Titre : Making Monster

Auteurs : SF/Jem

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Rating : A voir

Pairing : Emily Prentiss / Jennifer Jareau

Résumé : Enorme Spoiler fin saison 6 épisode 18. Si vous n'avez pas vu la saison 6, ne lisez pas.

Note : Histoire en téléchargement pour les membres VIP sur le site slayerstime à partir du 9 juillet 2011

Emily Prentiss : « Le secret pour s'en sortir avec un mensonge, c'est d'y croire de toutes ses forces. C'est d'autant plus vrai lorsqu'on se ment à soi-même que lorsqu'on ment aux autres. » Elizabeth Bear

Memorial Hospital – Boston – Massachussetts.

Les agents Reid, Morgan, Hotchner, Garcia, Seaver et Rossi demeuraient assis dans la salle d'attente depuis des heures. Le silence qui régnait était lourd et les regards dénotaient l'inquiétude profonde de chaque membre de l'équipe du BAU. Aucun ne songeait plus à Ian Doyle, disparu lors de l'intervention dans un entrepôt de la ville où Emily Prentiss, ancien agent de la CIA, avait fait croire à l'assassinat du fils de Ian Doyle, six ans plus tôt. Ce dernier, arrêté et emprisonné par la police secrète s'était enfui des camps d'emprisonnement de Corée et avait juré de venger l'assassinat de son fils.

Derek se tenait assis, ses mains jointes devant ses lèvres et les yeux tournés sur un point fixe invisible. Il était celui qui avait trouvé Emily Prentiss dans une cave et, l'image de son amie gisant sur le sol poussiéreux de cet entrepôt, un pieu en bois planté dans le ventre le hantait. Derek n'était pas croyant, ne l'avait jamais été mais toutes ses pensées se tournaient vers cette force qui pourrait sauver l'agent Prentiss et l'épargner.

Hotch' se leva pour la énième fois, incapable de rester en place. Son regard ne cessait de partir vers le couloir des salles d'opérations. Tous attendaient depuis des heures et chaque seconde durait une éternité. Il fit quelques pas, bras croisés, ses traits tirés par ses angoisses. Rares étaient les fois où le responsable de l'équipe du BAU dévoilait ses craintes mais Pénélope les voyait, culpabilisait de ne pas avoir été plus attentive au comportement d'Emily. L'informaticienne avait été stupide de ne pas prévenir Derek des réactions vives, parfois agressives d'Emily depuis le début de l'enquête reliant les meurtres des familles à ce Ian Doyle. Elle aussi lançait de nombreux coups d'œil vers le couloir, elle aussi redoutait le pire mais tentait vainement de se rassurer : Emily était forte, se disait-elle. Emily ne mourrait pas ainsi, pas après avoir choisi de sacrifier sa vie pour sauver celles des membres de son équipe et celle du fils de Ian Doyle. A côté d'elle, le pied de Spencer tapait rapidement le sol, ses coudes sur ses genoux, son regard dans le vide. Le jeune prodige de l'équipe n'avait pas dit un mot depuis leur arrivée au Memorial Hospital de Boston. Et qu'aurait-il pu dire ? Quelle statistique pourrait leur indiquer quelles étaient les chances, les probabilités pour qu'Emily Prentiss survive à cette blessure à son ventre ? Celui qui savait tout ne savait plus rien et toutes ses connaissances lui étaient inutiles pour sauver Emily.

Hotch' s'avança et tous les regards se tournèrent vers Jennifer Jareau, ancien agent de liaison du BAU pendant près de cinq ans. Celle-ci venait de sortir de la salle d'opération et se tenait debout devant chacun de ses anciens collègues et amis. Quand Emily était arrivée en ambulance, elle avait aussitôt demandé sa présence et JJ avait été seule à être à ses côtés avant qu'Emily ne sombre dans l'inconscience… A la mine désolée de JJ, à son regard rouge et imbibé de larmes, tous comprirent ce qu'elle s'apprêtait à dire.

— Elle est décédée pendant l'opération, commença-t-elle… Ils n'ont rien pu faire.

Spencer détourna son regard désemparé, voulut se diriger vers le couloir, vers la salle d'opération mais JJ le retint en le regardant d'un air désolé.

— Non, Spenc'…

— Je veux lui dire au-revoir, fit-il d'une voix craquante.

JJ le prit dans ses bras pour l'inciter à ne pas y aller et ce dernier l'étreignit, abattu, tremblant de tristesse. Il finit par se reculer pour fuir et ne pas s'effondrer en larmes devant JJ et les autres. Derek venait de dissimuler son visage dans ses mains alors qu'Hotchner ne quittait pas son ancien agent des yeux, comme pour lui signifier en silence de revenir sur l'annonce qu'elle venait de faire, une annonce qui ravivait une douleur dans sa poitrine meurtrie depuis la mort de sa femme. Il sortit à son tour sans un mot et JJ vit David Rossi le suivre avec l'agent Seaver. Pénélope resta près de Derek et JJ préféra se détourner vers le couloir afin de revenir sur ses pas. Le moment n'était pas venu de réconforter ses amis sous le choc de son annonce. Elle s'arrêta un instant devant la porte close, consciente de ce qu'elle venait de faire, de dire à ses anciens collègues, mais avait-elle eu le choix ?

Elle finit par descendre la poignée de la porte, pénétra dans la pièce et referma sans un mot. Elle reporta son regard sur Emily Prentiss. Les médecins l'avaient allongée sur un autre lit, une couverture remontée jusqu'à sa poitrine. Un bip lent indiquait les battements réguliers de son cœur fatigué par l'opération. Emily était inconsciente, mais Emily vivrait malgré l'abomination de son mensonge.

— Qu'allez-vous faire maintenant ? demanda une voix derrière elle.

JJ se tourna vers madame Prentiss, la mère d'Emily. Elle n'avait pas de réponse à cette question mais répondit malgré tout.

— Nous verrons quand elle sera réveillée.

— Vous rendez-vous compte des conséquences de ce que vous avez dit aux agents du BAU ?

— C'est la décision d'Emily, je l'ai respectée madame Prentiss.

Cette dernière lança un dernier regard sur sa fille et tourna les talons avant de quitter la chambre sans un mot de plus. JJ l'avait sentie insensible, incroyablement immunisée à tout ce qui venait de se passer. La porte se referma et JJ se retrouva enfin seule avec Emily. Elle ne devait plus songer à Madame Prentiss mais se concentrer sur ce qui arriverait dans les prochains jours. Les médecins l'avaient rassurée quant à l'état de son amie. Emily était hors de danger et, par chance, le pieu n'avait touché aucun organe vital. Ses angoisses perduraient malgré l'état stable d'Emily. Elle avait menti à toute l'équipe de Hotchner et serait témoin des conséquences de ce mensonge nécessaire à la survie d'Emily. Ian Doyle n'était pas mort et si Emily Prentiss n'était pas officiellement morte et enterrée, ce cauchemar recommencerait.

Jennifer Jareau : « Le psycho-analyste Walter Langer a écrit: Les gens croiront un gros mensonge plus facilement qu'un petit, et si vous leur répétez assez souvent, ils finiront par le croire, tôt ou tard. »

Quatre jours plus tard – Washington D.C.

JJ suivit le cortège devant elle. A sa tête, Derek et Reid tenaient le devant du cercueil. Rossi et Hotch' tenaient l'arrière. Au total, une centaine d'employés des Bureaux étaient présents ainsi que d'autres personnes qu'Emily avait connues depuis son arrivée à Quantico. Un voile noir recouvrait le cimetière de Rock Creek alors qu'un ciel bleu et ensoleillé éclairait cette journée que tous seraient incapables d'oublier.

JJ s'arrêta devant l'emplacement où le cercueil serait mis en terre. Celui-ci fut posé sur la pelouse où le prêtre attendait l'arrivée des convives avant de réciter son sermon.

JJ gardait ses yeux bleus et brillants sur le cercueil qu'elle savait vide, un cercueil fermé selon la volonté d'Emily. La fatigue accumulée au court des derniers jours était telle que JJ percevait la peine des autres l'accabler, lui donner l'illusion qu'elle enterrait réellement Emily, donnant davantage de crédit à sa prestation secrète. Au fond d'elle, une petite voix lui rappelait que tout cela était faux, une mise en scène destinée à protéger Emily, mais sa part de raison, lui renvoyait une vérité affligeante : Si Emily vivait, l'agent Prentiss serait définitivement enterrée aujourd'hui.

Malgré son absence aux Bureaux, malgré sa mutation au Pentagone, JJ en percevait un goût amer. Ses obligations l'ayant tenue éloignée d'Emily ne les avaient nullement empêchées de rester en contact, de s'appeler régulièrement. JJ avait mesuré combien ses amis et son travail lui manquaient, combien son amitié avec Emily était importante.

Sans entendre le sermon du prêtre, JJ se rappelait du moment précis où Hotch' l'avait contactée au Pentagone pour solliciter son aide. Quand elle avait appris que Ian Doyle avait enlevé Emily, son sang s'était glacé. Le pire était sans doute de mesurer que sa présence au sein de l'équipe n'aurait rien changé si elle n'avait pas été mutée. Emily ne lui aurait rien dit, aurait fait en sorte de la protéger contre cet individu. Mais JJ voulait croire que les évènements se seraient passés différemment si elle avait été présente.

Pourquoi avait-elle accepté ce poste au Pentagone ? Pour Will ? Pour avoir enfin un poste calme, sans risque ? Pour avoir des heures fixes et enfin penser à avoir une vraie vie de famille ? Toute cette stabilité qu'elle avait vainement recherchée avait été soufflée par l'annonce de Hotch', par la disparition d'Emily. Malgré la distance et leurs obligations respectives, toutes les deux avaient toujours su trouver un moyen de se libérer, de se voir, de prendre un café ensemble. Et JJ avait noté le changement d'attitude d'Emily ces derniers jours. Elle avait voulu accuser cette enquête particulière qui avait précédé sa disparition, avait hésité à contacter Hotch' pour lui faire part de ses inquiétudes, mais ses doutes lui avaient fait perdre un temps précieux. Elle s'en voulait, comme chacune des personnes faisant face à ce cercueil en cette seconde. Mais JJ était seule à savoir Emily vivante et mesurait combien la brune comptait pour elle.

Après Spencer et Hotch', ce fut à son tour de poser une rose rouge sur le bois verni du cercueil avant de reculer et de suivre Spenc' vers les véhicules garés au bord de la route. William la rejoignit après s'être tenu à l'écart le temps de la cérémonie, mais Hotchner s'approcha et demanda :

— JJ, je sais que ce n'est ni l'endroit ni le moment, mais j'aimerais te parler en privé une seconde.

— Bien sûr, Hotch'.

Elle fit signe à William de l'attendre et suivit son ancien patron sur le chemin goudronné longeant le cimetière. Elle regarda son profil toujours sérieux, toujours tendu mais Hotch' ne prit pas la parole tout de suite.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.

Après quelques mètres, Hotch' s'arrêta et regarda la jeune femme blonde qu'il avait eue sous ses ordres pendant de longues années.

— J'aimerais que tu reviennes au Bureau.

JJ fronça les sourcils sur cette demande qu'elle n'avait pas attendue, du moins, pas si rapidement.

— En réalité, j'ai déjà rempli une demande au Pentagone pour te réintégrer, reprit-il. Je sais que tu as accepté ta mutation à contrecœur et j'ose croire que tu accepteras de revenir.

— Hotch', je…

— Je te demande d'y réfléchir, JJ, l'interrompit l'agent Hotchner. Je sais que tu étais proche d'Emily et je sais aussi que ton aide a été précieuse pour l'enquête. Ian Doyle court toujours et je veux que tu reviennes parmi nous pour nous aider à l'arrêter.

JJ se retrouvait touchée, émue par la demande et les mots de Hotchner. Elle aussi voulait arrêter Ian Doyle pour permettre à Emily de reprendre le cours normal d'une nouvelle vie. Elle entendait tout l'espoir de Hotch' dans le seul ton de sa voix, mais que pouvait-elle répondre en cette seconde ? Tous pensaient qu'Emily Prentiss venait d'être enterrée et JJ savait désormais combien des mensonges pouvaient conduire aux pires drames.

— Je vais y réfléchir, répondit-elle enfin.

— Appelle-moi quand tu auras pris ta décision.

JJ se pinça les lèvres, acquiesça et préféra rebrousser chemin vers la file de voitures où William Lamontagne l'attendait. Cette demande la perturbait et faisait naître d'autres interrogations parasites. Elle monta dans le quatre-quatre et William démarra avant de lui lancer un coup d'œil :

— Tout va bien ?

JJ regarda les pierres tombales du cimetière défiler sous ses yeux.

— Ca va, répondit-elle évasive.

William lui lança un regard inquiet alors que sa première question en sous-entendait une autre :

— Que voulait Hotch' ?

JJ ne pouvait pas mentir à William :

— Il veut que je réintègre le Bureau.

William fronça les sourcils sur cette annonce.

— Que lui as-tu dit ?

— Que j'y réfléchirais, fit JJ d'une voix fatiguée.

Un court silence s'installa et William quitta le cimetière avant de s'engager sur la route menant à Arlington. Il reprit très vite :

— Tu dois refuser JJ. Après ce qui vient de se passer, tu ne vas tout de même pas retourner là-bas ? En trois ans, ton ami Spencer a failli mourir, la femme de Hotch' est morte, il aurait pu perdre son fils, et maintenant Emily ! Je ne veux pas que tu sois la prochaine.

JJ ne répondit pas. Ces paroles, elle les avait entendues des centaines de fois avant d'accepter sa mutation au Pentagone. Mais aujourd'hui, les choses étaient différentes et elle n'argumenterait pas en vain débat avec son compagnon.

Déjà, ses pensées repartaient vers Emily. JJ avait du quitter l'hôpital de Boston pour revenir en Virginie, avait donné ses ordres selon les directives d'Emily mais celle-ci ne lui avait plus donné de nouvelle. Etait-elle sortie de l'hôpital ? Avait-elle décidé de disparaître réellement ? JJ savait qu'Emily ne partirait pas sans lui dire au-revoir mais où était-elle et comment allait-elle ?

Pentagone – Arlington – Virginie.

Le lendemain

Son café en main, JJ rejoignit le cinquième étage du bâtiment fédéral et entra dans les locaux réservés aux employés de Commandement Stratégique1. Son bureau situé sur une grande plate-forme, elle posa d'abord sa tasse puis son sac à main avant de récupérer les dossiers qu'elle devrait traiter au plus vite. Il n'était plus question de meurtre, de famille en détresse, de recherche d'éléments à apporter à un dossier pour rendre meilleur le monde terrible dans lequel elle vivait. Non, depuis plusieurs mois son travail consistait en des opérations de renseignements pour le Département de la Défense. En d'autres termes, elle et d'autres employés devaient vérifier les flux d'informations confidentiels circulant au sein du gouvernement et s'assurer qu'aucune information dangereuse ne soit diffusée dans le monde.

A peine eut-elle le temps d'ouvrir un dossier qu'un jeune homme s'arrêta devant son bureau.

— Vous êtes bien Jennifer Jareau ?

JJ fronça les sourcils et détailla celui qui la regardait et attendait une réponse. Jeff, le chargé au courrier de son département avait-il été remplacé ? Non, ce garçon portait un badge du service de communication, ce qui n'expliquait pas qu'il lui livre ce courrier. Elle répondit tout de même :

— C'est moi, oui.

Le jeune homme lui tendit une enveloppe.

— Tenez. On m'a demandé de vous remettre ça en main propre.

JJ fronça les sourcils et prit l'enveloppe en demandant :

— Qui vous l'a donné ?

— Une femme dans le parking.

Jennifer baissa son regard sur l'enveloppe et remercia le jeune homme qui s'éloigna. Ce courrier venait forcément d'Emily. Elle s'empressa de l'ouvrir et la renversa pour faire tomber son contenu dans sa paume, contenu qui n'était autre qu'une clef unique. Ses traits toujours tirés, elle écarta les bords de l'enveloppe pour s'assurer qu'aucun papier ne s'y trouvait. Rien n'indiquait quelle porte cette clef ouvrirait, mais JJ semblait déjà le savoir. Elle ramena son sac à main sur ses cuisses, en sortit son trousseau personnel et glissa la précieuse clef dans l'un des anneaux de fer. Elle savait déjà où elle irait ce soir après son travail.

Washington D.C.

Jennifer avait prévenu William qu'elle sortirait plus tard des Bureaux. Ce contre temps ne changeait rien à leur planning habituel puisque JJ emmenait Henry à l'école le matin et Will le récupérait l'après-midi.

Elle entra dans l'ascenseur d'une résidence familière, résidence dans laquelle elle n'était pas venue depuis sa mutation, et appuya sur le bouton du dernier étage avant que les portes ne se ferment. Ses lèvres pincées, elle sentait un soupçon d'angoisse et d'incertitude grandir en elle à l'idée de revoir Emily. Toute la journée, elle n'avait eu de cesse d'imaginer ce que la brune voudrait lui annoncer pour l'inviter, de façon tacite, à la rejoindre dans son ancien appartement.

Les portes se rouvrirent alors face à une porte unique devant laquelle elle s'avança avant de remonter la clef dans la serrure. Le mécanisme s'enclencha et JJ déverrouilla la porte avant de descendre la poignée.

La nuit tombée depuis plus d'une heure, JJ avança dans l'appartement plongé dans le noir. Elle referma derrière elle, trouva l'interrupteur qui éclaira les lieux et se tourna vers le salon où tous les meubles avaient été laissés tels qu'elle les avait vus la dernière fois.

Elle entendit alors des craquements à travers les marches en bois des escaliers menant à l'étage et son regard se posa sur Emily qui arrivait d'un pas lent. Vêtue entièrement de noir, aucune parcelle de son corps n'était dévoilée. Seul son visage et ses mains portaient les stigmates de son face à face avec Ian Doyle. Sa lèvre laissait voir une légère coupure et un pansement cachait sa blessure sur son arcade.

Son sac sur l'épaule, ce fut un vent de soulagement qui souffla sur JJ. Elle revoyait enfin Emily. Non pas sur une photo, non pas sur un enregistrement vidéo ou sur un lit d'hôpital, mais debout devant elle et bien vivante. Spontanément, elle vint enlacer ses bras autour de son cou, libéra toutes ses inquiétudes avant de se reculer et de plonger son regard bleu dans le sien pour s'assurer de sa présence. Ses mains prirent les siennes et elle demanda sans attendre :

— Comment vas-tu ?

Le silence de l'appartement laissa à Emily le temps de profiter de cet instant. Le calme revenait, mais ses appréhensions demeuraient. Elle n'avait eu d'autres choix que de décider de sa propre mort, mais regrettait d'avoir été forcée d'y mêler JJ. Celle-ci n'avait pas vacillé une seule seconde et portait encore le poids du mensonge, de son mensonge, sur ses épaules. L'ancien agent apaisait son être et étouffait la tension que Doyle avait nourrie en elle.

Dans un geste attentif, Emily écarta quelques cheveux dorés du visage de JJ et apprécia la douceur de sa peau du bout des doigts. Les derniers évènements avaient bousculé beaucoup trop de vies, avaient remué des émotions enfouies, soulevé des secrets qui auraient dû rester enterrés. Parmi eux, un seul resurgissait plus agréable que les autres. Emily se pencha sur JJ et scella ses lèvres aux siennes dans un tendre baiser. Par ce contact délicat et parfumé, Emily espérait taire ses craintes et ses réflexions incessantes. Retrouver la saveur d'un baiser partagé avec Jennifer lui rappelait des moments trop lointains, insouciants où tout semblait encore sous contrôle. Elle se recula et reporta ses yeux sur l'ancien agent qu'elle ne cessait de détailler.

— Mieux, répondit-elle. Et toi ?

De doux frissons rassurants traversaient JJ, lui rappelaient qu'Emily et elle étaient bien plus que de simples amies. Malgré leurs décisions communes de ne plus se rapprocher comme Emily venait de le faire, JJ n'avait pu résister à un besoin profond de répondre à ce baiser, de sentir à nouveau les parfums délicats d'Emily. Sa voix resta basse mais empreinte d'incertitude :

— Ces derniers jours n'ont pas été faciles, mais je vais bien. J'ai beaucoup pensé à toi… J'étais inquiète et tu dois savoir que Hotch' m'a demandé de revenir au Bureau pour poursuivre l'enquête et retrouver Doyle.

Emily fronça les sourcils en désaccord avec les projets de Hotchner. Elle n'était pas étonnée par la demande de son ancien supérieur, ni par l'envie qu'elle lisait dans les yeux de JJ, mais elle désapprouvait leur volonté de poursuivre Doyle. Pourquoi ses amis devaient-ils se montrer aussi bornés, déterminés à débusquer son assassin ? Avait-elle pris la bonne décision ?

— Doyle ne les concerne pas, répondit-elle sur le recul.

Après ses efforts à écarter ses équipiers et amis de Doyle, elle ne pouvait les laisser prendre autant de risques. Ian Doyle était un personnage sans scrupule qu'on avait trahi, à qui on avait pris un fils, formé pour tuer.

— Et il ne te concerne pas non plus.

Plus que tout, elle craignait pour la vie de JJ, de Henry. Doyle avait déjà prouvé sa cruauté et son manque de compassion. Il avait tué des familles entières pour se venger d'une poignée d'hommes seulement. Son ancien amant restait son affaire, son problème à résoudre, un souvenir à effacer.

Elle sortit une enveloppe de la poche intérieure de sa veste et la tendit à JJ avant d'expliquer.

— J'ai une dernière faveur à te demander.

JJ fronça les sourcils sur ces mots qui lui signifiaient indirectement qu'Emily disparaîtrait. Elle prit la lourde enveloppe, plus confuse et trouva des documents bancaires. Elle comprit très vite qu'Emily avait ouvert un compte au nom de « Jareau » dans une banque réputée du pays. Son ancienne amante avait pris ses précautions et les sommes d'argent virées tous les mois dépassaient de très loin le montant des salaires des agents fédéraux. Elle releva son regard bleu sur Emily, plus perdue et demanda :

— Qu'est-ce que c'est ?

— Des documents bancaires à ton nom ainsi que les cartes liées aux comptes, répondit Emily. En étant au Pentagone, tu pourras m'obtenir des passeports étrangers et m'ouvrir un nouveau compte. Tu trouveras un billet d'avion pour Paris dans l'enveloppe. On se reverra là-bas.

Toutes ces informations rendaient JJ plus confuse que jamais. Ce compte en banque comptait une somme d'argent qu'elle n'obtiendrait jamais, dut-elle travailler de jour comme de nuit. Emily lui demandait de lui trouver des passeports, de lui créer une nouvelle identité avant de la rejoindre à Paris, mais après ? Même si JJ était prête à lui fournir tout ce qu'Emily lui demandait afin de la protéger, que se passerait-il par la suite ?

— Je le ferai, dit JJ. Je te rejoindrai en Europe, mais dis-moi ce que tu comptes faire.

Emily comprenait les questions et la confusion de JJ. Cette situation n'était simple pour personne et elle avait conscience de ce qu'elle lui demandait. Pourtant, elle ne pouvait s'étaler en de longues explications détaillées sans risquer de compromettre Jennifer.

— Je t'expliquerai quand nous serons à Paris, répondit-elle brièvement. Cet appartement est à ton nom, tu es libre d'en faire ce que tu veux. Le notaire t'appellera demain dans la journée pour signer les papiers.

Emily détourna son regard un instant sur le salon et prit une seconde de pause avant de le reporter sur Jennifer. La reverrait-elle après Paris ? Rien n'était moins sûr. Doyle en liberté, en vie, Emily ne saurait trouver de vrai répit. Même déclarée morte, elle ne pouvait se permettre de faux pas.

— Embrasse Henry de ma part, reprit-elle. Je dois y aller.

Elle ramena ses doigts sur la joue de JJ, effleura sa peau veloutée avant de déposer un baiser sur son front. Elle laissa ses parfums envahir ses poumons, se graver en elle avant de se détourner pour marcher vers la porte.

JJ aurait voulu la retenir, l'implorer de rester, d'attendre… Tant de questions restaient en suspend et accentuaient son angoisse et ses craintes. JJ ne savait dire si cette dernière annonce concernant l'appartement d'Emily devait la réjouir ou la plonger dans d'autres troubles. La porte fermée, elle se retrouvait maintenant seule dans le grand appartement où elle avait quelques fois rejoint Emily en secret afin de partager des moments complices et intimes. JJ savait que les changements dans la vie d'Emily avaient déjà des répercussions sur la sienne. Elle ne pouvait envisager de ne plus la revoir, de prétendre qu'Emily était morte tel que le monde le croyait désormais. Mais quel autre choix aurait-elle si Emily en décidait autrement ? Elle rajusta la lanière de son sac sur son épaule et quitta l'appartement d'Emily. Elle devait rentrer chez elle, ne pas oublier que son fils l'attendait et que Will espérait négative sa réponse donnée à Hotch'.

1 Chacune des ailes du Pentagone abrite le commandement de l'une des composantes de l'armée américaine : US Army US Navy US Air Force US Marine Corps US Strategic Command.

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