Hey bonjour ! Moi, c'est Eve Winter, j'habite dans la toute petite ville de Fordwich. Oui, la commune de trois cent habitants... Mais bon, je ne me plains pas, au moins c'est calme. Que vous dire d'autres à propos de moi ? J'ai dix-neuf ans, je travaille chez un fleuriste très sympa, je vis encore chez mes parents... qui partent très souvent en voyage d'affaires, donc l'autonomie est devenue ma meilleure alliée. Je mesure un mètre soixante huit, je dirais, des cheveux charbonneux, raides, coupés au carré que je tiens de ma mère et des yeux de jade légués par mon père. Je pense avoir fait le tour non ? Ah oui, je suis plutôt du genre à rester enfermée dans ma chambre à passer mes jours de repos sur internet plutôt que de me fondre dans la masse. J'aime mon petit univers, ma petite bulle. Il ne se passe pas grand-chose dans ma vie, je n'ai pas de petit copain, mais j'ai une meilleure amie, Angèle. Toute mimi avec ses beaux yeux verts et ses cheveux châtains. Elle me comprend, et ça ne la dérange pas que je reste enfermée chez moi la plupart du temps. Mais j'aime beaucoup sortir avec elle, on se fait beaucoup de séances de ciné.
Je suis un peu embêtée, parce que ce soir, je me retrouve à une fête costumée organisée par Angèle, justement. Vous le savez, c'est pas trop mon truc, je préférerais rester tranquille dans mon lit à regarder des vidéos de chats, réservée et timide que je suis, mais bon, nous sommes assez proches elle et moi, je peux bien lui accorder une soirée. Mais ils sont tous tellement ridicule dans leur accoutrement. En plus tous ces masques me foutent les jetons sérieusement ! C'est glauque, pouah ! Ayant assez de tous ces visages fixes se défouler sur la piste de danse, je décide de prendre l'air dans le jardin. Il n'y a pas un chat, au moins je serais au calme. Je reste plusieurs minutes à respirer de grosses bouffées d'air frais, loin de cet océan de visages artificiels, à contempler les étoiles. Oui, c'est cliché, mais je n'ai rien de mieux à faire, alors bon. Dans mon ennui, je repense à mes parents. Ils sont tellement loin de moi, ils ont toujours été loin de moi. Ça m'a permis de me débrouiller un peu toute seule, mais heureusement qu'Angèle est là, autrement je serais devenue folle depuis bien longtemps. La solitude me pèse parfois, mais je lutte comme je peux.
Un bruissement de feuilles me fait revenir à la réalité. Je baisse le regard et aperçois une forme au loin, près des buissons. J'avance prudemment d'un pas et plisse les yeux en espérant mieux distinguer cette forme inconnue et immobile.
« Hey? »
L'ombre interpellée se met alors à avancer également d'un pas, me permettant de mieux visualiser l'individu. C'est un homme, il doit faire une tête de plus que moi et est habillé d'un jean... il porte des gants en cuir et une veste beige, qui tire un peu vers le marron ou le jaune. Je n'en sais rien, il fait trop sombre.. Par contre, son masque, je le vois bien. Un masque blanc doté d'une paire d'yeux large et sombre et de lèvres teintées. Il s'agit sans nul doute d'un invité.
« Tu... tu fais partie de la fête je suppose ? »
Mais il ne me répond pas, il se rapproche lentement. Ok, ce mec est bizarre. Il arrive à ma hauteur. Maintenant, je peux clairement vous dire qu'il est brun. Il s'est arrêté à un mètre de moi. J'essaie d'apercevoir la couleur de ses yeux, mais ce n'est pas évident... je dirais... noisette. Sans un mot, il me tend la main. Mais qu'est-ce qu'il veut ? Danser ? Ou bien il désire me montrer quelque chose, mais quoi ? Peu importe, je ne l'ai jamais vu ce type. C'est donc nerveusement que je recule d'un pas.
« J-je ne sais pas ce que tu veux, mais on ne se connaît pas toi et moi, ne m'en veut pas... »
Toujours sans aucune émotion, aucune parole, il baisse le bras et se saisit de quelque chose derrière son dos, fixé à sa ceinture. Oh mon Dieu. C'est un couteau. Instinctivement, la gorge nouée, je recule une fois de plus, jusqu'à ce qu'Angèle ouvre la porte-fenêtre menant au jardin.
« Eve ? Qu'est-ce que tu fais ? »
Sous le choc, je me retourne brutalement. Mais elle ne semble pas réagir, comme s'il n'y avait pas d'homme armé derrière moi. Elle me regarde même d'un air soucieux.
« Tu es sûre que ça va ? »
Interloquée, je peine à articuler.
« Quoi ? Non ça ne va pas, tu ne vois pas ce... »
Mais alors que je me retourne pour lui présenter le dangereux inconnu, celui-ci avait disparu. Disparu ! En si peu de temps ! Est-ce que j'aurai halluciné ? Ce type n'était pas vraiment là ? Prise d'un vertige, je tombe à genoux.
« Eve ! »
Mon amie se précipite sur moi, paniquée, avant de m'aider à me remettre sur pieds.
« Ç-ça va. Je crois que je devrais rentrer... »
« Mais qu'est-ce qui t'arrive, bon sang ? Je vais te raccompagner, il est hors de question que je te laisse partir seule.
Heureusement qu'elle est là. On a pris le bus ensemble et elle m'a accompagnée jusque chez moi. Après s'être assurée que je pouvais monter les escaliers sans encombres, elle m'a salué et s'est éloignée, une lueur d'inquiétude dans le regard.
Après avoir verrouillé la porte, j'ai difficilement monté les marches et me suis dirigé vers ma chambre. Je me débarrasse de mes vêtements et me glisse sous la couette. Même en petite tenue je mourrais de chaud. Mais que m'est-il arrivé ? Aurai-je eu une hallucination ?
À bout de forces, je m'effondre brusquement dans un sommeil lourd.
Mais... que se passe-t-il ? Me voilà debout, dans ma chambre. J'entends des bruits. Les mains tremblantes, je laisse ma curiosité diriger mes pas vers les escaliers. Je descends silencieusement, le cœur battant dangereusement vite. Les pulsions sont fortes, beaucoup trop fortes. Que vais-je trouver en bas ? Après avoir franchi la dernière marche, je me dirige vers le salon. Et là, c'est l'horreur. Ce type masqué... il est là, assit dans mon canapé. J'étrangle une exclamation de frayeur tandis qu'il bondit hors du divan. Je n'ai même pas le temps de m'enfuir qu'il m'a d'ores et déjà plaquée contre le mur, une de ses mains gantée se resserrant sur ma gorge. Encore une fois, il extirpe son couteau et d'un coup sec, me poignarde.
Je me réveille brutalement et suffoque, une violente douleur me prenant tout le bas-ventre. Je jette un œil furtif à mon réveil : trois heures et demie du matin. Je me lève du lit, chancelante et me dirige vers la salle de bain, la main sur l'abdomen. Il me faut un médicament. J'avais déjà lu quelque part que notre état physique pendant le sommeil pouvait influencer nos rêves. J'ai rêvé que ce mec me poignardait car j'avais mal au ventre. C'était aussi simple que ça... n'est-ce pas ? Encore troublée par l'intensité du cauchemar, je retourne me coucher, ne pouvant cependant m'empêcher de penser à lui, l'homme masqué. Appelons-le... Masky. C'est comme pour les animaux et les pokémon, il faut donner un nom simple à retenir. Peu importe son identité, il me veut du mal. Enfin je crois. Je ne suis même pas sûre qu'il soit réel ! Angèle ne l'a même pas remarqué, apparemment. Je n'ai plus qu'à me rendormir, en espérant ne plus revoir cet effrayant personnage masqué. Masky.
Mais je me réveille une deuxième fois. Depuis des années, toujours le même cauchemar me hante. Je me retrouve en enfer, je ressens une chaleur étouffante et je suis totalement incapable de hurler. Les murs sont faits de pierres et de cadavres, des cages rouillées pendent d'un plafond obscur, j'entends des pleurs d'enfants et des cris stridents à mes oreilles, comme si des ombres passaient furtivement à côté de moi en se lamentant bruyamment. C'est la quinzième fois de ma vie que je fais ce rêve. Oui, j'ai compté. Deux rêves, c'est beaucoup trop en une nuit. Et ça me fatigue déjà.
7h30, le réveil sonne. Eh merde, je suis en retard ! Ah mais non, je suis en congé, c'est vrai. Pourquoi je n'ai pas désactivé cet abruti de réveil ? Je saisis mon oreiller dans un grommellement et enfouis ma petite tête ébouriffée au-dessous. J'ai encore cette douleur au ventre, qui me fait d'ores et déjà grimacer dès le réveil. Mince. Je me sens tellement épuisée à cause de ces maudits rêves. Je crois que j'ai besoin de prendre l'air, ça me revigorera. Encore légèrement endormie, je saisis mon portable et envoie un message à Angèle en lui demandant si une petite promenade avec moi la tenterait.
Une petite demi-heure plus tard, nous voilà dans le parc. J'aime beaucoup cet endroit, il y a énormément d'arbres, quelques bancs, une vieille fontaine. Il n'est pas beaucoup fréquenté, mais nous y sommes tranquilles. Nous longeons donc le chemin de gravillons en discutant d'un peu de tout, divaguant sur divers sujets. Mais alors que l'on prend place sur un banc, Angèle se tourne vers mon visage fatigué.
« Je te trouve un peu pâle, tu es malade ? »
« Je ne sais pas trop. »
Et c'est vrai, je ne sais pas si mon état actuel est dû à ma fatigue ou au fait que j'ai eu une hallucination la veille. Et si je lui en parlais ?
« Je crois que mes vacances tombent à pic, mon imagination m'a joué un sale tour hier soir. »
Intriguée, mon amie pose le coude sur le dossier du banc, prête à écouter mon récit.
« Comment ça ? »
Je prends une grande inspiration. Allez Eve, dis-lui. De toute manière, ce sera la seule à même de te comprendre.
« Eh bien en fait, je suis sortie pour prendre l'air, je me sentais mal à l'aise avec tous ces masques autour de moi et... »
Ne trouvant pas les mots, je décide d'aller droit au but.
« Bon. Il y avait un type avec un masque blanc à ta fête ? »
Surprise par la question, Angèle se figea un instant pour réfléchir, les yeux plissés.
« J'en n'ai aucune idée, on était une vingtaine, je ne me souviens pas de tous les masques, tu sais... »
« Ok, bon, hier soir j'ai vu un type portant un masque blanc près de tes buissons. Avec une veste beige ou marron. Il s'est approché de moi sans rien dire et m'a tendu la main. Je ne sais pas ce qu'il voulait, mais quand j'ai refusé son geste, il a sorti un couteau et puis tu es intervenue. Tu n'as vu personne quand tu m'as interpellée ? Il n'a pas pu disparaître comme ça, ou... ou... il est vraiment très rapide et... »
Au fil de mon récit, ma voix s'accélérait et tremblait, c'est donc tout naturellement qu'Angèle a pris ma main, un sourire bienveillant sur le visage.
« Calme-toi, Eve ! Comme tu l'as dit, je pense que ce n'était qu'une hallucination due à la fatigue. Ça m'est déjà arrivé, tu sais ! »
Agréablement surprise, je relève mes yeux embués vers le visage souriant de mon amie.
« S...sérieusement? »
« Bien sûr ! Tu te rappelles le week-end où j'étais malade ? Ça faisait deux jours que je n'avais pas fermé l'œil. Eh bien pas manqué, le lundi soir, alors que j'étais dans mon lit, dans le noir, j'ai aperçu une paire de bras aux manches noires et blanches bariolées se rapprocher de moi. J'ai cru aussi apercevoir le bout d'un nez pointu. Alors j'ai allumé la lumière, mais rien ! Je me suis d'abord demandé si je ne m'étais pas endormie, mais je me souviens avoir eu les yeux grands ouverts. Donc tu vois, pas de panique, ça peut arriver à tout le monde ! »
Ça m'a cloué le bec. C'est un immense poids qui s'allège en moi. Alors que je soupire de soulagement, je repense soudainement à mon rêve de cette nuit et subis un ascenseur émotionnel percutant.
« Mais tu sais, j'ai rêvé de lui, cette nuit. J'ai rêvé qu'il était là, dans mon canapé et qu'il me bondissait dessus pour m'éventrer. »
« Je pense que c'est justement dû à ta divagation d'hier soir. Ça t'a tellement secoué que tu en as fait un cauchemar.
Décidément, elle a réponse à tout. Heureusement, sinon, je serais restée enfermée dans mes doutes.
Mais pour ma douleur au ventre alors ? Ce n'était qu'une coïncidence ? Bien sûr, oui, qu'est-ce que ça pourrait être d'autre. Je savais qu'une sortie en compagnie de mon amie ne pourrait être que bénéfique.
« Merci Angèle, je me sens beaucoup mieux, vraiment ! »
C'est avec un grand sourire ravi qu'elle me répond :
« Mais avec plaisir ma grande ! Allez viens, on va manger un morceau et on se fait un ciné ! Et ce soir, tu te couches tôt ! »
Cette journée en compagnie d'Angèle m'a fait le plus grand bien. C'est exténuée que je rentre chez moi ce soir, ravie d'enfin pouvoir retrouver ma couette et mon lit. Mes yeux se ferment instantanément. Ça fait du bien.
Me revoilà une fois de plus au milieu de ma chambre. Oh non, que se passe-t-il encore ? Je me dirige une nouvelle fois vers mes escaliers, comme si de rien n'était. Et alors que je passe devant le salon, je le vois. Il était encore là. Cette fois-ci, je remonte dans ma chambre, mais il me poursuit, je peux entendre ses pas, il se rapproche de plus en plus. Je tente de verrouiller la porte, mais il est déjà là. Il donne un grand coup d'épaule, me faisant alors chuter sur le parquet dans une exclamation effrayée. Non, il ne m'auras pas! Je recule, toujours sur le sol à l'affût du moindre geste et me redresse en tentant d'ouvrir ma fenêtre, mais je perds soudainement toutes mes forces, comme si on m'empêchait toute fuite. Je le sens m'agripper par la taille et me projeter sur le sol, que je percute pour la deuxième fois. Légèrement sonnée par le choc, je le vois se pencher sur moi, un genou sur le parquet, avant de me dévisager.
«Qu-qu'est-ce que tu me veux à la fin... »
Ma voix était emplie de tristesse et d'inquiétude. Il place son index sur la bouche de son masque, simulant un « chut » silencieux avant de commencer à m'étrangler. Non... non, il va encore m'avoir. Je me débats, mais l'oxygène me manque, c'est la fin.
Je me réveille, paniquée et prenant de grandes bouffées d'air. Je cherche à tâtons l'interrupteur de ma lampe de chevet et parviens enfin à l'actionner. Je passe ma main dans les cheveux, toujours à bout de souffle. Ma gorge... ma gorge me fait mal. Et cette migraine... Je me lève en titubant, j'ai besoin de médicaments. Mais je n'ai même pas le temps d'arriver jusqu'à l'armoire à pharmacie que je m'écroule, cherchant encore mon souffle. Je me roule sur le dos, à bout de forces, laissant les larmes humidifier mon visage. Merde. Ce n'est pas normal. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? On dirait que je fais une sorte de crise d'angoisse. Je me sens faible, fatiguée. Je tente de ramper jusqu'à la salle de bain et me relève tant bien que mal pour me saisir d'antidouleurs, que j'avale grâce à l'eau du robinet. Je relève la tête pour observer mon visage boursouflé par les pleurs. Je n'ai rien, absolument aucune trace, mais je souffre, comme si j'avais réellement été étranglée, j'ai clairement tous les symptômes de l'asphyxie : le mal de tête, de gorge, la suffocation, le visage rougi... mais c'est impossible. Je crois seulement que mon cauchemar m'a tellement effrayé que j'en ai fait une crise d'angoisse. Oui, ça doit être ça. Si ces mauvais rêves continuent, je vais devoir aller consulter un médecin.
Assises sur le rebord de la fontaine du parc, j'ai raconté ma nuit éprouvante à Angèle, interloquée par mon récit.
« Tu as fait une crise d'angoisse, seule chez toi ?! Mais ça aurait pu être dangereux ! »
« Je sais. Si jamais ces mauvais rêves se reproduisent, j'irais voir un docteur. »
« Tu crois qu'il pourrait y faire quelque chose ? » Demande sérieusement mon amie.
« Eh bien, il me donnera peut-être un truc pour me détendre. »
« On dirait que la soirée masque ne t'a pas réussi », s'excuse sincèrement Angèle.
Dans un sens, c'est peut-être ça, j'ai sûrement été traumatisée par la vingtaine de masques présents ce soir-là. La pauvre Angèle, elle se sent coupable, je le vois. Mais ce n'est pas de sa faute, j'aurai très bien pu refuser l'invitation aussi, au lieu de plonger dans cet océan de visages flippants.
Alors que je prends ma douche le soir-même, je réfléchis sérieusement. Cela fait déjà deux nuits consécutives que je rêve de ce jeune homme mystérieux. Et si ça recommençait cette nuit ? Je devrais peut-être essayer de vaincre ma peur et me défendre. Mais comment faire une chose pareille? À chaque fois c'est la même chose, une force étrange me bloque. Le premier rêve, j'étais tétanisée sur place, je n'ai pas su me défendre, et la deuxième fois, c'était ma fenêtre que je ne parvenais pas à ouvrir, mes forces m'avaient tout à coup quitté, comme si on m'interdisait toute maîtrise de mes songes. Mais je suis sûre que je pourrais trouver un moyen. Je ferme l'arrivée d'eau et me couvre d'une serviette que je prends au hasard sur le tas avant de me précipiter sur mon ordinateur portable. Je n'ai pas eu à chercher longtemps. Juste en tapant « Comment prendre le contrôle de ses rêves » sur internet, j'ai réussi à mettre le doigt sur quelque chose d'intéressant : le rêve lucide. Ça me paraît compliqué, mais faisable.
« Il est important d'avoir une bonne mémoire. Se souvenir de ses précédents rêves est un très bon exercice pour un premier pas dans les rêves lucides. »
Ah ça, ne t'inquiètes pas, je m'en souviens très bien de mes précédents rêves, trop bien.
« Il faut ensuite prendre conscience que ce n'est qu'un rêve et non la réalité. »
Mmh, ça se complique. Il faut carrément que je me dise dans ma tête que tout ça n'est pas vrai.
« Une fois cette faculté acquise, vous serez tout à fait disposé à contrôler les événements de votre rêve, à agir comme vous le souhaitez. Mais il est assez rare de pouvoir contrôler cette capacité peu commune, il faut un grand contrôle de soi. »
Dans un sens, c'est un peu ce que j'ai commencé à faire, non ? Lors de mon deuxième rêve, je m'attendais à ce qu'il soit là et j'ai aussitôt pris la fuite. Mais je vais devoir faire bien plus que ça si je veux en venir à bout. Je vais faire un essai, et si ça ne fonctionne pas, je persévérerais. Tu ne m'auras plus, Masky.
Ça y est, c'est le moment, mes paupières sont lourdes. Je sens que je vais m'endormir. Je m'enfonce un peu plus sous ma couette et ferme les yeux. C'est parti pour le premier essai.
Me revoilà pour la troisième fois au milieu de ma chambre, c'est curieux, mon point de départ reste toujours le même. Ah ! Comme d'habitude, Masky m'attend sur le canapé, je le sais, j'arrive à m'en rendre compte. J'ai trouvé le premier point faible de cet homme. Ses rêves commencent toujours de la même manière, ce qui me permet de me souvenir bien plus facilement des futurs évènements. Que faire à présent ? Il va bien falloir que je l'affronte une fois de plus. Je me dirige inconsciemment vers mes escaliers. Je ne veux pas descendre, j'ai trop peur, mais je n'arrive pas à me contrôler. Stop... STOP !
Tout à coup, je me fige. J'ai réussi, je suis à l'arrêt ! Je voudrais descendre le plus silencieusement possible. Ça fonctionne, j'atteins le sol dans le silence le plus total. Je me plaque discrètement contre le mur et le longe jusqu'à l'ouverture qui mène au salon. Je passe lentement la tête et je le vois, il est là, assit sur mon canapé, il m'attend. Je respire un grand coup et sors de ma cachette, je me place face à lui, le regard assuré, le cœur battant à tout rompre. Il se lève nonchalamment, bien que surpris ; il ne m'a pas entendu arriver. Il s'approche avec prudence, comme le ferait un léopard face à sa biche, prêt à bondir sur sa proie. Je dois fuir, mais je n'arrive plus à bouger. Je suis trop effrayée par son masque... Allez Eve, ce n'est qu'un masque, sauves-toi ! Je... je n'y arrive pas... Comme pour me provoquer, il me fait doucement reculer vers le mur du bout de l'index. Je sens mon dos atteindre la paroi, et lui, il se rapproche et m'observe intensément. Il est subjugué, je le vois dans ses yeux. Il est trop près de moi. Je parviens à poser ma main sur son blouson, l'obligeant à s'éloigner, en tentant de me montrer la moins agressive possible. Ses pupilles se dilatent, il n'arrive pas à y croire. Il ne doit pas avoir l'habitude qu'on lui résiste ainsi. Son petit train-train nocturne doit être d'infiltrer les rêves de ses victimes et de les tuer, sans qu'elles ne puissent rien faire. Je vois dans son regard noisette qu'il est troublé. Toujours la main sur sa veste, nous nous jaugeons du regard. Que va-t-il se passer à présent ? Jusqu'à maintenant, il s'est toujours contenté de me foncer dessus et de me tuer, mais je le sens perdu à présent, il ne sait pas quoi faire de moi. Il se met soudainement se concentrer il plisse son regard châtain et je perds soudainement toutes mes forces, m'écroulant à genoux. Masky s'abaisse face à moi et me redresse en me soulevant par le bas du dos. Je me sens faible... tellement faible... je ne contrôle plus rien, il est beaucoup trop fort. Il me couvre la bouche et le nez de sa main gantée, il tente de m'asphyxier et je ne parviens pas à me débattre, je suis trop instable. Pourquoi tu fais ça Masky, pourquoi tu tentes de me tuer chaque nuit ?
Je me réveille brutalement, à court d'oxygène. Je prends instinctivement plusieurs bouffées d'air, ma poitrine se soulevant et s'abaissant avec force. Il m'a encore eu.
