Friendship, Horror, Drama, Romance
Rating M
Personnages principaux : tous les personnages.

Chapter #01 « it's the very first breath »

Il était là, une main dans la poche de son vieux bas de jogging gris, cigarette au bord des lèvres, assis sur le rebord d'une fenêtre ; le son de sa respiration se répercutait entre les murs de la pièce, se mêlait au doux ronflement qui émanait de la chambre d'à côté. Son regard d'un bel ébène se perdait dans l'immensité du ciel noirci, dans ces quelques étoiles qui narguaient les mortels, dans cette fichue sensation de liberté ; un spectacle qui lui coupait le souffle, toutes les nuits, chaque fois qu'il prenait le temps de se perdre dans la beauté assourdissante de la nature. Le néant s'offrait presque à lui, à cet instant ; sûrement que quelques centimètres lui suffiraient amplement pour perdre la vie, juste quelques centimètres.

Un grognement presque animal le tira de ses hasardeuses pensées, ses prunelles brunes effleurèrent silencieusement les silhouettes, dans les rues de sa ville natale. Des silhouettes à l'allure maladroite qui titubaient ; un sourcil arqué, il se pencha un peu, son menton caressa délicatement la surface froide de la rambarde et les paupières plissés, il tenta de comprendre. Quelque chose en lui le poussait constamment à le faire, à comprendre comment l'humanité entière se retrouvait réduite à errer dans les rues, de cette façon ? Un soupir s'échappa de ses lèvres, il tira une dernière taffe de son tube de nicotine et l'écrasa sans réelle délicatesse sur la rambarde au teint grisée, puis il sauta discrètement sur ses deux pieds et étouffa un bâillement entre ses lèvres. Son regard s'accrocha une dernière fois à la lune ronde, fascinante et il referma la fenêtre, dans un léger cliquetis qui résonna dans la pièce.

Les draps couleur miel l'attirèrent et sans un bruit, il se glissa dans son lit ; ses doigts arrachèrent doucement le nœud qui retenait cet amas de mèches brunes sur son crâne et il prit une inspiration. Qu'est-ce qui l'empêchait de rejoindre l'humanité ? De rejoindre toutes ces personnes qu'il connaissait depuis sa plus tendre enfance ? Bon sang, qu'est-ce qui l'empêchait de mettre fin à ce vacarme dans sa cage thoracique ? Un ronflement légèrement plus fort lui répondit et un énième soupir s'échappa de ses lèvres ; les yeux fermés, il sombra dans les bras de Morphée, bercé par la présence, dans la pièce d'à côté.

L'ancienne horloge, en mauvais état, posé en évidence sur un meuble du salon affichait exactement trois heures quarante-cinq du matin, lorsqu'un cri déchira le silence de la nuit ; les sens en alerte, les battements effrénés de son cœur dans sa cage thoracique, le souffle court, il repoussa dans un élan maladroit le drap qui couvrait son corps et se jeta sur ses deux pieds, manquant de perdre l'équilibre, là, au beau milieu de la pièce. Sans attendre une seconde de plus, il ouvrit la porte en bois brutalement et s'élança dans le corridor, le bruit de ses pas effrénés flotta dans les escaliers et il s'aida tant bien que mal de la rambarde pour ne pas se faire mal. La panique qui lui sciait les tripes ne cessait d'accroître, encore et encore, toujours un peu plus à chaque seconde qui s'échappait. Une brise fraîche caressa son visage et son cœur rata un battement, peut-être parce que toutes les issues du rez-de-chaussé étaient condamnées ; n'est-ce-pas? D'un pas lourd, il s'avança, à bout de souffle, et lorsque ses prunelles d'un bel ébène s'accrochèrent à la porte de l'entrée, grande ouverte, il se retint tant bien que mal de ne pas prendre la fuite, là, tout de suite ; le corps tremblant, il calcula tant bien que mal la distance qui le séparait du salon et de la cuisine. La porte sur sa droite, à peut-être cinq mètres, donnait accès à la cuisine, là où, éventuellement, il serait dans la capacité de se procurer une arme ; la porte sur sa gauche, à une dizaine de mètres, ouvrait sur le salon.

Il prit une inspiration, tremblante et s'élança vers la porte sur sa droite ; d'un coup d'épaule discret, il l'ouvrit, jeta un rapide coup d'œil et s'engouffra dans la pièce. Un silence pesant s'accrochait à la demeure, au point qu'il avait l'impression que le bruit des battements de son cœur se répercutait entre les murs au teint marbré. Le léger crissement qui s'échappa de la porte, lorsqu'il la referma, lui arracha une grimace et il fit volte-face, le souffle court ; la pénombre n'aidait pas dans la panique de l'instant et il tenta tant bien que mal de faire taire le bruit saccadé de sa respiration.

Un éclair déchira le ciel en deux, ajoutant une pointe de lumière dans la pièce ; son cœur rata un battement, à l'instant où ses iris d'un bel ébène effleurèrent l'ombre d'une silhouette, derrière lui. Le tremblement qui avait prit possession de son corps s'accentua soudainement et il ferma les yeux une demi-seconde ; alors, c'est comme ça que ça se passerait ? Il perdrait la vie, là, dans la cuisine de la demeure familiale ; une main se plaqua brutalement contre ses lèvres et un doux parfum de santal caressa ses narines. Un soupir soulagé s'échappa de ses lèvres et s'écrasa au creux de la main qui le maintenait fermement, il la repoussa doucement et fit volte-face ; des mèches brunes, des prunelles sombres et cette cicatrice sur le nez. Bien qu'une maladresse était palpable dans son geste, il fondit dans les bras de son grand-frère.

« bon dieu » lâcha-t-il, dans un murmure tremblant « j'ai cru que je t'avais perdu »

Dans un geste délicat, le frère se tira de l'étreinte et secoua la tête de droite à gauche, doucement ; il retira le nœud qui traînait autour de son poignet et le tendit au garçon, lui intimant silencieusement de mettre de l'ordre dans ses mèches brunes, qui retombaient sur ses épaules. Il s'empressa de le faire et prit une profonde inspiration, faisant taire maladroitement les battements de son cœur paniqué.

« est-ce que tu as croisé quelqu'un, en descendant ? » demanda le grand brun, les sourcils froncés
« non, personne » répondit-il, le souffle court « qu'est-ce qu'il se passe, Iruka ? »

Un soupir s'échappa des lèvres du dit Iruka ; son regard s'accrocha un instant à la silhouette de son grand-frère. Il était là, presque tremblant, une pointe de tristesse dans les prunelles et une tâche sombre sur le bas de son haut. Quelque chose clochait, le brun n'avait pas réellement besoin de plus pour comprendre. Dans un geste doux, il déposa sa main sur l'avant-bras de son grand-frère et plongea son regard dans le sien.

« pourquoi la porte est ouverte ? » questionna-t-il, une pointe d'inquiétude dans la voix
« quelque chose s'est passé, Shikamaru » souffla le plus âgé, douloureusement

Les lèvres entrouvertes, il tenta de dire quelque chose, de comprendre, mais aucun son ne s'en échappa ; cette felûre au fond de ses prunelles lui faisait mal. De cinq ans son aîné, Iruka avait toujours été ce garçon à l'allure parfaite, si beau, si intelligent, si doué, plein de courage. Qu'était-il à côté de lui ? Le gamin qui traînait constamment des pieds, un bâillement au bord des lèvres, lassé par l'univers et étrange ; qu'est-ce qu'il pouvait être étrange.

Dans un élan plein de maladresse, Iruka prit une inspiration ; il ne dit rien pendant quelques minutes, peut-être cherchait-il les bons mots, peut-être pas. Et sûrement que ce silence ne faisait qu'accroître la panique dans les entrailles du plus jeune des frères ; le corps tremblant, le souffle court, Shikamaru entrouvrit une nouvelle fois les lèvres, dans le but de dire quelque chose, de prendre le plus d'informations possible mais quelque chose l'en empêcha. Et ce « quelque chose » lui glaça le sang.

« merde » siffla le plus âgé, entre ses lèvres

Un second grognement presque animal s'éleva et Shikamaru réprima tant bien que mal le frisson qui le prit, ce fichu frisson et la nausée qui l'accompagnait ; s'en était si étrange, cette sensation dans ses entrailles, comme si elles se tordaient, s'entremêlaient encore plus. Il tenta de prendre une inspiration, le plus discrètement possible et jeta un énième coup d'œil au visage de son grand-frère ; le brun lui intima de ne faire aucun bruit et colla délicatement son oreille au bois de la porte. La tension était palpable dans la pièce, une tension si immense qu'il se sentait littéralement défaillir, par moment. Au bout de quelques secondes silencieuses, Iruka fit signe à son petit-frère ; sans faire un bruit, il retira les baskets qu'il portait et les poussa du bout des orteilles aux pieds du garçon. Les sourcils froncés, il s'empressa de les mettre, avant que son frère ne passe un bras autour de ses épaules tremblantes.

« écoute » lâcha-t-il, dans un murmure « quelque chose est entré dans la maison, je.. » il prit une inspiration douloureuse « je pense que Shizune a ouvert la porte, je ne sais pas pourquoi mais elle est introuvable, je ne l'ai pas trouvé et il y avait du sang sur le sol du salon »

Soudainement, il comprit d'où venait cette tâche sombre sur le haut de son grand-frère ; du sang, peut-être le sang de Shizune. Cette simple pensée lui fit mal. Lorsque toutes ces atrocités avaient commencés, ce bout de femme s'était pointé à la porte de leur demeure, en les suppliant de ne pas l'abandonner à son sort, dehors, dans les rues peuplés de monstres avides de sang ; si Shikamaru s'était écouté, il ne l'aurait jamais laissé mettre un pied dans leur maison mais Iruka n'était pas comme ça, constamment dans le sauvetage d'autrui et au final, l'un comme l'autre, s'était attaché à cette jeune femme. Iruka sûrement un peu plus que lui, il les soupçonnait depuis quelques jours de se perdre dans les draps de l'autre.

« est-ce que tu crois que.. » laissa en suspens, le plus jeune, le souffle court
« je ne sais pas mais tu comprends, Shikamaru, faut que je vérifie » avoua le brun « faut que je sois sûr, parce que si elle est là, quelque part, elle a besoin de moi »
« Iruka.. » lâcha-t-il, dans un murmure

Le concerné n'eût aucun mal à reconnaître cette pointe de panique, de peur, de souffrance dans les prunelles brunes de son petit-frère ; délicatement, il attrapa son visage entre ses deux mains et colla leurs fronts tremblants, l'un à l'autre.

« ne me fais pas cette fichue tête, d'accord ? » souffla-t-il, doucement « tout va bien, tout ira bien »

Dans l'instant, il ne sut pas réellement lequel des deux il tentait tant bien que mal de convaincre ; il prit une inspiration et déposa chastement ses lèvres sur le front de son petit-frère. Un lien si puissant les unissait depuis leur enfance, depuis que le brun avait croisé ses deux billes d'un bel ébène dans le berceau de la chambre d'hôpital ; il entamait sa cinquième année à l'époque mais bordel, il s'était fait la promesse, ce jour-là, que rien ni personne ne ferait du mal à ce petit garçon.

« je ne t'abandonne pas, promis » ajouta-t-il, le cœur tremblant « écoute-moi, je m'occupe de ces choses ; toi, tu montes à l'étage, tu te souviens du sac que je t'avais dis de faire ? »
« tu veux dire, celui au cas où.. il faudrait prendre la fuite ? » demanda le brun, les sourcils froncés
« oui ; tu montes, tu le prends et tu fonces à la maison des voisins, par la porte de derrière, tu préviens monsieur et madame Sarutobi que nous partons, d'accord ? ensuite, tu reviens et tu prends les clefs de la voiture »

Shikamaru ne dit rien, quelque chose dans ses entrailles lui criait que ce n'était pas une bonne idée, qu'ils ne devraient pas prendre chacun un côté, qu'ils devraient être ensemble ; tant pis si ils abandonnaient les autres.

« tu démarres le pick-up, j'ai fais un plein d'essence juste avant que tout ça ne commence » poursuivit-il « le bruit du moteur sera le signal pour moi, j'ouvre la porte du garage et je te rejoins, direct, compris ? »

Il acquiesça, peu convaincu, aux mots de son frère et prit une inspiration ; Iruka prit une demi-seconde, une demi-seconde pour imprimer correctement les traits du visage du brun dans son esprit. Un amas de mèches brunes, coiffés en un catogan vulgaire, des billes d'un bel ébène, des traits fins ; son petit-frère avait toujours été un joli garçon, bordel ce qu'il était fier de lui. Dans un dernier instant d'apaisement, il adressa un petit sourire au brun, un sorte de « j'ai confiance en toi » ou « je t'aime, petit-frère » ; puis, il ouvrit doucement la porte de la cuisine, jeta un bref coup d'œil dans le corridor et poussa le brun vers les escaliers.

Le jeune homme se rattrapa tant bien que mal à la rambarde, peu habitué à la brutalité des gestes de son frère, et s'élança dans les escaliers, le plus discrètement possible ; il s'enfonça dans la chambre, qu'il occupait, depuis sa plus tendre enfance et s'empressa de prendre un sweat dans son armoire. Dans quelques heures, sûrement qu'ils seraient tous les deux très loin de cette demeure qui les avait observé faire leurs premiers pas, et les nuits seraient longues, longues et froides. Il fourra un paquet de cigarettes, à peine entamé, dans la poche droite de son bas de jogging gris et attrapa le sac à dos qui traînait, sous son lit ; une idée étrange, qui prenait tout son sens à cet instant, qu'avait eu Iruka. Quelques vêtements, des photos qu'il chérissait particulièrement, et d'autres trucs ; il le jeta sur ses épaules et ajusta correctement les sangles.

La fenêtre, dans la pièce d'à côté, qui était la chambre de son frère, donnait sur le jardin ; il s'engouffra doucement dedans, attrapa le sac qui traînait dans un coin de la pièce et s'approcha de la fenêtre. Cinq, peut-être six mètres, le séparait du sol ; il n'était pas très sportif mais avec un peu de chance, il éviterait de se faire mal, bêtement. Le crissement plaintif qui s'échappa de la fenêtre, lorsque la vitre coulissa sur le côté, lui arracha une grimace et il balança le sac d'Iruka dans un buisson épais ; il prit une inspiration, jeta un dernier coup d'œil derrière lui et se lança dans le vide. Il se réceptionna, sans réelles encombres, dans l'herbe fraîche et s'approcha d'une fenêtre ; elle donnait sur l'intérieur du garage, là ce vieux pick-up les attendait. Combien d'heures avaient-ils passés tous les deux, avec leur paternel, à se mettre les mains dans le capot ? Une pointe de tristesse le prit, à ce souvenir et il balança les sacs dans le garage ; plus rien ne serait pareil, l'humanité avait sombré.

Quelques grognements animal lui parvinrent, étouffés ; il tenta de ne pas prendre en compte ces bruits et passa par dessus la grille, qui séparait la demeure familiale de celle des voisins. D'aussi loin que remontaient ses souvenirs, la famille Sarutobi était présente ; Asuma, un trentenaire qui bossait dans les forces de l'ordre avec son paternel, vivait là, un éternel célibataire selon sa mère, jusqu'à ce qu'il rencontre cette femme, Kurenaï. Les deux adultes s'étaient bien trouvés et dans ce bout de bonheur, une petite fille avait naquit ; Shikamaru en était le parrain. Le trentenaire était un second père, un homme qui s'était occupé de lui, chaque fois qu'il allait mal, chaque fois qu'il se sentait inutile ; à une époque, là où le brun avait cru que perdre la vie était la solution à son mal-être adolescent, il avait été sa bouée de sauvetage.

Ses baskets effleuraient l'herbe fraîche, il s'avança prudemment dans le jardin et s'enfonça dans la demeure, par la porte de derrière. L'obscurité le força à prendre une seconde pour faire une rapide inspection des lieux, il connaissait cet endroit par cœur ; combien de jours avait-il passé, dans cette cuisine, avec le propriétaire des lieux ? Il referma la porte, dans un léger cliquetis et s'enfonça dans la pièce, les yeux plissés ; le bruit de sa respiration se répercutait entre les murs et il tentait tant bien que mal de la faire taire. Sûrement que son existence d'étudiant surdoué lui manquait terriblement, à cet instant. Le souffle court, concentré sur les ombres qui se dessinaient sur les murs, il ne remarqua pas l'étrange tâche sur le sol ; sa basket effleura le liquide et il trébucha, son menton se heurta violemment sur le sol et un gémissement plaintif s'échappa de ses lèvres. Légèrement sonné, il s'appuya maladroitement sur les paumes de ses mains et se hissa sur ses deux pieds, à l'instant où un éclair déchira le ciel, illuminant la tâche sur le sol ; cette rivière pourpre qui lui coupa le souffle.

Les mains tremblantes, il tenta de ne pas prendre la fuite lorsque ses prunelles brunes s'accrochèrent à la silhouette inerte sur le sol ; un trou béant dans le visage, il lui semblait qu'un bras lui avait été arraché et lorsqu'il reconnu le pendentif autour du cou de la jeune femme, il se plia en deux, recrachant ce qui remplissait son estomac, les larmes aux yeux. Comment allait-il dire à son frère que la femme qu'il aimait, se trouvait là, sur le sol de cette cuisine, morte ? Un bruit à l'étage l'arracha à ses sombres pensées et il reprit contenance, tant bien que mal ; il s'approcha de la silhouette, repoussant les nausées qui s'accrochaient à lui et récupéra délicatement le pendentif, il le fourra dans sa poche et s'avança sur la pointe des pieds dans la demeure.

Et soudain, la situation lui sauta en pleine face ; le sang sur le sol blanc de la cuisine, le corps dévoré de Shizune, le bruit à l'étage. Il retourna, dans un élan rapide, dans la cuisine, attrapa un couteau et s'élança dans les escaliers ; peut-être qu'il était temps pour lui d'être un homme. A l'instant où toutes ces atrocités avaient démarrés, son frère s'était chargé de leur protection ; sûrement qu'il avait sacrifié un bout de son humanité, pour lui. Shikamaru étouffa tant bien que mal le bruit de sa respiration saccadé entre ses lèvres et suivit les traces de sang, sur le sol ; son cœur tambourinait violemment dans sa cage thoracique, lui hurlait de prendre la fuite, de ne pas faire ce qu'il s'apprêtait à faire mais délicatement, il cogna son poing plusieurs fois contre le bois de la porte de la chambre parentale. Un silence pesant lui répondit, il repoussa doucement la porte, d'un coup d'épaule, serrant fortement le manche du couteau dans sa main et jeta un coup d'œil dans la pièce ; son cœur rata un battement.

« Shikamaru » lâcha une voix féminine

Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres et il s'enfonça dans la pièce, refermant la porte derrière sa silhouette ; quelques bougies illuminaient la pièce et il tenta de ne pas fondre en larmes, lorsque ses prunelles d'un bel ébène s'accrochèrent au trou béant dans l'épaule de la trentenaire. Un doux sourire, presque soulagé, se glissa sur les lippes de la femme et elle resserra doucement sa prise autour de la silhouette frêle de la petite fille, elle la tenait contre elle, la berçait de mots doux ; et du haut de ses cinq ans, Miraï ne comprenait pas la cruauté de la situation.

« approche toi » souffla la trentenaire, à la chevelure brune « fais vite »
« Kurenaï » lâcha-t-il, dans un murmure douloureux
« s'il te plaît » supplia-t-elle, les mains tremblantes

Il acquiesça, faiblement, incapable de lui tenir tête et s'approcha, d'un pas lourd ; ça lui faisait terriblement mal dans la cage thoracique, ça lui coupait le souffle. Lorsqu'il fût assez près, la petite fille n'eût aucun mal à le reconnaître et le sourire qui barra son visage lui fit mal ; elle était là, condamné à vivre dans ce monde cruel et avide de sang, à survivre parmi ces monstres. Elle fondit dans ses bras et il déposa chastement ses lèvres sur son front, caressant ses mèches brunes ; Kurenaï observait la scène, un doux sourire au coin des lippes.

« qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demanda-t-il, une pointe de souffrance dans la voix

Des larmes perlaient au coin de ses paupières mais il luttait contre lui-même, pour ne pas fondre en larmes, pour être fort ; la brune tenta de prendre une position un peu plus confortable, un gémissement de douleur s'échappa de ses lèvres et elle haussa les épaules.

« c'est.. » commença-t-elle, dans un soupir agonisant « ça s'est passé très vite, Shizune était blessé et.. je suis désolé Shikamaru.. » une larme roula le long de sa joue « j'aurais aimé prendre soin de toi, de Miraï.. mais j-je crois que.. »
« chut » la coupa-t-il, presque tremblant « ça va, tout va bien ; tout ira bien »

Elle se souvenait bien de la première fois qu'elle avait fait la rencontre de ce garçon, haut comme trois pommes, il entamait sa septième année et clamait haut et fort qu'il était bien trop épuisé pour être comme tous les enfants de son âge ; il était devenu un jeune homme beau et fort, intelligent et plein de courage, même si il ne le voyait pas.
Dans un geste délicat, elle caressa du bout des doigts sa joue légèrement rugueuse et esquissa un sourire, au coin de ses lèvres ; elle n'aurait pas pu rêver mieux pour être le parrain de sa fille.

« s-son sac est sur le lit.. j'ai.. » elle prit une inspiration, douloureusement « j'ai confiance en toi »

Bordel, ce que ça lui faisait mal ; elle aurait aimé être présente pour tous les prochains anniversaires de sa petite merveille, elle s'était dit que malgré l'horreur de la situation mondiale, elle serait capable de prendre soin de sa petite fille.

« prends soin d'elle » lâcha-t-elle, au bout de quelques secondes

Lorsqu'elle retira sa main du visage du brun, il la retint, quelques minutes de plus ; il souffrait terriblement, à l'idée de ne rien pouvoir faire, à l'idée que la petite fille dans ses bras ne reverrait jamais le doux visage de sa mère. Il prit une inspiration et acquiesça, un sourire empreint de souffrance au coin des lèvres.

« je te le promets » souffla-t-il, dans un murmure tremblant
« merci » bégaya-t-elle, difficilement

Du sang s'échappait de sa blessure, elle posa une dernière fois son regard sur la silhouette de sa progéniture et acquiesça ; le brun se hissa sur ses deux pieds, repoussant les larmes qui menaçaient de prendre possession de son visage et resserra sa prise autour du corps de la petite fille. Ses prunelles d'un bel ébène s'accrochèrent une dernière fois à la brune, ce sentiment d'impuissance dans ses tripes, il le haïssait ; il se haïssait si fort à cet instant. Il attrapa le sac qui traînait sur le matelas et s'empressa de faire volte-face, il ignora les plaintes de l'enfant, qui ne comprenait pas pourquoi sa mère ne l'accompagnait pas et se tira hors de la pièce ; à l'instant où sa silhouette disparut dans les escaliers, la brune se hissa douloureusement sur ses deux pieds et s'approcha de la commode, dans un coin de la pièce. Hors de question qu'elle devienne l'un de ces monstres sanguinaires, elle renversa les bougies sur le sol et se jeta dans un gémissement agonisant sur le matelas ; combien de souvenirs hantaient ses murs, combien de sourires, combien de « je t'aime » ? Elle ferma les yeux et un sourire se glissa sur ses lèvres, si elle se concentrait assez fort, elle était dans la capacité de sentir les lèvres de son époux sur les siennes ; le feu se propageait dans la pièce, doucement, alors qu'elle sombrait dans les bras de ses souvenirs aimants et doux.

Un amer parfum de brûlé flotta entre les murs, il plissa le bout de son nez, les sourcils froncés et lorsqu'il se faufila dans le jardin, la petite fille dans ses bras, son regard s'accrocha un court instant aux flammes qui s'étalaient de plus en plus, entre les murs du premier étage ; un tremblement le prit, mais il le repoussa tant bien que mal et resserra correctement sa prise autour de l'enfant. Sûrement qu'à cet instant, elle ne se rendait pas compte qu'elle ne reverrait plus jamais sa maman, et ça, ça le tuait. Quelques minutes plus tard, ils se retrouvaient tous les deux dans le garage de la demeure familiale, il déposa la brune sur la banquette arrière, lui ordonnant de ne pas faire de bruit et lui balança une couverture épaisse sur les genoux ; les nuits étaient fraîches et elle ne portait qu'un léger pyjama au teint rosé. Le claquement de la portière lui arracha un petit sursaut et il se hissa à la place du conducteur, le vrombissement du moteur s'éleva et le souffle court, il retint un hoquet de surprise lorsque la porte du garage coulissa vers le haut, dévoilant la rue ; quelques visages meurtri se tournèrent vers lui, du sang sur les lèvres, des vêtements déchirés.

« Miraï » appela-t-il, d'une voix douce et tremblante « ferme les yeux, d'accord ? »
« mais, j-.. » commença-t-elle, une moue boudeuse sur les lèvres
« fais ce que je te dis, et maintenant » ordonna-t-il, d'une voix un peu plus sévère

Un soupir s'échappa des lèvres de l'enfant et elle prit une position confortable sur la banquette arrière, la couverture sur son corps frêle ; il vérifia d'un bref coup d'oeil qu'elle avait bien les yeux fermés et posa son regard sur le bois de la porte du garage qui donnait sur la maison. Des grognements animals se mêlaient aux vibrations du moteur, et plus les secondes s'échappaient, plus ils s'approchaient ; quelque chose clochait, son grand-frère aurait du le rejoindre depuis plusieurs secondes, déjà. Un grognement passa le cap de ses lèvres et il s'apprêtait à retourner à l'intérieur de la demeure, à comprendre ce qu'il se passait, lorsqu'un coup de feu l'arracha à ses pensées.

« merde » siffla-t-il, entre ses dents
« tonto-.. » tenta l'enfant, sur la banquette arrière
« n'ouvres pas les yeux » grogna-t-il, les sourcils froncés

Shikamaru prit une inspiration et appuya brutalement son pied sur l'accélérateur, le pick-up fonça droit sur l'une des silhouettes et du sang s'étala sur le capot ; il retint tant bien que mal la nausée qui l'assaillait et le véhicule s'enfonça dans l'allée. Le regard totalement affolé, il tapa plusieurs fois sur le klaxon et ignora les grognements presque animal qui se transformaient en hurlements affamés ; qu'est-ce qu'il s'était passé, bon sang ? Pourquoi étaient-ils tous soudainement passés de l'être humain à de la nourriture ? Les monstres, des voisins, des inconnus, s'amassaient autour du pick-up et il retint tant bien que mal le grognement au bord de ses lèvres ; le son d'un deuxième coup de feu le força à reprendre contenance et il plissa les yeux, cherchant maladroitement la silhouette de son grand-frère. Le véhicule se dégagea doucement de l'étreinte mortels des morts-vivants et il ouvrit légèrement sa fenêtre, la demeure de ses voisins brûlait et cela semblait accroître la férocité de ces choses, dans la rue. Un sanglot sur la banquette arrière attira son attention et il jura entre ses dents.

« Iruka » appela-t-il, d'une voix forte

Un quartier banal, tranquille ; qui se transformait en un amas de corps ensanglantés. Le souffle court, il fronça les sourcils lorsque son regard s'accrocha à la silhouette de son frère, debout, sur le toit de la demeure qu'ils habitaient depuis leurs naissances ; Iruka se tenait droit, quelques tâches de sang sur les joues. Cette expression sur son visage, Shikamaru ne parvint pas à mettre de mots là-dessus. Le grand brun attrapa les pans de son haut et le retira, il repoussa le frisson qui le prit lorsque la brise fraîche s'attarda sur sa peau à la teinte hâlée et approcha un briquet du tissu ; les yeux écarquillés, aucun son ne s'échappa des lèvres du plus jeune. Le tissu enflammé embrasa doucement le toit de la maison et tous ces efforts pour ne pas fondre en larmes, depuis le début, s'évaporèrent en une demi-seconde ; des larmes dévalèrent ses joues légèrement rugueuses et il étouffa un sanglot entre ses lèvres.

Ses prunelles d'un bel ébène se perdirent un court instant dans les iris de son grand-frère, ce sourire qui barrait ses lèvres l'acheva ; les lèvres du plus âgé se mouvèrent doucement, il semblait dire quelque chose et à contre-coeur, une terrible souffrance dans les entrailles, Shikamaru appuya sur l'accélérateur. Le pick-up émit un son désagréable et s'échappa dans un coin du quartier ; un sourire au coin des lèvres, des larmes qui perlaient au bord de ses paupières, il observa silencieusement son petit-frère disparaître au détour d'une rue, une pointe de fierté au fond des entrailles.