Qu'est-ce que je peux dire pour ma défense? J'adore Alonso Frame. Il est mignon, Alonso. Sexy. Courageux. Le pauvre Jack est au bord du gouffre et ce n'est pas pour rien si le Doc himself a mis Alonso sur son chemin.
Russell Davies : You know everybody likes midshipman Frame. You even drew him in his underwear! So I thought it was OK if I wanted to borrow him. Please, don't sue me.
Chrismaz66 : tu es une naughty girl et c'est pour ça que j'adore t'avoir pour beta. Merci...
Jack reposa son verre sur le bar et tendit la main à Alonso.
- Capitaine Jack Harkness, médium à temps partiel, amant réputé et simple touriste.
- Enchanté… capitaine. Enseigne Frame. Honnêtement, pour mon nom?
- C'est une longue histoire. On a un ami commun, en quelque sorte.
Alonso, mis en confiance par le sourire de Jack et sa chaude poignée de main, ne chercha pas à en savoir davantage. Lorsque Jack se leva de son tabouret, Alonso ramassa sa casquette et lui emboîta le pas. Ils eurent du mal à se frayer un passage jusqu'à la porte du bar : un Judoon avait malencontreusement écrasé un Adipose et un attroupement s'était formé.
Jack sortit dans l'air glacé de Zaggit Zagoo. Il jeta un œil tout autour de lui dans l'espoir de trouver un taxi, mais il ne distingua pas le moindre cou d'autruche zagguienne. La porte du "Zaggit Avern" venait de se refermer sur l'enseigne ; à l'intérieur du bar, des éclats de voix commençaient à monter. Jack afficha un petit sourire triste.
- Il va falloir qu'on marche, lieutenant. Vous êtes stationné où?
- Oh… si vous n'avez rien contre les petites cabines, on peut aller jusqu'à mon paquebot. Je suis en repos jusqu'à demain midi.
Alonso eut soudain l'air gêné, comme s'il s'était un peu trop avancé. Mais la lueur qu'il vit dans les yeux de Jack le rassura sur ses intentions. Le capitaine passa son bras autour de la taille du jeune homme et ils s'enfoncèrent dans la nuit, leurs pas éclairés par les quatre lunes qui scintillaient doucement.
Les deux hommes se contentèrent de marcher en silence. Pendant qu'Alonso essayait de s'imaginer à quoi le bel inconnu ressemblait sans son long manteau, Jack, lui, se demandait pourquoi il avait suivi l'enseigne. Quand Jack avait aperçu le Docteur, son cœur s'était serré. Le capitaine avait fui la Terre, des mois auparavant. À vrai dire, il ne savait plus exactement depuis combien de temps il était parti. Il s'était dit qu'oublier serait plus facile s'il ne tenait plus le compte des jours où Gwen, Steven, Alice et Ianto lui manquaient. Malgré lui, Jack lâcha la taille d'Alonso quand le prénom de Ianto vint lui traverser l'esprit. Dans n'importe quelle autre circonstance, la présence du Docteur aurait suffi à lui rendre son légendaire sourire. Mais pas ce soir-là, non. Le visage du Docteur était grave, son salut ressemblait à un adieu. Et son ami voulait qu'il fasse connaissance avec l'enseigne Frame. Soit. Il faisait une confiance aveugle au Docteur… et il fallait bien reconnaître que le marin était très attirant.
- Alors, qu'est-ce que vous en dites?
Jack, tiré de sa rumination, leva les yeux vers la silhouette imposante du bateau de croisière. Le paquebot, immense, blanc et majestueux, se détachait sur le ciel mauve foncé de Zog. Presque tous les hublots étaient illuminés. Sur les ponts, dans les cabines, des formes sombres s'agitaient, s'affairaient ; le bateau fourmillait de vie. De grandes lettres noires et brillantes barraient la coque : CASIVANIAN LINE. Et le paquebot lui-même était simplement baptisé Galactic Princess, le nom était peint en cursive élégante sur la poupe.
Jack hocha la tête en signe d'appréciation.
- Pas mal, pas mal. Alors… vous me la montrez cette cabine?
Alonso toussa nerveusement ; il emprunta la longue passerelle qui menait jusqu'à l'entrée principale. Le métal glissait sous leurs pieds et Alonso manqua de s'étaler en arrivant à hauteur du pont. Jack fit mine de ne pas remarquer le trouble du jeune homme et le suivit dans le dédale de couloirs étroits.
Alonso n'en menait pas large. Ce n'était pas dans ses habitudes de faire des avances à un homme qu'il ne connaissait pas ; quant à l'amener jusqu'à sa cabine, c'était de l'inconscience pure et simple. D'un autre côté… cela faisait plus de deux ans qu'il travaillait sur la Casivanian Line et il ne croisait que rarement une personne digne d'intérêt. À bord du paquebot, dans tous les cas. Il fit taire ses doutes et se concentra sur son premier jugement : le capitaine était quelqu'un à qui l'on pouvait faire confiance. Et il avait aussi très envie que ledit capitaine le déshabille.
Lorsque Alonso fut arrivé devant la porte de sa cabine, il hésita un instant. Jack s'approcha d'Alonso sans dire un mot et l'attira à lui en le prenant par les hanches. Alonso leva ses grands yeux bleus vers Jack et, sans même s'en rendre compte, entrouvrit les lèvres. Le capitaine détailla son visage : comment le jeune homme pouvait-il être aussi séduisant avec de telles oreilles? Alonso, frustré par ce baiser qui n'arrivait pas, perdit patience.
- Ohé, capitaine, vous avez perdu votre langue?
Jack s'employa à lui faire regretter sa question. Quand il détacha enfin sa bouche de celle d'Alonso, il sut que le marin allait suivre à la lettre toutes les instructions de navigation qu'il allait lui donner. La traversée s'annonçait agréable…
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Quand Jack se réveilla à l'aube, il fut surpris de constater que sa conscience, pour une fois, ne le torturait pas.
Il avait quitté la Terre en embarquant sur un croiseur et s'était retrouvé bloqué à son bord pendant des semaines. Lui qui souhaitait voyager, rencontrer de nouvelles personnes et surtout, surtout, arrêter de penser, au moins pour quelques précieuses minutes, à ceux qu'il avait perdus… La première partie de son périple s'était révélée cauchemardesque. L'équipage, professionnel en tout point et écrasé par la rigueur militaire, n'avait pas eu d'attention ni de sympathie pour le capitaine. On ne lui avait confié aucune tâche à bord, il ne s'était lié à personne. Mais le pire avait été l'ennui. Toutes ces journées, toutes ces nuits à revivre les mêmes événements dans sa tête, à échafauder des plans pour que sa famille et son Ianto s'en sortent, cette fois. La douleur était encore plus insupportable sans le soutien de Gwen, sans le décor familier de la Baie de Cardiff. Il avait signalé qu'il quitterait le vaisseau à la première planète-étape qu'ils rencontreraient. D'ailleurs, il ne devait sa présence à bord du croiseur qu'à un de ses contacts d'ancien agent du Temps et Jack sentait qu'il gênait plus qu'autre chose.
Débarqué sur Zilauh, il avait entamé une existence d'autostoppeur de l'espace, se déplaçant de planètes en astéroïdes au gré des circonstances. Il s'était montré bienveillant avec tous les êtres qu'il avait rencontrés. II avait multiplié les amants pour trouver un peu de réconfort. Il avait bu aussi, s'abrutissant pendant des semaines. Parfois, il se sentait assez bien pour se dire qu'un jour lointain, à des années de ça, il finirait par avoir un peu moins mal, que cette fichue culpabilité cesserait de le paralyser. Il était bien placé pour savoir que le temps guérissait tout.
Dans ses heures les plus sombres, il se demandait si un point fixe dans l'espace et le temps, comme lui, survivrait à un trou noir.
Sur son océan de douleur, il connaissait parfois des accalmies : un repas pris en compagnie d'un extraterrestre enjoué, un spectacle stellaire captivant, une nuit de plaisir avec un partenaire doué ou une odeur qui lui rappelait son enfance paisible sur la péninsule de Boeshane, avant Gray, avant qu'il ne commence à perdre ceux qu'il aimait. Invariablement, les remords et la honte transperçaient son cerveau de plus belle, comme un tisonnier chauffé à blanc.
En ouvrant les yeux sur le visage endormi d'Alonso, Jack s'était attendu à ce que ses démons refassent surface. Mais il se sentait apaisé. Il remonta la couverture sur leurs corps nus et referma les paupières. Il resta là, blotti tout contre l'enseigne, dans le lit étroit, à l'écouter respirer.
Il ne voulait pas quitter le jeune homme, pas encore. Il avait envie de discuter avec lui. Peu importait le sujet de conversation : sa vie sur le paquebot, ses anciens partenaires, le métier qu'il rêvait de faire quand il était enfant ou bien les us et coutumes sur Zog… il avait besoin qu'Alonso lui parle. Bien sûr, l'enseigne avait beaucoup usé de sa voix pendant leur nuit mouvementée : il avait crié, gémi, supplié, provoqué, parlé et ri. À vrai dire, le capitaine avait été un peu désarçonné par l'attitude d'Alonso au lit. Il n'avait pas imaginé une seconde que sous ses dehors timides se cachait un jeune homme expérimenté, endurant et sans complexes.
Quand Alonso quitta pour de bon les bras de Morphée, il fut ravi de se réveiller dans ceux de Jack. Il sentait que le capitaine ne dormait plus, mais si ce dernier avait décidé de garder les yeux fermés, c'était une bonne chose : il pourrait le contempler à son aise. Il n'avait pas la moindre idée de ce qui l'avait poussé à répondre de la sorte à la plaisanterie de Jack, au "Zaggit Avern", mais il se félicitait d'avoir passé la nuit avec cet homme magnifique. Jack avait le corps le plus parfait qu'il eut jamais vu. Quant à ses manières… Alonso était prêt à parier que le tableau de chasse du capitaine ne comportait pas que des humains, et des habitants de Sto, en l'occurrence. S'ils se dépêchaient, ils pouvaient encore passer un peu de temps ensemble avant que l'enseigne ne soit contraint de retourner à son poste. Alonso posa sa main sur l'épaule musclée de Jack, un sourire qui en disait long sur les lèvres.
- Bien dormi, monsieur?
Le sang de Jack ne fit qu'un tour. Il se redressa sur un coude, jeta à Alonso un regard impénétrable et choisit ses mots avec précision.
- Tu m'appelles "capitaine". Ou "Jack". "Monsieur", tu oublies, même quand on est en train de… s'amuser. C'est clair?
L'enseigne avait senti l'atmosphère changer du tout au tout dans la cabine. Il était conscient d'avoir commis un impair, mais il avait beau faire fonctionner son cerveau à plein régime, il ne voyait pas pourquoi. Il hocha la tête pour marquer son assentiment et approcha son visage de celui de Jack pour initier un baiser.
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Alonso poussa un soupir. Il fit courir ses doigts doucement sur le torse de Jack.
- Tu vas me manquer, capitaine…
- Dis-moi… Casivanian Line, c'est quel genre de croisières?
- Oh, ce serait parfait pour toi. Ce sont des croisières pour les touristes. On fait pas mal d'étapes dans cette partie de la Ceinture. Et ensuite, on appareille vers des planètes plus distantes.
- Justement… comment ça se fait que personne n'utilise de bracelet de téléportation sur ce bateau? Hier soir, on est monté à bord sur une passerelle!
- Demande ça à Rickston Slade. C'est lui qui a créé la Casivanian line. Il a redéfini toutes les règles de sécurité pour les navires de sa compagnie. On ne sert plus de la téléportation que pour cacher notre présence à des populations… primitives.
- Hmm-hmm…
Jack avait déjà perdu son intérêt pour les activités du bateau. Le ventre d'Alonso était exposé là, devant lui, sans défense, et il fallait qu'il y pose la main. Mais ses doigts coquins furent interrompus dans leur élan.
- Impressionnant, ta cicatrice!
- Oh, ça…
Jack vit le visage d'Alonso s'assombrir. Une cicatrice circulaire marquait un côté du ventre du jeune homme et Jack mourait d'envie de savoir comment Alonso avait pu être la cible d'une balle.
- C'est… pas vraiment un bon souvenir. Quand j'ai commencé à naviguer, c'était sur le Titanic. Disons que la croisière s'est mal terminée.
Alonso baissa les yeux.
- D'ailleurs, s'il n'y avait pas eu le Docteur…
À ces mots, le visage de Jack s'illumina et il partit d'un grand rire.
- Non? Tu étais sur le Titanic avec le Doc! Haha! Oh, c'est cette brave Elizabeth qui a eu chaud cette fois-là…
Jack mit près d'une minute à retrouver son sérieux : imaginer le très calme Alonso à bord d'un navire fonçant droit sur Buckingham Palace avec pour seul salut le très bondissant Docteur avait quelque chose de surréaliste. Et il avait travaillé pour Torchwood pendant plus d'un siècle!
- Ravi que ça t'amuse…
L'air renfrogné d'Alonso ne dura pas. L'enseigne ressemblait maintenant à un petit garçon le matin de Noël.
- Mais… c'est le Docteur qui t'a parlé de moi, alors? Qu'est-ce qu'il t'a dit? C'est pour ça que tu m'as parlé dans le bar?
Jack fut à peine surpris par le changement d'attitude du jeune homme. Le Docteur avait cet effet-là sur presque tout le monde.
- Eh bien, on dirait que les longs manteaux te font de l'effet! Mais plus sérieusement, je ne sais pas pourquoi le Doc voulait qu'on se rencontre.
- J'aurais bien voulu le revoir. Il est tellement…
- … comme tu dis, oui. Hmm, j'ai l'impression qu'on n'est pas près de le revoir un jour. Alors comme ça, t'as flashé sur le Doc? C'est quoi, ses beaux yeux noisette? Ses cuisses toutes fines? Son… tournevis?
Alonso leva les yeux au ciel.
- Il m'a sauvé la vie, Jack. Et… il était à tomber dans son smoking.
Les membres du personnel en repos sont priés de regagner leur poste immédiatement. Les membres du personnel en repos sont priés de regagner leur poste immédiatement. Les membres du personnel en repos sont priés de regagner leur poste immédiatement.
La voix féminine qui venait de sortir du haut-parleur rompit le charme entre Jack et Alonso. L'enseigne jeta un regard nerveux au capitaine et le visage de ce dernier se ferma. Jack se pencha pour déposer un baiser sur l'épaule d'Alonso puis quitta le lit à contrecoeur. Il récupéra son caleçon qui gisait sur le sol près de la porte de la cabine et s'empressa de le passer.
L'enseigne, conscient que sa nuit de rêve était bel et bien terminée, décida d'en profiter jusqu'au bout. Il regarda Jack boutonner son caleçon à l'ancienne, puis enfiler son pantalon. Une fois encore, la beauté de l'homme le frappa. Alonso se pencha pour attraper son propre caleçon au pied du lit et l'enfila avant même d'avoir mis un pied sur le sol. Jack, sommairement habillé, son manteau plié sur le bras, s'apprêtait déjà à prendre congé. Alonso lui tendit solennellement la main :
- Ça a été un plaisir de faire escale avec vous, capitaine.
Jack serra la main de l'enseigne mais finit par s'approcher et passer tant bien que mal son bras portant le manteau autour du jeune homme afin de lui donner une accolade.
- Un plaisir partagé, enseigne Frame.
Les deux hommes se sourirent, Jack appuya sur la poignée et disparut dans l'encadrement de la porte. Alonso, résistant à l'envie de passer la tête dans le couloir pour voir son amant s'éloigner, referma derrière lui. Il devait enfiler son uniforme et se rendre sur le pont. Les moteurs du vaisseau ne fonctionnaient pas à l'énergie nucléaire : il avait plusieurs heures de travail devant lui avant que le paquebot ne puisse décoller à nouveau.
Jack mit le pied sur la terre ferme et regretta instantanément l'ambiance tranquillement affairée du bateau. Le ciel était rose et sans nuages, un temps parfait pour déambuler quelques heures dans la ville. Il n'avait pas envie de rejoindre son hôtel-capsule. Il frissonna dans l'air froid du matin, releva son col et plongea ses mains dans ses poches. C'est à ce moment qu'il se rappela du petit sachet dans sa poche droite. Il le sortit et s'arrêta un instant pour le contempler. Le sachet transparent portait une marque, un T, le symbole de Torchwood ; il contenait une quinzaine de cachets blancs. Jack fit coulisser le zip pour ouvrir le sachet puis se ravisa. Sa réserve de retcon avait cruellement diminué.
Voilà, c'est ma toute première histoire to be continued. J'avoue que ça me fait un peu paniquer (ça et l'univers de Doctor Who!) alors tous les commentaires sont les bienvenus.
