Blabla : Hey hey ! Bon, cette fois je vais me taire, et vous laisser découvrir en paix cette nouvelle fiction, toujours sur mon couple préféré, cela va sans dire. La véritable histoire ne commence qu'au chapitre 3, mais il faut le temps d'introduire un peu tout, non ?


La première impression est la plus marquante


Maison d'Alice, 7 Septembre

Alice soupira. C'était la quatrième fois cette semaine qu'elle devait passer le balai parce que son salon était envahi de poussière de terre et d'épines de pins. Un des inconvénients à vivre dans une forêt, et qui plus est dans cette région du royaume. Enfin...il n'y avait presque que ça, des inconvénients. Elle regarda encore une fois le jeune homme étendu sur le canapé. Qui avait bien pu le mettre dans cet état ? Qui, ou quoi... Il avait la commissure des lèvres en sang, l'arcade sourcilière fendue, l'épaule visiblement pas à la bonne placent le torse ensanglanté et était inconscient. Sur SON canapé. Elle tordit la bouche, se demandant si elle devait lui jeter un seau d'eau sur la tête pour qu'il se réveille ou non. Mais il avait l'air si paisible, comme ça... En plus, en se réveillant, peut-être qu'il se rendrait compte de la douleur qu'il paraissait ignorer pour le moment. Elle haussa les épaules.

Alice n'aimait pas les gens. Enfin, elle ne les aimait plus. Elle vivait recluse dans une maisonnette qui tenait plus de la cabane, perdue à vingt kilomètres du premier village, enfoncée dans la forêt de pins du coin. Elle aimait être seule, cette forêt était l'endroit idéal. Si ce n'était que les animaux, plus ou moins inoffensifs, aimaient barbouiller le plancher de terre et les épines des grands conifères semblaient se donner rendez-vous sur le sol du salon.

Tout était plus compliqué, dans la forêt. Alice refusait de tuer un animal; et manger des pommes de pins, c'était bon pour les cochons, pas pour elle. Alors elle devait quand même aller acheter de quoi se nourrir. Pour s'habiller, elle se contentait de son corset et de quatre ou cinq robe à la couleur plus ou moins indéfinie, depuis le temps. Ce n'était pas comme si elle comptait charmer qui que ce soit. Elle voulait juste de quoi ne pas avoir froid et se promener dehors. Elle était peut-être étrange, mais sûrement pas du genre à se promener nue dans la forêt, dans un village ou même chez elle.

Non, elle n'aimait décidément pas les gens et sa vie d'ermite lui convenait parfaitement. Pourquoi, mais pourquoi fallait-il qu'elle est ramené ce type chez elle ? Si ça se trouvait, c'était un psychopathe, tueur en série et sadique qui la tuerait dès qu'il se réveillerait. Bon. Si c'était le cas, il n'avait pas vraiment la tête de l'emploi. Des boucles blondes, un visage plutôt harmonieux bien que sanglant. Non, il avait l'air d'un parfait gentleman. Richissime. Peut-être le fils à Papa. Snob. Prétentieux. Enfin, elle n'en savait rien, mais elle n'y pouvait rien : elle cherchait toujours des défauts aux gens.

L'homme blond, qui ne devait avoir guère plus que vingt ans, remua dans son sommeil, si bien qu'il se cogna sur l'accoudoir du canapé, ce qui le réveilla brusquement. Il voulu alors se redresser, complètement perdu, et fini par tomber par terre, emmêlé dans le drap qu'Alice avait jeté sur lui pour qu'il n'ait pas trop froid.
Oui, Alice n'aimait pas les gens, mais elle détestait voir certaines personnes souffrir. Quand elle avait trouvé celle-là, à quelques mètres de chez elle, marchant de travers et crachant du sang avant de s'évanouir, elle n'avait pas pu l'abandonner à son sort. En plus, ses blessures auraient pu être graves. Et puis, il avait l'air gentil. Une tête d'ange.

- Eeeh, faîtes un peu attention !

Alice avait déjà vécu en société, elle savait parfaitement que les femmes devaient respect et obéissance aux hommes. Mais elle, ne respectait qu'elle-même, et encore, pas toujours.

- Mais...mais...mais...

Elle se retint de sommer l'inconnu d'arrêter d'imiter la chèvre, et lui tendit une main pour l'aider à se relever.

Il la prit, s'assit sur le canapé et sembla d'un coup être ramené sur Terre.

Il ne dit rien, pas merci, pas pardon, ne demanda pas qui elle était ou ce qu'il fichait ici, mais il lui lança un regard expressif. Très expressif. Un du genre à vous glacer le sang, à vous tuer sur place. Un regard particulièrement méchant qui n'allait pas du tout avec le visage angélique de l'individu.

- Eh, me r'gardez pas comme si c'était moi qui vous avait mis dans cet état là ! J'ai fait que vous ramener ici pour pas qu'vous vous fassiez bouffer par les loups. Et faites gaffe, votre épaule est démise ou cassée. 'fin, j'crois, ch'us pas méd'cin après tout.

Elle lui tourna le dos et continua à débarrasser la pièce des épines envahisseuses de salon. Elle en était presque sûre maintenant : les épines étaient dotées d'une sorte d'intelligence bizarre et d'un esprit de conquête incroyable. Elle allaient finir par prendre possession du monde ! Enfin, peut-être pas. La solitude lui faisait défaut : elle pensait de plus en plus à des choses insensées. Mais si c'était pour vivre aux côtés de personnes comme ce type, à qui elle avait presque sauvé la vie et qui la remerciait d'un regard aussi chaleureux qu'un iceberg, la solitude était quelque chose d'apaisant, de reposant, de calme. De vachement chouette. Elle donna un dernier coup de balai et mis les épines à la porte. Elle n'avaient qu'à demander avant de s'inviter chez elle de la sorte !

- Merci.

- Hein ?

Elle ne s'attendait pas à cela de la part du rustre qui occupait son salon. Ben oui, il l'avait assassinée du regard pas plus tard qu'il y a une minute. Et elle pouvait s'étonner, Dieu savait qu'il n'était pas du genre à remercier qui que ce soit. Enfin, Alice n'était pas Dieu, donc elle ne le savait pas, même si leur premier dialogue, enfin échange, lui avait permis d'entrevoir la personnalité du blessé.

- Vous m'avez emmené ici pour m'aider, donc merci.

- Ah. Bah, c'est pas grand chose.

Voyant que l'amabilité de son hôte avoisinait le négatif, il soupira. D'accord, il n'était pas un modèle de bienveillance et d'amabilité. Mais si elle ne voulait pas de lui dans sa maison, il aurait fallu le laisser dans les bois !

- Je ne vais pas vous déranger plus longtemps.

- Hep hep hep, vous restez là ! Si vous bougez trop votre ventre va r'saigner et vous allez foutre en l'air mon canapé !

Il regarda son ventre et souleva sa chemise, révélant non seulement une musculature impressionnante et plus que parfaite, mais surtout une plaie rougeâtre et mal fermée.

- D'ailleurs, je ne vous laisserai pas partir tant que vous ne serez pas rétabli. Si c'est pour que vous mourriez dans quelques heures, ce n'était pas la peine que je vous traine jusque ici.

Et vu la taille de la jeune fille, c'était un exploit. Le blond la dépassait d'une trentaine de centimètres et devait peser plus du double de son poids. Elle avait dû user de toute sa force et de toute sa bonne volonté - surtout de sa force parce qu'elle n'avait jamais aucune bonne volonté - pour l'amener jusque chez elle sans l'achever. Le trainer par un bras avait été tentant, mais il aurait été couvert de terre, de brindilles et de feuilles et cela aurait encore plus abimé le pauvre sofa.

- Mais on m'attend ailleurs !

- Bah. Si vous étiez mort, ils n'auraient pas fini de vous attendre. Comme on dit, il vaut mieux arriver en retard que pas du tout.

Elle ne savait pas trop qui était ce on, ni si cela se disait vraiment, mais elle n'était pas à ça près.

Elle avait conscience qu'elle était injustement désagréable, mais elle détestait vraiment les gens. Alors pourquoi avait-elle amené ce type chez elle ? Elle même n'en savais rien. Une intuition peut-être. Mais à propos de quoi ? C'était le bordel dans sa tête, ce qui la mettait d'encore plus mauvaise humeur. Mais elle décida de faire un geste.

- Vous avez faim, soif, ou quelque chose ?

Il avait compris qu'il était inutile d'essayer de négocier avec ce petit bout de femme. Il n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, ah ça non, mais il trouvait la jeune femme amusante. Ce qui n'était pas normal. Même très bizarre. Il n'était pas du genre à apprécier qui que ce soit. En fait, les gens l'énervaient.

Il fronça les sourcils.

- Non.

Il se résigna à passer encore quelques jours ici. Tout ça parce qu'il avait été inattentif et qu'il avait refusé qu'on l'accompagne. Il n'en faisait toujours rien qu'à sa tête. Et ça ne changerait jamais, quoiqu'il advienne.

- Dans ce cas, enlevez votre veste et votre chemise, il faut panser votre blessure et vous laver, sinon vous allez pourrir ma maison.

Elle était gonflée la minette quand même ! Ce n'était pas de sa faute s'il saignait tout de même. Certains avaient fini par manger les pissenlits par la racine pour moins que ça. Mais il ferait un effort. Il était bloqué ici. Pas parce qu'une lutine d'un mètre cinquante pour trente cinq kilos l'en empêchait, mais parce que vu le paysage extérieur, il était perdu dans une forêt, sans chemin pour le guider et que de toute façon, il ne savait même pas s'il pouvait tenir debout. Il était fatigué et il avait mal. Partout.

La gamine, c'était forcément une gamine pour lui, revint, avec son air pincé et agacé. Ça ne collait pas du tout avec l'image qu'elle donnait. Elle était toute petite, et avait l'air toute mignonne et totalement inoffensive. Mais elle semblait agressive et misanthrope au possible. Un chien de garde, voilà, c'était à ça qu'elle ressemblait. Il enleva tout de même sa chemise et laissa le molosse -joli surnom, non ?- s'occuper de sa blessure.

Pas étonnant qu'elle vive isolée avec ce caractère de cochon ! Lui aussi avait sale caractère, mais il était toujours entouré, à son grand malheur, par des gens qui lui ciraient les bottes à longueur de journée.

- J'insinue pas que vous sentez mauvais ou quoiqu'ce soit, hein, mais faut qu'vous alliez vous rincer.

Il soupira. Finalement elle était agaçante. S'il n'avait pas eu besoin d'elle, elle aurait finie empalée sur un arbre.

Alice l'emmena dans la salle de bain. C'était une très petite pièce au milieu de laquelle se trouvait une sorte de bassine en bois. Le jeune homme la regarda d'un air perdu, qui ne lui était pas propre. Il était toujours sûr de lui, ça oui. Il avait une assurance incroyable, et totalement justifiée. Il était doué partout, réussissait tout ce qu'il entreprenait et en général comprenait tout assez rapidement. Mais qu'est-ce que cette fille voulait-elle qu'il fasse avec ce truc ?

- Bah quoi, z'avez jamais vu une baignoire ?
Ah. C'était la baignoire. Lui qui était habitué à une salle de bain aussi grande que la maison de la jeune fille et à une baignoire dans laquelle il pouvait entrer plus qu'un pied et demi, il était embêté. Quoique, en y réfléchissant bien, la gamine-chien-de-garde-misanthroppe-et-insupportable-pas-plus-grande-qu'un-lutin devait entrer dedans facilement. D'où le nom baignoire qu'elle lui donnait.

- Bon... euh... bah, vous resterez debout dedans, hein. Z'avez pas vraiment le choix. J'vais vous chercher de quoi vous sécher. Déshabillez vous. Euh, non, attendez que je revienne.

Elle revint, lui tendit une serviette qui était minuscule, regarda l'inconnu, réfléchit, ressortit, revint avec une serviette plus grande mais toujours trop petite, ressortit, revint avec trois serviettes qu'elle lui fourra dans les bras et lui fit un sourire moqueur en coin.

- Vous avez aussi besoin de moi pour vous laver ou vous pouvez vous débrouiller tout seul ?

Il lui répondit par un regard en biais et se dévêtit en grommelant une fois qu'elle fut sortie. Il entra dans la baignoire en râlant. Elle se prenait pour qui, la lutine ? Il était tout à fait capable de se laver seul !

Il prit l'éponge qui était, elle aussi, minuscule et voulu se la passer dans le dos. Le problème, c'est qu'il n'y arrivait pas avec son bras droit, ne vous demandez pas pourquoi. Il avait toujours eu un problème avec son bras droit. Disons que la souplesse n'était pas son plus grand atout. Il grogna encore et prit l'éponge avec sa main gauche et réessaya de se la passer dans le dos avant de grimacer de douleur, serrant les dents et lâchant l'objet. Ca faisait un mal de chien ! Son épaule devait bel et bien être démise. Et meeeeerde. Finalement, il n'était pas foutu de se laver seul. Il soupira. Et dire qu'il faisait des efforts de bonne foi - si, si, ce n'était peut-être pas évident, mais il était particulièrement agréable en ce moment.

Il râla, s'assit comme il pu dans la baignoire, se demanda s'il pourrait en sortir ou si elle resterait coincée autour de lui pour toujours et serra son bras droit autour de ses genoux en râlant encore. Il avait l'impression d'être ce géant, là, dans le monde des Liliputiens. Enfin, non, le géant n'en était pas vraiment un. C'étaient les autres qui étaient petits. Un peu comme dans le cas présent : il était certes grand, mais cette fille était anormalement petite. Et puis, quel âge avait-elle pour vivre seule comme ça ? Ou ses parents reviendraient plus tard ? Elle ne leur demandait pas l'autorisation avant d'amener un inconnu chez eux ? En faisait-elle toujours autant à sa tête ? Pourquoi était-elle aussi têtue ? Dans quel monde vivait-elle pour s'adresser à lui de cette manière ? Décidément, cette fille l'intriguait.

Alice finit par frapper par la porte.

- Alors, vous vous en sortez ou vous vous êtes noyé ?

- J'y arrive pas.

Alice se mordit les lèvres, retenant un petit sourire.

- Sérieusement ?

- 'pas la peine de vous moquer. Je n'y arrive pas, c'est tout.

- Je peux entrer ?

Elle n'attendit pas la réponse et poussa la porte. Heureusement, il était assit et elle ne mourrait donc pas de gêne. Elle était très impulsive et n'avait pas vraiment pensé à ça avant d'entrer dans la pièce. Enfin, de toute façon il était dos à elle, elle aurait eu le temps de partir en courant s'il n'avait pas été assis. Elle vivait toute seule et isolée, et n'avait pas vraiment eu le temps de se familiariser avec la gente masculine. Et dans sa tête, elle était toujours un gamine qui rougissait quand on parlait de la principale différence physique fille/garçon. Elle savait que c'était stupide, mais elle n'était pas supposée surmonter cette gêne. Elle secoua la tête et se reconcentra sur l'homme dans sa baignoire. C'était étrange, pensé comme ça.

- Alors, qu'est-ce qui vous pose problème ?

Il tourna la tête et vit qu'elle était vraiment venue.

- Eeeeeh !

- Oh, 'faites pas votre gêné. C'pas comme si vous aviez vraiment quelque chose à cacher.

S'il y avait eu assez de place et assez d'eau, il aurait plongé la tête de cette fille dans l'eau et l'aurait noyée.

Il se retint de lui faire remarquer et soupira encore. Vraiment, il se ramollissait.

- C'est mon dos.

- Oh, c'est vrai, votre épaule. Mais...vous avez deux bras, non ?

- 'posez pas de question.

Il avait honte de ne "pas savoir se servir" de son bras droit.

- Bon, et alors ? Vous comptez rester planté ici jusqu'à ce que toute l'eau s'évapore ?

Il retourna la tête, lui tournant complètement le dos, et la posa sur ses genoux.

- Ouais.

Il était vraiment à l'étroit, et en plus il commençait à avoir froid.

Alice rit doucement et s'empara de l'éponge qui était restée sur le sol. Elle avait un joli rire, comme des petites clochettes qui tintaient.

- Je vais vous le laver votre dos, moi. Ce n'est pas un problème.

Elle semblait de meilleure humeur. Pire ! Elle affichait un petit sourire. Il frissonna quand il sentit l'eau plutôt fraîche couler dans son dos. Sérieusement, cette fille était en train de le laver. C'était plutôt bizarre comme situation. Il en fit abstraction et, trop fatigué, il finit par se rendormir.

Alice ne savait pas quoi faire. Si elle le laissait là, il allait congeler. Et elle ne pouvait pas le sortir, il était trop lourd. Puis il n'avait pas de vêtements, surtout. Elle repensa au seau d'eau fraîche mais c'était méchant. Comme si elle se souciait d'être méchante. Non, puis surtout si elle se souciait du fait qu'il soit congelé, lui balancé de l'eau glaciale dessus n'était pas un bon plan. Si elle voulait l'achever, autant le laisser dans l'eau du bain. C'était horrible, elle n'avait pas envie d'être méchante. Rah, mais qu'est-ce qu'il lui prenait ?

Elle lui balança les serviettes sur la tête et se dirigea vers la porte. Il rouvrit péniblement les yeux.

- A moins que vous n'ayez besoin de mon aide pour vous sécher, je m'en vais.

- Vous plaisantez mais je vais faire comment moi ?

Ça le désespérait. Il ne pouvait donc rien faire seul ? S'il n'avait pas pu se laver le dos, il ne pourrait pas se sécher non plus.

En plus elle devait le sécher ? Ça en devenait gênant. Non, il se débrouillerait. Lui pensait pareil, de toute manière.

- Bah. Je vais m'en sortir.

- Hm, d'accord. Vous n'avez rien contre les patates ?

- Ben, euh, non.

Par patates, elle voulait dire pommes-de-terre ? Il en avait très rarement mangé, en réalité.

- Parfait. Prenez votre temps.

Comme s'il avait besoin de son accord pour ça. Comme une si petite chose pouvait-elle être si agaçante et autoritaire ? Et adorable. Non, non, pas adorable. Il ne voulait pas la trouver adorable. C'était une fille comme une autre, et il n'aimait pas les filles. Les garçons non plus. Il n'aimait personne ! Il n'avait pas besoin d'aimer qui que ce soit. De par sa position sociale, les gens étaient obligés de lui obéir et de le respecter. Mais alors, pourquoi avait-il presque envie d'obéir à cette fille, qui, franchement, n'avait rien de spécial ou d'extraordinaire.

Elle lui dit de s'asseoir sur une chaise en paille. Il n'avait jamais vu pareille chaise. Il avait toujours vécu parmi les plus riches de ce monde après tout. Mais ça Alice ne le savait pas. Pas encore, du moins.

- Au fait, je ne vous ai même pas demandé votre nom. Nous allons cohabiter pendant votre rétablissement, non ? Essayons de nous entendre.

Facile à dire ! Il fallait voir son sale caractère à la demoiselle ! Enfin, celui du blond n'était pas forcément extraordinaire d'amabilité non plus.

- Moi c'est Alice.

- Jasper.

- Tiens... J'ai déjà entendu ce nom quelque part... Pourtant ce n'est pas courant... Ça a du me marquer, parce que je n'ai pas parlé à qui que ce soit depuis très longtemps.

Il retint un petit sourire. Évidement qu'elle avait déjà entendu ce prénom.

- Enfin, ce n'est pas important. Vous aimez ?

- Pardon ?

- Ce que vous mangez ?

- Euh... Ouais, c'est... Spécial.

Mais pourquoi mentait-il pour ne pas la vexer ? Il soupira. Comme si vexer quelqu'un l'avait jamais dérangé.

- C'est des pommes de terre, hein.

En réalité il trouvait ça très bizarre, très fade aussi. Mais vu ce qu'il mangeait d'habitude, c'était plutôt normal.

- Hum. Mais merci.

- J'allais pas vous laisser mourir.

- Vous auriez pu.

- Vous auriez manqué à vos proches.

- Haha, cela m'étonnerait, au contraire.

- Ne dites pas ça. Je suis sûre que beaucoup de personnes tiennent à vous.

- Trois.

- Trois ?

- Oui. Les autres me préfèrerait mort.

- Ah ? Euh, ce n'est pas rassurant. Moi, personne ne m'aime, mais personne n'en veut à ma vie.

- Pas étonnant que personne ne vous apprécie, vu votre caractère, je préfèrerais me faire arracher les ongles un à un et me faire crever les yeux plutôt que de vivre avec vous.

- Ben, vous z'avez pas le choix, c'est c'qui va s'passer. Mais je peux vous arracher les ongles si vous voulez.

Ils rirent tous les deux. Alors que leurs propos étaient plutôt méchants. Et pourtant, alors qu'ils étaient tous les deux grognons et misanthropes, et qu'il ne se connaissaient que depuis une heure et demie à tout casser, il y avait une sorte de complicité entre eux. C'était anormal, mais il étaient presque heureux.

Alice débarrassa les assiettes et proposa à Jasper d'aller s'asseoir sur le canapé, qui était quand même plus confortable au goût de ce dernier.

Elle le rejoint, s'assit et souffla. Qu'allaient-ils bien pouvoir faire ? Il était trop tôt pour se coucher, et elle ne pouvait pas laisser Jasper seul et aller se promener dans la forêt ou nager au lac.

- Dîtes...

- Hm?

- Pourquoi vivez-vous seule et si loin de tout ?

La question l'étonna. Pas que ce soit étonnant qu'il se le demande, mais elle ne s'y attendait pas. Jasper n'avait pas l'air d'être le genre d'homme à vraiment s'intéresser aux autres, mais peut-être était-elle trop sceptique et de mauvaise foi. Ce n'est pas parce qu'il avait été désagréable la première fois que c'était un être infecte, égoïste et asocial. Et puis, il y avait ce sentiment bizarre de bien être quand elle était à côté de lui. Elle était toujours mal à l'aise en compagnie de personnes, mais là, c'était différent. Elle avait l'impression de le connaître depuis longtemps. Et elle ressentait le besoin de se confier à lui. Ce qui l'avait poussé à venir habiter ici la tracassait, et elle n'en avait jamais parlé à personne. En faire part à quelqu'un la soulagerait peut-être.

Quant à lui, il était simplement intrigué par la jeune femme. Elle n'avait pas l'air facile à vivre, mais peut-être que cela venait justement du fait qu'elle vive recluse perdue au milieu des arbres. Peut-être que ce n'était pas ce sale caractère qui la tenait à l'écart des autres, mais cet écart qui lui avait forgé cette personnalité. Lui était très certainement désagréable par nature, et les conditions dans lesquelles ils avaient grandit n'avaient pas vraiment aidé. Mais elle... Elle avait l'air – seulement l'air pour l'instant – gentil et peut-être même attentionné, et doux. Alors, il avait été poussé à poser la question. Et il fut satisfait, car elle sembla lui accorder une réponse.

- Eh bien...


Et voilà ! N'oubliez pas de me donner votre avis, pour que ce soit mieux, mieux, toujours mieux ! :D