CHAP1 – Immersion.

Cette ambiance nocturne était chaude, non pas qu'il pouvait ressentir la chaleur, mais il le devinait en percevant la sueur perlant le front des autres spectateurs. Il aspirait déjà à la fin de sa mission, quel serait l'intérêt d'être déguisé en milichien sur cette place publique, sinon par pure obligation?

L'usurpateur s'approcha un peu plus de l'arlequine entourée de ses musiciens. Derrière son masque, elle savait captiver son public, tout le monde n'avait d'yeux que pour elle et sa troupe. Elle s'approcha de lui, et l'invita à prendre part au spectacle ; elle voulait faire de lui son cavalier, le temps d'une chanson… Il accueillit sa main ; il n'était pas bon danseur, mais sa grande expérience d'acteur l'aidera à s'adapter au terrain.

Il s'ennuyait terriblement. Tournoyer puis gigoter en rythme, quelle futilité ! Digne d'un passe-temps d'humain. Elle jouait de son charme avec lui, son physique de militaire lui plaisait donc ? Il s'en réjouit, il s'était habillé d'une bonne apparence. La danseuse fit un signe discret à ses musiciens, ils accentuèrent la cadence. L'euphorie commençait enfin, la place des nomades devint doucement un lieu de fête et chaque spectateur en prenait part.

Bien qu'il feintait de l'ignorer, il remarqua que l'arlequine l'entraînait doucement hors des festivités. Il sourit, il l'avait enfin trouvée. Il n'aura plus à porter cet uniforme de soldat qui ne lui convenait décidément pas, il préférait ses habituelles jupes d'androgyne. Elle s'arrêta soudainement et lui fit face, rejetant les épaules en arrière, sa poitrine et la courbure de son dos ainsi complimentées. Il était l'envie personnifiée, il la jalousa mais n'en resta pas moins dans son rôle d'acteur. Il l'attrapa par les hanches. Elle s'en échappa d'un rire et l'invita à la suivre.

S'ensuivit une course-poursuite séductrice. Il n'en avait aucunement le désir, il commençait même déjà à s'en lasser, mais il ne pouvait se laisser distancer. Par elle ou par n'importe quel autre humain.

Surveillant constamment si le soldat d'Amestris suivait la cadence, elle s'arrêta au bord d'une ruelle. Pleine de malice, elle lui assura qu'ils seraient tranquilles ici. Le comédien sourit, il pourra bientôt lever le rideau.

Elle lui caressa tendrement la joue, et il se força à apprécier le geste. Elle lui tourna délicatement autour, prétextant vouloir toucher son dos. Il connaissait la ruse mais l'ignora. Derrière lui, elle lui donna un coup dans le creux d'un de ses genoux, il chuta. Elle le rattrapa en plaquant sa main sur la bouche du 'soldat', puis lui tailla la gorge en crachant :

« - Crève, chien-chien de l'armée !

Constatant sa lame pleine de sang, elle laissa tomber brusquement le corps inerte de l'homme. Bien que d'apparence mince, il était excessivement lourd. Elle avait accompli, une fois de plus, un assassinat avec brio. Encore un soldat à qui elle faisait passer l'arme à gauche. Elle tourna dos au cadavre afin de vérifier les alentours, un ricanement moqueur s'éleva derrière elle. La victime était debout, le cou intact. Il se transforma en androgyne devant elle et, sans lui laisser le temps de comprendre le retournement de situation, Envy fit de son bras un pic et empala l'arlequine au mur.

- Entre chien et loup… »

La jeune femme mourut dans l'effroi, piégée. Il la lâcha ; elle n'avait aucun humour, cet arlequine n'est pas clown. Il fouilla la sacoche qu'elle portait, et n'y trouva qu'un contrat. Cette erreur n'était qu'une mercenaire. Il déchira le papier, insatisfait du résultat. Il espérait trouver mieux que ça.

Un groupe d'inconnus sans peur s'amusait à démonter l'ordre établi du pays, tuant principalement des chefs d'Etat, éliminant donc des êtres essentiels au sacrifice. Désireux de se voir accorder les grâces de Père, Envy s'assurera de la destruction du complot adverse lui-même, l'armée n'arrivant même plus à se protéger toute seule.

Irrespectueusement - l'arlequine n'était qu'une humaine après tout - il retira le masque de la fraîche défunte, dérobant ainsi son identité et s'en affubla. Il l'abandonna, un cadavre ne l'intéressait pas. À son retour vers la place publique, on l'interpela. Sûrement les personnes qui avaient embauché la danseuse.

« - Bien, le garde n'est plus là. Attrape, gamine.

L'usurpateur réceptionna la bourse remplie. Les mercenaires ne sont habituellement pas autant payés, même pour des contrats d'assassinat. Une façon pour l'employeur de fidéliser des tueurs à gage, et de s'assurer qu'ils ne changeront pas de camps tant qu'ils n'auront pas atteint leur but. Envy sourit, il n'y a que des réseaux qui utilisent cette stratégie, il avait donc bel et bien devant lui des membres de l'organisation qu'il cherchait. Il les traquerait jusqu'à leur trou à rat.

- Qu'as-tu ? Le compte n'est pas correct ?

L'attitude suspecte de l'arlequine alerta les trois hommes. Qu'attendait-elle à rester là ainsi, au lieu de retourner auprès des siens, comme habituellement après chaque payement? Envy s'approcha d'eux, doucement. Il désirait savoir qui ils étaient, et connaitre la raison de leur agissement. Il voulait connaître ce gibier lui faisant face, afin qu'ils le mènent à une plus grosse proie, le coeur de leur société secrète.

- Reste là où tu es!

Cette vaine menace excita Envy, réveilla son instinct. Depuis quand les humains le commander? Il calmera leur ardeur! L'usurpateur s'arrêta, et observa ces trois faibles humains. Vêtu d'une bure, leur visage n'étaient pas discernable, et leur corpulence juste devinée sous cet ample uniforme religieux. Affublés tel quel, ils ne sont personne, indistinguable l'un de l'autre. Ils apparaissent juste comme de la chaire humaine vivante qui s'anime. L'arqueline ne désirait qu'une chose, se ruer sur eux. Les rendre charpie.
L'homme resté muet jusqu'ici tenta de porter discrètement sa main à sa ceinture. Inutile. Envy le repéra de suite. Les humains étaient totalement vains. De véritables ébauches incomplètes.

- D'autre contrats arriveront bientôt. Rentre chez toi maintenant. »

Du travail ? Que pouvait-il bien en faire. Il ne ressentait ni la douloureuse faim, l'insatiable fatigue, le froid tétanisant ou le réconfort de la chaleur. Il n'avait besoin d'argent, il était un être d'instants.
Envy s'élança, sans réfléchir à quelconque plan d'attaque ; bien qu'il était l'un des plus vieux homonculus - quatre cent ans tout de même ! - il ne s'était pas pour autant assagi.

Celui resté à l'écart détacha sa main de sa ceinture et jeta violement un objet au sol. Un flash déchirant en sortit.

L'homonculus dut porter ses mains à ses yeux, qu'il avait mal! Ses rétines le brûlaient. La douleur… Seule sensation du vivant qu'il devait subir. L'unique chose qui le rapprochait des humains étant donné qu'elle a un côté malsain, une certaine connotation négative tout comme Envy et son péché. Ce dernier ne rejettait d'ailleurs pas la souffrance, elle faisait partie intégrante de lui : qu'est-ce avoir mal quand son être est bâti sur son propre malheur car l'on reste sans cesse jaloux de la béatitude d'un autre? Qu'importe sa médiocrité finalement, vu que c'est l'insatiable désir qui ronge…

Remit du choc, il était seul. Le camp adverse était donc un réseau entrainé qui s'aidait mutuellement… Foutus humains et leur indéniable solidarité qu'il s'interdisait.

Les musiciens rappliquèrent.

« - Alors, tu l'as eu, le soldat ?

Et, sans même attendre l'acquiescement de leur prétendue camarade, l'un d'eux poursuivit après avoir remarqué la bourse :

- Viens, on va rejoindre les autres. »

Envy fut étonné, les mercenaires n'opéraient donc plus seuls ?