PROLOGUE – POV TOBIAS
- "Qu'est-ce qui se passe Cara? Où est Tris ?" demande Christina, sa voix montant dans les aigus.
Cara a les larmes aux yeux et son front se plisse quand elle nous regarde enfin. Le geste semble lui être douloureux.
- "Elle est rentrée dans le labo à la place de Caleb…" lâche-t-elle.
Je n'attends pas la suite, je cours à travers les couloirs tel un robot. J'entends à peine Christina crier mon nom, je sens à peine mon crâne se compresser de douleur. Elle est en vie, elle doit l'être, il le faut.
Tout est flou et j'arrive au centre de soins le cœur battant. C'est Caleb que je vois en premier. Il est pâle mais violet à la fois et se tient les côtes comme s'il voulait s'arracher à ce monde. Quand il me voit apparaître, il laisse tomber ses bras et se dirige vers moi.
- "Elle a braqué son arme sur moi, je…"
- "Pousse-toi." je le coupe d'une voix sourde.
La colère gronde en moi, je ne veux pas le voir, je ne veux pas entendre ce qu'il a à dire, je veux qu'il disparaisse.
Et puis juste derrière lui, derrière un rideau blanc, je la vois. Tout à coup, la pression retombe et j'oublie Caleb. Je m'avance doucement vers elle, les yeux fixés sur son visage. Elle est inconsciente, la tête légèrement penchée sur le côté, les bras le long du corps. Des tuyaux la transpercent de toute part pour la relier à des machines qui n'ont aucune signification pour moi. Elle semble si fragile. Je prends sa main gauche entre les miennes tout en m'asseyant sur le bord de son lit.
- "Elle a survécu au sérum de mort mais David est arrivé et lui a tiré dessus. Je suis désolé Tobias, je ne sais pas ce qui lui a fait changer d'avis. J'y serais allé tu sais, j'y serais vraiment allé." lance Caleb derrière moi.
Tris. J'aurais dû savoir qu'elle irait dans le labo à sa place. Je m'en veux tellement, je n'y ai pas pensé et tout à coup ça me semble pourtant si évident. Bien sûr qu'elle l'a fait, bien sûr qu'elle s'est sacrifiée.
La douleur dans ma tête s'intensifie mais ce n'est rien en comparaison avec celle que je ressens au fond de mon cœur. Tout plein de sentiments se mélangent. Je lui en veux de m'avoir encore fait ça, je lui en veux de faire passer les autres avant elle, avant nous… Mais je sais, au fond de moi, qu'il n'en aurait pas été autrement. Et je suis tellement en colère contre moi-même de ne pas avoir compris ça plus tôt.
J'entends vaguement Christina arriver, j'entends des bribes de sa conversation avec un Erudit et un docteur : « Une balle dans le flanc droit, une autre près de cœur », « Le sérum ne l'a pas tuée, c'est inouï », « … tout de même un empoisonnement de sang », « … impossible à dire pour le moment » …
Leur pronostic ne semble pas être très positif, mais Tris est la personne la plus forte que je connaisse. Mon corps entier brûle d'une rage sans limites, une rage que j'ai déjà ressentie lors de ma cérémonie du Choix. Elle ne mourra pas. Pas maintenant alors qu'on a réussi, pas sous mes yeux. Je le refuse. Alors je l'appelle, tout doucement.
- "Beatrice…"
Je colle mon front au sien, pose sa main tout contre mon cœur et lui répète les mêmes mots. Ceux qu'elle m'avait dit autrefois, quand c'était à moi de remonter à la surface.
- "C'est moi, c'est moi."
Et comme dans un rêve, les paupières de Tris tremblent et s'ouvrent enfin.
