? continua la brune, se dégageant du jeune homme qu'elle n'avait même pas écouté. Tu te soûlais ?
-N'importe quoi, fit Clarke en serrant les dents.
-Il n'y a que la vérité qui blesse… J'ai entendu dire que ta mère aussi était devenue une vraie alcoolo, ça a dû déteindre sur toi… à moins que ce soit ta copine cheloue là...
-La ferme, lâcha la blonde, subitement sur la défensive, une lueur douloureuse naissant dans ses prunelles. Tu ne sais rien. Tu ne sais rien de tout ça !
-Je ne sais rien, mais qu'est-ce que tu racontes ? cracha Fox avec un regard dédaigneux, s'écartant derechef de Murphy qui tentait désespérément de la faire taire. Tout le monde sait que vous sortiez ensembles toutes les deux, ce qui est soit dit en passant absolument répugnant… Comment elle s'appelle déjà… Elle aussi ça fait un bail… Voyons voir Alex… Non attends… Léa… Le…
-TA GUEULE ! cria soudainement Clarke, attrapant Fox par le col de son polo hors de prix.
-Lâche-moi espèce de tarée ! hurla l'autre. C'est pas de ma faute si t'es une foutue lesb…
C'est à ce moment que Monty surgit de la foule, qui n'avait pas encore remarqué l'échange houleux entre les deux jeunes filles. Aidé de Murphy, il sépara Clarke de Fox, les entraînant d'un accord commun chacune dans un sens opposé. L'asiatique guida son amie vers le bar en tirant de manière directive sur son poignet, près de Maya et Harper qui avaient suivi l'altercation de loin. Clarke se laissa ballotter sans résistance, la tête en vrac, et s'assit sur le siège qu'il lui présenta, sans réfléchir.
-Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il finalement, au bout de quelques minutes de mutisme.
Clarke garda le silence, pinçant les lèvres.
-Elle a parlé des choses qui fâchent donc. De lui ? Ou d'elle ?
La blonde laissa passer quelques secondes avant de lever la tête vers lui, les yeux quelque peu humides, mais tout de même emplis d'une certaine détermination. Les trois jeunes gens l'entendirent à peine murmurer.
-Des deux, indirectement. Mais je ne veux pas que vous vous occupiez de moi. Je ne suis pas venue ici pour vous regarder vous apitoyer sur mon sort. Je sais très bien le faire toute seule.
-Clarke, murmura Maya, on a juste peur pour toi, c'est tout.
-Oui, on s'inquiète, on sait que c'est dur de… commença Harper
-Vous ne devriez pas, répliqua la blonde, acide. Je n'ai besoin de personne.
-Je suis en train de me rendre compte que tu es venue ici simplement pour boire, et t'as failli te battre avec quelqu'un, lâcha Monty en croisant les bras. Je serais un bien piètre ami si je ne m'inquiétais pas pour toi, Clarke.
-Ne me fais pas croire que les autres gens qui sont ici ne sont pas venu pour se soûler…
-Ne joue pas sur les mots. Tout ça ne te ressemble pas.
-Qu'est-ce que tu en sais ?
Monty ne trouva rien à répondre et haussa les épaules, l'air d'abdiquer.
-Ok alors, je ne vais pas non plus te forcer, tu es majeure et vaccinée. Fais ce que tu veux. Je vais appeler Octavia, elle est plus apte que moi pour s'occuper de… ça.
-Laisse O' en dehors de ça Monty. Je t'interdis de la contacter, elle ou même Raven. Je ne veux pas les voir. Ça n'arrangerait rien de toute manière.
Maya baissa les yeux, mal à l'aise, tandis que Monty et Harper échangeaient un regard. La blonde cendré finit par demander :
-Alors quoi ?
-Alors rien, répondit Clarke d'un ton blasé. Vous me fichez la paix, et dès que je ne supporterais plus cet endroit, je m'en irai, je rentrerai sagement chez moi. Je ne ferai plus rien de stupide, et Fox gardera même sa tête d'abrutie, je vous le promets.
Les trois autres demeurèrent peu convaincus, mais leur échange fut interrompu par une certaine cohue provenant du hall, où un important groupe de jeunes faisait son entrée. Clarke en profita pour filer à l'anglaise et disparaître en direction de la terrasse extérieure, à l'écart, en emportant avec elle le fond d'une bouteille de Jagger.
Elle ressentait le besoin de se retrouver seule, pour redresser les barrières qu'avaient détruites Fox en lui hurlant dessus. La liqueur battant contre sa cuisse avec un bruit sourd à chacun de ses pas, elle s'éloigna de l'intérieur devenu subitement étouffant, et sortit. Elle s'éloigna des fêtards qui prenaient l'air, et s'assit au bout de la grande plate-forme panoramique, qui donnait sur le grand jardin de la propriété, en contrebas.
Buvant une gorgée au goulot de la bouteille, et savourant ce peu de solitude, elle se força à retrouver ses esprits. Oublier Fox et ses insultes, oublier les regards alarmés de Maya et Monty, le malaise d'Harper, oublier tout. Ne plus penser à lui. Ne plus penser à elle non plus. Elle resta un petit moment à se morigéner elle-même, dans l'espoir que le semblant de quiétude qu'elle avait retrouvée en début de soirée lui revienne par magie. Elle descendit le Jagger en un temps record, et s'en trouva presque dégoutté : affalée là, sur ces lambris surplombant ce jardin entretenu à outrance, aux arbustes taillés au millimètre et aux plates-bandes rectilignes dans lesquelles certains avaient peut-être déjà gerbé leur trop plein, elle se compara involontairement à sa mère, qui éclusait elle aussi, à deux pâtés de maison.
Cette image lui donna un haut le cœur, et sa tête lui tourna derechef. Elle se sentit soudainement lassée, en complet décalage avec ce qui se passait autour d'elle, comme si elle n'était pas à sa place. Elle regretta soudain d'être venue elle était encore trop affectée pour sortir faire la bringue. Autrement dit, il était vraiment temps pour elle de retourner se cloîtrer dans son antre et de continuer à écumer son chagrin ; elle avait déjà surement dépassé assez de limites ce soir-là, et ce pour les semaines à venir. Elle abandonna la bouteille vide sur le sol et se leva, toute titubante. Slalomant entre les quelques irréductibles qui étaient sur la terrasse, elle finit par arriver devant la baie vitrée, et elle avisa d'un œil nouveau la cohue qui régnait à l'intérieur. Comment avait-elle pu se sentir étrangement bien parmi ce bazar ? Ça sentait la fumette et la sueur, les stroboscopes faisaient tourner la tête et la chaleur étouffante additionnée à la musique assourdissante tapaient sur le système. Les parents d'Harper allaient sans aucun doute péter un câble en rentrant de voyage d'affaire.
Clarke eut soudain un vertige elle devait traverser la salle en quatrième vitesse et s'échapper de là. Elle expira pour se donner un peu de courage et ouvrit la porte, avant de s'arrêter net. Elle aperçut au beau milieu de la foule un visage familier qu'elle ne s'attendait pas à croiser ici. Pourtant, c'était bien Bellamy Blake, le grand frère d'Octavia, qui sautait sur place au centre de la pièce, entouré de son équipe de basket, tous en maillots et ruisselant de sueur. Elle lâcha promptement la poignée, comme si elle s'était brûlé les doigts. Non. Non, pas ça. Pas l'équipe de basketball de la fac. Par pitié, pas eux, pas Finn, pas maintenant…
Elle réfléchit à toute vitesse. Traverser la salle était un risque à ne pas prendre. Elle pouvait toujours passer par l'extérieur en sortant tout à l'heure, elle avait aperçu un escalier qui permettait l'accès au jardin et à un garage, situés au rez-de-chaussée de la villa. Elle pourrait contourner la maison par là et sortir sans que…
-Je n'osais pas croire cette chère Fox quand elle m'a dit que t'étais là, Princesse.
Elle ne sursauta même pas lorsque cette voix familière retentit non loin d'elle, et qu'une paire d'yeux noisette apparaisse dans son champ de vision, éclipsant ainsi le reste du salon transformé en boîte de nuit d'un soir. Le surnom, abject dans sa bouche, fit même naître des sueurs froides dans son dos.
-Je suis pressée Finn, je dois rentrer. Je vais passer par dehors, il est tard…
-Pas de soucis, coupa le jeune homme. Je vais te raccompagner chez toi.
-Non, répliqua Clarke d'un ton ferme, où on sentait poindre une anxiété marquée.
-Non ? répéta Finn, perdant le sourire qui jusque-là fendait son visage en deux.
-Je peux très bien rentrer seule, marmonna Clarke, je n'ai pas besoin d'une baby-sitter. Je connais parfaitement le chemin pour rentrer jusque chez moi.
-J'aimerais bien savoir ce que t'as, râla l'autre, interdit. Tu ne réponds pas à mes messages, tu me snobes complètement, et maintenant tu m'envoies chier ?
-Ce n'est ni le lieu ni le moment de parler de ça, de toute façon, je ne veux pas te voir. Retourne avec tes coéquipiers fêter je ne sais quelle victoire, et laisses-moi partir !
-Pour que tu me files encore entre les doigts ? Ça fait un temps fou que j'essaie de te joindre, t'es là et moi aussi, donc hors de question que tu te tires. Viens, on va discuter, j'crois qu'on en a sérieusement besoin.
Il fit deux pas en avant, la forçant à reculer, puis lui empoigna le bras et la tira à l'abri des regards inopportuns qui commençaient à s'intéresser à eux. Ils descendirent la vingtaine de marche et débouchèrent en contrebas, sur l'allée du garage. Clarke finit par se rebiffer et empêcha le jeune homme de l'emmener plus loin. Dans un mouvement brusque du bras, elle le fit lâcher son poignet et le repoussa violemment, des deux sur le torses, lui intimant de rester à distance. Finn se dressa face à elle, l'air soudainement énervé. De là où ils étaient, on ne voyait plus que le dessous de la terrasse, et ils n'étaient éclairés plus que par la Lune et par les lumières s'échappant des grandes baies vitrées et des lampadaires au loin.
-Mais c'est quoi ton problème ?! gronda Finn après quelques secondes à se fixer dans un silence lourd, seulement perturbé par le tempo entêtant et désormais étouffé de la fête.
-Mon problème ?! explosa la blonde. Je t'ai dit que je ne voulais plus ni entendre parler de toi ni te voir, que tu devais me foutre la paix une bonne fois pour toute ! Mais non, comme d'habitude tu ne respectes rien, tu te sens obligé de t'imposer et même pire, tu me traîne dehors comme si j'étais une gosse à qui on doit faire la leçon ! Mais merde, j'en ai marre que tu agisses comme si j'étais ton petit jouet, Finn, j't'appartiens pas !
-Ah oui ? ironisa Finn, l'œil mauvais. Tu ne disais pas ça avant que l'autre ne débarque ! Tu étais folle de moi, on formait un couple super. T'as tout foutu en l'air alors que je sais que tu m'aime toujours d'ailleurs. Tout ça à cause d'elle, là, c'est elle qui a complètement foutu le bordel dans ta tête !
-Tu délires complètement, rétorqua la blonde en haussant le ton. Si je t'ai quitté, ça n'a rien à voir avec elle justement. T'étais devenu un vrai connard, égoïste, aveuglé par ta popularité et ta drogue de merde, et surtout, t'étais violent avec moi. Je ne t'aimais plus et tu me faisais peur. C'est pour cela que je t'ai quitté, et pour rien d'autre. Lex…
-Ne prononce pas le nom de cette salope devant moi ! éructa le garçon, devenant menaçant.
-Insultes la encore et je te jure que… gronda la jeune fille, se voulant menaçante.
-Que quoi, hein ? Qu'est-ce que tu vas faire ? provoqua-t-il. De quel droit t'es en colère, d'abord ? S'il y a quelqu'un en droit de gueuler ici, c'est moi ! Tu crois pas que me larguer comme une merde à la veille de Noël était suffisant pour m'humilier ? Non, il fallait en plus que tu te tape une fille pour le Nouvel An, pour marquer le coup et montrer à toute la ville que j'étais le dernier des abrutis !
-Finn arrête, tu vas beaucoup trop loin, lâcha Clarke, perdant de l'aplomb en voyant son ex fermer les poings, la replongeant dans des souvenirs qu'elle s'efforçait pourtant d'oublier.
-Non, tu la fermes et t'écoute, j'en ai pas encore terminé avec toi, gronda-t-il, la mine rouge. T'oublies un peu trop que tu me dois beaucoup, Princesse. Sans moi, t'aurais jamais percé dans la galerie du lycée, t'aurais jamais été populaire, personne n'aurait fait gaffe à ta jolie gueule. J'ai fait des efforts pour toi, je t'ai trimbalée où tu voulais, je t'ai aidé dans tes projets, je…
-Tu te fous de moi ?! cria Clarke à son tour, oubliant sa peur passagère et perdant patience. J'ai jamais eu besoin de toi pour lier des liens avec les gens, et ne dis pas que tu t'es saigné pour moi, on sait tous les deux que c'est n'importe quoi ! D'ailleurs, t'es jamais venu à mes expositions dans cette fameuse galerie, tu disais que peindre était une perte de temps ! Et si tu te crois redevable parce que tu m'as acheté un peu de matériel de peinture quand ma mère me le refusait, je peux te le rendre sur le champ, pas de soucis, pour le peu de fois où c'est arrivé ! Et maintenant qu'on aborde le sujet, si je venais avec toi dans tes soirées à la con, c'était parce que j'avais trop peur de toi pour te dire non. Putain, j'ai toujours détesté tes potes, ta voiture puant la bière, ces bars glauques où tu traînais ! T'étais un poison pour moi !
-Et toi t'étais une sacrée garce. J'aurais jamais dû m'intéresser à toi finalement. J'aurais dû rester avec ta super pote Reyes, elle au moins…
-Si je suis une telle perte de temps, qu'est-ce que tu fous encore là bon sang ?!
-J'suis la risée de l'équipe depuis que tu m'as plaqué comme une merde. Tous ils t'aimaient bien, à cause de Blake surtout, et quand tu t'es amusée à mentir et à raconter que j'te frappais, j'suis d'abord passé pour le connard de service, puis pour la pire des brelles parce que tu t'es tirée dans les bras d'une fille.
-Finn, tu n'as eu que ce que tu méritais, gronda Clarke. Deux hospitalisations en un mois, ce sont des mensonges pour toi ? J'en reviens pas que tu te voiles encore la face après tout ce temps. T'as encore eu du bol que je te dénonce pas aux flics !
-J'en ai rien à foutre, t'avais rien contre moi, t'aurais même pas réussi à me faire inculper. Et de toute façon, tout ça c'est du passé. J'vais leur prouver à tous que j'ai pas été fait cocu par une meuf. Tu vas re-sortir avec moi et tout va redevenir comme avant.
-Mais t'es complètement malade ! bredouilla Clarke, les yeux écarquillés, avant de reprendre de plus belle. Primo, t'as jamais été cocu, j'ai toujours respecté notre couple en carton, contrairement à toi et aux connasses que tu te tapais dans mon dos. Ne fais pas cette tête, je sais très bien que tu voyais des filles quand j'étais aux cours du soir. Deuxio, je t'ai quitté y'a plus de huit mois, et depuis ce jour béni, nous deux c'est terminé, fais bien rentrer ça dans ton crâne !
Il partit dans un rire homérique.
-Mais tu crois que t'as le choix ? fit-il entre deux hoquets. C'est pas négociable. T'as assez foutu le bordel dans ma vie comme ça.
-Tu peux toujours rêver pour que j'envisage ne serait-ce une seconde de revivre l'enfer en sortant avec toi.
Clarke fit demi-tour sur elle-même, coupant court à la discussion qui prenait des allures de cauchemar éveillé. Elle n'eut pourtant pas le temps de faire deux pas que Finn la rattrapait brutalement par l'épaule et la tirait de nouveau vers lui. Elle tenta de se dégager en se débattant avec autant de virulence que lui permettait l'alcool dont elle était imprégnée, mais il la retint avec poigne.
-T'es à moi ! lui hurla-t-il au visage.
-Vas te faire voir ! gronda-t-elle en même temps, se dégageant juste assez pour lui asséner une claque monumentale.
Le poing de Finn parti tout seul par simple réflexe, démesurément fort. Clarke n'eut pas le temps de se sortir de sa trajectoire. Elle sentit sa pommette exploser et sa lèvre se fendre avant même que la douleur ne lui parvienne. Sonnée, elle trébucha, et le jeune homme ne la retint pas, la laissant s'effondrer par terre comme un vulgaire chiffon. Il était dans une colère opaque et dévastatrice, décuplée par la fatigue et les substances illicites qu'il avait absorbées pour fêter la victoire de l'équipe. Il ne pensait plus à ce qu'il faisait, et se laissait guider par cette haine qui le poussait à faire payer à Clarke tout ce qu'il lui reprochait. Sans réfléchir aux conséquences de qu'il était en train de faire, il shoota dans le ventre de la jeune fille, qui poussa un gémissement étouffé, manquant soudainement d'air. Pour chacun des deux, cette situation était terriblement familière c'était un retour en arrière. Elle tenta se redresser, la bouche en sang, mais ne parvint qu'à se hisser sur un coude, regardant désespérément la villa au-dessus d'elle, espérant que quelqu'un lui vienne en aide. Pourtant, personne ne vint ; la musique couvrait les cris échangés et pas grand monde se souciait d'où elle était passée.
Ils étaient seuls dans cette allée.
Elle se retourna alors vers Finn, qui la toisait toujours. Elle reconnaissait cette lueur dans ses yeux, cette noirceur venant gommer le noisette doux qui l'avait tout d'abord charmée. Elle avait désespérément besoin d'une porte de sortie, d'une distraction, de n'importe quoi.
-Finn arrête... tenta-t-elle, la voix peu assurée. Reprends-toi et va-t'en. Je… Je dirais que j'étais trop soûle, et… que j'ai pas vu le dénivelé de la dernière marche… et que j'suis tombée. T'auras pas d'ennui et tu n'entendras plus parler de moi... S'il-te-plait Finn, laisse-moi tranquille, pour l'amour du ciel...
-Mais tu crois vraiment que ça va s'passer comme ça ? grogna-t-il en se rapprochant dangereusement. Qu'il te suffit de pleurnicher pour réparer tes erreurs ? Mais dans quel monde tu vis Princesse ?
Il shoota de nouveau, et elle se retint de vomir.
-Je vais te filer la beigne de ta vie ma pauvre petite Clarke. Ça te passera l'envie d'aller voir ailleurs la prochaine fois. T'es à moi et à personne d'autre.
Il posa sur elle un regard empli de dégoût, tandis qu'elle crachait le mélange de sang et de salive qui obstruait sa gorge et l'empêchait de respirer correctement.
-Regarde-toi, bordel. Tu m'as laissé pour une fille putain. Une fille, Clarke. Une fille ! C'est tellement pathétique et dégradant… Mais une preuve que t'aurais pas dû me mettre dehors est qu'elle t'a larguée à son tour dès qu'elle a pu se barrer de cette ville pourrie. Tu ne valais rien, même pour elle.
Clarke grimaça, touchée par ces mots rageurs qui venaient rouvrir la plaie béante barrant son cœur, celle-là même qu'elle essayait de cautériser avec tant de mal.
-Elle ne m'a pas larguée… murmura-t-elle avec la ferveur qui lui restait.
Sa voix trembla plus qu'elle ne l'aurait voulu, et Finn ne loupa pas ce changement d'état. Sadique, il enfonça le clou.
-Ah non ? Et bien en tout cas, elle t'a abandonnée ici. Tu te rends même pas compte de la chance que t'as que je veuille bien te récupérer après ces saletés que t'as fait avec elle. D'ailleurs, tu crois vraiment que Jake acceptait ta situation, contrairement à ce qu'il te disait ? Tu crois vraiment qu'un parent peut être fier que son gosse soit… comme toi ?
Elle aurait préféré qu'il la frappe encore une fois plutôt que de prononcer ce nom qu'elle fuyait à tout prix plusieurs larmes lui échappèrent, mouillant ses joues et se liant au sang qui coulait encore de sa pommette. Elle vit Finn sourire, fier de sa toute puissance, et prendre son élan. Résignée, elle ferma les yeux et attendit le coup, qui pourtant ne vint pas. Un remue-ménage important leur parvint, provenant de l'étage supérieur. Quelqu'un élevait la voix pour se faire entendre, posant des questions inintelligibles à tout va, cherchant visiblement quelqu'un partout. Finalement, le ton monta et on finit par déceler un cri au travers de la musique qui battait toujours son plein.
-CLARKE !
La jeune fille se figea, à l'instar de Finn, reconnaissant tout deux cette voix ferme qui résonnait, teintée d'une inquiétude mal dissimulée. Un autre appel se fit entendre, plus proche, puis une silhouette finit par se découper dans la lumière émanant de la fête, un peu plus haut. Le cœur de Clarke rata un battement lorsqu'elle devina une paire d'yeux verts la fixant avec anxiété.
-Lexa ? murmura-t-elle, tandis que ses larmes s'arrêtaient de couler sous le choc, laissant seulement deux sillons venant goutter le long de sa mâchoire.
La brune, reconnaissant enfin celle qu'elle était en train de chercher, bondit en avant dans les escaliers, sautant les marches par quatre. Elle atterrit sans encombre au bas de l'escalier et se précipita vers Clarke en dérapant sur le sol dallé. A peine l'eut elle atteinte qu'elle et prit son visage entre ses mains fines. Elle caressa ses joues de ses pouces avec une douceur infinie, tentant d'effacer les trainées sanguinolentes qui s'y trouvaient. Clarke, à bout de nerfs, la regardait fixement, ses mains posées sur les siennes de peur qu'elle ne s'évapore sous ses yeux.
-Tu es là… tu es vraiment là… murmura-t-elle plusieurs fois, la voix nouée.
-Je suis là, la rassura Lexa, passant et repassant ses doigts sur sa peau, comme pour essayer de la convaincre. Ça va aller, tu vas voir. Je suis là.
Le regard qu'elles échangeaient était tellement intense, empli d'une myriade de sentiments contraires, que même l'arrivée d'Octavia, qui déboula comme un boulet de canon au bas des escaliers, ne les perturba pas. La jeune Blake s'approcha d'elles, et s'accroupit doucement, faisant signe à Lexa de se retourner. La brune se rappela alors de Finn elle eut du mal à se détacher des prunelles bleues de Clarke, mais une envie de vengeance lui tirailla l'estomac et elle finit par craquer. Elle se redressa doucement, faisant rempart entre Clarke, qu'Octavia venait de récupérer affectueusement dans ses bras, et le jeune homme, toujours planté sur ses pieds, à mi-chemin entre l'incompréhension et la haine. Elle le jaugea longuement sans rien dire. En réalité, ce n'était pas la première fois qu'elle le confrontait, et quand ça arrivait, ça ne se terminait jamais dans de bons termes. Il n'avait pas bougé d'un pouce : toujours fringué avec son maillot fétiche, ses cheveux longs négligemment lâchés sur ses épaules, sans oublier les cernes caractéristiques des camés un peu trop assidus aux excitants.
-Je t'interdis de t'approcher d'elle à nouveau, démarra-t-elle sur un ton offensif, en détachant chacun des mots avec soin, pour leur donner de l'impact.
-Sinon quoi ? répondit l'autre avec hargne.
-Sinon je ne verrais absolument aucun inconvénient à te frapper dessus jusqu'à ce que même ta mère ne puisse plus reconnaître ta sale gueule.
-Si tu crois que c'est en me menaçant que je vais laisser tomber… commença Finn, l'air mauvais.
-Si tu crois que c'est en la menaçant que tu vas la faire revenir vers toi, tu te trompes. Maintenant barre toi avant que je te casse quelque chose. Sur 206 os que comporte le corps humain, on va voir à partir du combientième tu pleureras comme la fillette que tu es.
-Ecoutes-moi bien, Woods de mes deux, j'en ai rien à foutre de tes menaces à deux balles. Tu t'es barrée d'ici y'a plus de deux mois, et en faisant ça t'as perdu tes droits sur elle. Alors ne fais pas la maline et bouges-toi de là !
Les pommettes de Lexa devinrent rouges de colère, signe qu'elle était en train de perdre son sang-froid. Lançant un regard assassin au garçon qu'elle toisait, elle fit plusieurs pas en avant en grinçant des dents.
-Des droits, c'est ça que t'as dit ? gronda-t-elle.
-Exactement, répliqua Finn sur le même ton provoquant.
-Et donc maintenant, c'est toi, espèce de trou du cul, qui les as ? Mais que je t'explique une chose, Collins : le seul droit que tu possèdes, c'est celui de fermer ta grande gueule de drogué, et accessoirement celui de te prendre mon poing sur la figure.
-Tu crois que tu me fais peur Woods ?
-Tu frappais ta copine pour ne pas qu'elle se tire sans toi, la seule chose que tu sais bien faire dans la vie c'est te défoncer et la dernière fois que tu as fait quelque chose d'utile à la société c'était quand ta fierté t'as dicté de disparaître de la circulation après les événements de Noël. Donc oui, Finn Collins, je suis persuadée que tu as peur de moi, parce que tu n'es qu'un raté.
Il n'en fallut pas plus pour que le jeune homme se jette sur Lexa, qui, malgré sa surprise, parvint à éviter le premier coup porté. Elle se fendit en avant et attrapa les épaules de Finn, l'éloignant de Clarke et Octavia d'un mouvement brusque. Il chargea de nouveau, l'atteint au ventre elle gronda et lui assena un coup de coude dans la figure. Un craquement sinistre résonna et deux minces filets de sang vinrent s'écouler du nez du jeune homme. Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, Lexa lui mis une droite, puis balaya ses jambes pour qu'il chute au sol. Elle accompagna le mouvement, le plaquant au sol d'un genou, le bras levé, prête à frapper de nouveau.
-Je t'interdis de t'approcher d'elle à nouveau, t'as compris ce coup-ci ?!
-Tu peux aller crever, gémit Finn, portant sa main à son nez fracturé qui pissait désormais le sang. Elle… est… à moi.
Excédée, Lexa l'attrapa par le col, le souleva brusquement et le plaqua à nouveau au sol, faisant durement claquer sa tête sur la dalle en béton.
-Est-ce que t'as compris ?!
Il ne répondit pas, gargouillant de douleur. Elle s'apprêta à réitérer son geste, quitte à lui défoncer le crâne, mais fut stoppée par une interpellation d'Octavia. Le débardeur de Finn encore dans les poings, elle se retourna, et regarda la jeune Blake, agenouillée par terre, serrant contre elle une Clarke toute pâle, qui ne la quittait pas des yeux, appuyée sur l'épaule de son amie.
-Laisse le Lexa, la pressa Octavia. Il en vaut même pas la peine.
Lexa lâcha un juron, l'air d'hésiter à le laisser s'en tirer de la sorte, mais finit par obtempérer. Elle se releva lentement, lui adressant au passage une œillade lourde de menaces silencieuses, puis l'abandonna là. Elle rejoignit les deux jeunes filles, et se mit à leur hauteur. Clarke s'était laissée aller dans l'étreinte d'Octavia, ce qu'elle n'avait pas fait depuis très longtemps. Puisant dans ce réconfort qu'elle avait pourtant fuit ces derniers mois, elle fixait Lexa avec intensité, cherchant à se convaincre qu'elle n'était pas en train de rêver.
Elle n'osait tout simplement pas y croire, de peur que tout disparaisse, et qu'elle ne soit replongée dans le noir, sans elle, sans cette lumière qu'elle représentait et dont elle avait tant besoin pour avancer. Elle se persuadait que c'était bien réel, se raccrochant à tout ce qui se présentait, à tout ce dont elle se souvenait, malgré son état second. Elle reconnut l'ondulation de ses cheveux bruns qu'elle avait tant caressés, la ride inquiète qui marquait son front, comme quand elle était malade et que Lexa veillait sur elle, cette démarche assurée qui lui était propre. Elle redécouvrit aussi, et pour son plus grand bonheur, le vert dense de ses yeux, dans lesquels elle s'était tant perdue. C'était elle, véritablement. Et elle n'avait pas changé. En deux mois, elle était restée la même que dans son souvenir. Forte, protectrice, rassurante. C'était Lexa. Sa moitié, cette partie d'elle qu'elle avait crue perdue pendant un temps et qu'elle retrouvait enfin. Son cœur battait la chamade, incapable de se remettre de ses émotions. Elle avait tant espéré ce moment qu'elle ne savait plus quoi faire, égarée.
-Clarke, tu m'entends ?
C'était aussi sa voix, douce et mesurée malgré l'angoisse, qui résonna à quelques centimètres d'elle et se furent de nouveau ses doigts fins qui prirent soin d'écarter les mèches de cheveux blonds lui tombant sur le visage, pour tenter d'évaluer la gravité de sa blessure à la pommette. Clarke ne répondit pas, mais son rythme cardiaque ralentit considérablement, un sentiment abandonné refaisant surface avec ce contact délicat : celui de se sentir à nouveau protégée.
-Je ne pense pas qu'il faille de points de suture, fit Lexa, survolant précautionneusement la joue entaillée. C'est superficiel, des strips et du froid suffiront pour pas que ça gonfle et que ça marque trop. Clarke, réponds-moi.
La blonde fut incapable de parler, focalisée sur les iris verts lui faisant face et sur les mains qui caressaient subtilement son visage, cherchant à la mettre en confiance et à la faire réagir.
-Elle est sonnée, murmura Lexa après un temps de silence.
-C'est ce qui arrive quand on voit deux fantômes dans la même journée après s'être mis la murge du siècle, répondit du tac au tac Octavia, avant de se radoucir devant l'œillade attristée que lui lança Lexa. Ramène-la à la voiture, j'arrive tout de suite, reprit-elle après un temps de réflexion. Je dois aller remercier Monty d'avoir appelé. Après on se casse d'ici.
Lexa se ressaisit et opina partir était une bonne idée, surtout si elle ne voulait pas revenir sur sa décision de laisser Finn en vie. Les deux brunes échangèrent un regard entendu, puis entreprirent de mettre Clarke sur ses pieds. La jeune fille coopéra, et fit quelques pas sans soutien. Néanmoins, ses jambes finirent par chanceler et Lexa la rattrapa. Sans trop réfléchir, elle passa un bras sous ses épaules et l'autre sous ses genoux, la soulevant légèrement dans ses bras comme si elle ne pesait rien. Clarke se laissa faire, et quand le haut de sa tête vint s'appuyer contre la clavicule de Lexa, elle ferma simplement les yeux, vidée de toutes ses forces. Elle ne savait plus vraiment où elle était ni ce qui venait de se passer. Tout ce qui lui importait, c'était ce parfum de lilas et la chaleur de l'étreinte familière qui la maintenait loin du sol.
Octavia regarda Clarke se blottir contre Lexa avec un pincement au cœur. Elle avait vu son amie dépérir, et elle n'avait rien pu faire pour l'aider. La voir lâcher prise et se raccrocher à la jeune brune comme un naufragé s'agrippe à une bouée lui rappelait combien elle, qui était présente, avait été inutile. Néanmoins, elle essaya de ne pas faire l'égoïste elle savait que le retour de Lexa était peut-être la seule et unique rédemption dont Clarke avait besoin pour se redresser enfin de ce passage à vide. Elle chassa donc ses pensées en secouant la tête, et intima à Lexa d'y aller. Elle attendit qu'elles aient disparu toutes les deux à l'angle de la maison pour finalement se tourner vers Finn, qui observait la scène sans avoir décoléré, toujours assis par terre.
-Vous me le paierez, toi, Woods et cette Princesse de malheur.
En deux pas, elle fut sur lui. Extériorisant un surplus d'émotions, elle n'écouta pas un mot de ce qu'il disait, et lança son pied en direction de sa poitrine le coup, bien senti, le renvoya au tapis, crachotant du sang un peu partout sur son maillot de basket.
-Connasse de Blake, gronda-t-il dans sa barbe.
-Connard de Collins, répliqua la brune avec humeur. J'ai jamais pu te piffrer.
-Qu'est-ce que j'en ai à foutre ?
Octavia le toisa un instant, avant de mettre ses poings sur ses hanches et de faire mine de réfléchir.
-Tu sais quoi ? finit-elle par lancer. J'suis sûre que mon frère sera ravi d'apprendre c'que t'as fait ce soir. Peut-être même que j'arriverais à le convaincre de parler de ton cas au coach et à la dirlo au lieu de te laisser t'en tirer comme les fois précédentes. Avec un peu de chance, bravo champion, il se pourrait bien qu'aujourd'hui ai été ton dernier putain de match ! T'es passé entre les mailles du filet trop longtemps. Maintenant, tu vas morfler, mec.
Agrémentant son topo d'un doigt d'honneur, elle enjamba le jeune homme en lui rentrant volontairement dedans et rejoint la villa en courant. Une fois les escaliers gravis et la porte fenêtre passée, elle alla parler quelques secondes avec à Monty et Harper, qui parurent horrifiés et coupables de ne pas avoir su ce qui se tramait à l'étage inférieur. Octavia balaya leurs regrets, pressée, puis se fraya un chemin entre les invités. Elle se faufila parmi les danseurs chevronnés encore sur la piste, saluant Maya et Jasper au passage, pour finalement atteindre Bellamy, qui dansait avec collé-serré avec Gina, la grande sœur d'Harper. Le jeune homme parut surpris de tomber sur sa petite sœur il savait qu'elle n'affectionnait pas particulièrement ce genre de fête. Il ne l'avait même pas vue arriver quelques minutes plus tôt, trop occupée à embrasser Gina pour faire attention aux nouveaux arrivants qui affluaient de temps en temps. Elle lui fit signe d'approcher, alors il abandonna sa petite amie avec un sourire d'excuse, pour rejoindre sa sœur en dehors de la piste de danse.
-Salut O', qu'est-ce que tu fais là ?
-Suis venue chercher Clarke.
-Clarke était ici ? Je croyais qu'elle ne sortait plus et ne voulait voir personne depuis que son…
-J'en sais rien moi, coupa court la jeune brune, l'air perturbée. Ça fait des semaines que je l'avais pas vue… On… On vient juste d'empêcher Finn de lui refaire le portrait…
-Merde ! jura Bellamy en blêmissant, les yeux écarquillés. J'ai vu qu'il était sorti, mais j'ai pas fais plus gaffe que ça… A putain, mais quel con, j'aurais dû vérifier…
-Tu pouvais pas savoir, répondit Octavia, dubitative. Mais… je compte sur toi pour lui faire payer. Il a levé la main sur elle. Encore. Tu l'aurais vue… J'ai cru la retrouver l'an dernier quand elle rentrait avec des contusions partout…
-Je vais intervenir, je te le promets. Je vais récupérer Miller et Miles et on va s'occuper de lui. Et… il aura une sanction, on en parlera à Wick et aux autres coachs, on trouvera un truc, et si vraiment rien n'y fait, on ira aux flics. Toi, occupe-toi de Clarke, elle va avoir besoin de vous avec Reyes, même si je sais qu'elle dit le contraire et qu'elle essaye de vous fuir.
-J'en suis pas si sûre Bell...
-Sûre de quoi ?
-D'avoir un rôle à jouer… parce que… parce que Lexa est revenue.
-Pardon !? lâcha Bellamy, complètement ahuri, manquant de renverser le verre de Get 27 qu'il était en train de se servir pour se requinquer.
-Ouai. J'ai finis en avance parce que Gustus avait de nouvelles recrues à évaluer. Donc pas d'entrainement aujourd'hui, je suis rentrée directement. J'suis tombée sur Lexa sur le palier de l'appart, son sac de voyage sur le dos. On est restées bêtes, j'te jure. Puis elle a demandé pourquoi Clarke ne répondait ni chez sa mère ni ici la bas. Elle voulait lui faire une surprise.
-Elle n'a donné aucun signe de vie pendant deux mois et elle réapparaît comme ça, en te demandant où est-ce que Clarke crèche ? murmura le jeune homme, visiblement douché.
-Il y a eu des complications durant sa mission au Nigéria. Ils ont eu des problèmes logistiques, j'ai rien compris de ce qu'elle m'a dit. Ça fait qu'avec son unité, ils ont du se cacher et patienter dans le désert pendant je sais pas combien de temps. Son téléphone est mort, donc pas d'appel, pas d'internet. Elle n'a tout simplement jamais reçu nos messages, nos coups de fil, tout ça. Elle n'était au courant de rien pour Jake.
-Merde… Qu'est-ce qu'elle a dit ?
-Je te raconte pas le choc que ça lui a fait... Mais on a peine eut le temps de s'expliquer, parce que mon téléphone a sonné. C'était Monty qui me demandait de rappliquer pour récupérer Clarke ici. Or je savais que l'équipe venait aussi, et donc que Finn serait présent. On n'a pas réfléchit cent sept ans et on a décollé.
-Raven a du exploser en voyant Lexa, elle lui en veut tellement de vous avoir laissé, vous et Clarke...
-Reyes n'est pas encore au courant, Bell. Elle n'était pas à l'appart quand Lexa s'est pointée. Elle avait rendez-vous chez Sinclair, il a acheté une nouvelle voiture de collection et évidemment elle ne pouvait pas louper un truc pareil. Mais elle doit être rentrée maintenant. Ça va chauffer quand elles vont tomber nez à nez. Va y avoir du sang jusque sur le canapé.
Elle expira longuement, les yeux dans le vague.
-Ok frangine, fit jeune homme avant de coller un baiser sur le front de sa cadette. Appelle-moi s'il y a le moindre problème. J'ai ma moto, je serais là en moins de deux, Gina restera dormir ici s'il faut. Tiens moi au courant de comment ça se passe et…fais attention à toi.
-Ce n'est pas moi qui ai des problèmes, répondit-elle en haussant les épaules.
-Mais ça t'atteint. Alors fais gaffe. Allez, file.
La jeune fille hocha la tête un instant avant de se rabrouer, mécontente d'avoir perdu la face, puis s'éclipsa par la porte d'entrée, sous les yeux bruns et soucieux de Bellamy. L'aîné des deux Blake continua de fixer la sortie un instant, puis héla deux de ses coéquipiers parmi les moins bourrés ou engagés avec leur conquête d'un soir, et leur fit signe de le suivre à l'extérieur pour voir de ce qui s'était passé. D'en haut des escaliers, il lorgna en contrebas, puis se passa la main sur la figure. Finn, toujours allongé sur la dalle, crachait des mollards ensanglanté en pinçant son nez cassé, continuant de proférer des insultes hautes en couleur à l'encontre des trois jeunes filles qui avaient maintenant disparu. Bellamy entama la descente, plus en colère que résigné Finn avait beau être un de ses coéquipiers, Clarke était comme une sœur. Cette fois ci, il avait véritablement dépassé les bornes.
De son côté, Lexa se pressait. Elle voulait quitter cet endroit de malheur rapidement, et s'éloigner de cette banlieue bon chic bon genre qui ne lui correspondait pas du tout. Serrant Clarke contre elle avec délicatesse, comme si elle ne pesait pas plus qu'une plume, elle contourna l'immense maison de la famille d'Harper et traversa la pelouse qui s'étendait devant, jusqu'à la ceinture de haies et le portail qui donnaient sur l'extérieur. Elle donna un léger kick dans le montant en fer, qui s'ouvrit sans trop rechigner, puis se glissa dans la rue. Elle se sentit de suite moins oppressée, et ralentit sa cadence, jusque-là effrénée. Courir ne servait vraisemblablement à rien, puisqu'elle n'avait pas les clés pour déverrouiller la vieille Ford qu'avait retapé Raven pour les vingt ans d'Octavia. Elle se dirigea d'un pas sûr vers le bas de la rue, jusqu'à retrouver la voiture d'un bordeaux soutenu, garée à moitié sur le trottoir. Dans la précipitation, la jeune Blake n'avait pas vraiment eu la patience de faire un créneau, et avait coupé le contact sans trop prendre en compte la manière lamentable dont elle s'était parkée. Par chance, aucune contravention ne dépassait des essuies glaces lorsque Lexa arriva à leur hauteur.
La grande brune raffermit sa prise sur Clarke, la surélevant un peu pour être plus à l'aise afin d'attendre Octavia. La blonde n'émit aucun bruit, se contentant d'enfouir à nouveau son visage dans l'épaule de la brune en soupirant doucement. Lexa allait baisser les yeux pour la regarder quand un bruit de course fit tanguer son attention. Octavia arriva en quelques secondes, déverrouillant la voiture d'une pression sur la clé robotisée sans même paraitre essoufflée.
-Allez, passes à l'arrière. On rentre chez nous.
Bon vendredi à tous !
Voilà la Partie Une passée au peigne fin, et avec un bonus de 200mots par rapport à la première version.
J'espère que vous la [re]découvrirait avec plaisir. A vendredi prochain pour la Partie deux !
Bien à vous,
No'.
