Blabla inutile: je poste finalement ici une fanfiction écrite dans l'optique d'un défi d'écriture, lancé sur un forum Harry Potter que je fréquente depuis très longtemps : l'objectif était d'écrire 20,000 mots en 20 jours (du 22 février au 14 mars). L'idée était d'écrire environ 1k par jour ; chose étant, j'ai largement dépassé le quota avant la fin des 20 jours (j'ai écrit plus de 50k), ce qui m'a énormément surprise car j'ai longtemps fait un blocage psychologique quant à ma capacité à écrire en chapitres... et, surtout, à écrire plus de 1000 mots d'un coup.
Ce défi m'a beaucoup aidée et m'a permis de dépasser mes limites. J'espère que vous apprécierez l'histoire qui, comme toujours, explore mon personnage favori (je crois que depuis le temps, la plupart d'entre vous l'avait compris...)
Chaque jour, nous avions un mini-défi proposé à relever ; je n'ai pas pu tous les intégrer dans mes chapitres mais je mentionnerai ceux que j'ai pu faire!
Le défi du jour 1 était de faire manger une dragée de Bertie Crochue à l'un de nos personnages.
Le titre de la fanfiction vient du livre L'Eté, d'Albert Camus.
Bref, tout ça pour dire : bonne lecture!
Presque rien. Des signes peut-être; mais presque rien, au final. Juste la cendre, le goût du vide, le goût amer du départ inattendu.
Remus lance un dernier regard en arrière, et ses yeux capturent pour toujours la mémoire de cet instant-précis. Le feu s'est éteint depuis longtemps ; dans son sillage ne restent que des lambeaux informes d'une petite maison : les traces de vie attestant d'une quelconque présence humaine ont disparues, parties en fumée. Dans la clarté du ciel, il sent un grand froid monter en lui. L'hiver arrive, ses pas embourbés d'un soleil tremblant qui peine à se montrer, et les soirs tristes accompagnent les étoiles nocturnes qui éclatent dans l'éther.
Godric's Hollow dort paisiblement alors que le pire est arrivé, alors que les piliers sont tombés un par un sous les éclats verdâtres d'un sortilège innommable.
31 Octobre 1981. La brise est légère et les branches craquent, vacillent, embrassent le froid qui ronge de longs sillons dans la peau pâle de Remus.
31 Octobre 1981. L'espoir s'est évaporé. La haine roule entre ses veines alors que la pluie le gifle avec la force d'une tempête.
31 Octobre 1981. Lily et James Potter ne sont plus que des souvenirs gelés dans le temps, fragiles, dont la flamme chancelle et finira probablement par mourir.
Ses yeux glissent le long de la vitre de son petit appartement, et le bruit sourd de la ville ne l'atteint même pas.
Sirius, Sirius... le nom sonne étrangement dans ses oreilles, sur le bout de ses lèvres, au fond de sa poitrine. Le sang irrigue les organes vitaux, mais rencontre des épines de glace sur son passage, au creux de ce cœur meurtri ; l'aurore du soir se dessine dans ses yeux, et le monde semble s'écrouler en morceaux. Comment, comment, comment son meilleur ami a-t-il pu? Comment l'irréparable s'est-il produit, comment l'horreur a-t-elle pris racine dans ce sol pourtant nourri par les meilleures intentions?
Le froid lèche ses doigts et il force sa mémoire à ne pas flancher. L'écho de cet appartement vide, voué au néant, creuse une tempête au sein de son corps, et ses larmes restent des gouttes de givre au cœur de ses yeux.
Rappelle-toi l'odeur de mort et les gerçures creusées dans ta peau
Rappelle-toi leurs corps froids comme la pierre; la nausée qui a bercé ta trachée
L'orage grogne encore davantage et ensevelit Londres sous les lourds sanglots d'un silence mortifère.
Les jours passent dans l'ombre de la mort. L'odeur du sang, métallique, lui colle à la peau. Les nuits se rencontrent, insomnies à l'appui ; Minerva lui lance des regards ternes lorsqu'elle distingue l'agonie qui l'habite sous des extérieurs plus placides.
Il ne sait pas s'il doit accepter le déluge tel quel ou apprendre à apprivoiser la douleur qui lui monte à la tête, peu à peu, jour après jour ; il ne sait pas s'il doit pardonner à l'Ordre de l'avoir pris pour un traître. N'était-ce pas la chose la plus logique, la plus normale? Lui, ce loup-garou sans conscience et lâche qui se cachait toujours dans l'ombre des Maraudeurs, un traître : peut-il vraiment blâmer l'opinion générale de cette pensée on ne peut plus pertinente?
A quoi bon, de toute façon, puisque les Maraudeurs ne sont plus ; il en est l'unique survivant. Sirius... Sirius n'est plus qu'une fleur obscure, fanée, une étoile morte dans un ciel gris.
Un sanglot agrippe sa gorge mais il le ravale aussitôt lorsque Maugrey lève son regard vers lui et lui lance un sourire cassé, mais honnête.
La douleur n'est pas une chose honnête. Elle le tue. L'enfer sur terre, devrait-il dire, c'est presque cela. Comment s'y faire quand les choses sont si compliquées, illogiques, sans sens certain? Il aimerait oublier l'affliction qui le prend à la gorge quand il se réveille, tout comme les pensées cristallisées qui peuplent son esprit. La lumière s'abaisse, le rideau tombe, et son masque n'est plus qu'un bout de toile froissée, sans sens, sans logique.
Illogique.
2 Novembre 1981. Le tourment creuse une place de choix dans son cœur. Les photographies prennent la place de la mémoire immédiate.
2 Novembre 1981. Le temps est si lent, les jours n'ont plus d'heure ; le vide est dérangeant.
2 Novembre 1981. Sirius Black l'a trahi.
L'Ordre du Phénix, amputé de plusieurs de ses membres, semble buter sur un obstacle inconnu. Voldemort a disparu, affaibli, et les bruits courent qu'il est revenu à la poussière, mais Remus préfère ne pas espérer. Il aimerait pouvoir s'intéresser aux dernières nouvelles, mais les mêmes fantômes peuplent ses pensées depuis plusieurs jours.
Les Maraudeurs ne sont plus, et ne seront plus jamais.
Dumbledore l'observe du coin de l'œil, patiemment, mais ses mains trahissent un certain agacement.
– Vous devriez vous reposer, Remus, lui murmure-t-il doucement. Voldemort s'est volatilisé. On ne peut rien faire de plus pour le moment.
Remus brosse les murs du regard ; il ne regarde directement les gens que très peu, ces temps-ci ; il déteste voir ce qu'il trouve, en général, dans les yeux des personnes lui faisant face.
– Et Harry? demande-t-il faiblement alors que ses doigts agrippent un des plis de sa veste usée et raccommodée de multiples fois. Un sentiment soudain de culpabilité le saisit : à trop penser au reste, il en a complètement oublié Harry. Son cœur se serre un peu plus.
– Hagrid l'a emmené chez Pétunia. Il y sera en sécurité.
– Lily m'a toujours dit que l'entente était plutôt... froide, entre elle et sa sœur. Vous êtes sûr que c'est une bonne décision?
Dumbledore relève un sourcil. Dehors, le ciel a la couleur de la poussière et les ombres du soir s'accroissent.
– Harry sera protégé par le sang de sa mère. C'est la meilleure protection possible, Remus. Il ne nous reste plus qu'à attendre.
Attendre. Encore et toujours. Attendre quoi? Que le givre finisse par le tuer de désespoir?
Remus hoche la tête, acquiesçant simplement.
5 Novembre 1981. Il se sent si faible que cela en devient ridicule.
5 Novembre 1981. La solitude caresse ses épaules avec la douceur d'une vieille amie.
5 Novembre 1981. Ses meilleurs amis n'ont plus que la consistance de ses pensées les plus intimes.
Il comprend mieux la distance imposée par Sirius lors de ces derniers mois. Douloureuse, douloureuse distance faite de marbre et de silences, de non-dits et de cris hurlés au vent, dans la pénombre des après-midis d'automne alors que les feuilles crissaient sous leurs pas lourds, glissant sur les couches de givre blanc de ces journées vouées à la lutte.
Sirius l'a fait passer pour un traître alors qu'il portait lui-même cette qualification le long de ses veines. Sirius, Sirius, ce brave Sirius aux yeux d'hiver et aux cheveux empruntés aux ténèbres, un traître, un traître, un traître.
Le mot ne colle pas à sa personnalité, et pourtant.
Penser connaître, et connaître véritablement quelqu'un, voilà deux choses bien différentes.
Le froid lui rentre dans les veines comme une injection; comme un discours entêtant et sans rythme. Une peur acide, indélicate lui perce le ventre : le loup est en train de se réveiller, et il est seul pour y faire face.
Des perles de sang coulent le long de ses joues. Remus les éponge lentement à l'aide d'un morceau de tissu, et le reflet qu'il saisit au passage, dans le miroir, le dégoûte.
La violence se retourne toujours contre lui, inévitablement ; il sent un rire rauque monter dans sa gorge, mais le son meurt sur ses lèvres, incapable de passer la barrière de l'audible.
De façon constante, ces dernières semaines, il cherche une voie dans les décombres d'une vie fragile, dont les restes ont été jetés au vent. Sans Lily, sans James, sans Sirius, sans Peter, Remus avance à travers les vestiges d'un bonheur qu'il n'arrive plus à saisir. Le soleil ne l'accompagne plus ; il l'aveugle et le dépayse, ronge des sillons brûlants sur sa peau presque grise et se garde bien d'éponger les blessures suintantes qui peuplent sa chair.
L'air qui pénètre par la petite fenêtre de la salle de bain est frais et la nausée s'accroche à lui, vieille amie longeant les murs dans l'espoir de surgir de l'ombre au moment opportun. La lune lui fait toujours cet effet ; elle lui donne la sensation d'être constamment traqué, harcelé, défiguré ; et dire qu'il aimait tant les rayons qui se posaient tels des diamants sur son visage, lorsqu'il était enfant.
Il essaie de faire passer le goût amer de la bile avec ce qui traîne sur une de ses étagères ; lorsqu'il saisit une boîte à l'aveuglette, il se rend compte que ce sont les dragées de Bertie Crochue que Sirius avait achetées pour Halloween, « pour égayer un peu les mornes journées de lutte, » avait-il lancé en plaisantant. Remus en prend une à l'aveuglette et se laisse tomber mollement sur le quilt qui recouvre ses draps.
Allongé sur son lit, il autorise le flot d'émotions à surgir ; et la marée monte, impossible à repousser, mouillant les déserts arides d'une pluie longtemps retenue.
23 Novembre 1981. Première transformation seul, sans Sirius, sans James, sans Lily, sans Peter, sans personne.
23 Novembre 1981. Ce soir-là, les nuages perchés dans le ciel ressemblent à de longs filets de sang oxydé, et forcent l'air hors de ses poumons.
23 Novembre 1981. Peter Pettigrow n'est plus qu'un doigt inerte que les Aurors lui ont montré sans grande conviction.
