La chambre était plongée dans le noir. Les fenêtres aux rideaux fermés ne laissaient passer qu'un filet de lumière. Ce même filet que juste un nuage de vapeur transperçait. Son souffle marquait le tempo dans la petite chambre. La pendule s'était arrêtée quelques secondes auparavant, marquée sans doute par l'événement qui venait de se produire. Le temps n'avait plus sa place ici. La vie non plus. Tout était fini.
Une odeur âcre, écœurante, avait envahi l'espace. Une odeur qu'il ne connaissait que trop bien pour l'avoir sentie à plusieurs reprises auparavant. Mais cette fois-ci... C'était différent.
Agenouillé face au cadavre, il ne comprenait pas. Avoir enduré autant d'épreuves pour en arriver là... Pourquoi avait-il fallut qu'il change ?
Et lui, qu'est-ce qu'il allait devenir maintenant ?
Il posa le couteau sanglant à terre. Un couteau à la lame argentée... Un magnifique couteau en temps normal... Mais là, ce même couteau était devenu en l'espace de quelques secondes le complice de son meurtre... Il ne pouvait plus le regarder... Regarder l'objet de son délit... Celui qui venait de faire de sa vie son pire cauchemar.
Il redressa la tête et passa ses yeux sur le corps allongé face à lui. Des pieds aux genoux. Des genoux à la taille. De la taille au torse. Du torse au cou. Du cou à...
Rien...
Le néant...
Juste une marre de sang boueuse... La source de cette odeur écœurante...
Où avait roulé la tête ?
Son regard filtra l'obscurité et il tenta de retrouver la partie manquante. Puis, il se leva et s'approcha de la commode.
Il aurait pu en vomir... Mais il n'en était rien.
La haine le rongeait de l'intérieur... Il aurait préféré mourir sur place que d'affronter le regard vitreux. Il saisit la tête dégoulinante et la releva au niveau de son torse.
Ses dents se mirent à grincer et dans un hurlement atroce il tomba à terre, serrant contre lui le visage éteint.
Le liquide poisseux maculait son sweat. Les larmes tombaient sur la chevelure châtain, se mêlant au sang qui la souillait. Les sanglots se firent entendre et soudain s'arrêtèrent dans un reniflement morbide.
Il passa ses mains sur les joues devenues soudain si pâles et posa ses yeux sur la bouche aux lèvres bleutées.
C'en était trop.
Il tentait de retenir son souffle mais ça lui était impossible. Un râle étouffé sortit du fond de sa gorge et il se mit à nouveau à pleurer, incrustant son regard dans les magnifiques yeux verts dont la lumière disparue reflétait à présent son âme meurtrie.
Quel pire crime pouvait-il exister que de tuer son propre frère ?
