Eh oui! J'avais encore une autre histoire (non terminée évidemment) dans mon sac à malice. Les merveilleux personnages crées par Jane Austen ne me laisseront-ils jamais en paix? Et vous par la même occasion? Vous êtes effectivement en droit de vous le demander puisque je me pose moi-même la question. Celles qui me connaissent mieux savent que je rêve d'écrire mes propres histoires. Que je comptais même m'y consacrer après Pas-à-pas. Il faut croire que j'ai encore besoin d'Élisabeth et William ou du lien qui s'est créé entre moi et certaines d'entre vous. De plus, ffnet est une excellente école. Alors voilà. Si vous avez encore le goût de lire l'une de mes fantaisies... voici un récit qui se décline dans les tranchées... je ne vous promets rien en ce qui concerne les délais de parution, soyez toutefois assurées que je vais la terminer... sur ce, bonne découverte. Miriamme
Première partie
-Capitaine Bennet au rapport, colonel, énonça clairement Élisabeth dans le petit appareil qu'elle tenait à la hauteur de sa bouche. Plissant les yeux comme un grésillement s'échappait de ses écouteurs, elle fit signe à son vis-à-vis de baisser le volume du poste de communication dont il avait la charge. Pardon mon colonel, pourriez-vous répéter votre question? demanda-t-elle à son interlocuteur avant de se taire, froncer les sourcils puis fixer Charles Bingley tandis qu'il continuait à s'affairer autour du bloc de communication, Nous ne sommes plus que quinze mon colonel, répondit Élisabeth tout en songeant à la centaine d'hommes dont ils devaient surveiller les allées et venues sous la pluie battante et du haut de cette butte. Si l'on exclut les deux soldats que j'ai envoyés en éclaireurs, évidemment, précisa-t-elle avant de hausser sa main gauche pour essayer de repousser les nombreuses mèches humides qui lui collaient au front comme des sangsues, au point de lui bloquer la vue.
-Très bien. Voici l'ordre de mission que vient de me transmettre le général…
-Je vous écoute, préféra intervenir Élisabeth espérant donner ainsi à Charles le temps nécessaire pour faire cesser le bruit de fond qui s'était amplifié dans l'appareil.
-Vous devez aller récupérer les prisonniers qui sont dans le camp ennemi, s'étonna-t-elle d'entendre par la suite.
-À vos ordres mon colonel, énonça-t-elle difficilement avant de se faire violence à nouveau pour s'enquérir, et de combien de temps disposons-nous?
-Quelques heures tout au plus, grimaça-t-elle en recevant sa réponse dans ses écouteurs.
-C'est noté. Et les prisonniers? S'intéressa-t-elle pour finir.
-Un hélicoptère viendra vous chercher vers 18h capitaine Bennet. Passez-moi maintenant votre agent de communication, afin que je lui transmette les coordonnées.
-À vos ordres, lâcha-t-elle juste avant de retirer ses écouteurs et les tendre à l'homme qui la contemplait depuis un bon moment, affichant un air interrogateur.
« Suis-je donc si facile à lire… » craignit-elle, sachant à quel point ses émotions ou plutôt sa difficulté à les camoufler lui avaient longtemps valu d'être réprimandée par ses supérieurs.
Devinant que le manque de sommeil et les dix jours de pluies diluviennes qui s'étaient abattues sur la région y étaient pour beaucoup dans cette difficulté qu'elle éprouvait maintenant à gérer ses émotions, Élisabeth se désintéressa de ce qui se passait du côté de son responsable des communications pour lorgner à sa droite, là où une partie de ce qui restait de ses hommes avait toujours les yeux fixés sur le camp ennemi alors que l'autre essayait tout simplement de dormir.
« Mais qui donc arriverait à fermer les yeux sous une pluie pareille », grimaça-t-elle à l'idée de devoir annoncer à tous ceux qui s'étaient mis à espérer qu'à l'instar de tous les autres bataillons lâchés dans le coin, ils pourraient enfin mettre fin à cet interminable siège et rentrer au campement principal.
C'est alors qu'elle repensa à ce qui était arrivé aux deux autres bataillons qui avaient été lâchés dans la zone ouest de cet imposant territoire ennemi et dont les corps avaient été retrouvés par ses deux éclaireurs avant la tombée de la nuit. Il y avait déjà plus de huit heures de cela.
« Ai-je bien fait d'envoyer mes éclaireurs vérifier si la même chose s'était produite à l'est? » formula-t-elle dans son esprit tourmenté, sans avoir le luxe de se répondre puisque Charles se glissait déjà à ses côtés pour l'entendre décliner ses ordres.
-Tu ne trouves pas ça étonnant? Chuchota-t-il après qu'elle lui eut confié les grandes lignes de leur nouvelle mission.
-Il y a longtemps que j'ai renoncé à suivre le raisonnement de ceux qui donnent des ordres, ironisa-t-elle en exhalant un profond soupir.
-On nous cache quelque chose, c'est certain, insista-t-il, d'un ton amer.
-Ne compte pas sur moi pour t'aider à trouver de quoi il s'agit… je ne suis pas de celles qui aiment concevoir des scénarios… pas assez d'imagination. Allez, viens… il nous faut rassembler les hommes. On a une mission de sauvetage à organiser… gardons à l'esprit que nous pourrons tous rentrer une fois que nous aurons retrouvé ces prisonniers, conclut-elle tout en se préparant à ramper vers le premier groupe de soldats dont elle était responsable.
L'attaque
-Lizzie, tu sais où sont notées les coordonnées… s'il jamais il m'arrive quelque chose? lui demanda Charles Bingley à voix basse alors qu'il était allongé à même le sol et qu'ils attendaient tous que la jeune femme leur fasse signe d'avancer vers le camp ennemi, tu sais quoi faire hein? reprit-il une fois qu'elle eut hoché la tête de haut en bas, sans même le regarder, toute occupée qu'elle fût à surveiller le va-et-vient des hommes dans le campement autour duquel ils étaient groupés. S'il advenait que nous ne soyons pas à l'heure, l'hélicoptère repartira sans nous et nous devrons donc nous mettre en quête d'un autre lieu sans savoir si nous serons en mesure de joindre nos supérieurs à nouveau…
-Situation bien résumée, lieutenant, marmonna-t-elle toujours aussi concentrée. Mais toi aussi tu devras faire ce que je t'ai dit si par malheur il m'arrivait quelque chose.
-J'irai moi-même prévenir ta famille si l'occasion m'en est donnée… Une promesse est une promesse, s'engagea-t-il d'un ton solennel, ses yeux azur fixés sur elle.
-Et moi… je préviendrai Caroline, déclina la jeune femme à son tour avant de se concentrer à nouveau sur le campement qui se trouvait directement devant elle et qu'un œil non exercé aurait nécessairement pris pour un simple village à cause entre autres, de la présence d'un important troupeau de chèvres et d'un groupe de jeunes enfants dont s'occupait une vieille dame en permanence. Sans doute une enseignante en avait conclu Élisabeth après avoir méticuleusement noté tout ce qui s'était passé dans le village sur une période de deux semaines. Mais, pour les soldats aguerris dont elle faisait partie, ces trompe-l'œil n'avaient pas fonctionné. Même si la majorité des individus qui circulaient dans le camp n'étaient pas habillés en conséquence, il n'en demeurait pas moins que certains d'entre eux faisaient le guet alors que d'autres n'étaient là que pour détourner l'attention des éventuels observateurs.
Depuis les premiers jours d'ailleurs, le bataillon d'Élisabeth, alors composé d'une trentaine d'hommes avait déterminé le lieu où les prisonniers étaient retenus captifs, en raison, essentiellement, des corps que ceux-ci faisaient régulièrement sortir du bâtiment et des coups de feu qui précédaient immanquablement ces déplacements.
-Qui sait combien d'hommes nous allons trouver là? N'avait-elle pas rétorqué quand l'un de ses soldats avait soulevé la question. N'avait-elle pas été bien près de lui confier ce qu'elle pensait réellement, c'est-à-dire combien cette mission, lui semblait risquée, voire carrément suicidaire? Elle se félicitait toutefois de s'être ressaisie et d'avoir tout simplement fait dévier la conversation sur la mission de sauvetage à venir en commençant immédiatement à préciser le rôle de chacun.
-Allons-y! ordonna-t-elle lorsque les meilleures conditions furent enfin réunies et en s'efforçant d'ignorer la peur qui s'était enracinée dans ses veines.
Aussitôt que le premier de ses hommes fut repéré par l'ennemi, l'alerte fut donnée et les premiers coups de feu commencèrent à s'échanger entre les deux unités, concurrençant ainsi rapidement la pluie. Tout le faux village révéla alors sa vraie nature ou plutôt son vrai visage. Des hommes surgissaient de partout, brandissant leurs armes et lançant des insultes dans une langue qu'aucun des assaillants ne connaissait suffisamment, mettant en péril la mission que ceux-ci avaient reçue.
Lorsqu'une violente explosion projeta la jeune femme et tous ceux qui l'entouraient sur le sol, celle-ci se félicita d'avoir compris avant tous ses hommes que le bâtiment qui avait été érigé au centre du faux village et qui avait l'apparence d'un temple, était en fait leur réserve d'armes et de munitions.
C'est d'ailleurs sur cette seule présomption qu'elle avait misé pour s'assurer ou non de succès de cette mission de sauvetage. Levant la tête pour identifier celui dont la poigne la ramassa solidement par le bras, Élisabeth étudia craintivement le visage couvert de poussière de l'homme qui tentait maintenant de la hisser vers lui. Son regard s'arrêta brièvement sur ses lèvres, déplora que sa voix fût temporairement devenue inaudible conséquence directe de l'explosion, puis recommença enfin à respirer après avoir reconnu le regard azuréen du lieutenant Bingley.
Profitant finalement de la confusion et de la panique qui régnaient autour d'eux, Élisabeth s'accrocha à son Lieutenant et pointa en direction du deuxième plus gros bâtiment que comptait de village. Elle dut ensuite faire fi de la douleur que lui occasionnaient les deux entailles qu'elle devait certainement aux éclats de verre dont le sol était jonché. Tel que prévu initialement, deux des trois soldats désignés pour les couvrir vinrent grossir leur rang alors qu'ils arrivaient à mi-chemin. Bifurquant vers la droite en compagnie du lieutenant Bingley, Élisabeth le laissa s'occuper de celui qui résistait encore à l'assaut des deux autres et qui leur bloquait définitivement l'entrée.
Après avoir replacé son arme afin d'être parée à toute éventualité, Élisabeth attendit que Charles eut terminé de dégager l'entrée du bâtiment, puis pénétra prudemment dans celui-ci après avoir donné un bon coup de pied dans la porte. Elle n'avait pas fait un pas dans la première pièce que son estomac menaça de se retourner. En effet, une odeur insupportable mélangeant fumier, urine séchée et cadavres en état de putréfaction lui irrita violemment les narines, l'obligeant à porter la main à sa bouche pour éviter de vomir.
Lorsque Charles et les deux autres soldats pénétrèrent derrière elle et que la lumière extérieure trahit leur présence, une première salve aurait pu avoir raison d'elle, n'eut été de l'excellent réflexe de son lieutenant qui s'était empressé de la couvrir et la devançait déjà pour aller se positionner sur le seuil de la seconde pièce.
Pendant que Charles et l'un des deux soldats se préoccupaient de ceux qui leur tiraient dessus à partir de ce qui semblait être la plus grande pièce que comptait le bâtiment, Élisabeth ordonna à celui qui était resté auprès d'elle de retourner surveiller l'entrée puis pénétra prudemment dans la seconde pièce en prenant bien soin de rester à couvert.
Une fois que ses yeux se furent habitués à la noirceur et dès que ses hommes se furent éloignés pour poursuivre ceux qui s'étaient repliés dans une pièce qu'elle avait préalablement évaluée comme étant identique à celle où elle se trouvait, Élisabeth tenta de déterminer si ce qu'elle sentait sous ses doigts correspondait à la grille d'une cellule puis, une fois qu'elle en fut relativement certaine, elle agrippa la lampe torche qu'elle portait à la ceinture, l'alluma puis dirigea un très faible faisceau de lumière devant elle espérant ainsi éveiller l'attention d'éventuels prisonniers, en prenant pour acquis bien sûr qu'il y en eut quelques-uns et que ceux-ci fussent encore en vie.
Au moment où un pied fut révélé par le mince filet lumineux avec lequel elle survolait successivement chacune des cellules, le soulagement qui avait été son premier réflexe fut rapidement détrôné par la peur lorsqu'elle réalisa non seulement l'absence de barreaux devant le membre en question, mais en réalisant surtout, après avoir haussé la lampe torche, qu'un trousseau de clés était accroché à la ceinture de l'individu et qu'en prime, il tenait à la main l'arme blanche typique de l'ennemi.
Abaissant alors sa lampe pour dresser son arme, Élisabeth le vit alors sortir de son champ de vision et considéra qu'il valait mieux ne pas rester immobile. Incapable de se fier à son ouïe en raison de l'échange de tirs qui sévissait sans vraiment faiblir dans la pièce d'à côté, Élisabeth franchit prudemment la distance qui la séparait de l'endroit où elle avait aperçu l'individu pour la dernière fois, prête à faire feu et à moitié rassurée par l'étroit faisceau de lumière qui se déversait maintenant sur le sol et que l'homme n'aurait pas pu franchir sans se faire repérer.
Prudente, silencieuse, mais ô combien anxieuse, elle se figea au moment où un murmure se fit entendre derrière elle. Comme elle tournait la tête pour vérifier s'il s'agissait de son assaillant, quelque chose heurta violemment l'arme qu'elle tenait à deux mains. L'impact fut non suffisamment puissant pour que l'arme lui échappe, mais également beaucoup trop rapide pour qu'elle puisse même songer à la rattraper. De plus, pendant que la lourde mitraillette valsait dans les airs, celui qu'elle avait perdu de vue depuis un bon moment lança son pied vers l'avant, lui faisant perdre l'équilibre et tomber brusquement sur le sol. Le cri qui lui échappa comme sa tête heurtait le plancher rocailleux eut pour effet de surprendre son assaillant lui faisant ensuite envisager le pire en raison du silence qui s'ensuivit.
Comme pour donner raison à la jeune femme, au lieu d'en finir avec elle comme tout soldat l'aurait fait avec un ennemi, il chercha plutôt la preuve de ce qu'il avait déjà pressenti et utilisa la lampe torche qu'elle avait laissé tomber précédemment pour dévoiler une preuve de sa féminité qui, bien qu'elle fut toujours dissimulée sous l'uniforme, était maintenant parfaitement visible au vu de sa posture.
Dans le but évident de l'intimider, l'homme braqua ensuite la lampe torche sur le long sabre dont il comptait se servir pour se débarrasser d'elle. Toutefois, ce qui étonna réellement le capitaine au moment où elle braqua son regard sur l'arme en question, ce ne fut ni le sabre, ni même d'ailleurs la lueur sombre qui s'était allumée dans l'œil de son ennemi, mais plutôt le visage émacié d'un prisonnier qui contre toute attente et à l'aide de signes, lui proposait de l'aider à se débarrasser de celui s'approchait d'elle et avait adopté la posture courbée d'un félin prêt à bondir.
Les yeux rivés sur l'ombre bestiale qui s'approchait d'elle avec l'intention évidente de l'asservir, Élisabeth n'eut pas besoin de jouer la peur. Celle-ci coulait dans ses veines depuis trop longtemps pour qu'il lui fût possible de se désintoxiquer. Elle se contenta de retenir son souffle jusqu'à ce que l'homme lui semble assez près d'elle pour qu'elle puisse tenter de l'atteindre avec ses jambes.
« Maintenant » s'ordonna-t-elle lorsqu'elle estima percevoir un bris dans la fluidité des mouvements de l'homme et qu'elle comprit que l'infime microseconde de déséquilibre dont elle était témoin et qui allait de pair avec l'incontournable transfert de poids qu'il devait effectuer avant de se jeter sur elle, constituait sa seule et ultime chance d'intervenir. Relâchant alors les jambes qu'elle avait précédemment repliées sur elle-même, elle projeta violemment ses deux pieds vers l'avant et soupira de soulagement lorsqu'elle entendit un bruit qui lui sembla correspondre à celui que ferait un corps qui s'écraserait contre des barreaux de métal et se mit à espérer que l'impact et sa trajectoire seraient suffisants pour que celui-ci se soit retrouvé à portée de main du prisonnier et que bien entendu, celui-ci tiendrait parole.
Lorsque des cris étouffés arrivèrent jusqu'à ses oreilles, elle se redressa, repéra la lampe torche et la braqua en direction du bruit qui avait gagné en intensité pour découvrir que l'ennemi était toujours armé et qu'il tentait maintenant d'atteindre celui dont le bras entravait sa liberté à l'aide de son sabre.
Après avoir désarmé l'ennemi à l'aide d'un coup de pieds, Élisabeth laissa le prisonnier en terminer avec lui, se préoccupant plutôt du trousseau que l'homme portait à la ceinture.
-Occupez-vous des autres prisonniers, ordonna-t-elle au soldat qui apparut devant elle après qu'elle se fut chargée d'éloigner le cadavre de l'homme qui s'était affaissé directement devant la cellule et qu'elle eut récupéré son arme.
-Je ne serai pas assez rapide, rétorqua alors le prisonnier avant de saisir le bras de la jeune femme et orienter le faisceau de la lampe torche sur l'horrible blessure qu'il lui couvrait une bonne partie la cuisse.
-Très bien, déglutit-elle avant de lui tendre son arme, reprendre le trousseau de clés et lui ordonner, c'est vous qui allez me couvrir alors.
-Pas la peine d'ouvrir les cellules qui sont ici, l'arrêta-t-il à nouveau, il ne restait plus que moi… passons dans la dernière pièce…
Puisque de l'autre côté les tirs n'avaient pas encore cessé, bien qu'ils eussent passablement diminués et que l'homme qui l'accompagnait ne pouvait se déplacer autrement qu'en claudiquant, Élisabeth reprit son arme, s'approcha prudemment du cadre de porte et attendit d'avoir repéré le lieutenant Bingley avant d'ouvrir le feu et ordonner à celui qui venait tout juste d'arriver derrière elle de se rendre jusqu'à la cellule où son compagnon s'était réfugié.
-Allez-y, le pressa-t-elle, ne vous en faites pas, je vous couvre.
-Au rapport lieutenant Bingley, exigea-t-elle à voix basse lorsqu'elle parvint à la cellule à son tour et après avoir presque trébuché sur le corps de l'un des leurs qui gisait sur le sol.
-Il y en reste deux, capitaine, murmura Charles entre deux tirs.
-Très bien, décida-t-elle, couvrez-moi pendant que j'ouvre les cellules.
-Je crois que nous devrions attendre encore un peu, opina le lieutenant sans pour autant cesser de tirer.
-Et donner ainsi le temps à d'autres de venir porter main forte à ces deux-là, hors de question, rétorqua Élisabeth tout en se détournant pour remettre son arme à celui dont la jambe s'était remise à saigner.
-Laissez-moi me charger des cellules alors, suggéra finalement le lieutenant Bingley.
-Non Charles, utilisa-t-elle sciemment son prénom, aucun tir n'est plus précis que le tien.
-Très bien, mais sois… soyez prudente, se reprit-il à la dernière seconde.
Une fois qu'Élisabeth eut réussi à ouvrir les huit cellules qui se trouvaient de leur côté, que Charles et les deux autres soldats eurent éliminés les deux derniers ennemis et qu'ils eurent également libéré les quelques prisonniers que comptaient les autres cellules, les deux officiers se consultèrent le temps de mettre au point un plan qui devrait nécessairement être révisé afin de tenir compte à la fois de ce qu'ils découvriraient en sortant du bâtiment et de l'état déplorable des prisonniers dont ils étaient désormais responsables.
-Il y en a deux que nous ne pouvons absolument pas ramener avec nous, jugea le lieutenant Bingley la mort dans l'âme.
Refusant de s'appesantir sur ce qu'il lui incombait de faire avec ces deux hommes, Élisabeth ajouta, nous aurons donc cinq prisonniers avec nous, si l'on compte celui qui nous a aidé…
-Mais qui nous ralentira, évoqua aussitôt son compagnon.
-On ne peut pas le laisser ici, sa condition ne l'exige pas, trancha finalement Élisabeth.
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« Nous sommes tous là, se réjouit le prisonnier à la jambe ensanglantée, tous sains et saufs heureusement ». Grâce principalement à cette explosion dont il avait ressenti les effets de sa cellule et qui avait été le point culminant de cette mission de sauvetage.
Ils avaient bien essuyé d'autres tirs en sortant du bâtiment, mais rien, absolument rien, pas même le fait de savoir que le Capitaine était resté derrière pour « achever » les deux prisonniers, ne pouvait ternir le sentiment de plénitude qui le gagnait depuis, et parce qu'il était sorti de cet enfer. Enfer dans lequel il était entré trois mois plus tôt.
Pendant que cinq des sept survivants de l'unité du capitaine Bennet s'affairaient à rassembler ce qu'il leur fallait absolument ramener avec eux en même temps que les prisonniers, dont il déplorait d'alourdir les rangs, l'estropié répugnait maintenant à évoquer ces longs mois pendant lesquels, le temps d'une mission qui avait horriblement mal tournée, il avait troqué son titre de prince héritier pour celui de commandant.
Ayant compris depuis fort longtemps quel homme de son unité l'avait trahi en révélant sa présence à l'ennemi, William savait fort bien que s'il était encore vivant aujourd'hui, ça avait tout à voir avec la décision qu'il avait prise d'arracher son insigne quelques minutes à peine avant que son groupe ne tombe dans un piège.
-Le capitaine vient tout juste de revenir, on va bientôt se remettre en route, le fit sursauter celui qui arrivait près de lui, muni d'une trousse de premiers soins. Je suis ici pour bander votre jambe, annonça-t-il avant de s'accroupir à ses côtés puis grimacer en découvrant la blessure en question.
-Capitaine! Capitaine! entendit-il alors le lieutenant Bingley interpeller la jeune femme comme celle-ci passait devant lui, arborant un air sombre qui avait certainement tout à voir avec la décision d'abandonner les deux prisonniers qu'elle avait été obligée de prendre un peu plus tôt et qui l'avait forcée ensuite à rester derrière eux afin d'offrir à ces agonisants la chance d'abréger leur souffrance.
-Ça va aller lieutenant, prétendit-elle en s'écartant de celui qui, n'eut été de la présence des autres soldats, l'aurait certainement recueillie dans ses bras, du moins est-ce ainsi que William interpréta le trouble qu'il perçu chez le lieutenant Bingley, une seconde avant qu'il interpelle la jeune femme à nouveau et lui assène ainsi un direct au cœur.
-Capitaine Bennet! Nous sommes prêts à lever le camp.
«Avait-il bien entendu? » s'interrogea-t-il alors avant de tourner la tête vers celui qui rangeait maintenant ses pansements pour lui demander, Soldat, quel est le nom de votre supérieur?
-Il s'agit du capitaine Élisabeth Bennet, annonça-t-il, avant de préciser non sans fierté, et je ne vous apprends rien j'imagine en vous disant que y'a pas meilleur officier!
Par quelle ironie du sort se retrouvait-il à nouveau en compagnie d'un Bennet? se découragea-t-il avant de fermer les yeux et serrer les lèvres. « Élisabeth !» se remémora-t-il alors, il n'y avait plus de doute possible, il s'agissait bien de la sœur de celui qui avait servi sous ses ordres. Celui-là même qui l'avait trahi, qui les avait tous trahis! Celui-là même en qui il avait placé toute sa confiance à tort : JASON BENNET!
… À suivre...
Alors, que pensez-vous de ce début? Me permettez-vous de continuer?
