Voici une fic qui me traine dans la tête depuis un petit bout de temps et c'est ma première tentative officielle de proposer une histoire relativement longue. Je ne ferai aucune promesse de la finir un jour, mais j'irais aussi loin que l'inspiration me portera. J'espère que vous apprécierez la lecture ! (aussi je suis ouverte à toute critique, positive comme négative, je ne suis pas vraiment familière avec le style des fics :/ )
J'ai rêvé d'un rêve où les étoiles fuyaient la maison de Ann. Elles tombèrent jusqu'à moi et je les portais sur mes épaules, jusqu'au jour où je devins faible et ne pus plus endurer leur poids.
(adaptation du récit de Gilgamesh)
Naya était particulièrement agitée, Khäl le remarquait d'où elle était installée dans un coin de leur chaumière, occupée à pilonner des herbes médicinales pour sa mère. Elle supposait que c'était dû à l'entrainement de guerrier auquel sa sœur devait se rendre. Et elle gardait le silence, faussement occupée avec son mortier. « Khäl ! Khäl » appela l'ainée, qui s'approchait de la frimousse blonde.
L'intéressée leva les yeux de sa préparation. « Qu'est-ce qu'il y a ? » Là, elle remarquait seulement l'air songeur de Naya, et l'intérêt brilla dans le fond de son propre regard.
Naya s'installa en tailleur, se mettant à la même hauteur que sa sœur, appuyant ses poings sur ses genoux, comme elle avait coutume de le faire. « J'ai fait un rêve étrange. » Khäl avait beau être la plus jeune des deux, elle n'en restait pas moins la plus posée, la plus sage aussi. C'était pourquoi Naya cherchait conseil auprès d'elle. Aussi parce qu'elle savait que Khäl n'irait rien rapporter à leurs parents. Elle garda le silence, signe qu'elle attendait la suite. « J'ai rêvé que j'étais le mentor de Heda. » Khäl haussa un sourcil. Si c'était fort ambitieux de la part de Naya – puisqu'elle commençait tout juste sa formation de combattant – il n'y avait rien de si particulier. « Ca paraissait si réel. Je ne faisais pas que voir. » Ses doigts bougeaient légèrement, au fur et à mesure de son explication et elle fronça un peu les sourcils. « Comme si j'y étais vraiment. » Elle plissa les lèvres, relevant son regard sur sa sœur, celui-ci s'était fixé, échappé sur un point qui n'existait pas, un point qui lui permettait, presque, de revivre son rêve.
Khäl avait arrêté de moudre les feuilles médicinales, réfléchissant à ce que sa sœur venait de lui décrire. « C'était si particulier que ça, que tu as senti le besoin de venir m'en parler ? » Naya n'avait jamais parlé de ses rêves. En réalité, elle n'était pas expansive sur ce qu'elle ressentait, ce qu'elle pensait, ce qu'elle vivait. C'était une qualité qui avait plu au maitre d'arme du village, persuadé que Naya deviendrait une grande guerrière, un jour. Et puisqu'elle se satisfaisait de peu de mots, elle se contenta de hocher la tête, la sincérité sur ses traits, déterminée de comprendre ce dont il s'agissait.
Khäl se leva un peu, repoussant ses instruments et ses ingrédients dont les odeurs embaumaient ses mains, tendant les bras pour s'occuper d'une des mèches brunes de Naya, tressant les cheveux avec des gestes précis. « Les anciens disent que ce genre de rêves sont des images du passé. De ce qui fut, avant cette vie. »
Naya s'agita un peu de la tête et Khäl lui intima de se calmer d'un claquement de langue. « Tu penses que j'ai entrainé Heda… avant ? »
Le front de la cadette se plissa, au fil de sa réflexion. « Je ne sais pas, il faudra voir si ça t'arrive encore. » Ses yeux ne quittèrent pas son travail d'habilité, glissant parfois sur le visage de sa sœur, devinant l'excitation, sous la façade calme qu'elle tentait de garder. « Ceux qui se souviennent de ce qui est, avant la naissance, ne sont pas nombreux. Mais ils existent. Heda est la plus réputée. »
Naya s'agita un peu plus et cette fois-ci, Khäl tira sur la tresse, qui était bientôt terminée. « Ouch… Ça veut dire que si je la vois, Heda se souviendrait de moi ? »
L'apprentie guérisseuse eut un mince sourire sur les lèvres. « Ceux qui se souviennent ne sont pas éveillées de la même manière. Pour certains, ce ne sont que des flashs. Pour d'autres, ça ne sera qu'une sensation. Parfois, c'est une affinité avec quelqu'un en particulier. Qui sait ce que l'esprit du commandant est prêt à vivre, pour cette vie ? » Khäl libéra la tignasse de sa sœur, qui se redressa, ne s'interrogeant pas sur l'origine du savoir de Khäl : elle passait beaucoup de temps avec les anciens. Ceux-ci nourrissaient l'espoir qu'un jour, elle prenne la tête du village. Mais Khäl n'était pas prête pour diriger, elle n'avait pas encore passé l'âge adulte, pas encore choisi son nom.
« Ca a à voir avec l'initiation, c'est ça ? »
Sa sœur hocha la tête. « Oui. Après ça, chaque individu choisi de poursuivre sa lignée, ou de continuer cette nouvelle vie, en fonction de ce qui lui revient, ou non. Chaque choix sert une finalité différente et est propre à chacun. » Khäl perdit son regard, au-delà de sa sœur, se souvenant de ces longues discussions avec les ainés. La coutume du Trigedakru permettait aux éveillés de rester discrets sur leurs choix et leurs motivations. Il y avait des choses qui ne s'expliquaient pas, pour ceux qui ne partageaient pas ce cheminement. Naturellement, il y avait beaucoup de respect, pour ces personnes, car ils appartenaient au même genre que Heda destinés à la grandeur.
Naya se releva, satisfaite de cet échange avec sa sœur. Il lui restait, cependant, une question. « Tu en as déjà fait, toi, des rêves comme ça ? » Khäl acquiesça silencieusement, la mine trop grave pour sa dixième année. Elle, elle ne voulait pas de ces grandes promesses, elle ne voulait que la tranquillité de cette nouvelle-vie, malgré les réminiscences qui se livraient dans ses songes.
