Chapitre 1 - Cette guerre qui ne veut pas finir
Les sourires sont sur toutes les lèvres, les rires dans tous les regards et le nom du Survivant, de celui qui a vaincu la plus grande menace de ce monde résonne dans tous les couloirs, toutes les salles de classe.
Harry Potter, Harry Potter, Harry Potter
C'est un chant qui n'en finit pas, qui vibre même dans la nuit, qui se répand à travers les océans.
Harry Potter, Harry Potter, Harry Potter
Ils répètent son nom comme un mantra, comme la promesse d'un monde meilleur.
Mais Harry Potter, lui, est fatigué de ce chant ininterrompu. Il voudrait juste pouvoir s'assoir un moment dans le Grand Hall sans qu'une centaine de regards se tournent vers lui. Mais il sourit et il rit et il dit bonjour quand on le salue parce que c'est ce qu'il est censé faire, n'est-ce pas ?
Harry pose sa tête sur ses bras et soupire. Il sent le regard d'Hermione sur lui. Il sait qu'elle l'observe depuis le fauteuil où elle est installée.
- Tu devrais aller voir Mme Pomfresh si tu es fatigué Harry. Dit-elle calmement, une pointe d'inquiétude dans la voix.
Harry secoue négativement la tête. "Non. Je ne veux pas prendre de Potion de Sommeil. Mes cauchemars sont toujours mieux que l'absence de rêves.
Hermione s'approche de lui et pose doucement une main sur son épaule, comme elle l'aurait fait avec un animal blessé.
- Mais pourquoi Harry ? Pourquoi te condamner à tant de souffrances ? Pourquoi vouloir affronter ces cauchemars qui te ramènent toutes les nuits à la guerre, à Voldemort, à la douleur ?
- Parce que les gens ne font que vouloir oublier. Parce qu'ils veulent oublier que Voldemort a un jour existé, que des gens sont morts, que tous ont souffert.
Harry s'agite dans son discours et une de ses mèches noires glisse, laissant voir la tristement célèbre cicatrice.
- Et si tous oublient, Hermione, et si tous oublient, qui sera là pour se souvenir ?
Hermione regarde avec tristesse ce garçon qui a tant souffert et qui souffre encore. Elle voudrait prendre sa tristesse dans ses mains et l'écraser, la déchiqueter en morceaux.
- Mais tu en as déjà tellement fait Harry. En dix-huit ans tu as vécu plus d'horreurs que la plupart des gens en six vies.
Harry ferme les yeux.
- Je sais Hermione. Crois moi je sais. Mais la vérité c'est que je ne sais plus comment être heureux. Aujourd'hui tout le monde vit paisiblement, mais la guerre n'est pas finie pour moi. Elle ne s'arrêtera jamais.
Pour Draco aussi la guerre n'en finit pas. Elle lui a tout pris : son père qui croupi à Askaban, sa mère vouée à la folie, qui n'est plus qu'une ombre errant sans but dans ce manoir trop grand pour elle ; et les seuls amis qu'il n'est jamais eu. Crabbe est mort et Pansy et Goyle font partis des Serpentards qui ne sont pas revenus après la guerre. Leurs parents pensaient qu'il serait mieux pour eux d'étudier ailleurs : à Durmstrang où la guerre n'a pas sali leur nom.
Draco est seul maintenant à Poudlard. Les Serpentards qui le suivaient auparavant comme des petits chiens ne s'approchent plus de lui, craignant que la mauvaise réputation du blond ternisse la leur, déjà bien dégradée.
Ce n'est pas grave, se dit-il lorsqu'il mange seul à la table des Serpentards. Ce n'est pas grave, se répète-t-il lorsqu'il se retrouve sans partenaire en cours de Potions. Ce n'est pas grave, tente-t-il de se persuader lorsque les élèves lui jettent des regards méprisants dans les couloirs.
La Bibliothèque est devenue son refuge. Draco aime les livres. Il aime leur odeur, les mots qu'ils renferment, les histoires qu'ils racontent et qui lui permettent de s'évader loin d'ici, de cette école où personne ne l'aime. Et puis les livres ne parlent pas, ils ne le suivent pas du regard, ils ne le jugent pas.
Draco se promène dans les rayons, passant sa main sur les tranches des livres, puis attrape le roman qu'il était en train de lire. Le portrait de Dorian Gray. Il caresse la couverture et va s'assoir sur un des fauteuils le plus éloigné de l'entrée, là où presque personne ne va, là où il ne peut être vu.
Draco s'est découvert une passion pour les romans moldus. Avant la fin de la guerre, il n'avait jamais ouvert un livre moldu, les haïssant d'avance, pensant que de toute manière ces retardés de moldus ne pouvaient pas écrire quelque chose qui valait la peine d'être lu. Aujourd'hui il regrette ce préjugé qui l'a limité pendant des années à la littérature très restreinte des sorciers.
- Bonjour Draco. Dit Hermione, passant à côté de lui pour prendre un livre.
Darco lève la tête et observe le sourire de Granger. Il n'est plus habitué à ce qu'on lui sourît, à ce qu'on lui parle. Il répond au bout d'un moment au salut de Granger. Sa voix tremble : cela fait longtemps qu'il n'a pas parlé.
- Tu devrais retourner dans ta Salle Commune, c'est bientôt l'heure du couvre-feu.
Draco hoche la tête. Granger parle comme une mère, il est étonné que Weasley et Potter aient pu la supporter pendant si longtemps. Mais ils ne sont que des gamins immatures après tout et ont sans doute besoin de Granger, de son caractère protecteur.
Toujours est-il qu'au fond de lui, même s'il ne le dira jamais à voix haute, Draco apprécie que Granger lui parle, même si elle s'en tient à quelques politesses. Parce que parler à quelqu'un c'est avouer son existence. Et Draco a plus que jamais besoin de savoir qu'il existe, qu'il est réel et non pas seulement une ombre de plus dans ce château immense.
Draco est en cours de Métamorphose et prend en notes ce que dit le nouveau professeur, M. Kearney lorsque la porte s'ouvre brusquement, laissant apparaître la figure rouge de Potter.
- Excusez-moi pour le retard Monsieur, Potter bredouille en tentant de reprendre son souffle.
- Pas de problème mon garçon, asseyez-vous, dit le professeur en souriant.
Draco hausse les sourcils et lâche un petit bruit indigné. Evidemment Lord Potter, sauveur de l'humanité peut se permettre d'être en retard sans qu'on lui fasse la moindre remarque. Si cela avait été Draco à la place de Potter, il aurait eu plusieurs heures de retenue.
-Pouvez-vous me rendre votre devoir, s'il vous plaît ?
Les yeux de Draco, comme ceux de toute la classe sont fixés sur Harry Potter, attendant qu'il sorte son devoir et le remette au professeur. Mais Potter se contente de regarder bêtement le Professeur, la bouche grande ouverte et le visage encore plus rouge qu'auparavant.
- Mon devoir ? Euh... Oui... je... Lâche-t-il précipitamment d'une voix anxieuse.
Le Gryffondor regarde autour de lui, ses yeux s'attardent sur Hermione, hurlant un à l'aide ! auquel la jeune fille ne peut répondre qu'avec un haussement d'épaules impuissant.
- Je ne l'ai pas Professeur, je suis désolé.
Potter est rouge de honte. Ses yeux fixent le sol, ne pouvant supporter le poids de tous ces regards sur lui.
- Vous l'avez oublié dans votre dortoir ?
- Non. Je ne l'ai pas fait.
Draco voit que Potter est à présent sur le point de mourir de honte. Le professeur regarde l'Élu avec étonnement puis avec inquiétude.
- Etes- vous sûr d'aller bien, Monsieur Potter ?
Potter se mord les lèvres et hoche rapidement la tête.
Trop rapidement.
Draco remarque enfin les cernes sous les yeux de Potter. A-t-il des difficultés à dormir lui aussi ? Y a-t-il des fantômes qui viennent le hanter lorsque tout le monde dort ?
Non. Ce n'est pas possible. Potter n'est pas dans le côté des vaincus comme lui. Il est celui qui a gagné cette guerre. Il est adulé, regardé avec admiration, sa vie s'annonce brillante. Il est celui que tout le monde souhaite être.
Et pourtant quand Draco regarde son visage fatigué, marqué par la douleur et la peur, il se demande vraiment si sa vie est si parfaite que tout le monde semble le croire.
