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Femmes damnées

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Disclaimer: Claymore appartient à Norihiro Yagi et le titre, comme souvent dans mes recueils, n'est pas de moi.

J'inaugure un nouveau recueil de one-shots, pof. Bon, comme je n'en ai présentement fini aucun sur Claymore et sur ce thème (sauf celui-ci), je ne sais absolument pas ce que ça deviendra. Possible que plus rien du tout n'apparaisse ici, mais possible que si. (Car, d'habitude, avant de commencer à publier un nouveau recueil, j'attends d'avoir un minimum de trucs à mettre dedans, sinon mon profil serait farci de "recueils" à chapitres orphelins, je me connais, mais là, allez savoir, je fais autrement). Et bien sûr, comme on est sur Claymore, ça sera répugnant. Alors âmes sensibles... arf, mais qu'est-ce que je raconte, il n'y a pas d'âmes sensibles sur ce fandom. ^^

Bonne lecture.


Une et deux

Personnages: Alicia & Beth

Rating: M

Avertissements: Yuri et donc inceste. Désespoir absolu.

J'ai employé "éveil" et "exaltation" comme synonymes pour éviter des répétitions. Pas très orthodoxe (trolololololol) mais vous êtes prévenus.

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Elles sont nées deux, et pourtant, on les a contraintes à ne devenir qu'une.

Un seul et même esprit, dans deux entités distinctes. Car le lien d'âme ne fonctionne que si les personnalités des êtres qu'il noue sont suffisamment proches, conditionnées, lissées, pour qu'un de leurs corps puisse accepter deux âmes en même temps.

Elles ne sont rien, l'une sans l'autre, car elles n'ont ni intelligence, ni pensée: deux coquilles vides, sans heurts, absolument parfaites, mais creuses et désespérément tristes.

On les a dépossédées de tout: il ne leur reste rien. La rébellion, pour peu qu'elle existe, avancera sans elles. Elles ne disposent plus d'assez de réflexion pour s'y engager. Elles ne sont qu'une machine à tuer, scindée en deux enveloppes charnelles, identiques, impeccables et totalement fades.

La seule résistance qu'il leur reste, c'est celle-là: l'union de leurs corps, présidant au détachement de leurs âmes. Lorsqu'elles se regardent, s'enflamment l'une pour l'autre, s'attirent, se touchent, se caressent, se font gémir, se mordent et se pénètrent, Alicia et Beth échappent à leur triste condition de robots, pas même humains puisque de ça aussi, on les a privées. Les nuits où, de sœurs, elles deviennent amantes, les cris qu'elles poussent ne sont pas que des râles de luxure, mais bien aussi les revendications de deux âmes distinctes, et qui hurlent en chœur leur individualité.

Les hommes en noir ne comprennent pas cela, sinon ils les sépareraient. Les empêcheraient. Car ils savent, bien entendu, et ils laissent faire, songeant que ce n'est pas cher payé que de fermer l'œil là-dessus, face aux services que ces deux-là peuvent leur rendre. Peut-être même que certains les observent: elles sentent parfois la présence de l'un ou de l'autre, à travers les cloisons. Mais elles n'en ont cure, et n'en gémissent que de plus belle.

Leurs cris leur confèrent une animalité qui ne font que les exalter davantage. Elle jouissent aussi de cette rébellion-là, paradoxalement discrète, car en apparence anodine: se laisser aller au bruit et à la fureur quand elles s'aiment, tels deux démons en train de festoyer.

Lorsque Alicia attaque sous sa forme de monstre, le plaisir qu'elle éprouve est vague, lointain, tant la concentration du combat le lui fait oublier. Il n'y a pas assez de place, dans son esprit étroit, pour deux sentiments aussi proches et contradictoires que le massacre et la jouissance. Beth, en revanche, ressent davantage l'éveil de sa jumelle comme une extase: c'est elle qui recueille son âme, elle qui reçoit ses sentiments, elle qui s'emplit de la libération du pouvoir d'Alicia. Malgré cela, la forte concentration nécessaire au maintien de l'âme de sa jumelle l'empêche de profiter pleinement des sensations de l'éveil.

Qu'à cela ne tienne. Lorsqu'on les laisse seules, elles s'en vengent à leur manière. Le plaisir charnel qu'elles tirent de leurs formes humaines n'est pas aussi puissant que la sensation d'exaltation, naturellement, mais symboliquement, il est assez fort pour les contenter.

Alors elles s'observent, se dévêtent lentement, s'effleurent pour faire naître sur leurs peaux parfaites les écailles monstrueuses de la chair de poule. Leurs bouches se mêlent parfois, avant de se parcourir mutuellement, laissant derrière elles un liseré de salive luisante, scintillante à la lueur des bougies, et qui rappelle l'épiderme humide, englué, de ces tentaculaires corps d'éveillés qu'elles combattent, tronçonnent, tuent. Elles ne leur ressemblent guère, car leur apparence de yoma fait davantage l'effet d'une carapace chitineuse. Mais elles se complaisent dans cette mascarade de métamorphose: jouer le rôle des monstres qu'elles éliminent est plus excitant que toutes les caresses du monde!

Ensuite, leurs doigts entrent en jeu. Ils se font griffes de démons, mais lacèrent sans trancher. Parfois, elles aimeraient pouvoir les allonger comme ces lianes meurtrières dont les abyssales transpercent leurs proies: elles ne le font jamais, car libérer leur yoki durant ces pratiques, ne serait-ce que de manière infime, serait trop dangereux. Alors elles s'enserrent, se laissent tomber au sol, nouent leurs jambes et leurs bras autour du corps de l'autre, tel un nœud de serpents, et s'oppressent, et s'étouffent, allant parfois jusqu'à la quasi-asphyxie. Puis elles se délacent et se fouillent mutuellement, guettant l'entrée des cavités du corps qui permettent d'éveiller ses orages. Beth enfonce ses doigts dans la bouche d'Alicia qui les mord et les suce, tandis que les siens cherchent à pénétrer son sexe. Ou bien les rôles s'inversent et se mélangent. Les langues se lient, remplacent les doigts parfois, aussi rampantes et serpentines que les membres difformes des yomas. Lorsqu'elles ne peuvent plus y résister, leurs gestes s'accordent sur un même rythme qui monte, accélère, devient frénétique, se mue en rage d'enfoncer, frotter, déchirer, faire crier, jusqu'à ce qu'elles éprouvent la sensation divine des amants: être deux, mais ne plus faire qu'un.

Les voici: Alicia et Beth. Sœurs sacrifiées devenues amantes par un geste instinctif de protestation. Un geste, cependant, que leurs faibles esprits ne savent même pas comprendre ni nommer.

À elles deux, elles sont la plus puissante et la plus fidèle arme de l'Organisation. À elles seules, elles sont le plus dangereux serpent dissimulé en son sein.

Elles sont deux et une, et pourtant, une et deux.

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