And if I didn't want to know… ?

"On ne peut voir que ce que l'on observe, et

l'on observe que ce qui se trouve déjà

dans notre esprit. »

A. Bertillon

-Qu'allez-vous faire, professeur ? Vous battre ou fuir comme un lâche une fois de plus ?

Harry Potter et Severus Rogue était face à face, leurs baguettes tendues et prêts à combattre. Rogue se tendit aux paroles du Survivant, la colère se réveillant à nouveau en lui.

-Vous ne répondez pas ? Qui ne dit mot, consent, dit alors Harry, un sourire sadique aux lèvres et un doigt formant négligemment les mots de la locution latine dans les airs.

-Vous… commença l'homme, mais la porte de la pièce dans laquelle ils se trouvaient s'ouvrit à la volée sur un Remus Lupin plus qu'angoissé.

-Harry, non ! dit-il prestement en fixant le fils de James Potter.

Les deux ennemis n'avaient pas baissé leurs baguettes et se jaugeaient toujours du regard. Harry ne détourna pas les yeux du regard noir lorsqu'il s'adressa au loup-garou.

-Je crois que tu n'as pas bien vu qui se trouvait face à moi, Remus, dit alors Harry, la voix ferme.

-Bien sûr que je l'ai vu !s'écria son ancien professeur de Défense contre les Forces du Mal. Et je te dis de baisser ta baguette.

En un tour de main, Rogue, lui, avait rangé sa baguette et souriait d'un air satisfait.

-Si vous voulez bien m'excuser, commença-t-il ironiquement, je crois qu'on m'attend.

Et il sortit sans un regard en arrière. Le garçon à la cicatrice était resté dans la même position, un air beaucoup moins calme sur le visage alors qu'il fixait la porte par laquelle l'assassin de Dumbledore était parti.

Enfin, il tourna lentement son cou vers l'autre habitant de la pièce. Ses yeux paraissaient fous tellement la haine les dévoraient.

-Pourquoi as-tu fait ça ? hurla-t-il tel un dément. Pourquoi ne l'as-tu pas arrêté ? Pourquoi ?

A chaque mot, le brun s'était approché de Remus, la baguette tendue vers lui, prête à l'attaque.

-Harry, écoute-moi.

-Non ! Tu es un traître toi aussi !

Bang !

Harry, une main sur sa joue ensanglantée, releva la tête vers Remus, l'air un peu moins fou, mais bien plus sauvage.

-Ne t'avise plus jamais de dire ça, murmura le loup-garou, l'air à moitié furieux, à moitié désolé.

L'autre ne répondit pas, trop secoué.

-Laisse-moi te soigner, dit alors le loup-garou.

-Ne t'approche pas, chuchota Harry, sa baguette toujours tendue vers Remus.

L'homme soupira. Il espérait que la haine du fils de Lily ne l'emporterait pas pour toujours sur sa raison. Comme cela avait été le cas pour Sirius et Rogue.

-Severus est innocent, Harry.

-Quoi ? s'écria à nouveau le Survivant. Vous ne m'avez donc pas écouté ! Vous le croyez donc plus que moi ? Je l'ai vu ! Je l'ai vu tué Dumbledore !

Les murs résonnèrent quelques instants des hurlements du jeune homme.

-Personne ne nie qu'il a tué Dumbledore.

Harry fronça les sourcils, semblant croire que Remus n'était qu'un Mangemort déguisé. Cependant, la plupart de ces derniers étaient morts ou enfermés à Azkaban. La mort de Voldemort les avaient rendus plus dociles.

C'est d'ailleurs pour cette raison que voir Rogue ici, dans la maison de son parrain, l'avait mis dans une fureur et une joie sans fin. Comment s'était-il enfui d'Azkaban ? Etait-il le seul ? Enfin, il pourrait se venger de l'assassin de son mentor ! Enfin, il serait soulagé.

Voyant qu'il ne répondait pas, Remus poursuivit.

-Cependant, si tu voulais bien regarder ceci, dit alors le loup-garou en tendant à Harry une fiole de liquide bleu fluorescant, tu comprendrais que Severus a été contraint d'agir comme il l'a fait.

Sans comprendre pourquoi il ne refusait pas l'idée d'une innoncence potentielle de Rogue à cet instant, la main de Harry se tendit vers la fiole. Remus soupira de soulagement avec le plus de discrétion possible.

C'était la troisième fois qu'il regardait les souvenirs de Rogue. La première fois, il pensait à de faux souvenirs comme ceux que Dumbledore avait de Slughorn. Puis, il se dit que c'était trop bien réalisé pour qu'ils aient été falsifiés.

La seconde fois, il tenta de percevoir le mensonge dans les paroles que Rogue prononçaient au directeur.

Et enfin, la troisième fois, il sentit des larmes couler silencieusement le long de ses joues. Il ne voulait pas, il ne pouvait pas croire… Toutes ses certitudes… Toute la haine à laquelle il se rattachait violemment venait de s'effondrer… Qu'allait-il faire maintenant ? Quel but pouvait bien avoir le Survivant alors que la chose à laquelle il avait survécu était morte. Alors que son avenir s'était toujours arrêté au jour de leur rencontre. Comment pouvait-il imaginer un avenir qu'il avait toujours cru plus court ? Qu'allait-il faire de tout ce temps qu'il lui restait s'il ne pouvait haïr la dernière personne encore en vie qu'il détestait.

Il ne réapparut pas avant plusieurs semaines.

Ue cérémonie de victoire était organisée à Poudlard le soir-même. La rentrée avait eu lieu quelques jours plus tôt et les professeurs, ainsi que nombreux combattants ayant participé à la bataille, avaient jugés opportuns de célébrer la défaite du Mage Noir, la renaissance des jours heureux.

Harry avait reçu de nombreuses lettres lui demandant comment il allait et quand il comptait revenir. Le jeune aurait préféré attendre encore quelques jours avant de manquer de se retrouver face à Rogue, mais estimait ne pas pouvoir manquer cette cérémonie.

C'était l'aboutissement de sa vie qui se jouait ce soir. La fin de son combat était célébré. Le début d'une nouvelle ère. D'un avenir incertain et démuni de responsabilités. Une vie normale.

Après avoir jeté un bref coup d'œil dans le miroir, Harry glissa la fiole de souvenirs de Rogue dans sa poche et se mit en route.

Poudlard était plus éclatant que jamais. Des centaines d'élèves profitaient de la chaleur de ce mois de septembre pour rester allongés dans le parc, pour discuter et s'émerveiller de petites choses. Harry remarqua Hagrid occupé à travailler dans son potager. Il se décida à aller le voir plus tard. Pour l'instant, il fallait qu'il rende cette fiole à Remus. L'avoir dans sa poche l'empêchait de penser à autre chose.

Il pénétra dans le château, scrutant les alentours. Beaucoup d'élèves le saluaient ou le dévisageaient simplement.

Un couple enlacé lui rappela qu'il devait voir Ginny pour s'excuser de son absence. Alors qu'il pensait à la jeune fille, il atteignit la salle des professeurs. Il frappa et McGonagall vint lui ouvrir. De toute évidence, elle allait sortir au moment où il avait frappé.

-Tiens, Potter ! dit-elle d'une voix légèrement froide. Ravie de constater que vous êtes toujours en vie.

Harry ne répondit rien, trop embarassé. La femme sortit et il vit Remus, en pleine conversation avec Trelawney. Dans un autre coin se trouvaient le professeur Chourave et une autre femme, que Harry avait déjà vu, mais qu'il n'avait jamais eu comme professeur.

-Bonjour, Remus.

L'homme aux cheveux grisonnants se tourna vivement vers sa voix et lui offrit son plus beau sourire.

-Je suis tellement content de te voir, Harry. J'avais peur que tu manques la fête.

-Autant je pouvais manquer les dernières semaines, autant ce soir est trop spécial pour le manquer.

L'homme acquiesça en souriant, tapant amicalement l'épaule de Harry.

-Tu l'as ?

Harry ne comprit pas immédiatement, puis sortit la fiole de sa poche. Le regard de son ancien professeur démontrait bien qu'il voulait savoir ce que le jeune homme pensait désormais, mais le brun n'était pas en mesure d'en parler.

Il priait pour que Rogue, qui n'avait jamais été très sociable, décide de rester enfermer dans ses cachots toute la soirée.

Puis, une petite voix lui dit qu'après tout ce qu'il avait vu dans ses souvenirs, il était injuste de souhaiter qu'il ne soit pas félicité avec les autres combattants. Mais, d'un geste impatient de la tête, Harry envoya valser ses pensées trop humaines pour un homme tel que Rogue. Après tout, il détestait cet homme et cela ne changerait pas…n'est-ce-pas… ?

-Harry ! s'écria une voix féminine.

Hermione courait vers lui, suivie de près par Ron.

-Content de te revoir enfin, dit ce dernier avec une légère once d'accusation dans le ton.

-Désolé, j'étais…

Mais que pouvait-il bien dire ? Trop malheureux qu'il n'y ait pas eu un traître de plus ?

-On sait, Harry, dit doucement Hermione, un fin sourire aux lèvres.

Les trois amis n'eurent pas le temps de discuter longuement qu'une voix sarcastique les coupait dans leur élan.

-Tiens, un revenant… Ne serait-ce pas le fameux Potter ?

Severus Rogue s'arrêta à quelques pas de Remus, fixant Harry de son habituel regard hautain. Les bras croisés, il exhibait un rictus qui fit frémir Harry d'une haine encore trop fraîche pour être oubliée. Mais le Survivant ne répondit pas à l'attaque verbale. Les souvenirs de l'homme étaient également trop présents pour oser dire quoi que ce soit.

D'un geste serein, il tourna le dos à son ancien professeur et demanda à Ron et Hermione s'ils n'avaient pas envie d'aller faire un tour dans le parc avant de se rendre dans la Grande Salle. Après tout, une partie du Ministère s'y trouvait ainsi que des journalistes et le brun avait besoin de tranquillité pour se remettre de cette brève confrontation.

Il lui sembla que Severus Rogue se tendit de tout son long en voyant le fils de James lui tourner le dos avec autant de désinvolture et sans même frémir à la provocation qu'il venait de lui faire.

Remus tapota brièvement l'épaule de Harry puis lui dit qu'il le revoyait plus tard. Inspirant profondément, le brun sentit le regard de son ancien Maître des Potions dans son dos jusqu'à ce qu'il tourne à l'angle du couloir.

La Grande Salle était bondée. A son entrée, les journalistes délaissèrent les quelques pauvres élèves ou membres du Ministère qui leur racontaient des parties de la bataille pour se jeter sur lui. Vérifiant rapidement, il soupira de soulagement en ne voyant pas Rita Skeeter. Au moins, il n'aurait pas d'envie de meurtre dans l'immédiat.

Puis, son regard croisa celui de Rogue et il se dit qu'une autre personne en avait peut-être déjà.

-M. Potter ! Comment allez-vous ?

-Quelle sensation cela fait-il de ne plus ressentir le poids d'une mort certaine sur vos épaules ?

-Avez-vous eu peur ?

-Savez-vous que vous êtes bien plus célèbre que n'importe qui en Angleterre ? Comptez-vous faire une carrière d'acteur ?

Harry se força à ne plus rien entendre à partir de cette dernière question. Il atteignit la table des professeurs, remplacée, à l'occasion, par une table pour les personnes qui s'étaient le plus impliquées dans la guerre contre Voldemort. Il y avait donc les membres de l'Ordre du Phoenix, lui-même ainsi que Ron et Hermione et quelques membres du Ministère. Malheureusement, la table n'était pas assez grande pour accueillir plus de monde.

Enfin installé, Harry remarqua que le cadre de Dumbledore avait été installé juste à l'entrée de la Grande Salle. L'homme somnolait dans son cadre, l'air de s'ennuyer profondément. Harry sentit son cœur se serrer, mais détourna les yeux. Un cadre… Rien qu'un cadre…

La salle résonnait de bruits de plus en plus forts, les gens bougeaient sans cesse et le garçon avait l'impression d'entendre son nom être proférer à tous bouts de champ.

Il lui sembla même à un moment entendre utiliser son nom dans une expression du genre : « Que le soleil se couche, Harry Potter fera mouche ». Il se surprit à prier que ce repas se termine.

Tout le monde avait mangé et les journalistes, ainsi que les membres du Ministère partaient un à un. Les élèves avaient sauté de joie lorsque la directrice leur avait permis de rester éveiller après le couvre-feu et certains d'entre eux dansaient au milieu de la piste sur une chanson des Harpies.

Ron et Hermione étaient parmi eux et semblaient s'amuser, ainsi que Ginny qui semblaient lui en vouloir et l'avait ignoré toute la soirée. C'est alors qu'il vit Rogue sortir de la salle et sentit son cœur faire un bond.

Plus tôt, dans la soirée, des journalistes avaient tenté de lui parler de son rôle dans la guerre et l'homme les avait envoyé balader. Pourquoi était-il venu s'il ne voulait pas voir reconnus ses actes ?

Sans s'en rendre compte, Harry sortit de la salle. Pourquoi le suivait-il ? Il l'ignorait. Car, en cet instant, une seule information atteignait le cerveau du Survivant à propos de l'ancien Mangemort : « Il n'a fait qu'obéir aux ordres de Dumbledore. »

Et après avoir cherché les Horcruxes pendant des mois sur ordre du vieil homme – qui semblait penser que tout coulait de source et qu'il était simple d'accomplir ce qu'il pensait être juste – Harry comprenait quelle difficulté pouvaient représenter ces ordres.

Et, de plus, Harry ne s'était pas vu demander ce que Rogue avait dû faire. Y serait-il parvenu lui-même ? Aurait-il obéi ? Même s'il se disait que non, le brun savait, au fond de lui, qu'il aurait toujours obéi à Dumbledore. Et qu'il l'aurait détesté s'il avait dû accomplir un tel acte.

Après quelques minutes de recherches infructueuses – le Survivant n'avait pas osé se rendre dans les cachots –, Harry sortit dans la fraicheur du parc, se concentrant quelques instants sur le vent qui pénétrait son cuir chevelu.

Puis, il le vit. Severus Rogue. Droit comme un piquet, à quelques centimètres du lac, le regard perdu à l'horizon.

C'était le moment ou jamais. Alors pourquoi ne parvenait-il pas à bouger d'un pas ?

Après quelques tentatives, Harry se mit en marche, aussi silencieusement qu'il put. Il voulait voir cet homme, le regarder quelques secondes avec, en tête, les nouvelles informations qu'il détenait sur lui.

Il se trouvait à environ cinq mètres de Rogue, mais l'obscurité de la nuit lui avait permis de ne pas être vu. Rien dans son visage n'avait changé. Il était toujours hautain, toujours froid et prétentieux. Et pourtant… cet homme avait dû accomplir bien plus que n'importe lequel d'entre eux. Il avait dû perdre tout ce que Dumbledore lui avait offert, ainsi que son amitié, pour contenter le vieil homme. Comment avait-il fait, durant toutes ces années, pour jouer aussi bien ce double jeu ? Harry avait toujours du mal à croire en son innocence. Ou plutôt était-il toujours prêt à ce que les souvenirs de l'homme soient démenti.

-Vous comptez rester planté là encore longtemps, Potter ?

Harry sursauta, croisant le regard ébène. Pourtant, s'il avait été plus attentif, il aurait entendu que la voix de l'homme n'était pas aussi aggressive que d'habitude. Elle semblait lasse.

Rougissant, Harry détourna les yeux vers l'horizon, ne sachant qu'inventer pour ne pas avoir l'air stupide. Après tout, il s'était fait prendre sur le fait.

Après quelques secondes de silence et une fois que Rogue eut à nouveau tourné la tête, Harry s'approcha, les mains dans les poches et les yeux au sol.

Enfin, il s'arrêta à un mètre de l'homme, face au lac, l'air embarassé.

-Je ne suis pas d'humeur pour vos simagrées, Potter, dit alors l'homme d'un air cruel.

Harry se tourna violemment vers l'homme, prêt à bondir et à lui renvoyer l'appareil, mais il croisa le profil de Rogue et repensa à ce qu'il avait vu dans la Pensine. Il ne devait pas s'emporter. Il soupira. Ce ne serait pas facile.

-Je fais des simagrées si je veux, dit-il d'un ton calme, mais légèrement buté, tel un enfant.

D'un coup d'œil, Harry vit Rogue froncer les sourcils sans répondre. Il ne s'attendait apparemment pas à ne pas savoir que répondre au plus jeune. Après tout, il n'avait pas été agressif. Certainement l'homme devait-il se demander ce qu'il prenait au Survivant – qui, à cet instant, se le demandait tout autant – et il parla :

-Que voulez-vous, Potter ? demanda-t-il avec violence en se tournant vers le Survivant. Me dire que vous êtes désolé ? poursuivit-il avec ironie et indifférence. Me dire que vous me comprenez ? Sachez que je me fiche bien de votre bienséance factice – qui, soit dit en passant, vous vient de votre stupide père – et que vous ne pourrez jamais comprendre, vous entendez ? Jamais !

Il avait hurlé ce dernier mot et semblait aussi dément que Harry l'avait été la dernière fois qu'il avait été en sa présence. Et pour la première fois, le brun ne détesta pas Rogue alors qu'il lui hurlait dessus. D'ailleurs, tout dans le regard du Survivant indiquait un étonnement inquiet devant ce nouveau sentiment.

L'homme avait beau tout faire pour le dissimuler, tout faire pour paraître indifférent… ce regard qu'il avait eu en criant la fin de son monologue avait eu l'effet d'une révélation pour Harry. Il avait vu la douleur et la haine dans le regard noir de son professeur tant honni.

Pourquoi ne l'avait-il jamais remarqué auparavant ? Etait-il lui aussi aveuglé par la haine de son père et de son parrain envers cet homme ? Par une haine qui n'avait jamais été la sienne et qui était tout bonnement stupide ?

L'homme sembla ne pas comprendre le silence qui avait suivi son discours et se mit en route vers le château.

Le plus jeune ne sut que faire durant plusieurs secondes, puis se décida à rentrer lui aussi. Il n'arriverait à rien de plus ce soir.

Alors qu'il montait les marches vers la salle commune des Griffondors où se trouvait certainement Ginny, Harry entendit des cris provenir de l'étage du dessous.

Sans réfléchir, comme si l'habitude dirigeait ses gestes, le plus jeune se mit à courir. Il atteignit l'origine du bruit en moins d'une seconde et son sang se glaça.

Trois des journalistes qu'il avait aperçu plus tôt dans la Grande Salle et à l'air complétement ivre avaient encerclé Rogue et l'insultaient.

-Un traître ! Rien qu'un sale traître ! dit l'un d'eux en titubant dangeureusement.

Pourquoi Rogue ne bougeait-il pas, pourquoi n'avait-il pas sorti sa baguette ? Les trois autres, au contraire, tenaient fermement la leur.

-…tué Dumbledore ! Un assassin !

-Mais on ne vous laissera pas vous en sortir aussi facilement ! Jamais vous ne vivrez en paix avec ce crime sur le dos !

-Comment avez-vous fait pour vous en sortir ? Vous avez menacé quelqu'un ? Ils sont soumis à l'Imperium, n'est-ce pas ?

Il sembla à Harry que Rogue sourit ironiquement, mais il faisait trop noir pour distinguer précisément quoi que ce soit. Pourquoi lui-même ne parvenait-il pas à bouger ?

-Je n'ai rien à dire à des imbéciles tels que vous, dit alors Rogue, la voix glacée.

-Impedimenta !

D'un geste négligent de la main, le professeur évita le sort, mais, désormais, il avait sorti sa baguette.

-Ne faites pas l'imbécile, grogna Rogue, sur le qui-vive à l'adresse de son agresseur.

Mais les trois hommes n'en firent qu'à leur tête et l'attaquèrent en même temps. Rogue évita deux des premiers sorts, mais fut frappé par le troisième et se maintint de justesse debout. Les mouvements de Harry furent libérés à cet instant.

-Arrêtez ! s'écria-t-il, baguette en main.

Les journalistes se retournèrent, l'air d'abord provocant, puis s'effondrant en voyant qui venait d'arriver.

-Harry Potter ! C'est Severus Rogue ! dit le plus grand des trois, d'un air entendu.

-Pour des journalistes, vous ne semblez pas très au courant, commença Harry d'une voix calme, sentant le regard noir de Rogue sur sa tempe. Cet homme a été innocenté.

Un silence retentit et les trois journalistes se lancèrent un regard complice.

-Ne vous inquiétez pas, M. Potter, cet homme ne s'en sortira pas si facilement.

-Vous comprenez quand je vous parle ? s'écria Harry, choqué qu'ils s'évertuent dans cette voie.

-Vous avez été ensorcelé !

Harry jeta alors un coup d'œil à Rogue, qui fronça les sourcils.

-J'aimerais bien…dit-il alors qu'il avait déjà détourné les yeux. Mais, poursuivit-il en baissant sa baguette, cet homme est bel et bien innocent. Je ne suis pas le seul à pouvoir vous l'assurer et il serait étonnant qu'il soit parvenu à soumettre l'entièreté du monde magique au sortilège de l'Imperium excepté vous trois.

Les journalistes se lancèrent quelques regards penauds.

-Mais d'après certaines rumeurs, ce serait lui qui a vendu vos parents à Vous-Savez-Qui ! Pour cela aussi, il avait une excuse ?

Harry sentit Rogue se tendre. Apparemment, il ignorait que Harry connaissait l'identité de celui qui avait rapporté la prédiction de Trelawney à Voldemort.

-Cet homme a été innocenté, reprit le plus calmement possible Harry. Et ce n'est pas à vous de faire la loi ou de le condamner. N'oubliez pas que c'est ainsi que tout commence. Un simple groupe d'hommes qui se croient tout permis car il a un idéal de justice… N'oubliez pas déjà la guerre que nous avons failli perdre.

Un silence pesant retentit dans le couloir. Que trois hommes qui faisaient deux fois son âge soient réprimandés par Harry les embarassaient de toute évidence au plus haut point.

-Ouai… dit alors l'un d'eux. Nous, on est pas dupe. Il a beau avoir votre bénédiction à vous, la plupart des gens ne lui accorderont plus jamais le bénéfice du doute. Il est et restera un traître.

Sur ce, les trois hommes s'en allèrent, vacillant encore légèrement sous l'effet de l'alcool. Harry les suivit du regard jusqu'à ce qu'ils tournent à l'angle du couloir. En réalité, il voulait éviter à avoir à regarder en face l'homme qui se trouvait encore dans le couloir avec lui.

-Je peux très bien me débrouiller sans vous, Potter, grogna l'homme en s'approchant du plus jeune pour le forcer à le regarder dans les yeux.

Pourtant, Harry ne comprit pas très bien ce qu'il vit dans le regard de l'homme : interrogation ? Lassitude ? En tous cas, pas seulement de la haine, bien qu'elle fut toujours présente.

-Je ne l'ai pas fait pour vous, mais pour ma conscience. Vous savez bien que mon besoin grandissant de gloire me pousse à agir de façon inconsidérée, répondit le Survivant dans un souffle.

Leurs regards ne se quittèrent pas durant de longues secondes. Harry avait répondu cela car il savait que c'est la raison que Rogue donnerait à ces actes d'un instant à l'autre. Cependant, entendre ces hommes affirmer que jamais plus son ancien professeur ne recevrait le bénéfice du doute l'avait fait frémir.

Dumbledore était-il le seul à donner une seconde chance ? N'y aurait-il plus jamais de confiance sans borne pour ceux qui en avaient le plus besoin ? Et, après tout, voulait-il qu'une telle confiance soit à nouveau offerte à cet homme ? Puis, immédiatement, il se reprit, se disant que, bien sûr, il devait le vouloir… après ce qu'il avait vu dans la Pensine…

-« De façon inconsidérée » est bien faible, je trouve.

Harry fronça les sourcils lorsqu'il entendit le murmure de l'homme face à lui. Aucune haine. Aucune ironie. Juste de la lassitude.

Le plus jeune recula d'un pas, détournant son regard des yeux noirs et fourant à nouveau ses mains dans ses poches.

-Je dois rejoindre les autres.

L'homme ne répondit rien et Harry se mit en marche, lui tournant le dos.

-Vous n'avez rien à ajouter ? lança alors l'homme d'une voix sarcastique. Votre grandeur d'âme vous pousse-t-elle désormais à courageusement pardonner tous les actes passés ?

Le Survivant fit volte face d'un mouvement brusque, les sourcils froncés. Que voulait-il dire ? Et pourquoi avait-il repris son air haineux ?

-Que voulez-vous dire ? demanda Harry, non sans crainte de la réponse à venir.

Le plus grand s'approcha à nouveau, le jaugeant de son air hautain. Il semblait à la fois méprisant et irascible. De quoi parlait-il ?

-Peut-être ai-je en effet été innocenté, commença alors l'homme d'une voix tellement basse que le Survivant dut tendre l'oreille – il lui sembla en outre que Rogue n'était lui-même pas très convaincu par cette histoire d'acquittement – mais tous les propos tenus par ces imbéciles n'étaient pas dénués d'intérêt.

Harry fronçait toujours les sourcils, sans voir où l'homme voulait en venir. Ils étaient proches, le Survivant devait légèrement lever ses yeux pour croiser le regard onyx. En cet instant, il était heureux de ne plus avoir onze ans et de posséder une taille acceptable.

-Il ne me semblait pas que mes souvenirs vous permettraient de comprendre les raisons pour lesquelles vos parents sont morts.

Ce fut un choc pour Harry qui ne s'attendait pas du tout à de tels propos. Il sentit la colère monter en lui de devoir parler d'un sujet aussi sensible avec un homme qu'il n'avait pas encore cessé de haïr.

-De quoi parlez-vous ?

Il ne se rendit pas compte qu'il hurlait presque. Cependant, cela ne sembla pas gêner Rogue outre mesure. D'ailleurs, sa réaction semblait le contenter de façon malsaine. Il voulait qu'il le déteste à nouveau ? Soit ! Cela ne poserait guère de problème pour le Survivant.

-Répondez ! Votre verbe vous fait défaut ? Votre perfidie qui vous fourche la langue ?

Rogue paraissait ne s'être attendu qu'à cela et fit encore un pas en avant, les tissus de sa robe frôlant ceux de Harry sans que aucun des deux ne le remarquent.

-J'ai révélé la prédiction de Trelawney, j'ai amené la mort à vos parents. Et vous faites mine de ne pas l'entendre lorsque des journalistes aussi au fait de la situation actuelle vous le révèle ? Vous jouez les héros une fois de plus en tenant le discours de l'acquittement ? Cessez l'hypocrisie Potter !

Harry fut trop mortifié pour répondre quoi que ce soit. C'était donc de cela dont il s'agissait ? De la remarque de l'un des journalistes à propos de la mort de ses parents ? Puis, Harry comprit que Rogue ne savait pas qu'il était déjà au courant de son rôle dans la mort de sa famille. C'était donc pour cela qu'il s'emportait ? Parce qu'il ne comprenait pas l'absence de réaction du Survivant alors qu'il aurait dû hurlé de colère ? Voire aider les journalistes à descendre l'homme ? Le brun se dit que si son ancien professeur l'avait vu le jour où Trelawney lui avait révélé l'identité de celui qui avait répété la prophétie à Voldemort, il ne serait pas là, aujourd'hui, à lui reprocher de ne pas crier…

Ancrant à nouveau son regard vert dans le puits sans fond de Rogue, il vit que l'homme était légèrement essoufflé d'avoir hurlé à s'en déchirer les poumons. Il avait encore une lueur de folie, mêlée à la haine, la colère et beaucoup d'autres sentiments, dans le lac noir.

-Je le savais, dit-il avec tout le calme dont il était capable en cet instant – qui ne se résumait donc pas à grand chose.

Un léger silence suivit cette affirmation et Harry garda le silence, sachant qu'il faudrait quelques secondes à l'homme pour comprendre de quoi il parlait.

-Vous saviez, finit-il par dire sans aucune intonation, le visage et le regard vides.

Harry ne trouvait quels mots prononcer. Il n'était déjà pas très doué pour discuter de ces sujets épineux, mais en plus avec Rogue… Il inspira profondément, mais l'homme parla avant lui et il n'eut pas à réfléchir plus longtemps à une idée de parole inutile – et certainement déplacée.

-Comment ?

Il ne s'attendait pas à ce que l'homme accepte aussi vite la nouvelle – il n'était pas encore prêt à admettre une certaine célérité de refléxion chez cet homme – et qu'il se calme tout aussi rapidement.

-L'année dernière… J'avais rendez-vous avec… le directeur, dit maladroitement Harry qui avait parlé en se rappelant peu à peu de ces instants qu'il avait enfouis dans sa mémoire et n'avait pas pu évité de citer le vieil homme. Et j'ai croisé Trelawney, se hâta-t-il de dire pour changer de sujet. Elle était légèrement ivre et m'a révélé quelques éléments du passé qu'elle n'aurait, de toute évidence, pas dû dire…

Rogue ne répondit rien et le brun se rendit compte qu'il avait détourné son regard de ses emeraudes.

-Et étant donné que vous ne voulez pas que je m'excuse directement de ne pas vous avoir cru – même si, au fond, je ne crois pas devoir le faire, insista-t-il tout de même – je me suis dit qu'un coup de main reviendrait au même, dit rapidement Harry pour briser le silence et expliquer son intervention.

Bien entendu, il mentait pas omission car il ne savait pas très bien lui-même pourquoi il avait aidé Rogue. Certainement parce que le voir ainsi attaqué par plusieurs personnes lui avait rappelé des choses désagréables. Dudley et ses amis qui l'agressaient sans cesse. Le souvenir de Rogue lorsqu'il était en cinquième année et qu'il l'avait vu être attaqué par les Maraudeurs.

L'homme ancra à nouveau ses yeux dans les siens, mais ils semblaient vides. Puis, il parla et Harry s'attendait à tout sauf à ça :

-Vous êtes et resterez stupide, Potter.

-Je vous renvoie le compliment, Rogue, répondit-il.

Mais il devait avouer qu'il avait répondu plus machinalement qu'autre chose, étant trop troublé par le ton fatigué et dénué de haine de Rogue.

Cependant, l'homme sembla utiliser cette réplique légèrement sèche pour reprendre contenance.

La haine se lisait à nouveau sur son visage. Décidément, il ne tenait pas plus de dix minutes en présence du Survivant sans hurler. Chassez le naturel, il revient au galop… Et cela commençait sérieusement à exaspérer Harry.

-Qu'y a-t-il ? demanda-t-il alors avec froideur. Qu'attendez-vous de moi ? Que je vous crache ma haine ? Alors que, vous l'avez dit vous-même, j'ai vu les souvenirs que vous avez donnés à l'Ordre ? Bien sûr que quelque chose a changé ! Et bien sûr que j'aurais préféré ne jamais voir ce que j'ai vu ! Mais je sais. Pour votre rôle dans l'Ordre, pour vos actes, pour Dumbledore. Et j'aimerais pouvoir dire que je vous pardonne ces actes incompréhensibles que moi-même je n'aurais jamais pu accomplir. J'aimerais pouvoir prendre ce rôle glorifiant ! Cependant, ce serait mentir… murmura-t-il enfin. Car je comprend vos actes et ne parvient pas à les pardonner.

Un silence retentit avant que Harry achève sa litanie.

-Et je vous déteste. Je vous hais parce que vous faites se réveiller en moi cette part de monstruosité et de lâcheté. Et je me déteste pour ça.

Rogue avait écouté le monologue de son interlocuteur sans ciller. Pourtant, au fur et à mesure de son discours, Harry avait vu disparaître la haine de son visage. Désormais, seul un masque d'indifférence y siégeait en maître.

-Partez.

Fronçant les sourcils devant un ton aussi inhabituel chez Rogue, Harry s'en alla sans un regard en arrière.

Harry descendit du bateau, l'air serein. Il y a quelques mois, il était parti en France pour travailler. La langue n'avait pas été facile, mais avec l'aide de la famille de Fleur, il avait pu s'en sortir au mieux. Quitter l'Angleterre et les milliers de photos de lui qui circulaient avait été bénéfique pour le jeune homme.

Il récupéra son sac de voyage en pensant à la raison pour laquelle il était rentré plus tôt : le mariage de Ron et Hermione.

Cela n'avait pas vraiment été un choc pour Harry qui connaissait les sentiments que ses amis avaient l'un pour l'autre, mais il devait avouer qu'il avait été surpris.

Il faisait frais pour un mois de juin et Harry redressa son col. Il profiterait de son séjour pour aller sur les tombes de ses parents et de Dumbledore. D'ailleurs, le lendemain, ce serait le quatrième anniversaire de la mort du vieil homme. Revoir Poudlard lui ferait plaisir aussi.

-Harry !

Ron et Hermione lui faisaient des signes de leur voiture. Il les rejoignit et, après quelques embrassades de circonstance, ils se mirent en route.

-Et Ginny, comment va-t-elle ?demanda Harry en fixant Ron pour anticiper sa réaction.

Son ami n'avait pas très bien pris qu'il quitta sa sœur pour la France. D'ailleurs, il valait mieux éviter le sujet pour esquiver les querelles.

-Bien, répondit brièvement Hermione. Elle a commencé un nouveau travail chez Gringotts et semble s'y plaire.

Harry ne s'attarda pas sur la discussion. Il avait proposé à Ginny de l'accompagner, mais cette dernière avait refusé. En effet, toute sa famille se trouvait en Angleterre et elle n'était pas décidée à quitter cet endroit.

-Tu veux faire quelque chose de spécial demain, Harry ? demanda son amie pour changer de sujet.

-Je crois que je vais aller saluer Hagrid et Poudlard.

-Très bien, répondit Hermione en hochant la tête. On était inquiet, avec Ron, car on risque de ne pas être souvent présents. Avec le mariage et tout ça… dit-elle sur un ton d'excuse.

-Ce n'est rien, répondit Harry dans un sourire. Je comprends très bien.

De plus, il s'était habitué à la solitude et cela ne l'embarassait pas le moins du monde. Il n'aurait pas vraiment apprécié les retrouvailles avec Dumbledore s'il avait été accompagné.

Le lendemain, le jeune homme partit à 14h de chez Ron et Hermione. Ses deux amis étaient déjà sortis.

Lorsqu'il arriva à Poudlard, il remarqua le vide du château. En effet, les examens venaient d'être finis et les élèves étaient rentrés chez eux la veille. Le brun sentit une vague de nostalgie transporter son cœur. Plus jamais il ne serait élève ici. Plus jamais il ne jouerait au Quidditch dans le stade. Plus jamais il n'entrerait dans le bureau de Dumbledore pour l'entendre proférer l'un de ses nombreux conseils.

Allant frapper à la porte de Hagrid, Harry constata que le demi-géant était absent avec déception. Après tout, il le verrait au mariage.

Il se décida donc à s'approcher du lac pour se sentir plus proche de son ancien directeur. Sa tombe n'était pas très loin de cet endroit, mais le lac représentait bien plus ce que Harry pensait de l'ancien directeur, libre et vaste. L'air était frais, mais cela ne gênait pas le garçon qui était entièrment concentré sur ses souvenirs avec le vieil homme.

-Bonjour, professeur, murmura-t-il dans un souffle, souriant tristement.

Le vent fouettait la marée. L'eau giclait ici et là. Et Harry se sentait de nouveau chez lui. Bien qu'il manquât de nombreux éléments.

Harry ouvrit à nouveau la bouche, ayant stupidement l'impression que le silence commençait à peser.

-Potter… entendit-il grogner à quelques mètres de lui.

Rogue. L'homme semblait s'être dirigé vers l'endroit où se trouvait Harry avant même de l'avoir remarqué. Ils se fixèrent quelques instants. Personne n'aurait su distinguer ce qu'on pouvait lire dans leurs regards tellement tout était embrouillé.

Le plus âgé se plaça à une cinquantaine de centimètres du jeune homme, fixant lui aussi l'horizon. Etait-il venu ici pour les mêmes raisons que le Survivant ? Harry parla sans regarder l'homme.

-Comment allez-vous professeur ?

Sa voix n'était ni froide ni chaleureuse. Mais deviner la raison de la présence du professeur à cet endroit l'empêchait de garder un silence tendu. Lui aussi s'était souvenu de l'anniversaire de la mort du vieil homme… Le Survivant rangea dans un coin de son esprit la phrase qui lui était apparu après s'être rendu compte de cela : « Les assassins se souviennent-ils toujours de la date d'anniversaire de la mort de leurs victimes ? »

-La dernière fois que nous nous sommes parlés, il me semble que vous ne m'appeliez plus professeur… grogna à nouveau l'homme.

Mais Harry sourit. Il n'y avait aucune haine, ou alors était-elle minime, dans le ton de l'homme. Et il se souvenait parfaitement avoir appelé le Maître des Potions par son nom.

-Si je me souviens bien, vous veniez de me traiter d'idiot. J'avais des circonstances atténuantes, sourit doucement Harry, toujours sans le regarder.

-Pourtant, vous devriez avoir l'habitude. Votre comportement n'est jamais dénué de toute imbécillité.

Harry se tourna vers l'homme, étonné. Et en effet, la moquerie qu'il avait perçue dans les paroles de Rogue ne contenait aucune cruauté. Plus surprenant encore, un léger sourire venait de disparaître du visage impassible de l'homme.

Celui-ci semblait s'en être rendu compte car il tenta de se rattraper en critiquant l'étonnement encore présent sur le visage de Harry.

Le plus jeune sourit.

-Poudlard m'avait manqué.

L'homme se tut quelques secondes, ne répondant pas à la remarque.

-J'ai appris que vous aviez quitté l'Angleterre, dit-il enfin.

Harry s'étonna que Rogue ait retenu une telle information sur lui. Puis, il se dit que cela avait dû le rendre joyeux : plus de Potter dans les pattes.

-Oui… répondit-il lentement. Je suis professeur dans une université française.

Un autre silence les surprit, cependant, Harry ne le trouva pas pesant. Au contraire, il n'avait pas été aussi apaisé depuis longtemps.

-Et vous ? Les élèves sont toujours aussi doués en Potions ?

Un grognement dédaigneux lui parvint pour toute réponse. Et Harry sourit une fois de plus. Décidément, qui aurait cru qu'un jour, Rogue et lui seraient capable de se parler sans envie de meurtre ?

-Et sinon… murmura Harry, ce qui s'est produit le soir de la cérémonie de victoire…

Rogue redressa légèrement la tête alors que le plus jeune parlait.

-… vous n'avez plus eu de problèmes ?

Pourquoi posait-il cette question ? Harry n'en avait aucune idée, cependant, il y avait souvent repensé. Il vit un sourire ironique se former sur les lèvres de Severus Rogue. Un sourire fatigué.

-Ne sombrez pas dans le sentimentalisme, Potter… dit-il avec indifférence. Je savais très bien à quoi m'en tenir …

Harry fronça les sourcils et dit :

-Mais ce n'est pas à eux de vous juger. Ils ne savent rien, dit sans réfléchir et avec une certaine irritation le Survivant.

Rogue tourna la tête vers lui, les sourcils froncés. Harry croisa son regard sombre.

-Vous êtes revenu uniquement pour venir ici, Potter ? demanda l'homme en indiquant d'un signe de tête Poudlard et Dumbledore qui y dormait depuis quatre ans.

-Ron et Hermione se marient.

Rogue émit un léger bruit ironique que Harry ne souleva pas.

-Je suppose que la dernière-née Weslaey est heureuse de revoir sa famille.

Fronçant les sourcils, Harry ne sut par où commencer pour mettre de l'ordre dans ses pensées. Tout d'abord, pourquoi parlait-il de Ginny ? Ensuite, comment se souvenait-il de leur amour passé ? Enfin, pourquoi Rogue s'intéressait-il aux sentiments que pouvait ressentir Ginny ?

-… Elle est restée ici.

L'homme lui lança un regard.

-Ginny. Elle n'est pas venue avec moi en France.

Puis, tournant à nouveau la tête vers l'horizon : « Elle ne voulait pas laisser sa famille. »

Un léger silence, un peu plus pesant que le précédent s'installa. Harry ne se voyait pas parler de sa vie amoureuse avec Rogue. De plus, cette histoire le blessait encore beaucoup trop pour donner à cet homme, aussi « normal » pouvait-il lui paraître depuis plusieurs minutes, une perche pour l'affliger.

Mais Harry fut étonné de constater que Rogue ne répondait rien. Il avait de nouveau tourné sa tête vers le lac et semblait pensif.

-Harry ? Harry, c'est bien toi ?

Le jeune homme se tourna vers la voix et croisa le regard de porcinet de Hagrid. Il lui sourit.

-Hagrid ! dit-il en s'éloignant légèrement du lac. J'ai tenté de venir vous voir plus tôt, mais vous étiez absent.

-Oh oui ! Une mission pour la directrice ! Un secret, je ne dois pas en parler.

Harry sourit encore. Que c'était bon de revoir le demi-géant.

-Et toi, comment vas-tu ?

-Bien. Je parlais justement avec le professeur…

Mais quand il s'était retourné pour montrer le professeur Rogue à Hagrid, il remarqua que l'homme avait disparu. Tournant rapidement la tête dans tous les sens, il croisa la cape du professeur qui venait d'entrer dans le château.

Pourquoi était-il parti ainsi ?

-Harry, tout va bien ?

-Oui… Oui, tout va pour le mieux…

Hagrid et lui avaient passé le reste de l'après-midi à discuter. Le jeune homme était content d'avoir retrouver son vieil ami, mais ses dents en avait subi le contrecoup. Décidément, les cookies de Hagrid seraient toujours aussi durs qu'une pierre.

Et alors qu'il allait partir, il avait croisé la directrice. Après l'avoir chaleureusement salué – ce qui avait étonné Harry au plus haut point – elle lui avait demandé comment il allait et avait souri lorsqu'il lui avait dit qu'il était venu voir Dumbledore.

-Sachez, Potter, qu'il était très fier de vous, dit-elle alors, étonnant et embarrassant Harry.

-Merci, dit-il alors, souriant à la femme.

Et, alors qu'il avait été sur le point de partir, la femme lui avait dit que si, un jour, il avait besoin d'aide ou même d'un travail, il pouvait toujours venir la trouver.

-Je suis rentré, lança-t-il à l'aveuglette alors qu'il venait de passer la porte de la maison de ses amis.

-Nous sommes dans le living, entendit-il.

Ron était installé dans le fauteuil, tenant dans ses bras une Hermione en pleurs.

-Que se passe-t-il ? demanda-t-il immédiatement.

-Il y a eu une erreur de la part du gérant de la salle.

Harry dut réfléchir quelques instants de quelle salle Ron parlait. Celle du mariage, se dit-il alors.

-Nous n'avons plus de salle ! s'écria alors Hermione. Comment veulent-ils que l'on se marie sans salle ?

Elle avait les joues rougies et l'air hystérique.

-Ne t'inquiète pas, Hermione, on va trouver une solution, lui dit Ron.

-Et comment ? gémit-elle en se laissant aller dans les bras de son fiancé.

Les paroles de Minerva McGonagall lui revinrent alors à l'esprit. Ne voulant pas donne de faux espoirs à ses amis, il se leva et sortit sans un mot. Il lui sembla que les deux autres ne l'avaient même pas remarqué.

Cela faisait plus de deux heures qu'il avait envoyé une lettre à Poudlard. Le repas avait été servi par Hermione, qui ne semblait plus en mesure d'émettre le moindre son.

C'est alors que la chouette qu'avait envoyé Harry vint se poser devant son assiette.

Les deux autres n'y prétèrent même pas attention. Ouvrant doucement la lettre, Harry manqua de sauter de joie : [… Je serai donc très heureuse d'accueillir Miss Granger et M. Weslaey pour célébrer leur union en ce jour du 1er juillet. […

Il tendit brusquement la lettre à Hermione. Sans relever la tête vers Harry, elle se mit à lire le parchemin. Peu à peu, des couleurs commençaient à rendre la vie à son visage.

-Oh ! Oh ! s'écria-t-elle..

-Quoi ? Quoi ? hurla Ron, voyant un grand sourire sur le visage de son meilleur ami et des larmes de joie dans les yeux de Hermione.

-Harry… Harry… dit-elle sans parvenir à s'exprimer.

Elle tendit alors la lettre à Ron qui ouvrit grands ses yeux marrons.

-C'est toi qui a fait ça ? demanda-t-il à Harry qui hocha la tête avec modestie. Je sais pas comment te remercier, dit-il alors en regardant Hermione sourire de toutes ses dents.

-Disons simplement que c'est mon cadeau de mariage. Je n'ai pas vraiment quoi su prendre et j'ai l'impression qu'un service de thé est un peu… pitoyable… sourit-il de façon contrite.

Ses deux amis rirent et le repas se passa dans la joie et la bonne humeur.

Le lendemain, Hermione semblait ne plus savoir où mettre de la tête. En effet, toutes les invitations devaient être modifiées et tous ce qui avait déjà été envoyé dans l'autre salle devait aller à Poudlard et y être installé.

Harry, qui avait promis d'aider, terminait de monter les tables dans le camion de transport magique.

-Harry, je peux te demander quelque chose ? demanda Hermione.

-Bien sûr.

-J'aurais besoin de quelqu'un pour pendre ces banderoles à Poudlard. Tu pourrais… ?

-Pas de problème, répondit Harry et la jeune fille lui sourit.

Mais le jeune homme savait que la raison pour laquelle il voulait vraiment retourner à Poudlard ne concernait pas uniquement sa jeune amie.

Alors qu'il venait de prendre la caisse de banderoles dans ses bras pour transplaner à Pré-au-Lard, il croisa un regard flamboyant et vit Ginny, le visage fermé, le regarder sans vraiment le voir.

Il tenta de lui sourire, mais vit alors un jeune homme prendre la jeune fille par l'épaule et lui murmurer quelque chose à l'oreille. Fronçant les sourcils, le brun essaya de reconnaître ce stupide garçon qui osait la toucher, mais il ne le connaissait pas.

Peut-être un ami de Gringotts…

Il transplana, un goût amer dans la bouche.

Les banderoles étaient toutes en place depuis plus d'une heure, mais Harry avait voulu aller remercier McGonagall. Il marchait donc en direction de la sortie du château, tenant à respecter sa promesse d'aider ses deux amis à tout mettre en place pour demain.

L'image de Ginny et de son nouvel ami lui revint une fois de plus en mémoire. Harry sentait la jalousie en lui tel un serpent. Cependant, il avait pensé qu'il serait plus jaloux si un jour il la voyait avec un autre homme.

Pourquoi alors était-il gêné de, justement, ne pas être suffisamment jaloux ?

Tandis qu'il descendait l'escalier menant du second ou premier étage, il croisa un regard noir. Il s'arrêta et fixa l'homme qui s'approcha en quelques pas.

-Vous voir une fois en deux ans m'aurait largement suffi, Potter.

Harry se sentit légèrement blessé, mais s'attarda sur autre chose. Pourquoi était-il aussi… satisfait… de croiser Rogue dans un couloir ? Finalement, n'était-ce pas ce qu'il avait espéré en trainant autant dans le château ? Il fronça les sourcils et Rogue sembla penser que ce signe lui était adressé.

-Un problème, Potter ? demanda-t-il d'une voix glaciale.

-Pas avec vous, non, répondit de suite le Survivant sans vraiment y réfléchir et en passant un main négligente dans ses cheveux ébènes.

Un léger silence retentit. Harry ancra son regard dans celui de Rogue.

-Vous êtes invité. Au mariage, demain. Tous les professeurs qui restent à Poudlard pendant les vacances le sont.

Rogue fit un rictus sarcastique et Harry savait que, d'un moment à l'autre, il lui enverrait une pique digne de ce nom. Cependant, l'homme n'en eut pas l'occasion car Ginny venait d'entrer dans le château et regardait Harry du hall.

Le fait que l'ami de la jeune fille ne l'ait pas accompagné effleura ses pensées. La rousse semblait attendre, le visage déterminé. Cependant, Harry remarqua que Rogue comptait faire comme il l'avait fait la veille et s'éclipser discrètement.

-Au-revoir professeur, dit-il avec ironie.

L'homme ne se retourna pas, ignorant royalement le Survivant.

Et en voyant ainsi son ancien professeur partir, Harry ne sut si sa plus grande envie était de lui courir après ou de rattraper Ginny. Il opta pour la deuxième solution.

Ginny et lui avaient discuté pendant plusieurs heures. Harry s'était excusé de l'avoir abandonnée et elle avait beaucoup pleuré. Cependant, alors qu'il lui semblait qu'il atteignait son but, qu'enfin, elle allait lui pardonner, le brun ne savait plus si c'était ce qu'il voulait réellement.

Il lui semblait qu'il avait besoin d'être seul encore quelques temps. Pour se retrouver avec lui-même. Pour savoir ce qu'il voulait réellement faire de sa vie. Pourquoi revenir en Angleterre l'embrouillait autant ?

Si, ô joie, quelques lecteurs passent par ici, peuvent-ils me donner leurs avis? J'avoue ne pas trop savoir quoi penser de cette nouvelle fic...

Mcii -!!