La berceuse de la salamandre.

Disclaimer: Le monde de Harry Potter appartient à JK Rowling.

Genre: Aventure/ Mystère/Romance.

Rating: M (pour plus de sureté)

1. Là où tout commence.

Dehors il neigeait depuis la fin de l'après-midi, la route était blanche, les arbres, les talus, les pierres prenaient lentement le même chemin. Demain, au lever du soleil, le monde serait blanc. Pur et immaculé. L'homme se tenait debout devant la porte-fenêtre donnant sur l'allée centrale menant au portail. Il était vêtu d'un costume de velours sombre sous une robe de sorcier noire brodée d'entrelacs argentés, ses longs cheveux sombres lui battaient les épaules. Il ne bougeait pas depuis de longues minutes.

Il resta encore un long moment le visage collé à la vitre, son souffle créant un halo de buée qui embruma un peu plus le paysage, faisant disparaitre les lueurs de la rue au loin.

A l'étage, un cri le tira de ses pensées nuageuses. Le travail venait de commencer. Il n'avait plus le choix. Jadis il avait fait un très mauvais choix, le pire de tous. Il était temps d'arrêter les frais au moins pour ce petit être innocent qui n'avait rien demandé. Une naissance, surtout celle d'un premier enfant doit être un symbole de joie et d'espérance dans une famille. Ici, c'était tout sauf ça.

Le médicomage apparut dans la cheminée. Il savait qu'il pouvait lui faire confiance, il l'avait payé assez cher pour obtenir sa totale coopération et sa parfaite soumission. Pour la suite il avait encore tout prévu de toute façon.

-Venez, suivez-moi.

L'homme de l'art le suivit dans un couloir richement décoré de boiseries et de tableaux paysagés.

-Vous avez fait ôter les tableaux?

-Occupez-vous de faire votre travail, le reste ne vous regarde pas, répondit-il sèchement en précédant l'homme dans une chambre tendue de soie perle et éclairée de centaines de bougies qui flottaient librement dans l'air.

Là aussi tous les tableaux avaient disparu sauf un seul, celui d'un homme au maintien fier habillé comme au XVIIème siècle, coiffé d'une perruque à la hurluberlu et tenant une canne à pommeau d'or dans sa main droite parée de nombreuses bagues. Il ne voulait pas de témoins sauf ceux dont il pouvait être totalement sûr. L'homme du tableau en faisait parti. Son aïeul, à il ne savait plus quelle génération, ne pouvait que le soutenir d'empêcher la destruction de l'espoir de sa lignée.

Sur le lit, dans des draps de soie, une femme se tordait dans les douleurs de l'enfantement. Plus tôt dans la journée, elle s'était fait une fierté toute personnelle de ne rien ressentir du tout, de surmonter une douleur indigne d'elle mais là elle ne pouvait plus, ça durait depuis des heures.

Le médicomage sortit sa baguette et d'un geste précis balaya le ventre de la future mère.

-Vous avez bien fait de me prévenir, c'est pour maintenant. Allons Madame, détendez-vous, respirez calmement, continua l'homme en ouvrant sa mallette pour en extraire une fiole d'un liquide visqueux et violet.

-Non! Je veux être consciente! Empêche-le de me faire ça!

- Du calme, tu ne voudrais pas nuire à l'enfant n'est-ce pas, répondit-il à son épouse.

-D'acc... accord, accepta-t-elle, vaincue en avalant la potion au goût prononcé de mûre sauvage.

Sa tête retomba presque instantanément sur l'oreiller brodé.

-C'est à vous, dépêchez-vous, elle ne restera pas inconsciente longtemps.

Le médicomage repoussa les draps poisseux puis releva la robe de la femme allongée dans le lit. Il se prépara à la césarienne. Le futur père était sorti.

Au premier vagissement, il revint, inquiet de la suite des évènements.

Posé sur les draps un enfant nu gigotait et pleurait. L'accoucheur qui venait de couper le cordon ombilical conseilla au père d'au moins le nettoyer et le nourrir avant de faire ce qu'il avait à faire. Il se fit rabrouer de belle manière. Le père sortit en emportant l'enfant encore couvert des résidus de sa venue au monde hurlant à pleins poumons. Il n'eut même pas un regard pour son épouse.

Dans la salle à manger trainaient les reliefs du déjeuner, des assiettes sales, des couverts en argent, des restes de viandes, de salade et de vin. Son regard resta un instant rivé sur un couteau. La pointe acérée baignait dans de la sauce brune figée. Aussi épaisse que du sang. Il laissa son cerveau jouer un instant une partition beaucoup plus simple et expéditive que son plan tortueux. La mort est bien la meilleure des évasions, non? Son regard se posa sur l'enfant. Puis il s'empara d'une des très grande serviettes anciennes encore propres, posées en pile dans un coin de la desserte et entoura le bébé. Il ne pouvait partir lui-même, alors il s'accorda quelques derniers et uniques instants avec son enfant.

-J'espère que la vie te sera douce et que tu grandiras dans la paix loin de moi, loin de nous, nous ne nous reverrons certainement jamais, adieu chair de ma chair, sang de mon sang, orgueil de ma race. Adieu mon petit amour, termina-t-il en embrassant le front minuscule.

Des pas l'arrêtèrent dans son monologue. Il se tourna vers le salon plongé dans l'obscurité.

-Tu es réveillé? Je me demande bien comment tu peux dormir dans un tel moment?

-Je ne suis pas le père, moi.

-Tu sais ce que tu as à faire?

-Oui, j'y vais. Donne!

Il mit avec une extrême délicatesse son enfant chéri dans les bras de l'autre.

L'homme regarda son enfant s'éloigner pour toujours dans d'autres bras que les siens. Il respira profondément et reprit le chemin de la chambre de son épouse. Le médicomage avait bien fait les choses. Tout était en ordre, les draps étaient propres et frais, l'atmosphère avait été assainie, toutes les traces avaient disparu. Un petit cadavre tout bleu et glacé, volé il ne savait trop où, était déposé dans les langes richement brodés au fond du berceau enrobé d'organdi. Sa femme se réveilla. Instinctivement ses yeux cherchèrent l'enfant qui n'était plus en elle.

-Mon fils, donne-moi mon fils... C'est un fils n'est-ce pas? Commença-t-elle en tendant les bras vers le berceau. Pourquoi il ne pleure pas?

-Je suis désolé ma chérie, tellement désolé, murmura-t-il en la prenant contre lui, son souffle dans ses cheveux sombres.

-Non... non...

Elle hurla, le griffa, des objets explosèrent sous la force de sa magie enragée puis les calmants aidant elle s'écroula dans une inconscience peuplée de monstres et de sang.

A un transplannage de là, un homme qui ressemblait beaucoup au père de famille entra dans une gargote bien peu recommandable. A cette heure tardive de la nuit, il n'y avait plus personne et l'établissement aurait du être fermé depuis belle lurette.

-Ah vous voilà, il vous attend là-haut, l'apostropha le barman sale et puant en lui désignant la porte sur la gauche au fond de la salle.

L'homme monta les escaliers. Les marches vermoulues craquèrent sous ses pas. Une demi-heure plus tard, elles craquèrent encore une fois, quand il redescendit seul. Le barman n'était plus là, les lumières étaient éteintes, il claqua la porte en sortant.

Quand il revint à la maison, le médicomage était dans le salon. Il rédigeait d'un même jet un extrait de naissance et un certificat de décès. Selon les papiers, l'enfant n'avait pas vécu plus cinq minutes et c'était très bien comme ça. Il tendit les papiers au père de l'enfant dont il venait de certifier la mort qui le mena vers la cheminée. Au moment où il entrait dans le foyer, il reçut le sort en plein dans le dos et s'écroula de tout son long sur le parquet.

-Stupefix!

Il retourna le médicomage et pointa sa baguette sur lui.

-Impero! Tu as passé toute ta soirée à ton cabinet pour classer de la paperasse, tu n'as eu aucun client, tu n'as vu personne. Tu étais fatigué, tu n'as pas vu l'heure passer, tu t'es endormi sur tes dossiers. Maintenant tu te réveilles et tu rentres chez toi!

L'accoucheur se leva comme un automate et quitta la pièce par le foyer éteint.

-Tu aurais mieux fait de le tuer, l'interrompit l'homme qui avait emporté l'enfant en entrant dans la pièce.

-Très intelligent! On enquête sur des morts ou des disparus, surtout en ce moment. Pas de mort, pas d'enquête!

-En effet. Comment va-t-elle?

-Mal mais ça lui passera.

-Si tu le penses, tant mieux pour toi. Et toi?

-Je vais très bien et surtout n'oublie pas la marque que tu portes, celle que je t'ai faite. Si tu parles...

-Je meurs.

-Parfait, nous nous comprenons. Tout c'est bien passé?

-Oui.

-Alors l'affaire est close.

Ils restèrent silencieux. Dehors la neige tombait de plus en plus fort illuminant la nuit d'encre. La neige tombait vraiment tôt cette année.

Loin de là, un vieil homme à longue barbe blanche discutait avec une femme dans une pièce remplies de livres et de bibelots étranges. Il y flottait une entêtante odeur de sucre, de caramel. Dans un coin, dans un berceau de fortune fait d'une caisse de livres vidée, le bébé enfin nettoyé, changé et repus, dormait calmement dans des fourrures.

-Dans neuf mois et un jour, cet enfant sortira de la bulle de temps où nous allons le placer et vous vous occuperez de son adoption. Laissez passer encore un bon mois avant de le déposer au service des adoptions, cela paraitra plus normal. Dans les dossiers de demande, trouvez une famille de moldus sans aucun sorcier ou même cracmol dans la parentèle, suis-je bien clair?

-Vous êtes limpide Albus, mais pourquoi ne pas le faire adopter tout de suite et à l'étranger? Et puis quel intérêt à part sauver cet enfant?

-Les registres, Minerva, les registres... On ne peut rien faire contre leur logique mathématique. Ce bébé doit disparaitre comme cela est inscrit sur les registres. Sinon elle fera, ils feront, tout pour le retrouver. Pour le reste l'espoir fait vivre, il a fait un pas vers nous.

-Evidemment, répondit sa compagne en rajustant ses lunettes.

Elle pensait hélas avec raison qu'il n'y aurait jamais de second pas.

A Suivre...