Il me fallait réapprendre à vivre. Chaque jour je répétais mécaniquement les mêmes gestes.
Tous les matins c'était la même chose. J'émergeais de mes songes, peuplés des morts qui dansaient autour de moi dans une macabre sarabande. Leurs regards haineux pleins d'incompréhension, de peur, me poursuivaient jusque dans la clarté du petit jour.
Une fois les yeux ouverts c'est le même rituel. Je regarde la pièce, tentant péniblement de me souvenir que tout est fini à présent. Mais malgré tout, j'ai l'impression qu'une partie de moi est encore là-bas. Que je ne suis jamais réellement sorti de l'arène.
Alors je m'oblige à me souvenir, je tâche de faire disparaitre les frissons d'effroi qui parcourent mon corps. Et, dans une longue litanie, je m'efforce de mettre des mots sur qui je suis, ce qui s'est passé, ce qui m'attend. Chaque jour j'avance précautionneusement sur un chemin parsemé d'embuches. Tout est plus simple maintenant que je suis de retour au district 12, je me sens plus libre loin du Capitole.
Mais la peur est toujours là, elle brule dans mes entrailles. Elle me tenaille et me rappelle sans cesse que ma vie est en danger. J'ai encore peur des jeux et de ce que pourrait me faire le président Snow. J'ai craché à la face de tout Panem, j'ai défié les lois des Hunger Games. Ma vie ne tient qu'a un fil.
Je veux tout oublier, oublier le gout du sang. Effacer la peur primitive qui me glace. Faire s'envoler la faim, le froid, et tout ce que j'ai dû endurer. Je ne veux plus jamais revivre ça.
Mais je sais très bien que jamais je ne pourrai oublier. Chaque année on m'examinera lors des moissons. Je serai obligée de tenter de sauver des gamins qu'on envoie au massacre.
Chaque moisson je tremblerai encore pour Prim ; elle pourrait encore être tirée au sort, ce n'était que sa première année. Comment pourrais-je espérer me marier, avoir des enfants? Je sais très bien ce qu'ils auraient à endurer, comment pourrais-je les laisser y aller ?
J'avais tellement espéré que le retour au district 12 me ferait tout oublier. Que tout serait comme si je n'étais jamais partie. Que ce qui s'était passé avec Peeta n'entacherait pas la relation que j'avais avec Gale. Mais maintenant tout est différent. Je m'ennuie dans cet enclos et je tremble pour mes proches.
L'arène m'a changée, nous a changés. Une partie de moi y est encore, et il faudra bien qu'un jour j'aille la chercher. Et, que j'affronte toutes mes peurs. Que je cesse de me voiler la face sur la mort de Rue. Que j'affronte l'idée d'avoir tué le garçon du district 1. Mes cauchemars, un jour, je devrai leur faire face. Mais pour l'instant je ne sais que les fuir.
