Chapitre 1 : « L'automne est un andante mélancolique et gracieux qui prépare admirablement le solennel adagio de l'hiver. » - Georges Sand

La caresse de sa main contre sa cuisse était longue, agréable, sensuelle. La jeune femme ne put s'empêcher de frissonner face au contact de sa peau contre celle de Rayan. Il approfondit son baiser, dur, sauvage, tandis qu'elle ne put s'empêcher de répondre à sa provocation qu'en lui mordillant la lèvre inférieure.

Le jeune professeur remonta sa main presque trop lentement sur elle, mais cela n'eût que pour effet de faire durer le plaisir. Brusquement, il passa ses doigts derrière la nuque de sa partenaire alors que l'autre main jouait entre sa clavicule et son sein. Dieu qu'elle était belle ! Dieu qu'il la voulait sienne !

Mais Adagio, espiègle, prit Rayan à son propre jeu en le poussant vers le lit, elle à califourchon sur lui. Son corps à rat du sien, elle laissait libre cours à la passion qui la prenait.

Ce soir, seuls eux seraient les maîtres de la nuit. Et ils savaient que l'heure n'était pas celle de dormir.


Adagio Renoir s'était levée ce matin dans un nouvel appartement, une nouvelle ville, une nouvelle vie.

Son père, fraîchement muté dans une ville beaucoup trop loin pour qu'elle se permette de ne pas le suivre, l'avait emmené avec lui sans vraiment lui demander son avis. Elle avait donc passé quatre ans ailleurs. Loin de tous. À présent, plus rien n'était pareil. La ville avait complètement changé. Ce n'était plus Amoris City tel qu'elle l'avait connu. C'était juste un tas d'immeuble.

La jeune femme avait quitté ses amis, celui qu'elle aimait pour aller ailleurs… Et le pire, c'était que malgré les promesses de se revoir régulièrement et de rester en contact, la distance et le prix des billets de trains avaient eu raison d'eux. Ou plutôt d'elle.

C'est ainsi qu'après quatre ans de séparation, Adagio était revenue dans la ville de ses souvenirs pour terminer ses études une bonne fois pour toute. Ou du moins sa dernière année de fac. Un doctorat d'histoire de l'art était plutôt envisageable. Elle en avait même très envie.

L'Anteros Academy, encore un nom de fillette pensa la jeune femme, était devenu l'Université où achèvera tout. Le tout pour le tout.

C'est ainsi, que dans un dernier soupir, qu'elle releva ses cheveux teints dans une queue de cheval, enfila sa veste en cuir et quitta son domicile. Elle serait une nouvelle personne.

Terminé la petite lycéenne niaise et totalement dénuée de répondant. Elle avait changé et elle ne s'en cacherait pas.

Elle ne serait plus la petite Adagio craintive et chétive.

Physiquement parlant, elle n'était déjà plus la même. Adagio avait troqué ses cheveux brun contre une teinture bleue qui couvrait les extrémités de ses cheveux durant tout le temps de ses quatre premières années de facultés. Néanmoins, ses cheveux étant beaucoup trop long et ne voulant pas dépenser une fortune à couvrir toute sa tête, elle ne retenta pas l'expérience.

Cependant, elle avait gardé ses bas résilles, ses Doc Martens et ses vestes excentriques. Si ce n'est dire la veste en cuir qui allait de pair avec sa moto. Moto qui n'était pas encore arrivée à Amoris City, son déménagement étant trop proche.

L'Université n'était pas très loin de là où elle vivait. C'était un assez bon compromis, ça lui permettait d'étudier sereinement à son domicile sans prendre de chambre d'étudiante. Une colocation inutile qu'elle n'aurait pas à faire. De plus, son cursus d'arts appliqués effectué durant ses premières années de faculté lui avait permis d'entrer directement en master d'Histoire de l'Art, sans passer par les premières années du cursus. Aucune perte de temps inutile, tel qu'elle aimait procéder.

C'est comme cela qu'elle trouva un tableau avec les directives à suivre, juste à l'entrée du campus. Elle pensait que les formalités seraient minimes après le gros dossier qu'elle avait dû envoyer à l'établissement.

Quel doux euphémisme.

Elle vit ainsi que l'inscription aux cours qu'elle souhaitait devait se faire avec leurs professeurs respectifs et que sa carte d'étudiante devait être récupérée auprès du responsable adéquat dans la journée, sans quoi cela pourrait devenir compliqué de valider son dossier.

La jeune femme soupira. Pourquoi l'administration de ce genre d'établissement était toujours compliquée malgré la fournée de papier que chaque élève s'évertuait à remplir avant inscription ?

-« …Adagio ? Adagio Renoir ? C'est toi ? »

La voix, cette voix lui était familière.

-« Rosalya ? »

-« Oh mon Dieu, tu es revenue ! Tu m'as trop manquée ma chérie ! »

La tornade blanche qui avait eu l'habitude de tout balayer sur son passage durant ses années lycée s'était littéralement jetée sur elle, l'enlaçant de toutes ses forces.

-« Toi aussi tu m'as manqué Rosalya. » Répondit la jeune femme en lui tapotant gentiment le dos.

-« Alors, qu'est-ce que tu deviens ? » Souffla-t-elle ?

-« Cinquième année de psycho, et toi ? »

-« Cinquième année d'histoire de l'art. »

-« C'est vrai que tu t'entendais bien avec Pierrick… » Répondit Rosalya, songeuse.

-« Ce n'est pas vraiment une question de connaître où ne pas connaitre. Car la culture trace des chemins droits ; mais les chemins tortueux sans profit sont ceux-là mêmes du génie.1 »

-« Hum… William Blake ? Un petit romantique hein ! »

-« Bravo, c'est le cas de le dire. » Fit Adagio, enjouée.

-« Tu t'es déjà inscrite ou pas encore ? »

-« Il me reste les inscriptions aux cours. »

-« Ah, la même pour moi. Ça te dit que l'on se retrouve au bar du campus pour fêter nos retrouvailles ? J'amènerai Alexy, comme ça on pourra reformer notre bon vieux groupe ! »

-« Oh oui, ce serait génial mais… je n'ai pas fini d'emménager… J'ai encore des colis à intercepter. »

Rosalya arqua un sourcil.

-« Ils doivent être sacrément gros tes colis pour paniquer à ce point. »

Adagio eut un rire nerveux.

-« Un peu qu'il est gros. Ma moto devrait arriver dans la soirée ou demain. Comme je vis seule, si je loupe le facteur mon bébé risque d'être réexpédié. »

-« Une moto ? Sérieusement ? »

-« En trois ans, il peut se passer beaucoup de chose. »

-« Effectivement, concéda Rosa.

-« Mais… Si tu veux, vous pouvez venir tous les deux chez moi ce soir ou demain ? Je serais ravie de vous accueillir. Par contre, c'est encore le bordel. »

-« Génial ! C'est toujours la même maison ou tu as pris un appart ? »

-« J'ai emménagé dans mon ancien loft, en effet. »

-« A ce soir alors ! Je dois y aller, j'ai des courses à faire ! »

A peine eut-elle le temps de lever la main que son amie du lycée était déjà partie.

-« Ah, sacrée Rosalya. »


C'est un attroupement, un peu plus loin qui attira son attention. Visiblement, tous les étudiants se rendaient dans une sorte d'amphithéâtre, situé au fond du bâtiment de l'entrée.

-« Un par un s'il vous plaît ! Roh, j'aurais mieux fait de prendre une semaine de plus en Italie moi ! » Murmura un homme, blond, à peine plus grand qu'elle le nez plongé dans ses papiers. Ce jeune homme devait être le fameux responsable que tout le monde devait chercher.

Adagio laissa les plus pressé passer devant elle. De toute façon, elle n'avait pas réellement envie de se faire remarquer dès le début en refusant de se laisser marcher sur les pieds. Quand son tour arriva, elle s'exprima même posément :

-« Bonjour, je souhaite récupérer ma carte d'étudiante s'il vous plaît. »

Mollement, le responsable lui donna une carte vierge qui lui demanda de remplir. Il ne lui accorda pas plus d'attention pour se diriger vers quelqu'un d'autre. Quelle impolitesse. Visiblement, cette année promettait.

La jeune femme sortit de l'amphithéâtre assez rapidement, mal à l'aise à cause du nombre impressionnant d'élève qui commençaient à investir la salle. Néanmoins, en rejoignant l'entrée, elle percuta un homme un peu plus grand qu'elle. Intérieurement, l'étudiante se mordit la langue d'être toujours plongée dans ses pensées.

-« Euh… Je suis désolée ! » S'excusa la jeune fille en baissant la tête. Lorsqu'elle la releva, elle vit l'homme prendre une expression étonné.

-« Ce n'est rien, vous venez pour un cours ? » Dit-il, gentiment.

C'était visiblement à elle que l'on parlait. L'homme, qu'elle venait juste de bousculer, était visiblement bien habillé et un peu plus âgé qu'elle. Sans doute un autre membre du personnel administratif. Quelle gourde. C'était une bonne manière de se faire remarquer un premier jour. Mais Adagio nota le charisme dont été doté le spécimen d'en face d'elle. Ses yeux étaient tout simplement… fascinants.

-« Art Moderne et contemporain. » Répondit-elle immédiatement. « Pour valider ma dernière année. » Ajouta la jeune femme.

-« Vous tombez bien, j'en suis le professeur, je suis Rayan Zaidi, le professeur de cette même matière, Mademoiselle… »

Elle s'apprêtait à lui donner son prénom mais une main attira le professeur hors de sa portée.

-"Rayan, venez, nous allons être en retard pour la réunion d'information !" Lâche une voix nasillarde bien trop connue aux yeux de la jeune femme.

-"Ah, oui, merci Melody." Lui répondit-il, gentiment.

Il se retourna vers son interlocutrice pour se rendre compte qu'elle n'était plus là. Seule une carte d'étudiante fraichement remplie brillait au sol.


Lorsqu'elle se retourna, elle fut soulagée de voir que personne de l'avait suivie. Melody… la déléguée de son ancien lycée. Elle n'avait jamais vraiment beaucoup eut d'affinité avec elle. Cette fille était beaucoup trop coincée pour son propre bien. Fallait-il, comme elle, faire passer le règlement avant les sentiments d'une personne ? Aucune idée, mais ce n'était pas ses valeurs à elle.

Adagio avait failli avoir de sérieux ennuis à cause de la jeune femme. Et ce n'est pas qu'elle était rancunière, mais elle avait arrêtée d'espérer pouvoir être amie avec la brunette. Et ces quatre ans d'absence lui avait permis de rayer son nom de la carte.

Secrètement, elle espérait qu'elle ne la reconnaîtrait pas.

La réunion d'information avait rapidement vidé le campus alors qu'elle n'était destinée qu'aux internes. Beaucoup de professeurs n'étaient déjà plus à disposition des élèves, ce qui laissa le champ libre à Adagio.

Alors elle s'asseyait sur un des bancs et entreprit de sortir son petit carnet à dessin. C'était un carnet en cuir noir d'un petit format A5, ce qui facilitait le transport sans être trop petit non plus. Et la chance étant de son côté, elle avait apporté son aquarelle ainsi que des pinceaux réservoir à eau qui lui permettait de ne pas trop s'encombrer. Du coup, elle dessina le paysage, les cerisiers encore en fleur…


-"Ouiiin !"

Les pleurs de cet enfant l'avaient attiré. Elle avait le choix entre terminer son dessin et accessoirement son inscription, la réunion étant sans doute terminée ou aider ce pauvre petit chou. Le choix se fit de lui-même. Hors de question de faire passer ses intérêts avant celui des autres. Surtout que la situation valait le coup d'œil.

-"Maman, je veux descendre !" Sanglota le petit.

Il était coincé dans un arbre, un peu en dehors de l'université, se retenant à une grosse branche, le dos face au sol et risquait la chute. La mère était en bas, la poussette contenant le probable petit frère à la main. Il était évident qu'elle était tiraillée entre laisser le plus jeune seul ou sauver l'autre.

Adagio ne se posa pas plus de question qu'elle monta dans l'arbre. Il n'était pas très haut mais il était évident que tomber d'une hauteur pareil ne serait pas très agréable. Encore moins pour un môme.

-"Eh ! Attrape ma main !" Lança la brunette au garçon.

Toujours les larmes aux yeux il essaya de bouger avant de répliquer qu'il ne pouvait pas, se rattachant encore plus à la branche qui soutenait son poids.

L'étudiante serra les dents avant d'attraper la grosse branche la plus proche pour se hisser dessus, espérant qu'elle ne cèderait pas. Agilement, elle atteignit la branche ou se trouvait le garçon et l'attrapa par les hanches. Il n'était pas aussi léger qu'elle l'avait pensé.

Elle ramena sa prise contre elle et commença petit à petit à descendre. Lorsque les branches devinrent brindilles, elle prit le parti de laisser le garçon sur une branche plus bas qui lui permettait, normalement, de redescendre sans encombre.

Lorsqu'elle fut assurée qu'il avait atteint le sol, elle tenta de rejoindre la terre ferme à son tour jusqu'à qu'elle fut arrêtée, ou plutôt interrompu par le craquement de la branche qui soutenait son poids. La chute était imminente.

-"Un oiseau…"

Telles étaient les paroles de Rayan Zaidi lorsque la jeune femme était tombé de l'arbre sur lui. Avait-il été subjugué par celle qui serait sans doute son étudiante ? Sans doute.

C'est un oiseau. Un magnifique oiseau.

Quant à elle, elle fut surprise de ne pas être tombée plus bas. Sa chute ne fut pas violente. Peut-être brutale mais aucunement violente. Voir l'homme rencontré plus tôt l'avait un étonnée mais seule la gratitude et la reconnaissance étaient visibles dans son regard.

-"Oh ! Je suis… vraiment désolée !"

Ce n'est qu'après qu'Adagio se rendit compte être toujours affalée sur ce professeur, elle se retira de suite avant de lui tendre la main pour l'aider à faire de même.

-« Ce n'est rien. » Répondit-il, songeur. « L'âme a des illusions comme l'oiseau a des ailes ; c'est ce qui la soutient.2 »

La phrase, à peine murmurée, était une phrase qu'Adagio avait déjà lue quelque part, elle en était certaine.

-« Victor Hugo ? » souffla-t-elle, interrogative.

Rayan reprit cet air étonné avant d'esquisser un petit sourire.

-« C'est cela. »

-« Puis-je me permettre de vous demander pourquoi une citation sur l'âme ? » Fit-elle, curieuse.

Mais c'est le moment que choisi la mère de l'enfant pour rejoindre le duo.

-« Oh merci mademoiselle ! Mon chérie… je ne sais pas ce que je serai devenue sans lui ! »

Elle avait presque les larmes aux yeux.

-« Merci mada-moiselle. » Fit le petit anciennement coincé dans l'arbre. Il baissait la tête, honteux.

-« Ce n'est rien ! » Répondit Adagio en agitant des mains. « Ne vous inquiétez pas ! Toi, petit, essaie de ne plus inquiéter ta maman, tu me promets ? »

-« Oui ! » Cria-t-il, avec un grand sourire, sourire qu'Adagio lui rendait.

Et la mère et le petit s'éloignèrent alors que la jeune femme leur faisait toujours coucou jusqu'à qu'ils s'échappent de leur champ de vision.

-« Oh non ! »

Et c'est avec effroi qu'Adagio se rendit compte l'heure.

-« Que se passe-t-il ? » Fit le professeur Zaidi, amusée par cette prise de conscience soudaine.

-« Les inscriptions au cours moderne et contemporain… J'ai complètement oubliée ! » Répondit-elle, dépitée.


(1)Le mariage du Ciel et de l'Enfer (1793), Les Proverbes de l'Enfer de William Blake

C'est un peintre rattaché au Symbolisme et au Romantique (XVIII-XIXeme siècle), à ne pas confondre avec le romantique issu de la croyance commune qui est rattaché à l'amour. En littérature et en art, le Romantique est un mouvement qui symbolise la grandeur, l'expression de la nature et des sentiments face à la petitesse de l'homme. Le Voyageur de Caspar David Friedrich en est une bonne illustration.
(2) Citation de Victor Hugo
Papa du Drame Romantique Pour ceux qui, comme moi passent le bac de français cette année, le Drame Romantique est un genre théâtrale en rupture avec la Tragédie et la Comédie classique mêlant différents genres et tons. C'est la rupture avec les anciennes règles du théâtre (trois unités, vraisemblance, bienséance) qui permet de jouer sur plusieurs époques, plusieurs lieux et de diviser les intrigues.

Voilà voilà ! J'espère que vous avez apprécié ce premier chapitre, ce n'est pas mon préféré mais il est indispensable pour la suite.
Ce n'est peut-être pas le bon endroit pour le dire, mais cette fiction ne comportera que neuf chapitres, voir un dixième pour un épilogue. Trois chapitres dont celui-ci sont déjà terminés et j'ai des extraits par-ci par là d'écrit. J'aurait bien aimé avancer plus avant de poster, mais avec les révisions du bac c'est plus compliqués... Et comme je travaille durant l'été et ai quelques stages, je n'aurai pas beaucoup de temps pour tout mettre en ligne.

Du coup, vous verrez que j'insère beaucoup de citations de grands auteurs ou d'artistes. Je me comprends quand moi j'écris, mais cela peut vite devenir technique par moment et j'avoue que j'ai très peur de perdre des gens comme ça... N'hésitez pas à me donner votre avis sur ce premier chapitre, je reviendrai bientôt vers vous pour le second chapitre : )

A bientôt !
PS : Je travaille également sur des illustrations pour alimenter le récit, il est probable que les textes soient édité au fur et à mesure de ma progression !
Merci à Ydriana sur AS pour ses corrections