Les Improbables

"Il n'y avait pas de Bien ou de Mal. Ce n'étaient que deux notions surannées, des mots désuets que n'employaient plus que les prêtres. Ou cet abruti de Friedlander.
Il y avait juste des gens entre les deux, ni blancs, ni noirs, tout en nuances."


Une fic pas commandée, écrite pour le pur fun, avec du second degré. Cela va de soi quand on part sur du GTA ;)

Pairings : Michael De Santa x Amanda De Santa ; Franklin Clinton x Paige Harris ; Trevor Philips x Patricia Madrazo ; Trevor Philips x Steve Haines ; OC masculin (Cicero) x Steve Haines

Je tiens compte de "pairings"du jeu auxquels il sera seulement fait allusion aussi (Amanda avec Fabien LaRouche ; Michael avec diverses prostitutées et strip-teaseuses ; les abus de Trevor avec Floyd ; Franklin et Tanisha etc).


Prologue : Tout le monde a ses sales petits secrets

- Pourquoi tu lui as pas simplement collé une balle en plein front dès le début ? vociférait Trevor, en arpentant le minuscule bureau de long en large. Comme d'habitude, t'as ravalé tes couilles... Oh non ! Pardon, Mikey ! C'est vrai ! Tu les as perdues y a neuf ans, en les vendant à Dave ! Toutes mes excuses !

- Je me suis rendu pour ne pas perdre ma famille ! Quant à Haines, tu parles de l'exécuter en pleine terrasse de café, devant tout le monde ? Très malin, très subtil, T !

- Au moins, on aurait plus cet enfoiré de fédéral sur le dos ! riposta brutalement le canadien, en haussant le ton. On devrait plus lui obéir au doigt et à l'oeil pour couvrir tes conneries !

Heureusement que l'usine ne donnait que sur une route bondée, sans quoi il aurait ameuté tout le quartier. Michael balaya ses paroles d'un geste agacé.

- Non, on serait déjà tous en taule !

- Parfait, j'aurais revu Brad ! On aurait pu parler de combien t'es devenu un vendu gras qui bouffe bio !

- Du calme ! s'exclama Franklin, qui se massa le front.

Ils se disputaient sans arrêt, comme un vieux couple. Il en avait la migraine. D'un oeil un peu sceptique, Lester les observait, en arrêt, une montagne de feuilles entre ses doigts potelés. Ils formaient décidément une belle bande de bras cassés. Le binoclard se racla la gorge, dans le vain espoir d'attirer leur attention et de faire cesser la querelle. Sa tentative passa totalement inaperçue, si bien que Franklin intervint.

- C'est pas avec vos vieilles histoires qu'on va régler le problème "Haines" !

- Il a pas tort, reconnut Michael, en prenant place sur le canapé.

Trevor, qui s'apprêtait à l'injurier une énième fois, referma la bouche et donna un violent coup de main sur la table, faisant sursauter Lester. Il n'était pas encore calmé, Michael non plus apparemment. Il marmottait nerveusement dans sa barbe.

- Dire que, sans ces conneries de parties de jambes en l'air d'Amanda avec le prof de tennis, je savourerais encore ma retraite devant ma piscine...

Malheureusement pour lui, Trevor perçut ses propos. Il ne manquait jamais une occasion d'enfoncer celle qu'il considérait comme la pire femme de l'univers, surtout parce qu'il la tenait responsable de l'éloignement de Michael vis-à-vis de lui.

- Toujours elle ! s'écria-t-il, comme s'il s'agissait d'une évidence absolue. C'est toujours elle ! Cette grosse bonbonne de silicone ambulante ! Elle te gâche la vie ! je t'avais dit qu'elle...

- Va te faire foutre T ! Comme si tu y connaissais quelque chose en relations de plus d'une nuit, voire quelques heures !

Franklin était de loin le plus jeune, mais ce fut encore lui qui les rappela à l'ordre.

- Et pour Haines ?! Personnellement, j'compte pas rester l'esclave de cet enculé à vie !

Lester rebondit sur ses paroles, avant que Trevor ou Michael ne puissent se relancer des piques.

- S'il existe une chose qui ferait la fermer à cette grande gueule de Haines, c'est de menacer sa réputation.

Michael acquiesça.

- T'as pas tort. Tu peux peut-être fouiller ses dossiers ?

- Déjà fait, s'exclama-t-il et il balança sa liasse sur la table. Ses états de service sont blancs comme neige !

- Pour un mec si corrompu, quelle ironie... maugréa Trevor, en parcourant les feuillets avant de les balancer dans la poubelle près de lui.

- Tu peux pas le blairer.

- Nah ! En fait, je peux pas blairer ce qu'il prétend être ! Le bon gars qui se sacrifie pour sa patrie ! Conneries ! C'est comme si je criais sur tous les toits que je suis Blanche-Neige !

Un concert de rires lui fit écho. Michael, qui s'était figuré un instant Trevor dans la tenue de la princesse de dessin animé, s'essuya les yeux et tâcha de reprendre son sérieux. Il en revint à Lester.

- Et pirater leurs réseaux pour intercepter ses communications ?

Les épaules du bedonnant s'abaissèrent d'abattement, alors qu'il soupirait ; il s'avouait rarement vaincu. Malheureusement, cette fois-ci, c'était le cas. Il avait échoué.

- J'ai essayé, mais, curieusement, il bénéficie d'une meilleure protection que tout le FBI. Il s'agit d'un miroir personnel et non professionnel.

- Installé pour une bonne raison, souligna Franklin, assis avec ses avant-bras appuyés sur ses cuisses. Il a définitivement quelque chose de vraiment grave à cacher.

- Ouais, agréa Michael, installé à sa gauche ; il scruta le contenu de son verre en le faisant miroiter à la lumière. Quelque chose qui le mettrait plus bas que terre si c'était révélé au grand jour. Quelque chose... qu'on doit absolument découvrir.

C'était leur passeport pour la liberté. Au sourire qu'affichait de nouveau la figure joufflue de Lester, Michael comprit qu'il leur réservait une dernière surprise. En effet, l'informaticien reprit d'une voix nettement plus enthousiaste :

- Cela dit... J'ai une information qui vous intéressera, messieurs !

Et il sortit de sa poche un papier racorni, comme s'il dégainait un magnifique magnum, avec beaucoup trop de fierté.

- L'adresse, la vraie naturellement, de notre "cher" Steve Haines !

Trevor se gratta le menton, en émettant ce qui était à mi-chemin entre le ronronnement d'un chat et le grondement d'un lion affamé.

- L'un de nous l'espionne, trouve ce qu'il dissimule et, ensuite, il ne restera plus qu'à le faire chanter !

- Je doute que ce soit aussi simple que ça, marmonna Lester, un brin sceptique, mais vous n'avez guère d'autre choix. Si son pare-feu est si élaboré, vous risquez fort de rencontrer une sacrée résistance... Des caméras de sécurité, voire des gardes du corps.

- Nah ! fit Trevor, en ricanant. Notre Steve est trop arrogant et sûr de lui pour ça ! Il s'croit intouchable ! J'suis prêt à parier que le pare-feu est pas son idée.

Le silence retomba et les trois comparses échangèrent des regards tendus. Franklin lâcha finalement :

- Hum... On la tire à courte paille ?

Michael s'apprêtait à répondre, quand son ami et némésis le devança :

- Honnêtement... j'veux m'en charger.

- J'vois le genre ! Vous avez partagé ce petit moment de torture tous les deux, alors un lien s'est créé...

De cette rapide entrevue, Trevor avait déduit que Steve était le genre de gars avec lequel il aurait pu s'entendre s'il n'avait pas été si opportuniste, si obsédé par sa réussite sociale et son apparence. Peut-être s'il n'était pas un si gros connard également... S'il avait été moins comme lui et plus comme Franklin ou Michael en somme. Plus conciliant. Deux personnalités obsessionnelles dénuées d'empathie faisaient rarement bon ménage. Trevor fit taire le rire de Michael d'un regard acéré, en lieu et place d'un poing bien placé.

- Sérieusement, ça se passait très bien jusqu'à ce qu'il m'ordonne implicitement de buter le gars !

- Un élan d'humanité ? s'étonna Franklin, Michael secouant aussitôt négativement la tête.

- Juste je déteste qu'on me file des ordres ! rugit Trevor et il arracha le papier avc l'adresse de Haines des mains de Lester.


Une très belle maison, avec piscine, sauna et tout le luxe dont on pouvait rêver, pour un très beau connard, un salaud qui se prenait pour un parangon de vertu et de probité. Ce constat rappelait vaguement Michael, qui, malgré ses antécédents judiciaires, avait su s'organiser une confortable retraite, contrairement à Trevor qui habitait toujours sa vieille caravane sale. Il ne s'en plaignait pas néanmoins ; il ne comprenait juste pas comment des personnes avec les mains aussi sales pouvaient bénéficier de cette apparence de gens bien sous tous rapports. Ce qui l'écoeurait, c'était l'hypocrisie derrière cet aspect des choses. Certes, Trevor avait énormément de défauts, mais celui-ci n'en faisait pas partie ; il était la franchise incarnée.

- T ?

L'interpellé émit un grondement de mécontentement. Il regrettait déjà de s'être désigné. Cette mission qu'il espérait croustillante se révélait d'un ennui innommable.

- RAS. Il est toujours dans la salle de bain.

Il entendit Franklin bâiller derrière.

- Qu'est-ce qu'il fiche là-dedans ? Bon sang ! s'énerva Michael et il songea aussitôt que lui, au moins, n'était pas sur le terrain.

- Va savoir... Sûrement en train... d'enduire son corps de bellâtre de crème hydratante ou de pouponner sa face de Ken... Comme tout métrosexuel qui se respecte !

- Rassure-moi une seconde... Tu le critiquais, pas vrai ?

- Bien sûr que oui ! enragea Trevor, lui explosant les tympans en gueulant dans le transmetteur. J'ai l'air d'apprécier les gars qui s'épilent les bras ?!

Il recolla ses yeux à ses jumelles, en grommelant des insultes. La porte fermée depuis près d'une heure s'ouvrit enfin et Steve, en peignoir, en sortit en sifflotant.

- Et les jambes, et le torse ! Mon dieu, vers quelle horreur l'espèce humaine est-elle en train de dériver ?

- T, épargne-nous tes considérations d'homme de Cro-magnon sur l'esthétique... Tu notes quelque chose qui sorte de l'ordinaire ?

- Hormis le fait qu'il a l'air drôlement content, non... Il gazouille comme un oiseau... Putain, j'déteste les oiseaux ! Sauf les corbeaux et les mouettes ! Tiens, Mikey, tu savais que le corbeau était blanc aux origines et qu'il a été noir qu'après qu'un enfoiré de dieu grec lui piétine la tronche ? Un peu comme moi en somme...

Le sifflement joyeux, plein de gaieté, de Steve l'interrompit. Trevor se tendit.

- ça m'donne envie de lui exploser sa...

Michael, à l'autre bout, se tendit ; il savait bien que Trevor utilisait rarement sa tête, quand il se tenait face à quelqu'un qui haïssait, surtout s'il avait une arme entre les mains.

- Modère tes ardeurs, T. S'il crève, ça nous desservira tous. Inutile d'attirer davantage d'attention sur nous.

Un nouveau grondement peu amène lui répondit. Heureusement, comme par enchantement, la sonnette du portail de la propriété s'activa. Les grilles s'ouvrirent quasi-instantanément et une large berline noire aux vitres teintées franchit le seuil. Trevor enclencha la vision thermique et ne repéra qu'un seul homme à bord. Le type s'arrêta devant l'entrée de la villa et descendit de sa voiture. Il marcha tranquillement vers la maison de Haines. Il ne se pressait pas, mais Trevor constata qu'il surveillait les alentours, à la recherche d'éventuels témoins. Trevor s'aplatit dans le buisson et attendit qu'il soit sur le seuil pour se redresser lentement. Il fronça les sourcils tout en dirigeant son objectif sur le nouveau-venu.

Un Mr. K, en somme, avec sa peau brune, ses cheveux noirs gominés rabattus en arrière, mais en beaucoup plus grand et baraqué, avec une paire de lunettes noires qui, malgré leur taille, ne masquaient guère les innombrables tatouages sur sa face. Son cou, ses bras, en étaient aussi recouverts et il devait en aller de même des parties voilées par son jean et son tee-shirt blanc, plutôt sobre, mais propre.

L'inconnu épia de nouveau les environs, avant de finalement sonner. Steve ouvrit très rapidement ; il l'avait attendu de pied ferme et le fit entrer très rapidement à l'intérieur. L'hôte et son invité traversèrent le salon immense pour passer à la véranda, qui ne donnait que sur une étendue sauvage, de l'autre côté d'un mur assez haut pour décourager les importuns. Le latino prit place sur le canapé comme il avait pénétré dans la maison, avec naturel ; de toute évidence, ce n'était pas la première fois qu'il rendait visite à Haines. D'ailleurs, ce dernier ne parut nullement contrarié par cette désinvolture. Au contraire, il alla à un petit cabinet d'acajou et en sortit une bouteille de whisky. Il remplit deux verres et en tendit un à l'étranger, puis il prit place face à lui. Aucun d'eux ne semblait gêné par le fait qu'il était en peignoir. Steve sourit et entama la discussion. Par chance, Trevor, avec son micro, n'en raterait pas une miette.

- ça fait longtemps...

Le ton de l'agent sonnait différent de celui qu'ils lui connaissaient. Il se voulait moins abrupt, moins autoritaire. Le basané rit à mi-voix, tout en faisant tourner l'alcool dans son verre, avant de le boire d'une traite. Tout comme il engloutissait sa tequila, il ne savourait pas le whisky.

- J'dirais... une semaine. Pas si longtemps, dit-il avec un sourire féroce révélant ses dents blanches, dont certaines devaient être fausses ; plusieurs étaient en métal.

Steve siffla entre ses dents toutes aussi immaculées, mais naturelles.

- Enlève ces lunettes. Un peu de respect.

Le gars ricana d'une voix rauque.

- J'te respecte tellement, Steve.

Le ton était narquois, mais il s'exécuta. Les mâchoires carrées, le nez un peu busqué, qui avait été cassé à plusieurs reprises sûrement, et les yeux minces, noirs, de rapace. Il contrastait avec Steve, à tous les niveaux. Le rouquin se leva pour attraper son verre vide et le remplir de nouveau. Il le lui rendit et, au lieu de retourner dans son fauteuil, se posa juste à côté du brun, dont le regard ne resta guère plus d'une seconde sur son visage et louvoya plus bas. Pourtant, sa voix demeura sérieuse.

- Alors... j'vais avoir cet... arrangement bientôt avec les Familles.

Michael échangea un coup d'oeil avec Franklin, qui prit son portable pour contacter Lamar et essayer d'obtenir des informations.

- Ces petites frappes ? s'étonna Steve, non sans mépris. Tu vaux mieux que ça.

- Faut jamais sous-estimer les petites mains, plaisanta-t-il. Ce que j'veux, c'est que tu t'arranges pour que le secteur est de Los Santos soit dégagé demain, entre 2 heures du matin et 5 heures. Une ou deux voitures de gardés, c'est bon, mais plus ce serait gênant.

Trevor écarquilla les yeux, se disant que le type ne manquait pas de culot et que Steve ne tarderait pas à le remettre à sa place avec un de ces fameux : "C'est moi le chef, amigo !". Il ne cesse de s'ébahir en l'entendant répondre :

- Je vais te couvrir. Comme si la question se posait... marmonna-t-il, en terminant son whisky, bien après son complice.

- Et toi ? Besoin d'un coup de main ?

- Non. T'inquiètes pas, ricana-t-il avec cynisme et il ajouta d'une voix chafouine : J'ai dégoté trois guignols pour tout ce dont je ne veux pas me charger moi-même.

La même vague de colère remua Trevor, Michael et Franklin.

- Peut-être que je t'ai pas rendu service, en fin de compte.

- Qu'est-ce que t'insinues ? répliqua l'américain, en plissant les yeux.

- Que t'as gravi tes échelons sans jamais avoir le nez dans la merde. Tous les mecs sur ton tableau de chasse, j'te les ai servis sur un plateau d'argent !

A ces mots, Steve se dressa, visiblement très contrarié. Il n'aurait pas été si indigné si le latino n'avait pas dit la simple et pure vérité.

- Et je crois que j'ai toujours renvoyé la balance ! On se rend service mutuellement. Je ne vois pas le problème.

Le latino se massa l'arrête du nez, les sourcils froncés, ennuyé, voire blasé.

- Laisse tomber. Continuons juste notre "business" comme ça. Ces gars me gênaient, alors autant que leur élimination te serve aussi.

Après un court silence, il s'enquit avec lassitude :

- Elle est là, pas vrai ?

- Non, pourquoi tu dis ça ?

L'inconnu émit un sifflement énervé.

- Mariquita, mariquita...

- Dans ma langue, s'il te plaît.

Il le mettait au défi de l'insulter encore ; en réalité, il l'avait parfaitement compris. Le gars préféra jeter l'éponge.

- Quand vas-tu enfin te décider à la foutre en maison de retraite ?

Steve partit au quart-de-tour.

- Tu parles de ma mère ! cria-t-il, ulcéré. Putain ! Je croyais que c'était sacré la famille chez vous !

Trevor peinait à y croire, mais il agréait les dires de Steve. Une mère, c'était tout. L'agent du FBI remonta sensiblement dans son estime. Franklin lui éclata de rire :

- Monsieur joue les machos et vit encore en célibataire avec sa mère ! Merde, ça, ça valait le coup !

Dans la villa du fédéral, la querelle ne semblait qu'à ses prémices.

- Tu comptes te trimballer cette vieille peau jusqu'à ce qu'elle rende l'âme ? Sérieusement, Steve !

L'hispanique suivit le rouquin qui s'était relevé et fouillait dans les tiroirs d'un grand bureau.

- Tu vas encore me menacer avec ton pistolet ? Chaque fois qu'on aborde le sujet de ta daronne, ça finit pareil !

- Parce que tu lui manques de respect et c'est le seul langage que tu comprennes ! s'écria Steve. Mon flingue braqué sur ta gueule !

Mais il referma le tiroir, après que ses doigts aient bel et bien effleuré la crosse de son arme fétiche, un Desert Eagle .44 magnum qu'il conservait comme un trésor, bien au chaud chez lui, et qu'il n'emmenait jamais sur le terrain. Il se détourna pour faire face à son "ami", qui ne lâchait pas l'affaire.

- T'as 38 ans et j'vais sur mes 45 ans ! On a plus le temps pour ces conneries !

Steve poussa un râle agacé et changea de pièce, le latino sur ses traces et l'objectif de Trevor toujours rivé sur lui, à son insu.

- Et ? Tu envisages de prendre ta retraite ?

- Non, pas maintenant ! concéda l'inconnu, en se grattant la nuque, ennuyé par cette conversation qu'ils avaient apparemment maintes fois eue de par le passé. Mais il serait temps de préparer notre "sortie". J'ai plusieurs millions en transit vers un compte à Malte ! De l'argent bien blanchi, tout propre !

- Malte ? Pas très paradisiaque et beaucoup trop loin... Elle n'acceptera jamais de quitter le sol américain de toute façon.

- Ta mère est un poids mort !

- Toi aussi si tu continues...

Songeant qu'il allait trop loin, il s'apaisa et reprit d'une voix adoucie :

- Je voudrais juste ne pas la laisser seule à son âge... Elle... Elle n'en a plus pour longtemps, tu sais...

Le balèze se rapprocha en hochant légèrement la tête.

- Je sais, Steve. Je sais.

Comme l'agent semblait un peu déboussolé, il pressa ses bras chaleureusement. Le décès prochain de sa parente le mettait sens dessus dessous. Les yeux baissés, il murmura, d'une voix à peine audible :

- Je veux... qu'elle meure dans le calme, chez elle, dans son pays. Après... je renoncerai à tout ça et nous pourrons foutre le camp.

Le brun passa sa main derrière sa tête et le ramena contre lui. L'étreinte équivoque ne s'éternisa pas. Steve se décolla du latino et se resservit un verre qu'il termina bien plus vite que le précédent. L'autre était conscient du fait qu'il l'avait mis mal à l'aise et qu'à présent il ressassait des idées noires. Il essaya de repartir du bon pied.

- Où elle est au fait ?

- A son club de bridge, répondit l'agent, d'une voix neutre, un peu éteinte.

- Et elle rentre à... ?

- Pas avant trois heures.

Un sourire en coin se dessina sur la bouche sèche du malfrat.

- Alors ça nous laisse un peu de temps.

Il enchaîna, tout en désignant le peignoir :

- Donc... y a une "surprise" là-dessous ?

Un sourire canaille identique au sien fendit les lèvres de Steve.

- T'as qu'à vérifier par toi-même.

Trevor émit un rire étouffé et ricana dans le transmetteur :

- Hoho ! On dirait que Monsieur l'agent parfait va avoir droit à sa première sex tape gratuite !

Il perçut à travers son oreillette un bruissement de tissus, Franklin se dressant du vieux canapé du bureau.

- Merde, mec, j'ai pas signé pour ça ! On a déjà assez pour le faire chanter, non ?

Le rire grossier de Trevor retentit de nouveau.

- Vous pouvez couper la liaison, mais je compte bien tout enregistrer ! Putain,ça vaut le spectacle ! Alors c'est ça que les réalisateurs de porno et les voyeurs ressentent...

- On dirait presque que tu apprécies ton moment, T !

Le dénommé émit un rire guttural, tout en continuant de filmer.

- Ouais, ouais, "presque"... J'suis pas l'expert en voyeurisme. Notre ami très diminué aurait été plus opérationnel.

- Je l'emmerde... grommela Lester.

Il sortit de la pièce en boîtant à la suite de Franklin. Michael ne les rejoignit pas, mais il coupa la connexion avec Trevor. Il avait vu et entendu son lot d'horreurs ; nul besoin d'en rajouter.


Le lendemain, la bande se réunit de nouveau à la fabrique de textiles changée en QG. Même endroit, même heure. Ils commençaient à prendre l'habitude. Franklin n'avait rien pu tirer d'utile de Lamar quant à un potentiel partenaire commercial des Familles. Tout ce dont il avait eu vent se limitait à une alliance éventuelle avec une organisation qui régissait en coulisses le gang salvadorien des Marabunta Grande, pour bouter les Ballas et Los Aztecas hors de Los Santos. Il s'était alors tourné vers Tonya, en désespoir de cause, mais, shootée comme elle l'était, même si elle l'avait su, elle n'aurait pas été en état de lui communiquer la moindre information claire. Il avait même songé interroger Stretch, avant de se rappeler quelle ordure c'était. Il avait alors renoncé et tout reposait désormais sur Lester et ses talents en informatique. Trevor déboula dans l'office en bon dernier, avec près d'une heure de retard, habillé de ce qui ressemblait furieusement à une robe très courte à imprimé floral verte.

- J'veux rien savoir, déclara immédiatement Michael, en se massant les tempes.

- Tant mieux, parce que j'me rappelle de rien ! s'écria-t-il, avant de se jeter sur le canapé, poussant sans gêne Franklin et Michael pour se faire une place.

Franklin poussa une exclamation, se plaignant de l'insupportable odeur d'urine et de sueur qui émanait de lui. Trevor ne lui prêta pas la moindre attention et désigna l'écran qui grésillait et le magnétoscope encore allumé.

- Vous les avez visionnées ?

L'air à la fois écoeuré et embarrassé de Michael lui indiqua que c'était le cas.

- Merci pour les vidéos, T. C'était très...

L'intéressé se gratta les testicules à travers son slip blanc qui virait au jaunâtre, absolument pas dérangé par la présence de ses camarades.

- Instructif ? suggéra-t-il.

- Ce n'était pas vraiment le premier mot qui me serait venu à l'esprit.

- En tout cas, bon cadrage, en captant le maximum de détails... On voit que tu t'es appliqué... le taquina-t-il.

- J'suis un professionnel ! s'offensa Trevor. Tu m'donnes un job ; je le fais bien !

Lester tapota le pied du tableau noir, sur lequel étaient accrochées diverses photos, y compris un portrait de l'amant anonyme de Steve.

- C'était le premier porno gay que j'ai vu et... je regrette amèrement, maugréa-t-il, puis reprenant son sérieux, il poursuivit : Néanmoins, cette... expérience a eu l'avantage de nous apprendre le moyen d'écarter le FBI de nos affaires.

Il remonta sa canne et pointa du bout la photo du latino.

- Notre homme se nomme Cicero Laranjeira.

Trevor écarta les bras, attendant la suite.

- Et ? C'est quoi ? Pas un gigolo déjà.

Aux dernières nouvelles, se faire sodomiser par un homme, payé ou non, n'était pas un crime. La réputation de Steve n'en aurait pas été ternie. A peine malmenée. Ce vernis macho qu'il avait polissé avec soin se serait écaillé. Voilà tout. De plus, ils ne détenaient rien de très probant concernant l'"arrangement" de son amant avec les Familles. Lester eut un rire sarcastique, se ravissant de la bêtise de Trevor.

- Pas du tout. Ce gars, c'est du sérieux. Sans déconner, s'empressa-t-il d'ajouter, face à leurs mines goguenardes. C'est un trèèès gros bonnet d'un des plus importants cartels de drogue brésiliens et, avant, c'était un tueur à gages.

Trevor éclata d'un rire revanchard, tout en applaudissant d'un air théâtral.

- Putain de merde, encore mieux ! Jackpot ! Alors notre Monsieur l'agent parfait est la pute d'un mafieu étranger ! Moi aussi, à sa place, je serais paranoïaque ! Si quelqu'un déterrait son horrible petit secret...

- Ce serait la fin de sa carrière et même direction la prison à vie, avec de la chance.

- On dirait qu'on le tient.

Franklin affichait un sourire aux allures de revanche.

- Juste un détail... Ce Laranjeira, il risque de se retourner contre nous, non ?

- Après les chinois, les mexicains d'Ortega... J'les attends, les brésiliens ! s'exclama Trevor, prêt à en découdre même dans son attirail féminin.

Michael feignit de l'ignorer pour se concentrer sur Lester qui réfléchissait et éviter de perdre son sérieux.

- Probablement pas, supposa Lester, après quelques secondes. ça m'étonnerait que ses complices soient au courant de sa relation "extra-professionnelle" avec Haines. Ce genre de gars ne rigolent pas avec l'homosexualité, surtout quand l'autre type appartient au FBI. Rien que pour ça, il se ferait sûrement exécuter ou mettre au banc de son cartel.

- Il ne nous reste plus qu'à passer un sympathique coup de fil à Steve alors !

- J'm'en occupe ! lança Trevor et, avant que quiconque en ait eu le temps, il bondit sur ses pieds et se dirigea vers le couloir.

- Il est drôlement... enthousiaste, non ? fit Lester.

- Dès qu'il s'agit d'emmerder quelqu'un ou de nuire... marmonna Michael, en sortant une cigarette de son étui.


Il avait rechigné à venir. Michael avait incité Trevor à l'appâter en prétendant qu'ils avaient quelques questions relativement à la mission qu'il leur avait confiée. Il ne tint pas en place, jusqu'à ce qu'ils enclenchent leur fameuse preuve. Il avait alors été comme cloué à sa chaise. Il n'avait pas bougé d'un pouce. Tout au plus ses doigts s'étaient-ils resserrés autour des accoudoirs, mais, quand le court extrait qu'ils lui avaient passé s'interrompit, il lâcha :

- Ok.

Le message était passé. Enfin, peut-être pas tout à fait...

- ça ne change rien. Il va falloir m'aider avec ces enfoirés qui gonflent leur budget.

- Je rêve ?! s'écria Franklin. Je crois qu'il y a un détail qui t'échappe ! On a des preuves de ta corruption, mec ! On se salira plus les mains pour toi, pendant que tu gardes ton petit cul de blanc bien au sec !

- Joli petit cul d'ailleurs.

Steve posa sur Trevor qui, heureusement, s'était changé avant qu'il n'arrive, un regard empli de confusion et d'incompréhension, qui vira vite à l'orage. Son regard noir alla du brun, amusé, à l'écran qui affichait encore la dernière image de la cassette en pause. Il se dressa et éteignit le téléviseur.

- Et si nous oeuvrions...

Il poussa un soupir. Il détestait ce qu'il s'apprêtait à proposer.

- "Ensemble" ? termina-t-il, sans grand entrain, mais il ne se voilait pas la face ; il avait besoin d'eux. Comme ça, tout le monde est satisfait et se la boucle.

Michael fronça les sourcils.

- C'est-à-dire ?

- Vous m'aidez ; je vous aide. Un truc vieux comme le monde. L'entraide, amigo...

Les trois braqueurs échangèrent un regard narquois. La situation leur plaisait davantage. Comme quoi, même l'insupportable Steve Haines pouvait se montrer conciliant quand il y était contraint et forcé, quand il était menacé de tout perdre. Lui mettre une lame sous la gorge n'aurait pas été aussi efficace et expéditif.

- A voir, dit Michael, avec un plaisir non dissimulé, tout en se grattant le menton.

Il se permit d'observer Steve d'un oeil scrutateur, comme s'il était le jury de quelque concours ou un employeur face à un sans emploi. Steve déploya tous les efforts du monde pour ne pas dégainer et lui éclater sa sale face.

- Désolé, je n'ai pas amené mon CV, siffla le rouquin d'une voix mauvaise.

Aussitôt, Trevor quitta son fauteuil.

- Dans ce cas...

Avant qu'il ait pu faire un pas, Steve avait tiré sur le magnétoscope, détruisant du même coup l'enregistrement. Trevor ricana.

- Bien tenté, pretty boy... mais on a des copies. Tu devras rembourser le magnétoscope par contre.

Un frisson furieux remonta l'échine de Steve. Ses doigts hésitèrent, louvoyèrent de nouveau dangereusement près de la gâchette.

- Fais pas de conneries, gamin, l'arrêta Michael. On veut pas d'effusions de sang.

Ironiquement, Franklin se mit à rire, alors qu'il était le premier à détester se faire appeler de la sorte par ses deux mentors. Mis au pied du mur, Steve se rassit, abattu durant un instant, puis débita machinalement :

- Je touche un peu à tout. Normal, vu ma formation et mon poste. Cela dit, je serai plus utile avec une arme dans les mains, surtout un fusil de précision.

Il ne confessa pas ses lacunes en matière de pilotage d'hélicoptère ou d'avion ; heureusement, il savait déjà que Trevor se chargeait de cette partie.

- ça nous fait deux hommes sur le terrain, un pilote et un sniper, résuma Michael, ravi des nouvelles opportunités que cela offrait. Tu nous files gratuitement un coup de main pour les braquages et on te rend la pareille pour tes petites affaires. ça me paraît correct. Un échange de bons procédés entre hommes du monde ! ça me semble normal puisqu'une partie des fruits sera dédiée au financement de tes missions officieuses !

Steve secoua la tête.

- Je discute plus... mais, si l'un de vous dit un seul mot à propos de Cicero à qui que ce soit, je vous tue tous ! Rien à foutre de tout perdre derrière, capiche ?!

Trevor ricana entre ses dents :

- Alors... Monsieur Moi-Je est capable d'éprouver quelque chose ?

Michael balaya ses mots d'un geste de la main.

- Doucement, doucement T...

Puis, se tournant vers Steve, il affirma avec sincérité :

- On sera muets comme des tombes.

- Putain de merde ! grogna Trevor, tout en lorgnant d'un sale oeil leur nouveau "partenaire". Alors c'est bien réel ! Y a pire que de se taper les ordres d'un fédéral, y a bosser avec !

- Si tu préfères être commandé, ça peut s'arranger !

De Santa préféra calmer le jeu, avant qu'une dispute n'éclate de nouveau. Celle-ci pourrait bien dégénérer en un clin d'oeil et s'achever dans un bain de sang.

- Les gars ! dit-il, captant leur attention. Et si on fêtait cette "association" ?

Sur un hochement de tête, Lester s'empressa de sortir des bières du vieux frigo rangé dans un coin du bureau poussiéreux. Steve la lui arracha des mains ; il était passablement énervé, ce qui améliora grandement l'humeur de Trevor. Le silence qui s'ensuivit ne fut entrecoupé que des bruits des bouteilles décapsulées. Trevor ouvrit la sienne d'un coup de dent. Steve le regarda d'un drôle d'air.

- L'émail de tes dents...

Trevor ne parut même pas comprendre. Il y eut des raclements de gorge embarrassés.

- Normalement, nous nous efforçons de garder une cohésion dans le groupe... On se connaît tous...

- On se connaît déjà beaucoup trop, rétorqua Steve sur un ton des plus âpres, en posant brutalement sa bouteille sur la table.

Plus un son pendant près de cinq minutes, puis Michael entama maladroitement :

- Alors... Hum... Par pure curiosité, comment... avec ce gars ?

La question méritait d'être posée. Il apparaissait si incroyable que cet égocentrique forcené soit prêt à tout pour protéger autrui.

- Comment t'as fini par te faire péter le cul par un latino ? renchérit Trevor, avec nettement moins de tact.

Steve lâcha un souffle exténué.

- ça date pas d'hier, marmonna-t-il. Dave était pas mon subordonné à l'époque, mais mon supérieur. Un jour, il rentre dans mon bureau et il m'annonce qu'ils ont capturé le légendaire Cicero. Je venais tout juste d'avoir vingt-cinq ans ; j'étais un bleu, mais j'y voyais l'opportunité de monter en grade, si seulement j'arrivais à le faire plier ou, mieux, à le faire tout nous raconter sur ses affaires.

Il avait bondi hors de son office et avait couru jusqu'à la salle où ils le retenaient. Il voulait absolument le voir, être le premier à lui parler. Les yeux de Steve brillèrent un infime instant.

- J'ai peiné à le croire, mais il était vraiment là.

Trevor ricana, d'un air narquois.

- Comme une prépubère face à son idôle...

Steve lui lança un regard meurtrier.

- Ce gars était connu comme le loup blanc, recherché par tous nos services et Interpol depuis des lustres !

Puis, le toisant avec dédain, il ajouta :

- Définitivement une autre pointure que vous.

Le jeune Haines avait pris une grande inspiration, rassemblé tout son courage et ouvert grand la porte par laquelle il s'était finalement glissé, comme s'il entrait à reculons dans la pièce vide. Au centre, une table d'acier fixée au sol, tout comme la chaise lisse sur laquelle il était attaché. A l'instant où leurs regards s'étaient croisés, Steve avait perdu toute assurance, comme si elle avait été aspirée hors de lui.

Les doigts tatoués du prisonnier s'agitaient dans son dos. Son débardeur lézardé de traînées sanglantes lui collait à la peau. Il en avait envoyé un bon paquet à la Faucheuse avant d'être capturé. Sur son biceps saillant gauche, la Santa Muerte souriait de toutes ses dents déchaussées. Steve tâcha de se reprendre. Il avait lu qu'il valait mieux ne pas débuter sur les chapeaux de roue et essayer de noyer le poisson. Il lança sur un ton badin :

- Jolie Santísima Muerte, mais macabre.

- Oh, alors tu connais Doña Sebastiana, gringo ? ricana le type et ses larges épaules se soulevèrent alors qu'il riait tout bas.

Son anglais était bon, mais son accent le trahissait. Il roulait les r d'une façon plutôt plaisante à l'oreille.

- Je me renseigne sur mes cibles.

Les sourcils broussailleux du latino se soulevèrent un instant et il rit de plus belle.

- Mierda cabrón, t'as dû batailler. J'suis la cible d'un bon millier de vos gars.

Steve ne sut que répondre. Il n'avait même pas participé à la capture. Il sembla perdre pied ; il tenta de rebondir, en vain. Cicero rigola franchement.

- T'es un nouveau. Un gamin. J'me demande ce que tu fous là.

Qu'il le mésestime ainsi raviva le tempérament bien trempé de Steve.

- Si j'étais toi, je montrerais du respect. C'est moi qui vais décider si tu vas pourrir en prison ou griller sur la chaise électrique !

L'homme n'en crut pas un mot, mais il ne répliqua pas. Il se contenta de l'observer dans le blanc des yeux un moment. Enfin, il déclara, d'une voix traînante, mais sérieuse :

- J'connais ce regard, gringo.

Steve fronça les sourcils et fit de son mieux pour demeurer froid et vaguement menaçant. Cependant, il transpirait l'appréhension et, de même, l'agressivité. Il était totalement sur la défensive, tandis que le suspect se tenait confortablement assis, très à l'aise. Le monde à l'envers.

- Ouais, celui-là, reprit le tueur. Toi et moi, on est pareils.

Le silence s'instaura et ce ne fut point Steve qui le rompit ; il ne possédait pas encore assez d'assurance en ce temps.

- On a grandi dans le même putain de terreau... pas vrai ? le relança Cicero, toujours aussi paisible, comme s'ils conversaient à la terrasse d'un café. La seule différence, c'est qu'à un moment, on a fait un choix différent.

Il marqua une pause, durant laquelle Steve, intrigué, mais désireux de le cacher, prit place face à lui, tout en prenant garde de ne pas le quitter des yeux. Il en avait entendu des histoires sur ce type ; il connaissait mille et une façons de tuer quelqu'un. Le brésilien envahit immédiatement son espace. Il avança ses coudes sur la table et approcha son visage si tatoué que l'encre surpassait la peau. Puis il cracha entre ses dents serrées :

- Tu pues la colère.

Puis il se renfonça dans son siège, avec un soupir amusé. Steve était comme figé.

- Alors c'est qui ? Papa avait la main leste ? Maman était une sale traînée ? Ou c'est tonton qui...

- Ta gueule !

Il le regarda longuement, avant de dire :

- Moi, c'était juste tout le monde et personne en particulier. ça rend la vengeance... plus compliquée.

Ils se toisèrent, Steve baissant fréquemment les yeux, perdant le duel. Cicero siffla avec agressivité entre ses fausses dents.

- Pourquoi t'as ton cul dans cette chaise ? Pourquoi t'es pas du même côté de la table que moi ?

- J'imagine qu'il n'y a pas de meilleur moyen que de connaître la loi sur le bout des doigts pour l'enfreindre en toute impunité.

Ce qui se voulait une plaisanterie ne l'était peut-être pas totalement. Cicero émit un léger rire, puis le silence revint hanter la salle. Il finit par le briser de nouveau.

- Ecoute, chico...

- Haines. Agent Steve Haines, rectifia-t-il ; étrangement, il se sentait plus à l'aise.

- Tu vas me faire sortir d'ici. Et, avant que tu l'ouvres, non c'est pas une question. Tu vas le faire si tu veux pas finir avec la gueule explosée d'ici demain.

Steve respira profondément, mais de manière discrète, avant de répliquer sur un ton qui se voulait ferme :

- Faudra offrir plus que ça.

- Plus que ta vie de sale blanc ? Remarque, ce sera pas difficile.

- Je croyais qu'on était semblables, souligna finement Steve, avec un sourire cauteleux.

- La chair et les os, peut-être, mais de peau, non. ça suffit à créer la différence.

- A toi de m'écouter, "amigo", rien ne me fera plus plaisir que de voir une saloperie de ton espèce rôtir sur la chaise, alors, si tu veux sauver ton cul, t'as intérêt à revoir ton langage !

- T'as pas idée d'à qui tu parles.

A cet instant, coupant net Steve, le son des menottes ricochant contre le sol emplit l'espace et Cicero mit bien en évidence ses bras libérés sur la table. Une goutte de sueur froide dévala le front du bleu. Le tueur à gages s'était marré.

- Maintenant, tu commences à en avoir une bonne.

Il s'était penché et Steve avait cru que sa vie s'arrêterait là. A la place de le tuer, le latino avait chuchoté ces mots dont Steve se souvenait à la perfection.

- Joue pas les durs avec moi. Maintenant, je parle et tu la boucles. J'te file une chance. T'en auras qu'une. Tu vas gentiment te laisser assommer et me prêter ton arme et ton passe pour que j'me tire.

- Et ma contrepartie ?

Il avait ri. Encore.

- J'te jure que tu l'regretteras pas.

ça avait été le cas. Une semaine plus tard, il recevait un message lui donnant la position exacte d'un type recherché par tout son département. Steve s'était rendu à l'endroit indiqué et avait trouvé la dépouille, qu'il n'avait plus eu qu'à s'attribuer. Les mois avaient filé, les captures s'étaient succédées et Steve avait rapidement dépassé son vieux patron Dave. Un jour, au texto lui donnant la position d'un nouveau cadavre, il avait répondu : "Et la tienne ?". Evidemment, Cicero avait songé à un piège. Sa réponse n'avait point tardé : "Ma générosité ne te suffit pas ?". Steve avait senti qu'il pouvait gagner. Il escomptait en effet le trahir et le descendre à son tour. Pourtant, quelque part, il espérait autre chose. Et strictement rien qui ne laissait augurer de cette relation qu'ils noueraient ensuite. Il avait tapé son message tout en rejoignant son véhicule : "Si. Je pense justement que la mienne est insuffisante en comparaison". Steve s'interrompit et rit tout bas, avec un petit sourire.

- La suite, c'est trop privé.

Il prit une gorgée de bière et se retint de grimacer. Définitivement une bière de pauvre.

- Vous avez niqué comme des bêtes ?

- Ce n'est pas parce que c'est une relation homosexuelle que c'est différent d'une relation "normale", rétorqua-t-il d'une voix acerbe, sans accorder un regard à Trevor qui cherchait délibérément à le provoquer. On ne se "saute" pas dessus !

- Ce qui est pratique, c'est que toi, tu as lu nos dossiers, j'imagine ? dit Franklin, curieux. Donc tu nous connais déjà mieux que personne.

Steve ricana moqueusement et répondit d'une voix acide :

- Je sais ce que je dois savoir : que vous êtes trois ratés.

- Trois ratés qui t'ont piéger, alors ferme ta gueule, trancha le canadien, en insistant bien sur ses trois derniers mots.

Steve allait riposter, quand Lester flanqua un coup dans le tableau, sur lequel il avait eu le temps d'accrocher les éléments rassemblés lors du repérage effectué à la banque de Paleto Bay.

- Parlons affaires. Qu'on en finisse !


J'aurais vraiment aimé accomplir plus qu'une seule mission avec Haines, donc là je vais me faire plaisir ^^ Je compte aussi développer les persos des braqueurs qui sont quasi-invisibles xD Je me suis appuyé sur le GTA wiki en anglais pour certains faits et je continuerai pour coller autant que possible, tout en restant évidemment dans une fiction, aux éléments de background du jeu (par exemple le fait que Steve n'est pas marié et vit avec sa mère = cf un extrait du Los Santos Meteor Newspaper si vous choisissez la fin C).

Mots en espagnol :

- Mariquita : injure pour un gay, un homosexuel.

Merci aux lecteurs,

Beast Out