Un puissant chien noir court à travers champs. Il a l'air pressé, il galope sans même prendre garde à l'odeur des lièvres et des perdrix qui pourtant pullullent dans ces parties du pays. En suivant cet animal, on découvrira que son chemin s'enfonce de plus en plus profondément dans la forêt profonde et inquiétante pour un regard extèrieur. C'est au c?ur de l'immensité végétale que pénètre le grand chien noir. Le silence s'y est fait chant de l'herbe d'oubli et la magestueuse muraille végétale s'entrouvre. Dès le crépuscule, les humus et les fougères ont tracé à ce promeneur une voie jonchée de fleurs nocturnes à travers les ogives d'un palais vert, dont les layons et les couloirs se perdent au territoire de l'infinis. Eparpillés sous le dais des feuillages bruissants de l'âme forestière, les lieux dits, aux significations secrètes, bornent l'itinéraire étoilé de l'aventureux. Au bout du sentier, une lumière est comme les feux-follets : elle va et vient, guide et perd.

Mais l'animal sait où il va et il s'enfonce dans le tunnel indiscipliné, sillonant à travers les arbres de cet insondable univers. Il achêve bientôt sa course dans une clairière éclairée par les rayons de la lune où trônent de magnifiques arbres à la cime vertigineuse. Protégé par les hautes branches maîtresses, le chien s'assoit et attend.

Qu'attend-il ? Si on écoutait attentivement les bruissements des arbres, si seulement on avait l'oreille, et le c?ur à les écouter, on s'apercevrait qu'ils appellent l'interressé. Le chien a les yeux mi-clos, la truffe au vent, les oreilles tendues, à l'écoute. Il tourne soudain la tête et se lève. Un homme vient d'apparaître sous les hautes ramures. Homme agile et discret, malgré son apparence de quadragénaire avancé. Les cicatrices d'un passé difficile lui labourent le visage. Il s'arrête à distance respectable de l'animal et s'accroupi comme pour être plus proche de la terre nouricière, génitrice des colosses d'écorces qui les entourent et le protègent.

Qui es-tu ? demande-t-il avec méfience et perplexité.

Le chien hoche la tête et se jette dos au sol, pour offrir sa gorge à l'inconnu, en signe de soumission. Il n'est pas bon être étranger.

Prouve-le. Rétorque l'homme sur le même ton sévère et distant.

Alors sous ses yeux, le poitrail du grand chien s'allège et s'éclaircit, ses pattes de devant perdent de la force et ballent de chaque côté de son corp tandis que ses pattes arrières s'allongent et se musclent.

Dans la petite clairière couverte, deux hommes se toisent désormais, à quelques pas l'un de l'autre.

Black ? Qu'as-tu de si important à dire pour venir si tard ici ? La forêt n'est pas sûre de nuit, les Tourmentines sont particulièrement nombreuses autour des Centenaires. Parlant à son ami, l'homme a baissé sa défense : il se lève et sourit. Mais, si ce sourire exprime la joie, cette joie est contenue et l'accueil reste froid. Le peuple sylvestre ne laisse entrer en son domaine que les élus ou les niais, les innocents ou les enfants, et il est rare qu'il se montre sous toutes ses facettes.

Je viens de la part de Dumbledore, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le- Nom est de retour et le peuple sylvestre doit se préparer à parer de nouvelles attaques. Peux-tu m'amener auprès des Grands Fays ?

Son interlocuteur réléchit un instant avant de répondre. Son regard est soucieux, mais on y perçoit une pointe d'espoir.

Les Centenaires t'attendent ! Je ne les croyais pas quand ils ont prédi l'arrivée de la fille d'Origan, une chose heureuse. finit-il par lâcher pensivement. Puis il ajouta sombrement :

. mais chacun sait ici que cette arrivée doit correspondre à Son retour.