Le Loup qui n'en était pas un
Auteur : Hisope
Disclaimer : le monde de Harry Potter appartient à J. K. Rowling
Note : Le Loup qui n'en était pas un ne prend pas en compte les évènements de Harry Potter and the Deathly Hallows.
Cette fiction se déroule principalement au court de l'an 2000, dans un Univers Alternatif qui intègre les éléments fournis dans les six premiers tomes de la série.
Le Loup
Le loup trottinait joyeusement entre les troncs d'une forêt peu touffue, en prenant soin de ne pas faire trop de bruit en posant ses pattes sur le tapis de feuilles mortes qui recouvrait le sol.
Le pâle soleil d'automne brillait sur sa soyeuse fourrure fauve et grise.
La bête continuait son avancée les oreilles dressées, alerte.
Soudain, le loup s'arrêta.
Le vent venait de changer de direction, conduisant à ses narines un parfum des plus alléchants. Les sens en éveil, il analysa l'odeur prometteuse que son museau venait de capter. Aucun doute. Un lièvre gambadait dans une petite étendue d'herbe, une centaine de mètres devant lui.
Le prédateur s'approcha lentement de sa proie, en prenant soin de rester contre le vent pour ne pas alerter ce qu'il espérait être son prochain repas. En faisant un petit détour, le loup réussit à se poster dans l'angle mort du lièvre. Il observa pendant quelques instants l'inconscient rongeur, attendant le moment adéquat pour frapper.
Lorsqu'un brusque craquement attira l'attention de sa proie à l'opposé de sa position, le loup bondit en direction du lièvre. Mué par un réflexe de survie, le petit animal tenta d'échapper à son agresseur, prenant le parti de fuir à toute vitesse. Le loup ne se laissa pas décourager. Il prit sa proie en chasse, slalomant derrière elle entre les troncs.
Tout se termina très vite.
Paniqué, le lièvre ne fit pas assez attention à son environnement. Sa trajectoire fut bloquée par un amoncellement de branchages qu'il essaya de contourner.
Trop tard.
L'animal n'eut que le temps de sentir s'enfoncer dans son dos les griffes acérées du prédateur. Le lièvre rendit son dernier souffle lorsqu'une mâchoire puissante écrasa sa boite crânienne.
Un meurtre nécessaire à la vie, comme il s'en perpétue des dizaines chaque jour dans la nature écossaise.
Le loup ne relâcha pas la pression de sa mâchoire, gardant dans la gueule sa précieuse récompense. Il ramena sa proie quelques mètres en arrière, dans une confortable étendue d'herbe où il se délecta de son petit repas.
Lorsqu'il eut terminé, le loup se dirigea vers un rocher plat qu'il avait croisé en arrivant. Il grimpa sur la pierre et s'allongea avec un soupir d'aise. Le soleil avait tiédi la roche, la rendant parfaite pour une brève sieste digestive. Le loup bailla et reporta son attention sur le paysage. Il posa un regard tranquille sur son environnement et s'abreuva de chaque bruissement, de chaque souffle de vent.
Le loup se sentait bien, paisible, en harmonie avec la nature.
Il avait enfin réussi à trouver un mode de vie qui lui convienne.
Le loup était parvenu à s'adapter.
Il n'avait pas toujours été un loup, il le savait au fond de lui. Mais ce qu'il avait été auparavant, il l'ignorait.
La première fois que le loup avait ouvert les yeux, il n'avait su que faire. Il était allongé au sol, entouré de bipèdes affolés qui bougeaient en tous sens. Le loup se souvenait encore du bruit, des cris, de l'odeur de sang et des éclairs qui tombaient de toutes parts. Le loup ne comprenait pas où il était ni ce qui se passait - encore moins ce qu'il était. Ses instincts lui criaient de fuir. Et c'est ce qu'il fit. Il fonça en direction d'une sombre forêt, se traçant un chemin entre les bipèdes couchés au sol et ceux gesticulant debout.
Le loup avait couru durant des heures à travers une végétation dense, peuplée de prédateurs plus dangereux que lui. La peur le prenait toujours au ventre quand s'imposait à son esprit l'image d'une énorme chose à huit pattes prête à l'attaquer. Le loup avait quitté au plus vite cet endroit. Il avait continué à errer pendant des jours, se laissant guider par ses instincts.
Puis une nuit, il avait entendu de lointains hurlements qui semblaient l'attirer comme une force irrésistible. Le loup était alors parti en direction des plaintes. Il avait vite rencontré le marquage olfactif délimitant l'entrée d'un territoire déjà occupé par des congénères. Curieux, le loup avait continué son chemin. Il avait bien vite été repéré par la petite meute qui s'était approprié la contrée. Il s'agissait d'un groupe de cinq loups organisé autour du couple principal. Après avoir été contraint pas la force de se soumettre au mâle dominant, le loup avait été toléré au sein de la meute. Il avait apprécié d'avoir trouvé de la compagnie, mais étant de nature rebelle, l'animal supportait difficilement d'être soumis à la volonté des meneurs. Le loup n'aimait pas se battre contre les siens. Plutôt que de remettre en cause l'autorité du mâle dominant, il avait préféré s'isoler.
L'été dernier, douze lunes après son arrivée dans la meute, le loup avait décidé de prendre son indépendance. Il s'était approprié un petit terrain au nord du lieu de vie de la meute et en avait fait son territoire de prédilection. Depuis lors, le loup se sentait revivre, fort de sa liberté retrouvée.
Les paupières du loup se fermèrent, emprisonnant l'animal dans un monde peuplé de bipèdes et d'objets étranges.
Avec l'hiver, une seconde meute composée de sept individus était venue du nord, espérant trouver le gibier qui se faisait rare dans leur contrée.
Le loup s'était ainsi retrouvé coincé entre deux meutes rendues agressives par les dures conditions de vie. Il avait tenté de se joindre à nouveau à ses anciens compagnons, mais avait été rejeté avec force. En ces temps difficiles, une bouche de plus à nourrir était un poids de trop pour le groupe. Le loup savait que très bientôt, des membres d'un clan où de l'autre chercheraient à s'introduire sur son territoire de chasse pour lui voler ses proies. Malheureusement, l'animal ne pourrait jamais défendre son bien contre plusieurs loups affamés. Il ne pouvait plus vivre ici.
Le loup devait se résoudre à quitter son habitat avant de se faire attaquer et d'être blessé.
Il partirait vers le nord déserté par ses congénères, là où les conditions de vie seraient plus rudes encore.
Le loup était épuisé. Il fuyait depuis le levé du soleil. La boule lumineuse était à présent bien basse dans le ciel et pourtant, ses poursuivants ne semblaient pas prêts à abandonner leur traque.
Le prédateur avait déjà été menacé plusieurs fois par des bipèdes. Mais aujourd'hui les deux-pattes étaient plus nombreux et bien organisés. Le neige desservait l'animal, conservant en son sein de fraîches empreintes qu'elle livrait sans remord à l'ennemi. Ceux qui se déplaçaient debout avaient réussi à entraîner la bête loin de son repère, sur un terrain qui lui était inconnu.
Le loup savait pourquoi les bipèdes voulaient lui faire du mal. L'hiver était si rude que l'animal avait dû s'approcher des constructions en pierre des humains pour voler dans leur garde-manger. Il avait choisi et sélectionné avec soin de délicates proies au pelage blanc et touffu. Il s'en était délecté à plusieurs reprises.
Le loup sentait la présence des chasseurs. Ils étaient tout près. Trop près. L'animal continua sa course.
Tout à coup, un bipède apparut devant lui, sur sa gauche. Le loup changea immédiatement de cap, slalomant entre les troncs durant quelques courtes minutes.
Soudain, la forêt s'arrêta.
Ses poursuivants avaient réussi à rabattre le loup dans un espace découvert. La bête n'eut pas le temps de réagir. Un grand nombre d'ennemis sortis de nulle part l'entourait déjà et se mit à l'encercler prudemment. Certains riaient, d'autres tiraient en l'air pour effrayer leur proie.
Le loup ne voyait aucune ouverture. Rien. Il ne pouvait pas s'échapper. Il était condamné.
Celui qui semblait être le dominant de la meute de bipèdes se détacha des autres pour s'approcher un peu du prisonnier. Il dirigea son arme en direction du loup, la pointa entre les deux yeux du fauve terrassé.
Le loup observait son adversaire avec un calme inquiétant.
L'autre allait le tuer, le loup l'avait compris.
Le fier animal aurait voulu être ailleurs, n'importe où, dans un endroit où il aurait enfin pu vivre tranquillement, en paix.
Alors que le coup de feu retentit, une sensation étrange s'insinua dans le corps de la bête. Pendant quelques instants, le loup eut l'impression de flotter dans les airs, de toucher enfin la liberté suprême.
Puis tout devint noir.
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Lorsque le loup se réveilla, la nuit était tombée. Il observa les alentours grâce à sa vision nocturne. Les bipèdes avaient disparu. L'animal resta tout de même sur ses gardes, alerte. Aucune menace immédiate. Aucun bruit suspect. Le loup ne reconnaissait pas le paysage. Il n'était plus au même endroit. Une forêt de conifères l'entourait à présent.
Le loup voulut se lever pour trouver un endroit sûr où dormir. Ses muscles endoloris se réveillèrent brusquement. Sa patte arrière droite le faisait souffrir. Il avait dû se blesser durant la course poursuite.
Le loup boita sur quelques mètres avant de se laisser tomber dans un renfoncement au pied d'un arbre.
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Le loup reprit connaissance au petit matin. Il entreprit d'explorer les alentours et de trouver de quoi calmer sa faim. Il avait du mal à avancer. Sa patte était toujours douloureuse et l'handicapait dans l'impressionnant manteau neigeux qui couvrait le sol. Le loup n'avait jamais vu autant de neige, peut-être parce qu'il avait vécu sur des terrains plus planes jusqu'à présent. L'horizon était ici barré par les montagnes.
Le loup se laissa guider par un lointain murmure d'eau ruisselante. Il atteignit un ruisseau dans lequel il s'abreuva avec délectation. Le gibier ne manquait pas dans les parages. Le prédateur avait déjà croisé une caravane de chevreuils et une dizaine de petits mammifères, mais toute sa ruse n'avait pas réussi à remplacer son agilité perdue. Il avait manqué ses proies.
Durant les quelques jours qui suivirent, le loup dut se contenter de maigres carcasses abandonnées et de cadavres d'animaux morts de faim ou de froid. Puis sa patte guérit et le prédateur put se remettre en chasse. Une fois l'estomac rempli et l'esprit apaisé, le loup entreprit d'en apprendre plus sur son nouvel habitat. Il parcourut des dizaines de kilomètres en tous sens, quadrillant le secteur.
Ce qu'il découvrit l'enchanta. Aucune trace fraîche ne trahissait la présence d'une meute de loups. Le vaste territoire était rythmé par des montagnes et des collines disposées autour d'une immense étendue d'eau. Il comportait également de vastes espaces découverts, de belles forêts, des rivières et surtout de nombreuses proies potentielles. Quelques meutes de bipèdes s'étaient certes installées à différents endroits au bord du grand bras d'eau, mais cela ne gênait guère l'animal, qui n'avait pas l'intention de quitter les hauteurs.
Ce territoire convenait parfaitement au loup. Il s'appropria tout naturellement le secteur et marqua olfactivement les limites de son nouveau domaine.
L'hiver touchait à sa fin. La neige perdait chaque jour du terrain, mais les nuits étaient encore très froides. Ce soir, la lune était ronde et le loup inquiet.
Depuis son arrivée dans cette nouvelle contrée, l'animal avait remarqué un phénomène étrange. A intervalles réguliers, lorsque la boule qui brillait la nuit était la plus lumineuse, un autre loup faisait son apparition dans les environs. Le jeune canidé l'avait entendu hurler plusieurs fois et avait rencontré son marquage. Mais l'intrus disparaissait avec le retour du jour. Le loup avait un très mauvais pressentiment à propos de ce second animal. L'individu semblait en effet agressif et violent, à en croire les carcasses disloquées qu'il laissait derrière lui.
Ce soir-là, la bête était revenue, le loup le sentait. Il aurait voulu fuir, mais il ne pouvait se résoudre à abandonner ainsi son nouvel habitat.
Un hurlement déchirant résonna à proximité. Le loup se figea, les sens en alerte. Il capta tout d'abord l'odeur de l'autre, puis entendit les craquements des feuilles mortes se rapprocher sans cesse.
Enfin elle apparut, juste devant lui. La créature était énorme, bien plus massive que le loup. Tout en elle invoquait force, crainte et respect.
Les deux animaux s'observèrent durant de longs instants. Un sourd grognement sortit de la gorge de l'intrus. Les deux adversaires commencèrent à tourner l'un autour de l'autre, cherchant à déceler les faiblesses de l'ennemi. Le loup était en position d'infériorité. Sa force physique ne pourrait en rien rivaliser avec celle de la créature. Il aurait aimé déguerpir, mais quelque chose au fond de lui lui criait que cela ne servirait à rien, que l'autre le poursuivrait sans relâche ni merci. Le loup était confus. L'autre réveillait comme un échos lointain qui résonnait au fond de son être.
En un éclair, l'intrus s'élança sur le loup, griffant, frappant, mordant. Le plus petit animal répliqua à son tour, se défendant de son mieux. La forêt ne fut que grognements et plaintes des deux animaux. Soudain le loup ressentit une violente douleur et s'effondra au sol en prenant une position de soumission.
Le regard du loup plongea quelques instants dans deux orbites couleur ambre qui brillaient d'un mélange de furie et de fierté.
Puis plus rien.
