Notes:
1. Cette fic est à l'origine un cadeau pour Lunasong365, posté cet été sur ao3. Je ne sais pas trop pourquoi je ne la poste ici que maintenant. Du coup, j'ai hésité, parce qu'une romance de vacances en plein hiver, ça me semblait décalé. Mais finalement, n'est-ce pas quand le temps est froid et déprimant qu'on a le plus besoin d'une histoire qui se passe au soleil? :)
2. Un petit mot sur la naissance de cette fic: je suis partie cet été en me disant que j'allais faire une cure de désintoxication de "Good Omens". Le premier jour, sur la plage, un vendeur a crié : "Beignet aux pommes!" Comme pomme = Crowley, j'ai eu un flash et je me suis retrouvée à écrire un peu tous les jours à l'heure de la sieste. Autant pour la désintox. L'histoire étant située là où j'ai passé mes vacances, vous pouvez trouver des photos de différents lieux évoqués sur mon blog (sur Tumblr, cherchez Sous-le-saule et quand vous y êtes, le tag "12 jours" vous tend les bras ^^)
3. Pour les besoins de l'histoire, j'ai pris quelques libertés avec le fonctionnement des universités de Montpellier et de Londres (j'ai transposé l'organisation des universités belges), et probablement aussi avec la législation française sur les jobs d'étudiants. Mea culpa.
4. Certains événements réels sont évoqués dans cette fic. Il aurait été cependant déplacé d'y mentionner le drame de Nice, et les personnages n'en parleront donc pas. Disons que cet univers alternatif est plus en paix que notre monde. Pensées aux victimes et à leurs familles.
5. J'espère que vous aurez autant de plaisir à la lire que j'ai eu à l'écrire. Comme toujours, n'hésitez pas à commenter. Encouragement, critique, tout est bon à prendre.
Jour 1: 5 juillet 2016
"Beignets ! Boissons fraîches !"
Anthony s'essuya le front du revers de la main. Il fit rapidement l'inventaire de ce qui lui restait. La journée avait été bonne. C'était son quatrième jour de travail et il commençait à trouver son rythme. Marcher sur le sable toute la journée en tirant le lourd chariot, sous le soleil méditerranéen, s'avérait plus fatigant qu'il ne l'aurait cru, mais le boulot n'était pas désagréable, et il aimait la chaleur.
De toute façon, il ne pouvait pas se permettre de faire le difficile. Il avait absolument besoin d'un job de vacances. Son plan A l'avait lâché à la dernière minute et il n'avait pas de plan B. Aussi, quand un pote lui avait demandé de le remplacer au pied levé, il avait sauté sur l'occasion.
Il arrivait au bout de la plage. Celle-ci consistait, dans cette petite station balnéaire des environs de Montpellier, en une longue bande de sable large d'une quinzaine de mètres, ponctuée de modestes brise-lames délimitant des anses dans lesquelles se baigner.
Encore un retour à son point de départ et il aurait fini sa journée. Il salua poliment deux vieilles dames qui le croisèrent en longeant l'eau d'un bon pas, et elles lui rendirent son sourire. Dans quelques jours, les petits-enfants allaient arriver. Autant se faire déjà bien voir de la future clientèle.
Il n'y avait plus que quelques personnes sur cette portion de sable et Anthony s'apprêtait à faire demi-tour quand un homme, qui était assis sur un siège pliant, lui fit un signe avant de poser son livre et de s'approcher.
Anthony caractérisa rapidement le client pour s'en rappeler les jours suivants. La quarantaine, les cheveux blonds et vaguement bouclés, l'homme était pâle comme un touriste qui vient d'arriver. En même temps, ce n'était pas en restant sous un parasol, en chemise à manches courtes et en bermuda, dont Anthony nota avec incrédulité le motif écossais, qu'il allait prendre des couleurs.
"Bonjour ! Vous avez des beignets au chocolat ?"
Anglais, d'après l'accent. Gay, d'après… tout le reste.
"I'm sorry. There's nothing left but two apple doughnuts."
L'homme fit un petit sourire.
"Je parle si mal français que ça ?"
"Oh, non, pas du tout. Désolé, je me disais que ce serait plus facile pour vous."
"Je préfèrerais qu'on continue en français. Je pensais profiter de mon séjour pour travailler le mien qui est un peu… (Il chercha son mot une demi-seconde) rouillé."
"Vous vous débrouillez très bien. Vous venez souvent en France ?"
"Je suis allé quelquefois à Paris, mais ça fait des siècles que je n'en ai plus eu l'occasion."
"Et là, vous vous êtes dit qu'il était temps de revenir avant que votre pays quitte l'Europe ?" le taquina gentiment Anthony.
"Onze."
"Pardon ?"
"Ça fait onze fois qu'on me pose plus ou moins la même question depuis que j'ai mis les pieds en France. Et je suis arrivé hier soir," précisa l'homme malicieusement.
Anthony grimaça :
"Autant pour l'originalité. Nous prenons ça comme un rejet, j'imagine."
"J'ai voté contre la sortie, pour ce que ça vaut…"
"C'était de toute façon une remarque idiote de ma part. Bref, c'est la fin de ma tournée. Comme toujours, les enfants se sont jetés sur les beignets au chocolat."
"Bon… tant pis."
"Honnêtement, ceux aux pommes sont meilleurs. Des pommes de Normandie, sucrées mais pas trop. C'est moins écoeurant que le chocolat avec cette chaleur."
L'homme sourit franchement. Ça lui allait bien. Son regard, indubitablement intelligent, s'éclaircit d'un coup.
"Qui pourrait résister à de tels arguments ? Va pour un beignet aux pommes."
Anthony lui en enveloppa un dans une serviette en papier et empocha l'argent.
"Merci. A demain. Au fait, je m'appelle Anthony."
Si les clients connaissaient son prénom, ils auraient davantage tendance à acheter sa marchandise plutôt que celle du tocard qui vendait lui aussi des beignets sur cette plage. Sauf si celui-ci se servait du même truc. Mais il avait l'air moins rapide pour apprivoiser les gens.
"Ezra Fell," se présenta l'homme en retour, en tendant la main, au lieu de se contenter de donner son prénom.
Le jeune vendeur serra la main tendue et, comme l'autre avait donné son nom de famille, la politesse imposait qu'il fît de même malgré ses réticences.
"Enchanté. Anthony Crowley."
Ezra haussa un sourcil :
"Ça ne sonne pas très français."
Et voilà. Comme à chaque fois, Anthony n'y couperait pas.
"Mon père est Anglais."
"Ah. Voilà qui explique votre accent plus qu'acceptable. Surtout pour un Français."
Anthony le regarda dans les yeux et y lut une lueur amusée.
Il se paie ma tronche.
"Je l'ai mérité, je suppose. Partant pour une trêve franco-anglaise?"
"Entendu. A demain, Anthony."
