Cette personne que tu appelles
Au cours des nombreux siècles qu'il avait passé à observer les humains, Castiel avait repéré un curieux phénomène.
Lorsqu'un humain était en danger, son premier réflexe était de crier – parfois à l'aide, mais il arrivait aussi que ce soit un nom. Ou une quelconque désignation, sergent, Seigneur et autre.
Mais la plupart du temps, c'était le même nom qui revenait. Un même nom, mais qui s'appliquait à des milliers de personnes dans le monde. Maman.
Quand un humain était en danger, son premier réflexe consistait fréquemment à appeler sa génitrice.
Castiel savait pourquoi. Pour les humains, la mère était la première protectrice, une figure quasiment toute puissante aux yeux de sa progéniture, celle qui chassait d'un simple geste les monstres imaginaires – parce que la plupart du temps, les vrais monstres…
Dieu ne pouvait pas être partout, alors il a créé les mères, avait un jour plaisanté Dean, aussi blasphémateur que d'habitude – Dieu était omniprésent !
Dean… Quand il était en danger, Dean n'appelait jamais personne. Même pas le nom de Mary Campbell Winchester. Il n'appelait personne. Castiel ne savait pas comment il devait réagir à cela – le choc ou la tristesse ?
En revanche, c'était Dean qu'appelait Sam lorsqu'il était en danger. Depuis l'instant où le cadet de John Winchester avait appris à parler, il avait toujours appelé son frère pour venir le sauver. Jamais son père. Toujours son frère.
Cela en disait bien plus long sur la relation que partageait les deux frères qu'un interminable discours, songeait l'ange rebelle.
Mais est-ce qu'il avait le droit de parler ?
En toute logique, il aurait dû invoquer le nom de son Père la première fois qu'il s'était retrouvé en danger de mort – presque humain, si enfoncé dans la déchéance, privé de tous ses pouvoirs à l'exception d'une étincelle vacillante…
Mais il n'avait pas appelé son Père.
« Gaby ! »
Il n'avait pas réfléchi, le diminutif avait jailli spontanément de ses lèvres. Il avait instinctivement réclamé la voix douce, les mains fortes mais rassurantes, la sensation de force tranquille qu'il connaissait durant sa petite enfance – les quelques fragments d'avant la Chute dont il se souvenait.
Quand un humain se retrouvait en danger, son premier réflexe était souvent d'appeler sa mère.
La première fois que Castiel avait cru mourir, il avait réclamé l'Archange qui avait été – pour un temps si bref – son gardien, son protecteur, son mentor.
Il n'avait pas appelé son Père. Juste Gabriel.
