Il ne m'aura fallu qu'un court instant pour retomber immédiatement amoureux. Ces derniers jours, j'avais oublié ce que c'était d'aimer. Et ce regard, en l'espace d'une seconde, m'avait rappelé ce que cela faisait. Un seul regard, un de ces fichus regards qui nous prenait aux tripes, qui sondait notre être dans son entièreté, qui voyait notre âme. Quand mes yeux croisaient les siens, mon cœur s'arrêtait de battre, le temps qu'il appréhende ce nouvel échange, de comprendre qu'il était réel et non plus dans mes songes comme cela avait pu être le cas les deux derniers jours.
Combien de fois avais-je rêver de revoir cet homme, ces yeux, ce visage, ce corps ? Combien de fois je m'étais maudit de ne pas en avoir plus profité ? Qu'il fasse jour ou nuit, je pensais à lui sans arrêt. Même l'alcool n'y faisait rien. Et aujourd'hui, il était devant moi, vivant. Rien n'aurait pu combler plus le vide que je ressentais au fond de moi depuis que je l'avais vu mourir devant mes yeux. Il parlait, mais je n'entendais pas ce qu'il disait. Je savais juste que toutes mes souffrances disparaîtraient ce soir, quand on sera enfin de nouveau ensemble, sous la couette.
Comment un être peut ressentir autant de souffrance dans sa vie ? Comment ai-je pu survivre après toutes ces merdes que j'ai dû affronter. Lorsque je l'ai vu tomber, lorsque j'ai vu ses yeux bleus s'illuminer de terreur puis s'éteindre brusquement, se fermer de façon définitive, ma seule pensée avait été de savoir si je survivrai à sa mort. Je me suis fait du mal et j'ai imaginé les meilleures façons de mettre fin à mes jours. Et lorsque j'étais mort dans cette maison hantée, que Billie m'avait retenue, je ne voulais pas revenir. Il m'était impossible de vivre sans lui et ses foutus yeux bleus.
Ces yeux bleus que je regardais en ce moment. Je n'en revenais toujours pas qu'il était revenu, qu'il était dans ma chambre, qu'il me souriait. Et caché de tous regards indiscret, je laissais une larme couler et je l'enlaçai. Mes paupières se fermèrent alors que je retrouvais enfin cette étreinte que j'avais chérie et m'avait tant manquée. Je ne savais pas que j'en avais besoin avant ce moment précis comme j'ignorais que j'étais amoureux avant qu'il ne tombe devant mes yeux. Mais aujourd'hui, il n'était plus question de me cacher. J'avais perdu trop de temps.
Je me séparais de lui et tapa sa joue de la paume de ma main qui finit par y rester collée. Les papillons dans le ventre, j'ai toujours cru que c'était des conneries, mais ils étaient bien réels. Et alors que je plongeais mon regard humide dans le sien, que je le voyais sourire du coin de l'oeil, je n'hésitais plus et l'embrassais. Ce fut la sensation la plus douce qu'il m'ait été donné de connaître. Comme la caresse d'une plume, comme l'eau qui glissait sur un rocher, comme l'herbe sous des pieds dénudés. Je ne pouvais pas me détacher de ses lèvres si pures qui contrastait avec les miennes, sèches et abîmées.
Il brisa le baiser et un instant, mon cœur manqua un battement. Je ne m'étais pas un instant imaginé qu'il aurait pu ne pas partager mes sentiments, mais lorsque je le regardais à nouveau, il semblait heureux. Surprit, mais heureux. Et mon être entier se déchargea d'une tension qui pesait lourd sur mes épaules. Il me prit la main et, hésitant, chercha à rejoindre ma bouche, mais j'interceptai le geste, un peu brusquement, et serra ses doigts entre les miens. De ce baiser ressortait une promesse : on ne se séparera plus jamais.
