1
4200 ans avant Jésus Christ
La guerre de l'Autre vient de s'achever. Les sept familles en ressortent affaiblies par la violence des combats. Les plus grosses pertes se comptent parmi les bâtisseurs ; les cogistes ambitieux et désireux de pouvoir commencent une traque sans merci des autres familles. Les guides qui sentent que la situation leur échappe, conseillent aux bâtisseurs de gagner un lieu sûr. Un lieu accessible qu'à eux.
Cet endroit unique ou leur peuple avait jadis bâti une gigantesque maison qui abritait les portes de bois.
La maison aux mille portes, la maison dans l'Ailleurs.
Une fois réfugiés dans ce titanesque édifice, les bâtisseurs créèrent sept portes de fer dont trois destinées à contenir la force, le cœur et l'âme de l'Autre, trois micro-univers appelés bulles-mondes. Les quatre restantes servaient à accéder à la fausse Arcadie et à trois autres mondes aujourd'hui inconnus. Une huitième porte fut bâtie : le cube. Elle permettait d'accéder à l'Autre depuis la terre.
Pour diverses raisons comme la faim et la pression exercée par les Cogistes sur une porte de bois, ils prirent la décision d'abandonner la maison dans l'Ailleurs. Alors la famille des bâtisseurs se sépara en deux parties : ceux qui décidèrent d'arpenter la dangereuse Preatum Vorax et ceux moins téméraires qui choisirent d'explorer la Fausse Arcadie.
Une fois les bâtisseurs partis, les cogistes purent enfin assoir leur domination sur les autres familles et progressivement sur le monde. Aujourd'hui encore ce sont leurs descendants qui règnent sur la civilisation. Et sur leurs habitants.
2
Autre lieu autre époque
Alantha dévia l'épée de son adversaire in extremis. D'un moulinet du poignet elle dégagea sa propre lame et se remis en garde. Déjà une série de coups puissants et précis plu sur elle. Pas après pas elle commença à reculer.
-Bouge-toi, face de tête plate, beugla Targ, son maître d'armes du banc de touche d'où il l'observait.
Tête plate.
Il avait dit tête plate.
Ce peuple sanguinaire qui vit dans les hautes plaines, mangeant leurs enfants et s'accouplant avec des bêtes. Les Arakans leur avait toujours voué une haine sans nom allant jusqu'à exterminer des hordes trop audacieuses.
Le sang d'Alantha bouillonnait, sa fatigue s'envola et elle cessa de reculer. Dans un rugissement terrifiant, elle assena son épée sur le flanc de Thyrian. Celui-ci réussit à parer au dernier moment. D'un mouvement brusque elle le poussa jusqu'à ce qu'il perde l'équilibre. Il essaya tant bien que mal de rétablir sa garde. Grossière erreur. Une garde mal ajustée est aussi inefficace que d'essayer d'arrêter une flèche avec une feuille de papier. Le coup qu'Alantha porta contre son épée fut d'une violence terrible. Sa lame s'envola pour aller se ficher dans le sable de l'arène, à dix mètres de là. Thyrian se massa la main, ramassa son épée et lui lança un regard plein d'admiration. Malgré la fierté qu'il ressentait pour son élève Targ resta Impassible.
-Pense à ne pas retenir ta respiration quand tu frapes, déclara t'il.
Elle acquiesça d'un hochement de tête et entrepris de rengainer son épée.
-Toi Thyrian tu ne dois pas te laisser déconcentrer par un cri et un coup puissant, continua le maître d'armes.
-J'ai fait ce que j'ai pu…
-Et c'est insuffisant, le coupa Targ, tu dois persévérer et ne plus prendre à la légère mes enseignements.
Thyrian voulut protester mais le regard de son maître le réduit au silence. L'homme était grand et brun, sous son armure de cuir se dessinait une musculature puissante. Il était certainement l'un des meilleurs guerrier du monde connu et enseignait son art à de riches privilégiés issus de nobles familles. Sa condescendance et son arrogance n'avait d'égal que sa compétence et son sens de l'honneur. S'il traitait durement les deux élèves présents à son cour, jamais l'un d'eux ne l'aurait jamais reconnu.
Thyrian chercha un peu de réconfort dans les yeux d'Alantha.
Ses yeux.
Magnifiques.
D'un brun clair ou brillait une lueur de compassion. Elle avait les cheveux sombres dans lesquels se reflétaient les rayons du soleil. Depuis que leurs vies s'était croisées, Thyrian s'était attaché à elle. Il dépendait d'elle. Sans elle, le vide, plus personne sur qui compter.
Plus personne avec qui s'amuser.
Plus personne avec qui partager des idées.
Plus personne pour le sortir de son chagrin.
-Fin de la séance, annonça Targ, sortant Thyrian de sa rêverie. Demain nous aborderons les lames courtes.
-Désolé, l'informa Thyrian, mais nous partons à la chasse avec le père d'Alantha.
-Très bien, dans ce cas la séance d'après-demain sera allongée de trois heures.
-Désolé si je t'ai fait mal tout à l'heure, s'excusa Alantha, cet imbécile ma mise hors de moi.
-Tu réagis toujours aussi violement quand il est question des têtes plates ? lui demanda, Thyrian, parce que j'ai bien cru que j'allais y passer.
-Oui, je ne peux pas les supporter, grommela-t-elle, toutes ces atrocités et leur face répugnante me donnent envie de vomir.
-D'accord, mais de là à …
-C'est bon Thyrian, cria t'elle je me suis excusée, tu ne vas pas m'en tenir rancune jusqu'à la fin de mes jours !
Thyrian se tu il ne voulait pas l'énerver d'avantage et préféra ne pas insister, Mais il trouvait qu'on lui coupait la parole un peu trop souvent à son gout !
Alantha s'en voulait d'avoir parlé aussi durement à Thyrian. D'autant plus qu'elle savait qu'il avait raison sa réaction avait été disproportionnée. Elle regarda en arrière il marchait tête inclinée comme si il devait se sentir honteux. Ses cheveux noirs coupés court tranchaient sur un visage triste. Grand et musclé, il plaisait beaucoup aux jeunes Arakanes qui le trouvaient romantique et mystérieux. Sa peau mate et ses yeux gris ne le rendait que plus séduisant. Il n'avait jamais connu ses parents qui avaient disparu peu après sa naissance. Il était autonome et débrouillard, deux qualités hérités de l'absence de protection maternelle. Alantha se détourna, devant elle se dressait le premier arbre maison.
La ville arbre. Arak. D'immenses arbres jaillissant su sol. Eternels. Sur leurs branches on pouvait apercevoir de grandes maisons.
Elles étaient l'arbre.
L'arbre était-elles.
A l'origine, les Arakans fuirent les hautes-pleines pour se réfugier dans la forêt. Là étonnés par ces arbres titanesques, ils décidèrent de vivre en harmonie avec la nature. Les familles choisirent chacun leur arbre maison. Plus la famille était grande plus l'arbre était grand et majestueux. On compte environ un million d'Arakans répartis dans les différentes villes arbre de la forêt.
Ils étaient reliés par de longues passerelles de bois, tous connecté se réunissaient pour ne former qu'un seul corps, la ville arbre. De nuit un étranger aurait pu la traverser sans la remarquer. Au centre d'Arak culminait le palais royal. Une immense bâtisse taillée dans le tronc de l'arbre de plus haut de la ville. Il surplombait la canopée avec grandeur et magnificence. En son sommet se trouvait une tour d'observation accessible à tous.
Le peuple Arakan formait une société basée sur la confiance et l'indépendance. Chaque individu avait une fonction bien établie dans l'organisation de la ville, mais savait se débrouiller seul en cas de besoin. La monnaie qui circulait s'appelait le Yosh même s'il existait une sorte de troc.
-Nous partirons du côté sud de la forêt pour chasser, déclara Alantha le plus jovialement possible, c'est le seul endroit où l'on trouve du Gowa.
C'était un herbivore à la chair délicieuse, qui vivait en troupeaux et courait à des vitesses vertigineuses. Il pesait dans les cents kilos et mesurait deux mètres de longueur. Inoffensif tant qu'on ne l'embête pas elle avait justement envie d'en embêter un.
-A demain alors, lui répondit Thyrian, rendez-vous au pied de votre arbre.
-Entendu, au pied de notre arbre, elle lui adressa un clin d'œil, et bien armé !
Ils se saluèrent puis se quittèrent, Alantha partant vers l'arbre de la famille Egora et Thyrian vers celui des Aliakis. Il vivait chez sa tante et son oncle qui l'avait recueilli à la disparition de ses parents.
Alantha saisi l'échelle de corde qui pendait en bas du tronc de son arbre. Avec l'expérience due à l'habitude, elle s'éleva dans les airs. En cinq minutes, elle atteignit la première grosse branche et se hissa sur la plateforme destinée à laisser se reposer les grimpeurs. Sans prendre le temps de récupérer, elle attaqua la deuxième échelle qui filait vers les hauteurs. A la fin de celle-ci Alantha arriva à une intersection entre deux énormes branches à l'intérieur de laquelle était taillée une ouverture béante qu'elle emprunta. Elle gravit un petit escalier qui menait à une terrasse d'une taille conséquente. Tout était en bois, du parquet à la lampe à huile en passant par la table. La jeune Arakane poussa une porte et déboucha dans l'entrée de la maison. Elle s'apprêtait à gagner sa chambre quand une voix l'interpella :
-Alors jeune fille prête pour la séance de chasse de demain ?
L'homme qui avait parlé était grand et brun, ses yeux bleu profond la toisaient avec un mélange d'amusement et de sévérité. Sa posture et son calme trahissait une maitrise de soi complète. Son bras droit dénudé laissait apercevoir un symbole en forme de U renversé.
Eaorlado Egora.
Son père.
-Papa ! s'exclama Alantha en lui sautant dans les bras, tu es renté !
Le père embrassa sa fille tendrement, cela faisait trois mois qu'ils ne s'étaient pas vus. Eaorlado s'était absenté à cause d'une expédition punitive contre des têtes plates qui avaient trop avancé dans leurs frontières. Expédition que son devoir de tatoué l'avait obligé à commander.
Son devoir de tatoué.
Les tatoués sont l'élite du peuple Arakan. Ceux qui réussissent toutes les épreuves de la Racarda, on accès au tatouage. Le tatouage. Celui qui donne accès à un pouvoir d'une nature inconnue sans doute hérité d'ascendants lointain. En effet, chaque tatoué est sujet à d'étranges manifestations magiques pendant les sept jours qui suivront la Racarda. Au terme de ces sept jours, le nouveau tatoué développera un pouvoir unique propre à lui seul. Par exemple son père était connu pour guérir de n'importe qu'elle blessure non fatale. Earlado se dégagea doucement :
-Tu as 16 ans maintenant, déclara-t-il, tu es trop grande pour embraser ton père.
Comme à regret, elle s'écarta de lui. Elle avait toujours été très lié avec son père n'ayant pas connue sa mère. Celle-ci était partie peu après sa naissance et on ne l'avait jamais revu. Il prit la sacoche de cuir posée sur la table et la donna à Alantha.
-Il y a trois cadeaux pour toi à l'intérieur, dit-il en s'asseyant en face d'elle.
Elle ouvrit le sac, tout d'abord elle en sorti un tissus de velours dans lequel reposait un objet assez léger d'une trentaine de centimètres. Les mains tremblantes d'excitation, elle retira la protection, ce qu'elle vit l'ébloui. Il s'agissait d'un poignard en argent, d'une beauté prodigieuse. Son pommeau était serti d'émeraudes de couleur vives, dans sa garde était sculptée une tête de loup. Sa lame d'un tranchant excellent paraissait légèrement courbée et brillait d'une magnifique couleur argentée.
-Je… Bah… Merci, arriva à balbutier Alantha, c'est vraiment superbe.
-Je savais qu'il te plairait, nous l'avons trouvé sur le corps de l'un des têtes plates. De toute évidence un riche artisan.
-QUOI ? Où l'avez-vous trouvé?
-Il appartenait à un tête plate, murmura t'il calmement, et tu n'as aucune raison de t'énerver à ce point pour si peu de choses.
-Si peu de choses ! hurla-t-elle, son précédent utilisateur à certainement égorgé des dizaines d'innocents avec, mais à part ça tout va bien !
-Je ne pense pas que ce soit un guerrier, et je ne pense pas non plus que ce soit avec cette arme qu'ils tuent leurs victimes. Crois-tu, que nous sommes les gentils civilisés et eux les méchants barbares ? Eux égorgent tous ceux qu'ils trouvent et nous nous les guérissons ?
Alantha n'avait jamais vu son père autant perdre son sang-froid, il faisait peur à voir. Néanmoins elle répliqua :
- Le conseil dit que les têtes plates ne sont qu'un ramassis d'animaux sans consciences ni civilisation !
- Ecoute-moi bien Alantha, si tu crois tout ce que dit le conseil tu es la dernière des sottes !
- Oserais-tu remettre l'autorité du conseil en question?
- Non seulement je la remets en question, mais en plus j'exècre tous ces soi-disant conseillers du roi !
Alantha lui tourna le dos et s'enfuit en courant dans sa chambre Elle n'en revenait pas son père un renégat ! En pleurs, elle sauta sur son lit et enfoui son visage sous les oreillers. Son père avait insulté le conseil royal Arakan, à travers ses insultes elle se sentait touchée elle aussi. Elle qui avait toujours cru en la légitimité du conseil, qui avait toujours respecté ses membres et salué le roi. Maudits têtes plates, elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi son père les défendait de cette manière. En tout cas, pas question d'aller à la chasse demain.
