Cette aventure m'a été inspirée au départ par ces récits et séquences filmées de réunions d'anciens combattants issus de camps opposés, se retrouvant sans animosité plusieurs décennies après s'être affrontés, allant même parfois jusqu'à tisser des liens d'amitié personnelle.

Concernant le héros principal de ce récit, 'Steven', je me suis fixé pour objectif de rendre une dimension sympathique et humaine à ce personnage peu aimé de l'univers de Mass Effect, dont l'historique montre pourtant qu'il vaut mieux que le bonnet de nuit balafré et pontifiant sous les traits duquel on le voit généralement dans le jeu vidéo. Je me suis toutefois attaché à lui laisser son goût évident pour ce qui est des tirades épiques...

J'espère qu'on me pardonnera les nombreux poncifs issus des films de guerre hollywoodiens les plus classiques, que je me suis amusé à glisser de ci de là: une lecture au second degré pourra avoir son agrément.

Usual disclaimer: Les technologies, les espèces, les lieux et événements de fond exploités dans les lignes qui vont suivre sont issus de l'univers existant dans les jeux vidéo développés par Bioware, et dans les romans écrits par Mr Drew Karpyshyn.

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An 2157 (système terrien unifié) –
Secteur de colonisation Shanxi Thêta –
Frégate SSV Isandhlwana, Deuxième Flotte de l'Alliance

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« ...L'amirale Drescher nous a transmis ses ordres. La Deuxième Flotte devrait engager le combat contre les forces hostiles inconnues en position de blocus autour de Shanxi dans les vingt minutes qui suivront notre sortie du relais. L'effet de surprise et la supériorité du nombre devraient être à notre avantage. Souvenez-vous de tout ce qu'on vous a enseigné, soldats. Que chacun d'entre vous remplisse son devoir avec conscience et professionnalisme; qu'il fasse confiance à l'homme ou à la femme à ses côtés pour en faire de même; et tout se passera bien. Les colons de Shanxi nous attendent; et les citoyens de la Terre nous regardent. Faites honneur à l'espèce humaine; faites honneur à l'Isandhlwana; faites-vous honneur. Velasquez, terminé. »

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Depuis son pupitre de régulation des flux énergétiques, sur le pont machines, Steven écouta avec attention la fin du discours du capitaine Velasquez à son équipage, diffusé sur le canal de bord. Le jeune officier ingénieur avait en effet toujours éprouvé un certain goût pour ce genre de harangue virile et martiale – même si c'était par la force des choses que ce lieutenant en second de 23 ans était devenu un militaire dans l'âme, après que la vie lui ait volé l'innocence de sa jeunesse.

Au terme d'une triste enfance sans modèle paternel passée à Buenos Aires, la mort de sa mère, son seul parent alors qu'il n'avait que 12 ans, ne lui avait laissé guère d'autre voie que de rejoindre le programme des Cadets de l'Armée. Comme pour tous les jeunes gens de son âge, ses héros et modèles avaient été Jon Grissom et les autres glorieux pionniers envoyés en mission d'exploration au-delà des relais cosmodésiques au nom de l'Humanité, après la découverte des vestiges de la civilisation prothéenne sur Mars en 2148. Les affinités de Steven avec les sciences et l'ingénierie, ainsi que sa rigueur et sa discipline, lui avaient valu son affectation en tant que personnel navigant sur les vaisseaux de combat de la Marine de l'Alliance. Puis son brevet de lieutenant en second reçu l'année passée s'était accompagné du poste de responsable du secteur Énergie sur la frégate SSV Isandhlwana. Steven appréciait son travail, et veillait de près sur le réacteur du bord, la petite centrale à fusion dont il avait la charge. Il aimait son équipe et son vaisseau. Et il s'était juré de veiller à ce qu'il ne leur arrive rien de fâcheux dont il pourrait se sentir responsable.

Deux mois plus tôt, une flotille d'exploration partie du secteur Shanxi Thêta, aux limites de l'espace connu, avait établi ce Premier Contact avec une espèce intelligente extra-terrestre que l'Humanité espérait ou redoutait depuis près de trois siècles. Ce moment historique s'était finalement déroulé de la pire façon envisageable: les vaisseaux inconnus avaient directement ouvert le feu et balayé la flotille humaine, sans avoir cherché à entamer la moindre discussion! Puis la contre-attaque de l'Alliance Interstellaire avait déclenché de terribles représailles de la part des aliens, à l'encontre de la base de départ des forces humaines: l'avant-poste de Shanxi, sous le commandement du général Williams, avait été isolé, impitoyablement pilonné, acculé à une reddition humiliante, et soumis à une occupation qu'on pouvait deviner brutale. Toute la puissance de la Deuxième Flotte de l'amirale Drescher avait alors été rassemblée dans le système d'Arcturus en vue de mener une contre-offensive résolue, de chasser les quelques vaisseaux ennemis demeurés dans l'orbite de Shanxi, et de libérer la petite colonie humaine.

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« Entrée dans le système de Shanxi. Tous à vos postes de combat. Je répète: tous à vos postes de combat. »

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Steven avait ressenti la légère secousse qui accompagna la sortie du relais de Shanxi Thêta, bien avant que l'annonce en ait été faite à bord. Il restait maintenant peu de temps avant que l'Isandhlwana ne soit plongé au cœur de la tourmente... Pour s'occuper l'esprit, le jeune lieutenant se remémora des passages du briefing tenu pour les officiers au départ d'Arcturus. Selon les recoupements des derniers rapports de combat, les vaisseaux inconnus utilisaient une technologie basée sur l'effet cosmodésique, assez semblable à celle que l'Humanité avait héritée des Prothéens. Et même si leur avancée technologique n'était donc pas flagrante, ils semblaient toutefois bénéficier d'une marge relative en ce domaine. Un point plus rassurant avait cependant été abordé: d'après les rapports émanant des pilotes de chasseurs, ces adversaires tendaient à appliquer à la lettre des stratégies prévisibles et des schémas tactiques préconçus – certes avec une discipline exemplaire, et en faisant preuve de la plus grande rigueur dans leur mise en œuvre, mais sans la moindre imagination. Il reviendrait aux stratèges de l'Alliance de savoir tirer parti de cet avantage...

Steven était un ingénieur par vocation, féru de technologie. De ce point de vue, les incroyables progrès scientifiques engendrés par l'étude des artefacts prothéens de Mars n'avaient pas manqué de lui proposer nombre de défis à sa hauteur au cours de cette dernière décennie. Mais à ses rares moments perdus, il était aussi grand amateur d'ouvrages d'histoire militaire. Et à ce moment précis, il songea au nom prédestiné que portait son propre vaisseau. Par convention, les frégates de l'Alliance depuis l'unification récente des nations de la Terre étaient toutes baptisées du nom de batailles particulièrement notables de l'Histoire humaine. L'Isandhlwana portait le nom d'une telle confrontation, au cours de laquelle une nuée de guerriers en supériorité numérique écrasante, mais totalement dominés au niveau technologique, avaient pu anéantir une armée de la plus grande puissance planétaire du moment, par la ruse et par le courage, en faisant montre du plus grand sang-froid face à l'ampleur de leurs propres pertes. Une telle évocation semblait très justement de bon augure pour le combat à venir.

Pour le reste, on ignorait même seulement à quoi pouvaient ressembler ces aliens belliqueux, qu'on n'avait pas encore pris la peine de désigner par un nom. À l'heure actuelle, les malheureux résidents de Shanxi sous occupation armée devaient sans doute en voir bien trop, de bien trop près; mais en dehors de l'espace de colonisation, l'espèce humaine n'avait reçu aucune image de ces êtres hors de leurs vaisseaux de guerre. Certains supposaient même qu'il s'agissait de Prothéens, ces anciens maîtres de la galaxie disparus 50.000 ans plus tôt, dont on ignorait jusqu'à l'aspect. Steven espérait juste que ces adversaires indéterminés ne soient pas des arachnides: depuis certains stupides films de série B, il avait toujours eu une trouille bleue à l'idée de tomber sur des formes de vie arachnides évoluées!

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« En approche de Shanxi. Ennemi repéré. Formation de couverture, en protection du croiseur Hyderabad. Parés pour séparation et plongée vers l'orbite... »

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L'annonce du capitaine sur le canal général marquait le début de la bataille, la vraie. Les premiers tirs n'allaient plus tarder à être échangés. Les règles d'engagement classiques dans ce genre de situation voulaient qu'une fois les cuirassés et croiseurs au contact, les éléments les plus légers et maniables – frégates et chasseurs – se détachent de la formation et descendent en orbite planétaire afin d'y poursuivre le combat entre eux, hors d'atteinte des vaisseaux capitaux, mais prêts à profiter de la moindre opportunité pour revenir flanquer et harceler ceux d'entre eux les plus mal en point.

Les premiers ordres à destination du poste de Steven ne tardèrent pas à tomber depuis la passerelle, requérant plus de puissance pour les boosters d'accélération infra-luminiques. L'Isandhlwana devait maintenant avoir quitté la formation de combat et s'être engagé en combat individuel. L'ingénieur machines ne pouvait suivre les affrontements sur écran tactique, comme ces messieurs du pont de commandement; mais d'où il était, il disposait de quelques indices pour en deviner le déroulement. Ainsi, lorsqu'il lui faudrait alimenter en priorité les puissantes pièces d'artillerie à champs gravitationnels de la frégate, il saurait qu'une solution de tir venait d'être acquise sur un infortuné vaisseau ennemi. Mais si par malheur l'ordre tombait de rediriger en urgence toute la puissance disponible sur les barrières cinétiques... C'est qu'alors, l'affaire serait bien mal engagée pour le camp humain!...

Ce moment fatidique finit hélas bel et bien par advenir... Steven ressentit brusquement des secousses répétées sous ses pieds. Un coup d'œil sur son moniteur l'avertit que les boucliers étaient en train d'encaisser de rudes attaques, et déclinaient avec une rapidité alarmante. Le jeune officier allait prendre l'initiative de rerouter les flux énergétiques en sorte de stimuler les barrières gravitationnelles, lorsqu'il perçut le ton angoissé dans l'appel à l'aide du capitaine Velasquez, en provenance de la passerelle:

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« Frégate hostile en rapprochement par l'arrière! Manœuvres d'esquive engagées... Alerte, deux chasseurs, flanquement sur bâbord! Bouclier tombé à 15%! Subissons... »

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Ce fut la dernière chose dont put se rappeler Steven, avant ce choc violent qui le plongea dans le néant...

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