Chapitre 1

« La plaidoirie de Lucius Malefoy a fait une très forte impression sur l'ensemble des jurés. C'est avec une force de conviction exceptionnelle qu'il a dépeint l'accusée comme une malheureuse victime des manipulations de Regulus Black. Après cela, il paraît difficilement vraisemblable que le procès de Miss Isabelle Fudge puisse se conclure autrement que par un non-lieu. La défense se félicite déjà de la relaxe de la jeune femme. D'aucun diront que le procès était joué d'avance, suite à la candidature de Cornelius Fudge aux élections anticipées réclamées à corps et à cris par les membres les plus honorables de notre communauté.
Rufus Scrimgeour a refusé de faire le moindre commentaire, sur ce qui s'annonce être d'ores et déjà comme un nouvel échec personnel. »

D'un coup de baguette, Regulus éteignit la radio. La tension qui s'était installée dans le salon dès que le nom d'Isabelle Fudge avait été mentionné se dissipa légèrement. Légèrement, mais pas totalement, remarqua Remus. Celui-ci savait que le sujet était particulièrement sensible, et qu'il avait fallu à Sirius des trésors de diplomatie pour maintenir Regulus loin du Ministère.

Presque une semaine s'était écoulée, depuis que Sirius était revenu bredouille du domicile des Lestrange. Une semaine que les quatre hommes vivaient dans un statu quo pesant. Au moins Sirius ne parlait-il plus de retourner à Azkaban, ce dont Remus était plus que soulagé. Même s'il savait que le sujet reviendrait tôt ou tard sur le tapis. Mais pour le moment, les quatre hommes avaient décidé tacitement de se concentrer sur les problèmes plus immédiats : la destruction du médaillon et leur propre protection, contre les Aurors et les Mangemorts.

« Ils vont la relâcher », remarqua simplement Rogue, avant de replonger le nez sur le parchemin qu'il était en train de relire.

Depuis que Sirius lui avait confié les livres qu'il avait pris chez Bellatrix, Rogue passait son temps à travailler. Il emplissait des pages et des pages de formules obscures de son écriture en pattes de mouche, plus asocial qu'il ne l'avait jamais été. Au moins ne provoquait-il plus systématiquement Sirius, maintenant qu'il avait de quoi s'occuper.

Il y avait quelque chose de terrifiant, à le voir se plonger ainsi dans les arcanes de la magie noire… Remus espérait qu'ils n'auraient pas de mauvaises surprises, il n'avait guère confiance en lui.

« Tu vois, ça ne servait à rien de te précipiter là-bas ! renchérit Sirius. Ils n'ont rien contre elle. Aucune preuve.
- Et le fait que ce soit Lucius Malefoy qui mène le débat ne t'inquiète pas ? lâcha Regulus, acerbe.
- Malefoy fait ça pour pousser Fudge sur le devant de la scène. »

Remus savait que Sirius était loin d'être aussi confiant qu'il le prétendait. Mais Regulus avait besoin d'être rassuré. Même s'il avait repris des forces, il était toujours aussi nerveux, rongé par l'angoisse.

Remus n'avait jamais fréquenté Regulus, lors de leurs années à Poudlard, et ce que lui en avait dit Sirius ne l'avait pas disposé favorablement en sa faveur. Mais il devait bien reconnaître, maintenant, que le jeune homme qui partageait son quotidien depuis plus d'une semaine était bien loin de l'image qu'il s'était faite de lui. Il avait toujours imaginé Regulus comme une version plus jeune de Rogue, chicanier, acerbe, et avide de pouvoir. Il n'en était rien. Regulus était certainement plus renfermé que Sirius, moins expansif, mais il était ouvert d'esprit. Aimable, quand il n'était pas plongé dans ses pensées inquiètes. Et surtout, surtout… Il était profondément attaché à son grand frère.

Comment Sirius avait-il pu passer à côté de cela ?! Comment avait-il pu ne pas voir l'influence qu'il avait sur son cadet ?

Remus détailla avec attention le visage de Sirius, tandis qu'il regardait son frère. S'il avait prétendu ne pas être attaché à lui, c'était bel et bien terminé, désormais. Et s'il n'y avait pas, entre Regulus et Sirius, la même complicité qui unissait jadis si étroitement celui-ci à James Potter, il y avait une indéniable tendresse entre eux.

Même s'ils ne partageaient pas toujours les mêmes points de vue.

Considérant le caractère de Sirius, sa propension à rejeter en bloc tout ce qui n'entrait pas dans son système de pensée, l'équilibre auquel les deux frères étaient parvenus tenait presque du miracle.

« Nous allons surveiller tout cela de près, Regulus, promit Sirius. Et de toute façon, elle sera plus facile d'accès pour nous, si elle quitte le Ministère.
- Il faut que je la vois… murmura Regulus. Que je lui dise à quel point… »

Il se tut et se renfonça un peu plus dans son fauteuil. Les épaules de Sirius s'affaissèrent légèrement, comme s'il portait le poids de l'inquiétude de son frère. Bientôt, le salon redevint silencieux, troublé seulement par les grattements d'une plume sur le parchemin. Sirius se retourna brusquement.

« Qu'est-ce que vous écrivez, encore ?! s'exclama-t-il, rejoignant en deux longues enjambées la petite sorcière assise à une table derrière lui.
- Mais rien ! protesta celle-ci, la plume levée.
- Rien ? Et c'est quoi, ça ?! fit Sirius, lui arrachant le parchemin. Et ce n'est là qu'un des aspects de l'ambiguïté de Sirius Black, de le voir à ce point attaché à son ex-Mangemort de frère, lui qui a eu tant à souffrir des exactions des partisans de Voldemort… Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?! Vous ne pouvez vraiment pas vous en empêcher, hein ?!
- Mais c'est la vérité ! protesta Rita. Enfin, on voit bien que l'inquiétude de votre frère vous touche aussi !
- Ça n'est pas une raison pour l'écrire ! »

Remus sourit. Lui-même venait de se faire la même réflexion, après tout. Mais la petite sorcière avait le don de faire sortir Sirius de ses gonds. Les premiers jours de leur cohabitation forcée, il ne se passait pas trois heures sans que Sirius lui arrache ses papiers des mains en vociférant.

Certes, Rita Skeeter avait une tendance naturelle à tout enrober à sa sauce, mais elle voyait aussi les choses avec une acuité dérangeante. Et Sirius détestait cela. Il détestait qu'on le mette face à ses sentiments.

« Je suis là pour ça, pour écrire ! répliqua Rita, sans se démonter. Sinon, à quoi est-ce que je sers ?! »

Si au départ, Rita était restée très circonspecte, dans ses relations avec les quatre hommes, elle avait pris de plus en plus d'assurance, au fil des jours, n'hésitant pas à remettre Sirius, et même Rogue à sa place lorsqu'ils faisaient ingérence dans son devoir de journaliste. Lorsqu'elle partait dans ses délires, selon Sirius.

« A quoi vous servez ? Oh, ça, on se le demande bien… !
- Je vais aider à votre réhabilitation. Mais pour ça, il faut que mes lecteurs vous voient autrement que comme un monstre sanguinaire ! Et les sentiments que vous avez pour votre frère…
- Arrêtez avec ça ! Vous êtes franchement casse-pieds, à la fin !
- Sirius… prévint Remus. Pas de gros mots quand Harry est dans la pièce… »

Remus désigna le petit garçon du menton. Celui-ci était plongé dans le puzzle premier âge que Sirius avait déniché au grenier. En entendant Remus mentionner son nom, il leva la tête vers eux et leur sourit vaguement. Remus était toujours frappé par le sérieux que l'enfant affichait toujours. Un sérieux qui n'était pas en adéquation avec ses deux ans. Même Sirius et ses pitreries ne parvenaient que rarement à le faire rire.

« Mais vous ne pouvez pas attendre de l'opinion publique qu'elle vous soutienne sans rien donner en échange ! La sympathie du public, ça se mérite !
- Je ne cherche pas à être sympathique… ! protesta Sirius.
- Oui, je vois ça… ironisa Rita.
- …Juste à faire entendre la vérité !
- Et c'est bien là le problème ! Tout le monde se fiche de la vérité ! Ce que veulent les gens, ce sont de bonnes histoires ! »

Sirius manqua s'étrangler. Rogue laissa échapper un ricanement. Il semblait prendre un plaisir particulier à assister aux affrontements quotidiens entre Sirius et Rita. Remus n'en était pas surpris. Maintenant que James n'était plus là, Rogue reportait la totalité de sa rancœur sur Sirius. Curieusement, lui-même, Remus, ne lui inspirait qu'un vague mépris, comme s'il était quantité négligeable.

« Nous nous sommes mis d'accord, Rita, intervint Regulus, toujours prompt à apaiser les tensions. Vous pouvez raconter notre histoire, mais en vous en tenant aux faits. Si vous persistez à tout enrober de votre sauce écœurante, nous vous enfermons dans votre chambre. Est-ce clair ? »

Le visage de la petite sorcière se durcit, mais elle acquiesça d'un hochement de tête.

« Fini, dit Harry, tirant Sirius par la manche.
- Fini ? Déjà ?! s'exclama le jeune homme retrouvant son sourire. Mais tu es sacrément doué, pour un si petit bonhomme ! » Il se pencha sur l'enfant et le souleva dans ses bras, tout en fusillant Rita du regard. Le petit sourire entendu qui avait commencé à fleurir sur les lèvres de la sorcière disparut aussitôt.

Jamais Sirius, ni Regulus, ne parviendraient vraiment à brider les élans lyriques de Rita, songea Remus. La journaliste s'épancherait à sa guise à peine sortie de leur giron. Si Sirius tenait vraiment à ce qu'elle ne s'en tienne qu'à ce qu'il souhaitait qu'elle raconte, sans doute ferait-il mieux de la garder perpétuellement sous sa coupe. L'idée saugrenue d'un mariage entre eux lui arracha un gloussement amusé, qu'il ravala très vite sous le regard soupçonneux de son ami.

« Pourquoi ai-je l'impression que tu es en train de te moquer de moi ? lui demanda pourtant Sirius. Tu n'es pas censé prendre systématiquement mon parti, toi ?!
- C'est ta conception de l'amitié, Black ? balança Rogue par-dessus son parchemin.
- Bon, ça suffit ! coupa Regulus. Sirius ? Tu devrais monter avec Harry… »

C'était la tactique que Regulus adoptait régulièrement. Dès que la tension entre Sirius et Rogue, ou Sirius et Rita devenait trop électrique, il les envoyaient dans des pièces séparées. Et tous suivaient docilement ses instructions, conscients qu'il était plus sage de plier. Bloqués comme ils l'étaient dans la maison, ils n'avaient pas d'autre choix, s'ils ne voulaient pas faire de leur cohabitation forcée un véritable cauchemar. En l'absence de Regulus, sans doute aurait-ce été à lui, Remus, d'endosser le rôle de médiateur. Il était soulagé que ce ne soit pas le cas. Il avait toujours beaucoup de mal à communiquer avec Rogue. Même Rita avait déclaré forfait, sur ce point précis.

Elle avait bien essayé de l'interviewer, elle lui avait demandé de raconter ses longues heures de guet, posté à Privet Drive, devant la maison des Dursley, s'était heurtée bien évidemment à un mur de silence. Finalement, en désespoir de cause, elle avait tenté de lui faire raconter quelques anecdotes plaisantes sur sa scolarité avec Sirius, à Poudlard. Histoire d'avoir une image plus complète de l'homme qu'elle était censé défendre.

Rogue ne lui aurait pas lancé de regard plus dégoûté, si des vers de terre lui étaient sortis subitement des narines… avant de clore le sujet : si elle tenait vraiment à réhabiliter Black, mieux valait faire l'impasse sur ses opinions à lui.

Rita avait reçu le message. Mais si elle ne l'interrogeait plus directement, elle l'épiait en permanence. Remus se demandait si Rogue en était conscient.

Sirius hésita un instant. Il mourrait visiblement d'envie d'en découdre un peu avec Rogue. Il s'ennuyait, enfermé dans cette maison. Et l'ennui le poussait invariablement vers son vieil ennemi. Sur ce point, Sirius n'avait pas changé, il ne s'était pas assagi. Remus le regrettait un peu. Lui-même avait mûri, et ce comportement lui paraissait maintenant vraiment puéril. Mais Sirius grandirait-il un jour ?

Rogue soutint le regard de Sirius un moment, comme s'il le défiait, avant de reprendre sa lecture avec un dédain affecté. Juste l'attitude qu'il avait à adopter pour faire sortir Sirius de ses gonds. Sur ce point, Rogue ne se montrait pas plus intelligent que lui.

Il fallait réagir de manière plus catégorique, mettre fin à l'affrontement immédiatement. Remus jeta un coup d'œil à Regulus. Mais celui-ci ne semblait pas disposé à faire plus. Il est au bout du rouleau, pensa Remus. On lui en demande trop.

Il ne comprenait pas exactement ce qui minait le jeune homme. Ils n'avaient pas échangé plus de quelques mots, tous les deux. Mais il était clair qu'il n'avait pas repris du poil de la bête, depuis qu'ils étaient tous enfermés dans la maison.

Remus se leva et prit Sirius par le coude. Il était temps qu'il prenne le relais. Après tout, Regulus était le frère de Sirius, mais lui était son ami, non ? Il pouvait certainement l'obliger à écouter la voix de la raison.

« Viens, Sirius, dit-il. On va essayer de te trouver un autre jouet à Harry. »

XXXXXXX

Isabelle avait beau savoir que tout allait conformément aux plans, elle ne parvenait pas à se détendre. La simple présence de Lucius Malefoy, à ses côtés au procès, lui donnait envie de s'enfuir à toutes jambes. Elle avait eu le plus grand mal à se concentrer sur les questions qui lui avaient été posées, troublée par son propre avocat.

Maintenant, dans l'abri relatif de sa cellule, elle essayait de se calmer, de songer à la suite.

Le procès trouverait sa conclusion demain. Et alors, elle serait libre. Et alors commencerait la véritable épreuve.

Se préserver des Mangemorts.

Prendre contact avec Regulus Black.

Elle était déchirée entre son profond désir de le revoir, et la peur de le conduire droit dans un piège mortel. A peine dehors, tous se mettraient à la suivre comme des vautours, Aurors comme Mangemorts. Comment arriverait-elle à les semer ?

Le mieux à faire, ce serait de partir loin, d'entraîner tous ces types loin de lui à ma suite.

Elle soupira. Si seulement elle avait le courage de le faire…

Elle s'assit sur son lit et ferma les yeux. Lorsqu'elle songeait à Regulus, elle le voyait invariablement tel qu'il lui était apparu dans son infirmerie, alors qu'elle désespérait de le sauver. Si vulnérable… Serait-elle tombée amoureuse de lui, si elle ne l'avait pas vu ainsi ?

Mais Regulus était aussi tellement sûr de lui, si fort.

Il l'avait sauvée, alors qu'elle était menacée par l'inferius.

Sur le moment, elle avait été si soulagée qu'elle n'avait pas cherché à comprendre ce qui s'était réellement passé à ce moment-là. Mais les questions répétées de McPherson avaient fini par éveiller sa curiosité.

Qu'est-ce que Regulus faisait là à ce moment précis ? Et d'où sortait cet inferius ?

Regulus Black est un mage noir, un Mangemort. Il maîtrise des sorts qui vous feraient froid dans le dos, Miss Fudge…

Les paroles de l'inspecteur l'infectaient comme un virus.

Regulus était-il vraiment capable de telles choses ? Etait-ce lui, qui avait ranimé le cadavre ? Qui l'avait poussé à massacrer ces hommes ?

Mais en faisant cela, il m'a sauvé… songea-t-elle.

Pourtant, le malaise persistait.

Oui, elle voulait revoir Regulus. Et lui arracher toute la vérité. Parce que si elle l'aimait, elle n'en était pas moins profondément troublée par cette part d'ombre qu'elle sentait en lui.

XXXXXXX

Regulus avait fini par s'enfermer dans sa chambre. Il était las de faire sans arrêt le tampon entre son frère et les autres habitants de la maison. D'accord, Rita était du genre casse-pieds, et Rogue n'était pas non plus particulièrement facile à vivre… mais Sirius était le plus prompt à s'emporter. Et Regulus était fatigué.

Il ne dormait pratiquement pas. Un contrecoup de la magie qu'il avait utilisée. La sensation de vide qu'il ressentait maintenant était oppressante. C'était comme s'il était perpétuellement plongé dans le noir. Ou enfermé dans une pièce minuscule, sans air. Il savait qu'il ne devait pas se laisser submerger par ses crises d'angoisse, mais c'était de plus en plus difficile. Sans doute reprendrait-il de l'aplomb plus rapidement, si le climat ambiant était un peu plus serein. Mais entre les coups de gueule de Sirius, cette fouine de journaliste et la fébrilité malsaine de Severus… Et sa propre mère qui perdait la tête…

Lorsque Remus était venu le trouver en lui disant que Walburga tenait des propos inquiétants, sa première réaction avait été la dénégation pure et simple. Sa mère était âgée, après tout… Mais il ne pouvait pas se leurrer bien longtemps. La plupart des propos qu'elle tenait étaient bien décousus de sens.

Il avait songé lever le sortilège d'imperium, certain que celui-ci ne faisait qu'aggraver son état. Mais la perspective de vivre avec l'obligation de soumettre sa propre mère à une garde permanente l'avait arrêté. Il n'avait pas la force de le faire, tout simplement. Et il ne pouvait certainement pas compter sur Sirius, dans ce cas précis. Sirius n'avait jamais été patient, avec elle. Et il ne ressentait aucune compassion pour elle.

Sans doute n'avait-il même jamais réalisé à quel point la perte de son aîné avait été douloureuse, pour elle. Lui, Regulus, en était par contre cruellement conscient. Après tout, c'était lui, qui avait servi de bouée de sauvetage affective à ses parents, lorsque Sirius avait claqué la porte pour aller vivre chez les Potter. Regulus était persuadé qu'il ne devait les bonnes grâces de ses parents qu'à cela. Ils avaient perdu Sirius, le brillant, le si parfait Sirius. Et en désespoir de cause, ils s'étaient rabattu sur le cadet…

Il jeta un coup d'œil sur les photos posées sur sa commode. Ses parents, à la mine austère, et lui-même, qui s'efforçait de montrer le même dédain affecté. Inutile de provoquer Walburga, en affichant des sentiments fraternels malvenus : il avait fait disparaître la photo de Sirius des années plus tôt, au moment de sa disgrâce. Elle était soigneusement rangée dans son placard.

Peut-être que la seule chose qu'il fallait à Walburga, c'était un peu de la présence de Sirius… Elle parlait souvent de lui, dans ses discours décousus…

Mais pousser Sirius à se rapprocher de sa mère, c'était au moins aussi difficile que de le convaincre de déjeuner assis face à Rogue sans faire de réflexion désagréable sur la longueur de son nez… Et Regulus n'avait pas non plus de courage pour cela.

Non, Regulus ne se sentait plus d'énergie pour rien. Il n'essayait même plus de suivre Rogue dans ses recherches pour détruire l'horcruxe. Il faisait très bien cela tout seul, de toute façon !

Il s'allongea sur son lit et ferma les yeux. Il aurait voulu dormir, et oublier les horcruxes, sa mère, Rita, les Mangemorts et tout le reste… Oublier même son inquiétude pour Isabelle qui le rongeait comme un ver. Là encore, il n'avait pas eu le courage d'agir. Il s'était docilement plié à la volonté de Sirius, moins par conviction que parce qu'il ne se sentait tout simplement pas la force de sortir de la maison pour aller la rejoindre. Parce qu'il était las de se battre. Et il s'en voulait pour cela. Il avait abandonné la jeune femme, et cela l'écœurait.

Quelques coups brefs contre sa porte le tirèrent de ses réflexions maussades. Il poussa un soupir et se redressa sur son lit. « Entrez… »

Il fut un peu surpris de voir Kreattur. L'elfe se planta près de lui avec détermination. « Je voudrais avoir la permission d'aller faire quelques courses, Maître Regulus…
- Faire des courses ? Nos provisions sont déjà toutes épuisées ?
- Non, non, c'est juste… Il faut que j'aille acheter les gâteaux.
- Les gâteaux ? Quels gâteaux ? » soupira Regulus.

Une autre chose, qui l'exaspérait. Il avait été tacitement décidé que c'était à lui, Regulus, de gérer les problèmes d'intendance. A son corps défendant. Mais Sirius, avec sa patience légendaire, n'arrivait jamais qu'à braquer l'elfe contre lui. Et un Kreattur maussade générait invariablement des prestations domestiques épouvantables : nourriture immangeable, chambres curieusement sales, etc…

« Les gâteaux pour demain après-midi », répondit Kreattur d'un air entendu.

Regulus se sentait un début de mal de crâne carabiné.

« Est-ce que tu pourrais être plus explicite, Kreattur ? demanda-t-il, s'efforçant de ne pas perdre patience.
- Demain, nous serons le premier samedi du mois.
- Et alors ?
- Tous les premiers samedis du mois, Mrs Malefoy vient rendre visite à ma maîtresse. Ma maîtresse y tient beaucoup, et elle se montre toujours charmée de ces visites ! Maîtresse Narcissa est toujours d'une politesse exquise ! »

Regulus regarda l'elfe avec stupeur. Que venait-il de dire ?!

« Kreattur… Narcissa doit venir demain ?!
- Oui, Maître. Comme tous les premiers samedis du mois… Elle sera très déçue, si elle n'a pas ses gâteaux préférés avec son thé, et Maîtresse Walburga serait très chagrinée de la peiner ! Puis-je aller les acheter, Maître ? »

Regulus passa une main tremblante dans ses cheveux. Narcissa ici, place Grimmaurd…

C'était une catastrophe.