Etoile Première: Crépuscule.
Il faisait noir.
Il faisait froid.
Le seul son qui nous parvenait était un bruit de pas.
Cependant, on constata que l'obscurité opaque cédait doucement place à un sombre escalier de pierre en tire-bouchon.
C'était grâce à cette flammèche qui dansait dans la pénombre.
Illuminée par sa douce lumière bleu, une adolescente grimpait une à une les marches de pierre devant elle. Le bout de ses doigts éraflant le mur, elle ne semblait prêter aucune attention à l'étrangeté de la lumière qui la guidait.
Et pourquoi le ferait-elle?
Pour Koizumi Akako, une petite flamme flottant dans l'air était un évènement tout à fait banal.
Elle sourit en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle voyait enfin la dernière marche apparaître.
Elle s'y arrêta. Levant sa main dans la direction de la flamme, elle lui souffla un petit merci.
La flamme s'élargit un instant avant de tournoyer sur elle-même et de disparaître, ayant accompli sa tache.
Fermant les yeux dans le noir, la jeune sorcière murmura quelques paroles énigmatiques. Un grincement sinistre se fit entendre, et le pan de mur devant elle laissa place à la nuit étoilée.
D'un pas élégant, elle s'y avança, laissant le mur de pierre se refermer et disparaître derrière elle.
Elle se trouvait en haut d'une des quatre tours du château familial; sous ses yeux se trouvait leur domaine.
Mais elle ne regarda pas la forêt, ni même les lumières de la ville que l'on apercevait à quelque distance.
Elle tourna ses yeux vers la voûte céleste.
Un petit piaillement se fit entendre, attirant son attention, suivi d'un bruissement d'ailes. Akako attrapa dans ses mains une petite forme noire. Elle la ramena au niveau de son regard pour l'identifier de plus près.
"Oh, c'est toi, Jiri?" Pour toute réponse, la petite chauve-souris se contenta de lui mordiller le doigt.
Elle en rit.
"Oui, je sais," dit-elle. "Moi aussi je suis contente de te voir."
Elle s'assit sur le muret tout en lui caressant le dos.
"Igor est bien gentil, mais je ne peux éternellement me contenter de la cave pour mes prédictions," fit-elle avec un nouveau sourire.
Entendant Jiri ronronner sous ses caresses, Akako se retourna vers les astres.
"Voyons ce que les astres veulent bien me dire ce soir…"
La beauté aux cheveux noirs-rouges a vite fait de reconnaître les principales constellations de l'hiver.
Au Nord elle vit les deux ours, accompagnés du Dragon.
À l'Est se trouvaient le lion, et le Cancer.
Sur sa droite, vers l'Est, scintillaient doucement les constellations de Pégase, des poissons et de la baleine.
Capella, l'étoile majeure du cocher, brillait directement au-dessus de sa tête.
Cependant, c'est la constellation du grand chien, au sud, qui retenait le plus son attention.
"Sirius brille bien fort ce soir..." se dit-elle, fronçant légèrement ses sourcils.
Et il n'y avait pas que l'étoile majeure du grand canidé qui semblait briller avec force.
La planète Saturne semblait sanguine tellement sa lumière est forte, et la galaxie d'Andromède aussi semblait vouloir faire passer un message.
Le chien noir de la mort, le père puissant dévoreur d'enfant, et Andromède, la sacrifiée… De bien inquiétants présages.
Puis elle remarqua une comète, traînant derrière elle sa poussière d'étoile.
Elle l'identifie aisément, mais comme pour l'authentifier, une lueur orangée attira son attention, sur sa gauche.
Elle venait du haut de la quatrième tour, la seule à avoir un toit.
Akako savait très bien ce qui causait cette lueur.
C'était l'objet maudit dont sa famille avait la garde. La chose à laquelle elle devait son nom.
Le visage sévère, elle retourna son regard vers le ciel. Elle le contempla longuement, même après que Jiri se soit envolé pour chasser des papillons de nuit.
Finalement, c'est au lever de la lune qu'elle baissa de nouveaux ses yeux.
Resserrant son fin manteau contre elle, elle se tourna vers où la porte était apparue pour la laisser sortir tout à l'heure.
"Décidément, même les cieux se mettent à prédire ta mort prochaine, Kid..." Souffla-t-elle au vent.
Et puis elle prononça de nouveau une formule mystérieuse, pour disparaître dans le sombre escalier de pierre d'avant.
À l'instant même où Akako s'était retirée dans son château, une ombre se profila sur le mur d'un manoir à quelques kilomètres de là.
L'inconnu, à qui cette ombre appartenait, caressa la tête d'un gros chien de garde entrain de ronfler.
Un petit rire fluet se fit entendre, tandis qu'il s'éloignait du molosse.
Il s'arrêta devant un rectangle plus sombre du mur. C'était une porte.
On entendit quelques cliquetis, un clac, et la porte s'entrouvrit.
"Fais de beaux rêves mon gros!" annonça la voix de l'étranger, avant de s'infiltrer dans le manoir.
Pour toute réponse, l'animal se contenta de renâcler bruyamment dans son sommeil.
Une fois à l'intérieur cependant, l'attitude sans soucis de notre intrus s'envola, pour laisser place à un pas feutré et des mouvements à la fois discrets et alertes. La diode lumineuse d'une caméra de sécurité nous en disait long sur la cause de ces précautions soudaines. Il attendit au coin d'un couloir que l'appareil tourne son œil de verre ailleurs, avant de s'élancer, tel un chat, vers la prochaine poche d'ombre.
Il passa plusieurs portes ainsi, dont une sur laquelle était accroché un miroir agrémenté de bijoux et autres étincelles.
C'était la chambre du maître des lieux, que l'on entendait d'ailleurs ronfler lourdement, même à travers le bois massif de la porte. On aperçoit l'esquisse d'un sourire moqueur l'espace d'un instant dans le miroir, puis l'inconnu avance de nouveau.
Il grimpa un escalier tapissé, et emprunta un nouveau corridor.
Soudain, il s'immobilisa.
Caché dans l'ombre d'un rideau, il retint sa respiration en voyant une porte s'ouvrir. Un homme en sortit, d'un pas endormi.
Heureusement pour notre intrus, l'homme, ayant laissé une lampe allumée dans sa chambre, ne jugeait pas utile d'allumer la lumière du couloir déjà partiellement éclairé par les fenêtres. Le dormeur passa à coté de lui sans même le remarquer. Visiblement, il se rendait aux toilettes.
Une fois le danger passé, l'intrus accéléra le pas pour atteindre le prochain escalier.
Arrivé au deuxième étage, il compta dix pas, s'arrêta, et sortit de sa poche une petite clé et une mini lampe-torche. Serrant ce dernier entre ses dents, il s'en servit pour éclairer un tableau. C'était le portrait d'un vieil homme, rendu bien superficiel par le cadre imposant dont il était entouré. L'inconnu, dont on apercevait maintenant les traits jeunes et les yeux étincelants de malice, inspecta ce cadre, y trouva une encoche, et y inséra sa clé.
"Abracadabra..." murmura-t-il, en voyant le pan de mur où se trouvait le portrait s'ouvrir vers lui.
Il éteignit sa lampe, et la remit en poche avant de refermer la porte secrète derrière lui.
Il se trouvait maintenant dans une salle illuminée par des veilleuses de nuit.
Pratiquement chaque pan de mur était couvert d'étagères. Chaque étagère contenait des petites boites aux hauts transparents, semblables à celles se trouvant sur les diverses tables jonchant la salle.
C'est d'ailleurs vers l'une d'elles que s'avança le jeune homme, celle à coté du petit escalier menant à la bibliothèque.
Cette table présentait sous ses yeux une collection de pierres précieuses, reflétant la lueur des veilleuses. La pierre principale semblait être la grosse octogonale au centre de la table, à coté de laquelle se trouvait son nom, Devil's Heart, sur une étiquette que l'on peinait à déchiffrer.
"Dire qu'il me suffirait d'entrer le bon code pour t'emporter avec moi..." dit-il nonchalamment, tout en tapotant, d'un doigt gantée d'un bleu nuit, l'écran au dessus du pavé numérique servant de verrou.
"Mais ce serait grossier de ma part de t'emmener dans l'anonymat sans t'offrir de spectacle," ajouta-t-il, souriant d'un air gourmand.
"Allez, c'est pas tout, mais j'ai une fête à préparer moi!" L'intrus se retourna pour enlever la banane attachée à sa taille, et en placer le contenu à divers coins stratégiques de la salle.
Une fois sa tache finie, il se releva, satisfait. Il ne lui restait plus qu'une seule chose à faire. Sortant de nulle part une carte de visite blanche, il se dirigea vers l'escalier menant à la petite bibliothèque.
Et s'arrêta.
Un mince filet de lumière, jusqu'alors caché par la mezzanine, était visible sous la porte. Pourtant, il ne devrait y avoir personne non? Les seuls à pouvoir y entrer sont le maître des lieux et l'endormi qu'il avait croisé avant.
L'un des deux a du oublier d'y éteindre la lumière. Oui, c'était sûrement cela...
Retenant son souffle, il ouvrit silencieusement la porte, et y inséra sa tête. Il ne vit personne. Soulagé, mais toujours à cran, il entra.
Il s'avança vers le bureau entre les rayons d'étagères. Ignorant les ouvrages précieux qui l'entouraient, il ouvrit un cahier posé sur le bureau. C'était le journal de bord du propriétaire. D'un geste fluide, il y plaça sa carte de manière bien visible. Il vérifia l'énigme qu'il y avait écrit, puis hocha la tête de manière satisfaite. La signature immanquable de Kid l'insaisissable y était bien évidente, sa caricature l'air bien moqueuse. Il souriait de toutes ses dents en refermant le cahier. Monsieur Izumo allait avoir une bien belle surprise à sa prochaine inspection.
"Schbam!"
Il sursauta. C'était le bruit d'un livre qui tombe ça!
Rabaissant sa casquette noire sur son visage, il contourna une étagère pour voir l'origine du bruit. Une main gantée de blanc ramassait le livre tombé. Une cape et un chapeau haut de forme recouvraient les formes du coupable.
Hébétée, Kid recula, n'en croyait pas ses yeux. L'autre n'était pas en reste, et, le voyant prendre quelque chose des profondeurs de sa cape, notre Kid en anonymat décida de courir à toutes jambes vers la sortie.
Mais il n'y arriva pas... À peine eut-il tourné le dos au masque souriant de son adversaire que celui ci lui tomba dessus, le plaquant fermement au sol. Le jeune homme regarda alors, terrifié, le barillet noir qui se trouvait pointé sur lui. Le sourire figé du baron ricanant, il vit le diable tirer sur la gâchette. Et puis, le noir complet. Son assassin laissa sa dépouille inerte, pour ramasser son trophée, et disparaître dans la nuit glacée.
Ils se reverraient bien en enfer après tout...
"Waaah!"
Voyant son livre se faire enlever de ses mains, Kaito Kuroba regarda d'un air agacé le coupable.
"Le Baron de la Nuit, le rendez-vous en enfer." Le métisse aux yeux ambrés lui jetta un regard amusé, le livre dont il venait de traduire le titre tenu en hauteur pour empêcher l'apprenti magicien, plus petit, de l'atteindre.
Dans la salle de classe, plus bruyante que d'habitude, les élèves profitaient de leur pause déjeuner.
"Tu lis ça toi? J'aurai pensé que tu préfèrerais un simple Maurice Leblanc à un Yusaku Kudo tordu."
Ignorant la pique de Hakuba, le fanatique d'A.C.Doyle, Kaito claqua des doigts et récupéra son roman dans un petit nuage de fumée. Le détective lycéen regarda, peu impressionné, sa main vide.
"Je te l'aurai rendu de toute manière, moi..." maugréa-t-il.
"Hé, Kuroba! C'est le dernier sorti, c'est bien ça?" Kaito sourit à Yamaha, un camarade féru de lecture.
"Ouip. Venu direct des États-Unis. C'est Akuma qui me l'a donné, hier. Tu veux que je te le prêtes?"
« Ah, non merci. L'anglais et moi ça fait deux… » se défila son camarade de classe. « J'attendrai la version traduite. »
« C'est toi qui voit. » sifflota Kaito, en retrouvant sa page et en y insérant un marque page.
« Et toi Hakuba? »
« Hmm? » fit l'interpellé, adossé à la table de Kaito.
« Vu que tu es bilingue, ça te dirait de tenter un 'Night Baron?' Je t'assures que Kudo, aussi tordu soit-il, n'a rien à envier à Leblanc ou à Doyle. »
Ne sachant que dire, Hakuba Saguru le regarda, muet, un court instant, avant de sourire.
« Pourquoi pas, si 'Kid' ne me prive pas trop de sommeil dans les semaines à venir, je penses trouver le temps de le lire. Le baron ne doit pas être si différent de ce voleur à paillettes. »
« Hahaha… » Toujours aussi aimable.
Le jeune homme aux cheveux en bataille s'adossa sur son coude, tandis que l'adolescent à moitié britannique allait voir ce que Fumiyo, l'une des nombreuses fannes du 'blondinet', lui voulait.
Kid l'insaisissable n'avait rien à voir avec le Baron de la nuit.
Comment comparer un magicien à un assassin? Le blanc et le noir?
Kaito, depuis qu'il avait repris le nom du voleur fantomatique de son défunt père, le savait très bien.
Et surtout, il y avait une différence de poids: Kid avait beau être un illusionniste, il était tout sauf une fiction.
N'ayant plus la tête à lire, Kaito rangea le roman et se mit à jongler, l'air pensif, avec des bouts de gommes.
Il se doutait bien que Hakuba allait faire une tête ce soir en apprenant qu'une nouvelle missive du Kid avait été reçue.
Aoko allait probablement encore être énervée le lendemain, mais ça, il n'y pouvait rien, à part la laisser se défouler sur lui avec son balai.
Il jeta un coup d'œil dans la direction de la jeune Nakamori.
Elle discutait joyeusement avec Keiko, comme à son habitude, en attendant la fin de la pause de midi.
Il sourit avec un petit air triste, en pensant que c'était toujours à cause de lui que son amie d'enfance fronçait les sourcils.
Il savait très bien qu'Aoko n'aimait pas voir son père se faire ridiculiser par le Kid.
Tout d'un coup, il s'aperçut qu'il n'avait pas rattrapé un morceau de gomme. Intrigué, il leva la tête pour voir Koizumi Akako se pencher au dessus de lui, le morceau de gomme à la main.
« Kid a encore envoyé une notice, hein? » fit-elle, ses yeux bruns-rouges dirigés droit dans ses yeux bleus.
« Ah… » fit-il, surpris…
« Comment veux-tu que je le saches? Ce n'est pas apparu dans le journal de ce matin en tout cas! »
Il rattrapa, l'air suspicieux, le bout de gomme qu'elle eut l'obligeance de relâcher.
« Ce n'était pas une question. » Répondit-elle.
(Et revoilà! Elle va encore me donner un avertissement à la noix…) pensa-t-il.
Cependant, il n'en était rien. Koizumi se détourna de lui, ses longs cheveux noirs ondulant pour la suivre.
Étrange.
Kaito l'observa pendant qu'elle retournait s'asseoir à sa place.
Elle avait l'air bien déprimée.
Maintenant qu'il y pensait, ça faisait plusieurs jours qu'elle était ainsi.
Sa clique de garçons en avaient fait la remarque, non sans oublier d'ajouter à quel point ça la rendait mystérieuse…
(Sornettes,) avait pensé Kaito. Mais il s'avouait que c'était bien intriguant.
Encore une enquête qui s'imposait.
Il soupira.
D'abord le type bizarre dans la bibliothèque du manoir de la veille, maintenant Koizumi.
Et il ne pouvait s'empêcher de se demander si Kudo allait participer à l'enquête aussi.
Il allait devoir faire extrêmement attention cette fois-ci. Chii étant en voyage, il n'y avait personne pour lui assurer les arrières en cas de problème.
Il sourit.
Plus le défi lui semblait difficile, plus il se sentait impatient.
Vivement le soir K!
Kudo, quant à lui, avait passé une journée relativement passable.
Cela faisait bien une semaine qu'il n'avait eu d'affaire à se mettre sous la dent, et il mourait d'envie de voir un peu d'action égayer sa vie.
Cependant, ce ne fut ni à un meurtre, ni à une chasse au trésor qu'il eut droit, mais à une demande d'appel de sa mère.
Autant dire que Conan Edogawa sautait de joie.
Ayant remercié Haibara de lui avoir passé le message, il se trouvait maintenant chez le professeur, assit devant le journal, à écouter Yukiko Kudo parler abondamment dans le combiné.
Il se contentait de lire un article, tout en participant de temps en temps à la conversation.
« Dis, tu m'écoutes Shinichi? Franchement, ton père m'exaspère des fois… »
« Oui, maman, je t'écoute. Mais est-ce que tu crois vraiment que papa n'a que ça à faire? »
C'était toujours la même chose de toute façon.
Quand sa mère l'appelait, c'était soit qu'elle avait eu vent d'une histoire dangereuse, soit qu'elle avait une idée 'brillante', soit qu'elle se sentait seule…
Ce qui était le cas cette fois ci, puisque Yusaku, son père, s'était isolé dans un studio de Los Angeles pour réfléchir à son prochain roman, comme à son habitude.
Conan se retint de soupirer, ce qui attirerait les foudres de Yukiko.
Il n'avait rien contre écouter les lubies de sa mère, mais il devait avouer que cela ne le passionnait pas.
C'était encore un aspect des femmes qu'il ne comprendrait probablement jamais.
Finalement, Yukiko arrêta sa tirade pour parler de lui, signe qu'elle se sentait déjà mieux.
L'adolescent rétréci lui répondit honnêtement, et ils s'échangèrent quelques phrases, ainsi que des impressions sur le dernier 'Night Baron' de son père.
« Bon, ben, prends bien soin de toi, Shinichi chéri! Appelles moi si jamais t'as envie… » Lui dit la voix joyeuse de sa mère.
« Oui Maman, bonne journée! » répondit-il, avant de raccrocher.
Entre temps, le jour s'était déjà couché au Japon.
Se grattant la tête, Conan décida d'aller voir ce que faisaient le professeur et Haibara avant de rentrer chez les Mouris.
Remarquant des sons provenant du sous-sol, il descendit l'escalier qui y menait.
Il y trouva le Professeur en chemise blanche à sa table de mécanique, comme à son habitude, et, pour changer, Haibara en blouse blanche aussi, travaillant sur quelques tubes à essais.
« Tiens? Tu ne fais plus de simulations sur ordinateur? » lui demanda-t-il.
Sans détourner son attention de son travail, la jeune chimiste lui répondit.
« Il y a certaines choses que je ne peux pas vérifier par algorithmes, alors je le fait chimiquement. »
Puis elle s'éloigna pour verser un liquide dans une des poubelles chimiques du professeur, démontrant qu'elle n'avait pas le loisir d'en discuter plus.
Conan ne put s'empêcher de comparer cette attitude froide avec la volubilité de sa mère dont il venait d'être la cible, et ne s'en offusqua pas.
À la place, il se tourna vers le professeur.
« Au fait Professeur, encore merci de prendre les appels de mes parents pour moi. » lui dit-il, en montant sur une chaise à ses côtés.
« Mais ce n'est vraiment rien, Shinichi. Puisque ça me fait plaisir. » Répliqua gaiement Agasa.
Conan remarqua cependant Haibara rouler des yeux.
À priori sa mère s'était encore une fois trompée dans le décalage horaire.
Puis il s'aperçut de la nature de l'objet sur lequel travaillait le vieil homme.
« Hé, mais c'est votre ceinture à explosions! » S'exclama-t-il.
« C'est une ceinture à propulsion! Pas à explosions! » S'énerva Agasa.
« Peut-être, mais la dernière fois que vous avez travaillé dessus, vous avez fait un gros trou dans votre mur, je vous rappelle. » continua Conan.
Il s'en rappelait très bien.
C'était l'un des derniers réveils qu'il avait connu entant que lycéen.
« Hein? » Fit Haibara, un nouveau tube à la main, commençant légèrement à s'inquiéter…
« De toute façon, tu condamnes toujours mes inventions. Je t'assure que je parviendrai à perfectionner cette ceinture! » Continuait Agasa.
« Professeur… » Haibara échoua de nouveau à attirer son attention.
« Peut-être professeur, mais je ne vois toujours pas… » Conan hésita, ayant soudain aperçut une anomalie…
« Euh, dites, c'est normal que votre fusée vire au violet là! »
« Violet? Non, la fusée est rouge normalement… » Le professeur regarda, interdit son invention.
La fusée virait bel et bien au violet, et maintenant au rose clair.
S'empourprant, il leva les bras et hurla.
« Tout le monde à terre! »
« Professeur! »
Un éclair de lumière blanche, une détonation et une onde de choc plus tard, Haibara grogna en s'extirpant de sous le professeur Agasa.
Tout le labo était sens dessus dessous, et une odeur désagréable d'ozone lui attaquait les narines.
Cependant, elle avait ses priorités.
N'ayant elle-même que quelques écorchures (et une petite bosse en formation derrière la tête), elle se tourna vers le professeur (à qui elle devait cette même bosse).
« Professeur! Professeur, est-ce que ça va! »
L'homme aux cheveux bouclés retira lentement les mains d'au dessus de sa tête, et se releva, l'air à la fois contrarié et désolé.
« Oui… Oui Aï, ça va! Et toi? » répondit-il.
Souriant de soulagement, elle se leva et se tourna pour localiser Kudo dans la salle enfumée.
Derrière elle, Agasa fit de même et se dépêcha d'aller chercher un extincteur, un petit feu ayant prit naissance dans ce qu'il restait de sa table de travail.
Un toussotement lui indiqua rapidement la localisation du jeune Edogawa, et elle ne put s'empêcher d'ouvrir grand les yeux.
Kudo se trouvait allongé en dessous du comptoir où elle avait mis ses concoctions, visiblement encore inconscient.
Elle jura en s'apercevant qu'il était entrain d'avaler par malchance le contenu d'un de ses récipients renversés.
D'un geste brusque, elle déplaça le bocal en question, avant de tirer d'urgence Conan hors de la flaque de produits chimiques.
Il avait l'air bien sonné.
Étant sur une chaise, il n'avait probablement pas eu l'occasion de se mettre à l'abris à temps.
Il toussa encore un peu, ouvrit légèrement des yeux semi-vacants, avant de s'évanouir de nouveau.
Remarquant qu'Agasa avait fini d'éteindre le feu, Haibara lui demanda de l'aider à porter Kudo dans la salle de bain, où ils pourraient plus aisément le débarrasser des produits chimiques avant que ces derniers ne brûlent son corps.
Elle ne put s'empêcher de se demander, paniquée, quel produit il avait bien pu avaler, craignant qu'il puisse en subir des effets secondaires, voire, dans le pire des cas, en mourir.
Ce n'était pas de chance pour Conan, il ne pourrait pas lire l'énigme du kid ce soir.
Il semblerait que Mouri l'endormi allait devoir se passer de lui pour un petit moment.
Hakuba aurait du s'en douter.
Le Kid n'attendait jamais longtemps avant de tenter un nouveau vol.
Pour la peine, Hakuba Saguru avait sorti Watson, malgré les protestations du commissaire Nakamori.
Cependant, ayant mis son costume de grand détective (chapeau à la Sherlock inclut), il ne put s'empêcher de se sentir en confiance.
Au moins, le vol n'était pas prévu pour ce soir…
Il avait le temps de se préparer.
La brigade spéciale Kid s'était déplacée dans son entièreté dans une section aisée du quartier de Haido.
La rue où se trouvait la prochaine cible du voleur magicien était bordé de propriétés immenses, chacune contenant un manoir et un système de sécurité optimum.
En entrant dans la propriété de Monsieur Izumo, Saguru repensa à ces grandes maisons victoriennes qu'il avait visité avec sa mère en Angleterre.
Pourtant, ce qui retint le plus son attention, c'était le fait que la pendule à balance dans l'entrée n'était pas à l'heure.
Il n'était pas impressionné.
Une fois que Nakamori eut donné ses consignes à ses hommes, le commissaire, son assistant et le détective lycéen entamèrent leur recherche du propriétaire des lieux.
Il ne fut pas très difficile à trouver.
« ESPECE D'INCAPABLE! QUI T'AS DIT DE CONTACTER LA POLICE! »
Izumo Makoto, 49 ans et collectionneur de pierres historiques, avait la voix qui porte.
« Mais monsieur, il est quand même arrivé à placer la notice dans votre bibliothèque privée! J'ai pensé que… »
Yukimura Chiaki, 26 ans et géologue, était son apprenti et homme de confiance.
« Je ne te payes pas pour penser! »
…Ou son homme de main tout du moins.
Le commissaire et Saguru regardèrent la dispute se dérouler encore cinq minutes, tandis que le commissaire adjoint s'efforçait, sans grande réussite, de faire remarquer leur présence à Monsieur Izumo.
Saguru en profita pour observer le collectionneur.
C'était un homme assez corpulent, avec une moustache et un bouc de couleur cendrée.
Ses cheveux, de la même couleur, commençaient déjà à se faire rare sur le haut de son crâne.
Il serait aisé pour Kid de prendre son apparence, cependant Saguru doutait que Kid veuilles le faire, Izumo donnant l'impression de crier pour un oui ou un non.
Aucun artiste ne voudrait abîmer ainsi ses cordes vocales.
Yukimura, par contre, avait l'air plus calme et posé.
Il cachait ses yeux verts derrière de petites montures de lunettes.
Ses cheveux bruns étaient abondants et attachés dans une petite queue de cheval sur sa nuque.
Il serait tout aussi aisé pour le kid de prendre sa place.
Mais d'après ce qu'il avait cerné de Kuroba Kaito, qu'il savait était le kid, même s'il devait encore le prouver, il n'éprouverait aucun plaisir à remplacer un personnage aussi terne et timide.
Finalement, Nakamori intervint et parvint à capturer l'attention du propriétaire, grâce à une remarque particulièrement cinglante.
Pendant que les deux moustachus commençaient un nouveau concours d'engueulades, Saguru s'avança et prit Yukimura à part.
« Monsieur Yukimura? Pourrai-je vous poser quelques questions? » remarquant l'air peu impressionné du géologue, Saguru ajouta:
« Je suis Hakuba Saguru, détective lycéen. »
Les yeux de Yukimura s'illuminèrent.
Visiblement, son nom lui donnait une impression plus positive que son accoutrement.
« Le fils du collectionneur Hakuba! »
Argh.
Il avait fallu qu'il soit au courant de la collection de pierres de son père.
N'ayant lui même que peu d'intérêt pour la géologie, contexte d'enquête mise à part, il s'empressa de changer de sujet pour parler d'Izumo, de sa collection en général, et, surtout, de la missive du Kid.
« Peste soit de ce garçon! On est en retard! »
Enfilant sa veste et resserrant sa cravate, Mouri Kogoro tenta en même temps de ranger un tant soit peu son bureau et d'avoir l'air présentable.
« Grouilles toi, Ran! Si tu veux vraiment venir évidemment…» Marmonna-t-il en prenant son portable.
Ran, quant à elle, était encore au téléphone avec le professeur Agasa.
Elle venait d'apprendre que Conan était encore inconscient après un accident chez lui.
« Vous voulez dire que ça fait trois heures qu'il est inconscient! » S'exclama-t-elle, ignorant son père.
Le détective se dit qu'il aurait peut-être mieux fait de ne pas s'inquiéter d'où traînait le gamin.
En tout cas, il perdait un temps précieux à cause des inquiétudes de Ran.
Le gamin était retrouvé, vivant quoiqu'en santé médiocre, et entre de bonnes mains.
Pas de quoi en faire une affaire…
Maintenant en parlant d'affaire, il en avait une qui l'attendait!
Il se retourna pour regarder sa fille.
Elle était en tenue pour sortir, mais ne semblait pas vouloir quitter le téléphone.
Tant pis pour elle!
Et surtout tant mieux pour lui s'il y avait de jolies filles, il devait y aller.
Il claqua la porte en sortant retrouver le taxi en bas.
« Papa, attends! » Ran ne pouvait pas comprendre comment il pouvait penser à résoudre une affaire alors que Conan était dans un tel état.
« Zut, tant pis! Professeur, ça vous dérange si je viens chez vous immédiatement? »
« Ah, c'est à dire que… »
Ran entendit le combiné du vieil homme changer de main.
Elle espérait sincèrement que c'était Conan, réveillé, venu la rassurer.
« Mademoiselle Ran. » Fit une jeune voix.
C'était la petite Ai.
« Ah, Ai… » Commença l'adolescente, cependant la jeune fille ne lui laissa pas le loisir de finir.
« Edogawa va bien, ne vous inquiétez pas. Si jamais on a du nouveau, le professeur vous appellera sur votre portable. Monsieur Mouri a bien une enquête à mener ce soir? »
« Ah, euh, oui. Mais comment le sais tu Ai? »
« C'est au nouvelles. Je suis certaine qu'Edogawa adorerait que vous accompagnez votre père afin de tout lui raconter à votre retour… Je sais à quel point il adore les énigmes du Kid. »
Ran hésitait.
Ai disait vrai. Conan cherchait toujours à être impliqué dés qu'il s'agissait du Kid, passant parfois des nuits blanches derrière son dos, à essayer de déchiffrer les missives du magicien voleur.
Elle imaginait aisément sa tête à la nouvelle qu'il avait loupé une chance pareille…
Et son père qui n'avait pas de patience avec Conan pour ce genre de chose, peut-être qu'après tout…
« D'accord Ai, mais à la place, peux-tu transférer un message à Conan de ma part? » Dit-elle.
« Oui? »
« -Tu as intérêt à être réveillé pour entendre tout ce que je vais te raconter à mon retour!- »
« D'a… D'accord… » Répondit Ai, visiblement impressionnée par la force que Ran y avait mise.
« À plus tard! » Et Ran raccrocha, mettant son manteau qu'elle avait à la main et courant après son père, avant que le taxi ne parte sans elle.
Heureusement, son père avait décidé de lui laisser encore cinq minutes pour le rejoindre.
Ran s'assit à l'arrière, ignorant les grognements du conducteur et ceux de son père, ses pensées toutes dévouées à un certain petit garçon à lunettes.
Chez le professeur, on déposait le combiné avec un air soucieux.
« Alors? » demanda Agasa.
« Nous avons réussi à gagner du temps auprès de Mouri, mais pas beaucoup. Quant à Kudo, son état va mieux, mais je reste inquiète… » répondit la jeune chimiste.
Les deux se tournèrent vers le lit derrière eux.
Dessus était allongé Kudo Shinichi, dans son corps d'enfant.
Il avait un bandage au crâne et quelques rougeurs sur la peau, mais sa respiration était régulière et aisée.
« Il devrait se réveiller bientôt, mais si ce n'est pas fait d'ici demain… »
« Je l'emmènerai d'urgence à l'hôpital. » Termina le professeur.
« Tu as réussi à déterminer quel produit il a avalé? »
En réponse la jeune fille aux cheveux auburn secoua la tête.
« J'ai réussi à en retrouver quelques composants, mais rien ne me dit que ce qu'il a avalé ne venait que d'un seul tube.
L'anti-poison qu'on lui a donné semble ne pas avoir eu d'effet néfaste et il respire encore, donc je présume qu'il n'a rien avalé de mortel.
J'en saurais plus en analysant le sang que je lui ai prélevé tout à l'heure, mais le mieux serait vraiment qu'il se réveille. »
L'air morose, l'homme plus âgé s'assit.
« On n'a donc plus qu'a attendre, je présume. »
'Faust aurait été étonné
Car de par sa rareté
Il ne devait exister
Cependant, le bandit pur
Compte s'en emparer
En traversant les murs
Tel un fantôme ensorcelé
La prochaine nuit endiablée.'
« Salutations sincères, Kid l'Insaisissable… »
Saguru termina de lire la missive avec une expression des plus récalcitrantes.
Enfer et damnation.
Kid faisait dans la poésie lugubre cette fois-ci.
Il n'y avait qu'a croiser les doigts qu'il ne ressorte pas son balai de sorcière…
Quoique ça, c'était plutôt son complice de la dernière fois.
Il était même allé jusqu'à imprimer la missive sur du papier vieillit…
Les dents et le chapeau blancs de la caricature probablement rajoutés à l'encre blanche.
Il en faisait un peu trop à son avis.
« Fais voir ça! »
On lui arracha la notice des doigts. Le commissaire Nakamouri, ayant fini son échange avec monsieur Izumo, décida de reprendre les choses en main.
Celui-ci, de son côté, fulminait visiblement.
Les deux détectives dédiés au Kid étaient plongés dans leur réflexions.
Yukimura Chiaki, lui, fit nerveusement les cent pas devant la porte principale du salon où ils se trouvaient.
Soudain, il s'arrêta, entendant des voix venant du hall d'entrée.
Quelques instants plus tard, l'un des domestiques ouvra la porte.
« Monsieur Izumo, le détective Mouri et sa fille sont arrivés. »
Et pour ce confirmer, on entendit la voix grave d'un homme s'exclamer:
« WOAH! Quelle grande baraque! »
« Chut. Moins fort papa! »
Makoto Izumo sembla alors changer du tout au tout.
Il plaqua un sourire béant sur son visage et s'avança prestement accueillir ce qui se révéla être le 'grand Détective' en personne.
Nakamori et Mouri, s'apercevant l'un l'autre, se lancèrent des regards noirs, mais monsieur Izumo s'empressa de distraire Mouri en lui faisant un résumé complet de l'affaire.
Le Commissaire et son adjudant étaient bouche bées devant la soudaine volubilité et amabilité d'Izumo.
Mouri apprit en cinq minutes ce qu'il leur avait prit trois quart d'heures à extirper du propriétaire.
Saguru, quant à lui, était distrait par la charmante présence de Mouri fille.
Se rappelant l'avoir rencontrée au Manoir du Crépuscule, il lui sourit et entreprit de prendre de ses nouvelles en attendant que son père soit mis à jour.
Il avait déjà déduit quel était la cible du Kid, ainsi que la date et l'heure.
Il ne devait plus qu'inspecter les lieux en question pour être fixé, et pour cela, il se devait d'attendre ses aînés.
« Kid est parvenu à laisser cette missive dans une pièce dont seuls vous et monsieur Yukimura avez l'accès? » demanda finalement Mouri Kogoro.
Yukimura et Izumo hochèrent la tête.
« Vous avez vérifiés les caméras de sécurité, je présume? »
« J'ai déjà demandé ça, moi… » marmonna Nakamori.
« Oui, cependant nous serions heureux d'avoir votre avis sur l'enregistrement, monsieur Mouri… » répondit, tout sourire, Makoto Izumo.
Nakamori, lui, avait eu droit à un 'c'est pas vos oignons!'.
Étrange.
Hakuba délaissa Ran, qui, pour sa part, avait décidé de regarder la décoration de la pièce, et observa d'encore plus près le propriétaire.
Pourquoi diantre était-il si hostile envers la police et si aimable avec Kogoro l'endormi?
Si la différence avait été moins nette, il aurait peut-être relégué cela à une phobie des uniformes, mais là…
Cela cache quelque chose.
Finalement, ils se rendirent ensembles à la salle de vidéo surveillance.
« Nous pensons que Kid s'est introduit dans le manoir aux alentours de minuit.
Il a pénétré la maison jusqu'à la salle de contrôle et a éteint d'ici toutes les caméras entre cette salle et celle où la missive a été retrouvée.
Il les a remises en route en repartant. On n'a donc aucun enregistrement du moment où il a laissé sa carte, ni de comment il est entré dans la salle privée de monsieur. »
Le domestique qui parlait actionna quelques boutons.
« Voici les deux seules vidéos où il est visible… »
La première montrait une forme noire devant la grille de la propriété.
On l'apercevait ensuite grimper à un arbre juste à coté et sauter le mur.
L'heure affichée était minuit moins le quart.
« Et voici le deuxième. »
Minuit moins cinq.
C'était dans le couloir menant à la salle de surveillance.
Une forme noire sort rapidement du champs de la caméra, une longue cape voletant derrière lui.Saguru était interpellé, cependant ni Nakamori ni Mouri ne semblaient remarquer quoi que ce soit.
« C'est tout? » dirent-ils ensemble.
« Oui. » Répondit le domestique, sans flancher le moins du monde sous leurs regards noirs.
Monsieur Izumo, quant à lui, se tourna avec obstination vers le Détective privé, et fit un geste vers la porte.
« Bien, si vous voulez bien me suivre, je vais vous montrer la salle en question. »
Saguru Hakuba avait encore plus envie de voir cette fameuse salle.
S'il ne se trompait pas, Kid n'était probablement pas le seul à avoir voulu y entrer hier soir.
Fin de la Première Etoile.
