J'étais serveuse et étudiante en médecine. Une simple serveuse travaillant juste pour arrondir ses fins de mois, rien de bien original. Je visais une vie banale, espérant me marier plus tard et avoir deux enfants. Une fille et un garçon.

Elle essuya les petites tables rondes du bar après avoir ramassé le pourboire laissé par un vieux couple. Elle mit leurs verres sur son plateau en repoussant les chaises vers la table à l'aide de son pied. Elle fit la même chose avec les deux tables suivantes, puis déposa le plateau sur le bar. Elle balaya la salle du regard. Cet homme. Il était toujours là, assis à la même place, commandant toujours son café noir bien serré, lui laissant toujours un pourboire monstre.

« Il est tard, tu devrais rentrer Sakura. C'est bon, je peux ranger seul. »

Elle sourit, se déplaçant derrière le comptoir pour l'enlacer doucement. Kakashi, le gérant du bar, était une vraie perle. Il la traitait tellement gentiment, comme si ils étaient frère et sœur. C'était en partie grâce à lui que la jeune femme continuait ses études. Il lui avait proposé un job dans son bar, dont il était le gérant avec sa petite amie. Elle avait été embauchée il y a plusieurs mois déjà, malgré qu'il ait déjà assez d'employés.

Elle repoussa une mèche de cheveux étrangement gris qui cachait les yeux vairons de l'homme.

« Tu devrais vraiment penser à te reposer Kakashi...

- Tu plaisantes là ? C'est plutôt à moi de te dire ça. »

Il avait dit cela en retraçant de ses pouces le contour des cernes qui apparaissaient sous les yeux de la jeune femme. Il était vrai que ces temps-ci, elle avait enchaîné les heures de travail. Elle détacha son tablier, saisissant son sac et son manteau accrochés à une chaise. Elle ouvrit l'élastique qui retenait ses longs cheveux roses en l'air dans un chignon négligé.

« A demain ! Je ferai l'ouverture, viens vers midi quand ça commencera à se remplir, lui suggéra-t-elle en déposant son tablier sur le bar. »

Mettant son léger manteau, la jeune femme sortit du bar en claquant la porte pour éviter que le froid ne s'engouffre à l'intérieur. Je devrais m'acheter une grosse parka, il commence à faire froid...

Elle marchait dans les rues, ne faisant pas réellement attention aux personnes aux alentours. Elle pénétra dans un quartier, juste à côté de la ville. Ce changement de décors était éminent ; les déchets jonchaient au sol, tous les bâtiments étaient tagués et délabrés. Ce qui se remarquait le plus, c'était les groupes de gamins d'à peine douze ans se droguant, buvant, leurs voix s'élevant dans les rues à une heure si tardive. Comment leurs parents les laissaient faire ?

Sans y prêter plus d'attention, elle se dirigea vers son immeuble, la peur au ventre, accélérant sa marche à chaque bruit suspect. Il fallait dire que les petites ruelles sombrent n'étaient pas très rassurantes.

Elle venait de s'installer dans cette cité il y a deux jours, après avoir quitté l'appartement de sa sœur.

Elle inséra sa clé dans la serrure, la tournant pour l'ouvrir. Premier problème. Merde, ça ne s'ouvrait pas. Forçant un peu, elle entendit un bruit de métal. Second problème. Elle sortit la demie-clé ; elle venait de la casser. Bien sûr, elle en avait un double, mais elle ne pourrait pas l'insérer tant que le bout de métal était coincé dans la serrure.Putain, c'est vraiment pas le moment, j'suis crevée ! Elle soupira, s'adossant contre la porte pour finalement se laisser glisser à terre, sur le paillasson miteux que l'ancien propriétaire avait laissé. Je suis censée faire quoi là ?Elle ferma un instant les yeux, cognant à plusieurs reprise sa tête contre la porte, agacée.

« Putain, s'exclama une voix. »

Elle ouvrit soudainement les yeux. Un jeune homme blond venait de sortir d'en face. Les cheveux ébouriffés, il se tenait devant elle sans aucune gêne, en caleçon, se grattant la tête.

« Désolée, je ne voulais pas vous réveiller, tenta-t-elle de s'excuser.

- Garde les tes excuses, c'est quoi ton problème, sérieux ? Tu viens de réveiller ma mère. »

Elle fronça un instant les sourcils. Elle était de toute manière bien trop fatiguée pour se batailler avec lui, et puis c'était peine perdue vu la musculature du blond.

« Y a un bout de métal coincé dans ma serrure, se plaignit-elle. »

Il sembla réfléchir un instant, puis, soupira longuement. Il retourna chez lui. Elle pensa d'abord qu'il allait l'abandonner sur son paillasson, mais il revint quelques minutes plus tard avec une boite à outil à la main. Elle se décala de sa porte, se plaçant nonchalamment sur le côté. Sans le vouloir, elle s'était mise à le détailler, alors qu'il était dos à elle.

Au bout d'un quart d'heure passé dans le silence, accroupi devant la porte de la rose, il sortit, visiblement fière de lui, l'autre moitié cassée de la clé.

« Voilà, souffla-t-il en jetant au sol le bout de ferraille

- Merci beaucoup, sans vous j'aurais dormi dehors. »

Il la regarda un instant avec ses yeux bleus.

« J'ai pas de récompense ?

- Là, j'ai pas trop d'argent, mais le mois prochain si...

- Je parlais d'autres sortes de remerciements, dis il en se relevant. »

Elle le regarda, presque horrifiée. Elle allait finir violée sur son vieux paillasson qui puait la pisse, c'était ça son destin ?

« Je plaisantais hein ! Calme toi ! soupira-t-il en repartant chez lui, claquant la porte. »

Elle regarda quelques secondes la porte qu'il venait de fermer. Comme d'habitude, elle avait dramatisé la chose. Elle entra finalement chez elle et se laissa tomber sur son lit, ne prenant même pas la peine de retirer ses chaussures. Elle se résolut finalement à se débarrasser de son pantalon, ainsi que de ses bottes, pour pouvoir s'allonger plus confortablement. Elle ferma les yeux, lâchant un long soupir. Et dire qu'il y a deux jours, elle avait quitté la maison de sa soeur pour venir s'installer ici, parce qu'elle voulait prendre son indépendance. Elle regrettait déjà sa décision.

Elle poussa un nouveau soupir, puis finit par s'endormir sans s'en apercevoir.

Le lendemain, c'est son portable qui la tira de sa torpeur. Sans regarder le nom qui s'y affichait, elle décrocha d'une voix ensommeillée.

« Allô ?

- Saku', tu m'avais pas dit que t'assurerais l'ouverture ?

- Ben... si.

- Il est dix heures trente.

- Merde ! »

Elle laissa tomber son portable sur le lit et se précipita en vitesse vers la salle de bain pour se préparer. Elle en ressortit une dizaine de minutes plus tard, prenant un bout de chocolat qu'elle avait vu sur la table. Claquant la porte, elle sortit de son appartement après avoir attrapé à la volé son sac et sa veste qu'elle enfila. Elle descendit les marches quatre à quatre, sortant finalement de l'immeuble. Adoptant une marche rapide, elle dévalait les rues, sans accorder plus d'attention aux personnes qui la dévisageaient.

« Ah bah justement c'est à cause d'elle, s'éleva une voix devant elle. »

Elle releva légèrement la tête, apercevant le blondinet d'hier soir accompagné d'un petit groupe. Elle n'avait pas le temps de le remercier à nouveau, surtout qu'elle avait une heure et demie de retard. Et puis, ça lui inspirait pas confiance les petits groupes comme ça, .

« Eh, euh... Rosita ? »

Elle ralentit sa course, le regardant un instant, hébétée, se demandant si c'était réellement à elle qu'il parlait.

« Rosita ? marmonna-t-elle, presque vexée.

- Je sais pas c'est le seul truc qui m'est venu en tête à cause de tes cheveux. Naruto, et toi ?

- Sakura. »

Elle repartit vers le bar, sans rien ajouter de plus.

J'voulais pas me faire d'amis dans cet endroit. Tout le monde était grossier, les hommes ne respectaient pas les femmes, et les femmes se comportaient donc comme des hommes. En mettant les pieds ici, je me suis dit « Mais qu'est c'que tu fous là, Sakura ? »