Bonjour à toutes,
Je publie ici ma fiction qui j'espère, vous plaira.
Un grand merci à Lily, ma Beta qui a bien voulu porter un regard avisé du côté de mes textes.
Je vous souhaite une bonne lecture.
Le ballet des probabilités
Disclaimer : Tous les personnages appartiennent à Stephenie Meyer, seule l'histoire est créée par mes soins.
Chapitre 1
Bon sang. J'étais en retard... de dix satanées minutes. Et lui aussi !
Je pestai dans l'entrée de mon appartement en faisant voler mes escarpins noirs, maudissant cette faiblesse qui m'avait encore jouée des tours. Les heures supplémentaires avec Edward Cullen n'étaient pas vraiment des heures supplémentaires et mon après-midi était passé sans que je ne m'en rende vraiment compte.
L'écouter commenter les ratios financiers de telle ou telle compagnie n'était pas vraiment une corvée. Et aujourd'hui… aujourd'hui, il avait terriblement agrandit l'espace de mes fantasmes. Mon cerveau avait pris la liberté de se créer un petit monde rien que pour lui et son jeu d'acteur avait été excellent. Edward Cullen se résumait à deux mots : perfection et excellence.
Cependant, je n'avais pas été la seule à me délecter de sa prestation. Les assistantes de tous les directeurs des départements étaient présentes. Et évidemment, Cullen avait été l'os préféré de toutes ces Chiennes. J'étais certaine qu'elles l'avaient reniflé de loin et je pouvais affirmer qu'elles étaient toutes en chaleur aujourd'hui. Transformées en « presque » bombes sexuelles, elles s'étaient crues à un défilé Victoria's Secret avec une fabuleuse exposition de soutiens-gorge en dentelle ou en soie. Tous perlés, d'après ce que j'avais pu apercevoir.
Si Kate avait assisté à ça, elle se serait étouffée de rire. Quant à moi, j'avais l'impression d'avoir levé les yeux au ciel toute cette journée, exaspérée au possible. Dans un délire purement fantasque, j'aurais pu improviser un shooting et, avec la complicité de Cullen, les parquer dans un coin de la salle de conférence. Les chiennes auraient pu alors aboyer pour clarifier leurs intentions pendant que je les aurais prises en photo.
Thème du concours : « Aboie le plus fort possible pour gagner le droit de lécher Edward Cullen. »
Oui, ça aurait pu être sympa. Enfin… si Edward m'avait aidée. Ceci dit, pourquoi ne pas aussi lui uriner dessus. Misère. J'étais un peu comme elles finalement, sans l'effet galbé, plongeant et pigeonnant. Cullen restait Cullen, son costume trois pièces, objet de mon fantasme aujourd'hui et les autres jours aussi.
Je regardai l'heure. Vingt minutes de retard pour moi et toujours autant pour lui. Quel homme arrive à son second rencard avec une vingtaine de minutes en moins dans l'espace-temps ? Je notai mentalement que la ponctualité n'était pas le point fort d'Alec Volturi.
Avec un passage express du côté de ma salle de bain, je passai ma robe noire, me demandant où Alec avait l'intention de me conduire ce soir. Même s'il était sympathique, je savais que la barre était haute face à Monsieur Perfection et Excellence. N'allais-je jamais arrêter de comparer tous les hommes à Cullen ? Il fallait vraiment que je devienne raisonnable. Penser à lui polluait mon cerveau devenu étriqué depuis environ un an. Les comparaisons ne tenaient jamais la route et mes rêves m'empêchaient de trouver le petit plus qu'il manquait aux autres. Je devais réellement passer en désintox' et je priai de tout mon cœur pour qu'Alec soit la clé dans la voie de ma guérison. Je ricanai presque de m'entendre penser.
De toute ma courte vie, je pouvais affirmer sans mentir que j'adorais New York, surtout pour ses divers milieux culturels. Cette ville regorgeait de petites pépites en matière de scènes musicales et Kate et moi avions décrété que le samedi soir était notre plan « découverte ». Nous sillonnions la métropole pour découvrir de nouveaux talents et essayer les Cosmopolitans du bar que nous essayions ces soirs-là. L'idée de dénicher un homme potentiel sous son regard avisé était venue de fil en aiguille. C'est comme cela que j'avais pêché Alec.
Assis à une table proche de la nôtre, lui et ses amis nous avaient conviées à nous joindre à eux et j'avais vite sympathisé avec Alec. Son physique plus que plaisant avait eu raison de moi. En fin de soirée, nous avions échangé nos numéros et il m'avait invitée à dîner, tout naturellement.
En début de semaine suivante, nous nous étions retrouvés ensemble séparés par deux chandelles dans un petit restaurant assez intimiste, Dieu merci. J'avais vraiment passé un bon moment. Nous avions beaucoup discuté et nous nous étions trouvés pas mal de points en commun. Il était un homme plutôt cultivé, ce qui ne gâcha rien au rendez-vous. Pas de coucherie ni de baiser non plus, juste un dîner en bonne et due forme. Il n'avait rien tenté en fin de repas mais peut-être n'aurais-je pas refusé… Le lendemain, il m'avait contactée pour m'inviter à un concert.
Nous étions le jour J. et en revenant au moment présent, je constatai que le temps s'envolait à une vitesse plus ou moins longue. Trente minutes de retard. Bon sang, m'avait-il posé un lapin ? J'étais devenue une fille étrange en moins de quinze secondes mesurant la distance entre sa cuisine et son salon, son salon et sa chambre et sa chambre à sa salle de bain. J'évitai de répondre à voix haute à mon évaluation même si je savais précisément le nombre de mètres carrés des trois pièces au final. Sur un coup de tête, je décidai alors de me changer et j'enfilai un pantalon slim noir et un débardeur blanc habillé. Nous nous connaissions à peine après tout ! Pourquoi ferais-je plus d'efforts ? Les mots « désert » et « sexe » me vinrent à l'esprit. Puis loin derrière, « Cullen ».
Maudissant à jamais mon état de frustration avancée, je pestai contre moi-même et repris légèrement confiance en me disant qu'Alec avait certainement eu un contretemps. J'essayais de me convaincre qu'il y avait une petite chance pour qu'il ne m'ait pas oubliée, volontairement ou pas. Peut-être avait-il eu un accident ? Agressé par une folle furieuse ? Je chassai ces idées de ma tête comme elles étaient venues. Pouvais-je être encore plus irritée ? J'avais tellement été concentrée sur mon travail et sur Cullen aujourd'hui que j'avais l'impression que mon cerveau commençait à faire des trous dans ma tête. Cela n'avait absolument rien avoir avec mes fantasmes récurrents... Grrrr.
Kate… Kate allait me détendre.
Au moment où j'allais appuyer sur la touche de présélection de mon portable, la sonnette de la porte d'entrée m'en empêcha. Je me levai pour ouvrir la porte à Alec, tout sourire prenant soin de cacher mon soulagement.
- Bienvenue Alec, entre je t'en prie.
Je le laissai franchir le seuil et il m'embrassa d'une bise sur la joue, légèrement essoufflé.
- Bonsoir Bella, je suis sincèrement désolé d'être si en retard mais j'ai dû rester plus tard au bureau. Une affaire à boucler. Je voulais me faire pardonner avec quelque chose mais je n'ai trouvé aucun fleuriste en route.
Mon humeur, devenue maussade quelques minutes auparavant, pouvait affirmer qu'Alec savait y faire. Je lui souris.
- Ne t'en fait pas, je me suis occupée en t'attendant, lui dis-je agréablement.
Mensonge Bella.
- Est-ce que tu veux boire quelque chose ? Un café, une bière ?
- Non merci Bella, me répondit-il avec un sourire enjôleur. Peut-être que nous devrions y aller. Il va certainement y avoir foule.
- D'accord, laisse-moi juste mettre mes chaussures, fis-je avant de me faufiler rapidement vers mon dressing.
Après avoir enfilée lesdites chaussures, je me regardai une dernière fois dans le miroir. Il était juste parfait ce soir. Merde. Je le rejoignis et je sentis son regard remonter le long de mon corps. Il s'avança et me prit la main.
- Tu es superbe Bella, j'ai beaucoup de chance de te sortir une nouvelle fois et je suis vraiment, vraiment désolé pour mon retard. Peux-tu m'excuser ?
Je lui souris en hochant la tête lentement. Il me regarda dans les yeux et sembla contrit. Puis, sans me laisser le temps d'anticiper ses gestes, il se pencha pour m'embrasser d'un baiser dans le cou, plus appuyé que le précédent. Le geste était si tendre que je le laissai m'apprivoiser. Il remonta jusqu'à ma joue et une traînée agréable de sensations défila exactement là où ses lèvres m'avaient touchée.
- Merci Bella, je te promets de te faire passer une excellente soirée. Tu ne seras pas déçue.
J'étirai mes lèvres en retour, consciente de combien cette étreinte m'avait été agréable. Depuis combien de temps n'avais-je pas ressenti cela ?
Nous avançâmes vers la porte de mon appartement, sa main toujours dans la mienne. Je devins presque euphorique à son toucher. Je le lâchai afin de sécuriser mon appartement et repris sa main machinalement.
Alors que nous sortîmes pour rejoindre sa voiture, je repensais toujours à l'effet d'Alec sur moi quelques minutes auparavant. Mes hormones semblaient se déchaîner comme un coup d'éclair. Je ne comprenais rien. Je serai bien restée à l'appartement finalement. Il me laissait entrevoir une autre facette de sa personnalité. Il était protecteur et très avenant. Bizarrement, je regrettais de ne pas avoir fait un peu plus d'effort pour lui ce soir.
- Je suis garé par ici, reprit-il, me sortant instantanément de mes pensées tout en me désignant sa voiture stationnée en face de ma résidence.
- Très bien.
Je suppose que pour les gens qui appréciaient les belles voitures, celle-ci était un petit bijou et devait valoir son coffre à la banque. La ligne raffinée de la peinture mate de couleur noire laissait apparaître la valeur de celle-ci. Il la déverrouilla et les deux portes de chaque côté se levèrent dans un silence religieux.
- Viens, je vais t'aider à t'installer. Cette voiture est très basse mais elle est confortable, continua-t-il assez heureux de devoir prendre soin de moi.
Il me guida jusqu'à la porte côté passager et prit ma main droite accompagnant son geste d'une caresse au-dessus de mes reins me permettant de m'asseoir correctement.
- Ça va ? Tu es bien installée ? s'inquiéta-t-il gentiment.
Je lui hochai la tête, intimidée. Je m'étonnai moi-même. Qu'est-ce qui s'était passé pour qu'Alec m'apparaisse comme un mystère tout entier ? On ne se connaissait pas vraiment mais il m'avait semblé plus ou moins transparent les deux fois où je l'avais vu. J'appréciai le fait qu'il soit plus tactile que les fois passées.
Je l'observai s'asseoir à côté de moi. Il me sourit et approcha ma main de ses lèvres tout en me regardant dans les yeux. La lueur que j'y vis me sembla si inconnue. Je n'avais pas fait attention à ses yeux bleus. Mais pourquoi étais-je passée à côté de ça la dernière fois ? Qu'est-ce qui n'allait pas avec moi ?
Il plissa ses yeux, naturellement charmeur puis lâcha ma main délicatement, la reposant sur ma cuisse.
- On y va ?
La tendresse de son regard envers moi était enivrante. Pour la seconde fois de la soirée, je restais muette.
Il appuya sur un bouton et le moteur se mit en marche. L'habitacle plongea doucement dans le noir et l'éclairage bleu du tableau de bord s'alluma. La lettre « L », signe de la marque la voiture, apparue au milieu de l'habitacle, entourant le bouton d'allumage. Rien de trop criard mais le luxe était clairement affiché dans cette voiture. Ma Chevrolet, garée non loin de la sienne, dépareillait complètement. Je la regardai un peu perplexe, comprenant soudainement la différence sociale qu'il y avait entre nous.
Je ne m'étais pas posée cette question. Et comme je ne pouvais pas répondre à toutes les interrogations qui se percutaient à cet instant dans ma tête, j'essayais de mettre tout ça de côté. Néanmoins, j'étais une analyste et mon job consistait à faire attention à tous les paramètres économiques, sociaux et culturels. Alors presque inconsciemment, j'analysais tout dans ma vie de tous les jours, à commencer par mon comportement et ceux des gens qui m'entouraient.
La voiture s'engagea dans la circulation et je laissais à Alec le soin de progresser dans le trafic intense de New York. Je ne savais pas où nous allions et il ne me donnait aucune information.
Sa douce fragrance qui se répandait dans le véhicule était à la fois masculine et authentique. Alors qu'à notre premier rendez-vous il était habillé tout en noir, ce soir il avait opté pour une tenue assez décontractée. Il portait un jean bleu foncé et avait remonté les manches de sa chemise bleue ciel au niveau de ses coudes. Ses vêtements bien coupés ne laissaient aucun doute sur le fait qu'ils devaient être griffés.
Il me jeta quelques coups d'œil durant le trajet pensant peut-être que le silence était un signe de malaise mais j'avais laissé traîner une esquisse de sourire alors ce calme devait être tout aussi rassurant pour lui que pour moi. Il était soigneux dans ses gestes, aucun à-coup. Sa conduite me berçait et tout n'était que douceur, parfaitement à son image. En regardant les voitures à côté de nous, je m'imaginai un ballet où les danseurs évoluaient sur scène tout en nous frôlant sans jamais nous toucher. Sans arriver à y croire, je pouvais présumer que je me sentais en sécurité avec lui.
Que m'arrivait-il ? Je venais de prendre un virage à cent quatre-vingt degrés avec lui depuis le moment où il avait passé la porte de mon appartement. J'étais totalement sous son charme. Personne, mis à part Cullen, n'était arrivé à faire cela. Et Alec était en quelque sorte dans ma vie, Edward non. Enfin, pas directement. Edward Cullen était ce danseur, me frôlant sans jamais arriver à me percuter. Pas comme je l'aurais souhaité du moins…
Quelques dizaines de minutes plus tard, Alec s'engagea dans une rue étroite. Il s'arrêta devant une immense porte en acier et après quelques secondes, elle se leva, nous permettant d'accéder à un parking. Je le regardai ne comprenant pas vraiment ce que nous faisions là. Il tourna la tête vers moi et comprit mon besoin d'information.
- J'habite à deux pas, m'expliqua-t-il patiemment. En fait, je loue cet emplacement sécurisé pour ma voiture. Le pub dans lequel nous allons se trouve de l'autre côté de la rue.
Je lui souris. Il semblait évident que nous communiquions facilement.
- Quoi ? me demanda-t-il, les yeux brillants.
- Rien, fis-je en secouant la tête. Allons-y. À quelle heure est-ce que cela commence ?
- Le concert débute à vingt et une heures trente. Mon frère possède ce pub, argumenta-t-il. Il y aura du monde mais il nous a réservés deux places.
Après s'être parqué convenablement, il appuya sur un bouton et les portes de la voiture se levèrent. Assez déstabilisée comme cela face à ma subite attirance envers lui, je n'attendis pas qu'il m'aide à sortir de la voiture. Il fallait que je garde les idées claires.
Je n'avais pas établi une sorte de plan pour savoir si oui ou non, j'allais coucher avec lui à l'issue de ce second rendez-vous mais je me devais de rester lucide. Je voulais avoir la conscience tranquille et savoir où je mettais les pieds. Ce processus commençait par la maîtrise de mon corps. Je savais qu'il me fallait un sacré degré de confort et je devais le faire à mon rythme. Mais qu'en était-il d'Alec ? Après tout, il avait décidé de nous amener près de son appartement, à deux pas plus précisément et, j'allais rencontrer son frère.
Bordel.
Je voulais tout maîtriser et je me sentais comme attirée tout à coup. Je n'avais rien décidé de tout ça et pourtant je me sentais bien. Comble de tout, il avait en quelque sorte, tout l'attirail du Prince avec le « P » majuscule. Il n'allait pas me falloir longtemps pour craquer.
- Ça va Bella ? m'interrogea Alec, apercevant certainement mon trouble.
- Oui très bien, le rassurai-je. Je te suis.
Il prit ma main et me guida. Nous longeâmes la rue et marchâmes sur le trottoir étroit, collés l'un à l'autre. Nous étions tellement proches qu'il dû finalement lâcher ma main pour me faire passer devant lui. Il effleura mon rein droit de sa main. Je n'avais qu'une envie, m'arrêter pour qu'il me percute et me touche. Je soufflai doucement essayant d'évacuer mon excitation.
Nous arrivâmes devant une enseigne nommée « Absolute Pub ». La signalétique démontrait le caractère chic du bar mélangeant le vert bouteille et le noir mat de la façade. Alec passa devant moi, ouvrit la porte et s'écarta pour me laisser le devancer le plus naturellement possible. Il était bien éduqué et cela n'avait pas l'air d'être quelque chose qui lui demandait beaucoup d'effort. Il nous engagea dans le couloir sinueux qui débouchait dans une entrée où un homme attendait, manifestement pour accueillir les clients.
- Salut Alec, ça va ?
Ils se serrèrent la main d'une étreinte plus fraternelle qu'amicale.
- Ça va et toi ? Je te présente Bella. Bella, Felix mon frère.
- Salut Bella, ravi de te rencontrer.
- Salut Felix, le saluai-je d'un petit bonjour, levant ma main gauche.
- Vous pouvez aller vous asseoir, les autres sont là-bas.
Je les fixai me demandant de qui ils parlaient. A priori, nous étions attendus. J'étais presque déçue car les autres personnes avec qui nous allions partager cette soirée, seraient de nouveaux paramètres que j'allais devoir étudier. Mon cerveau devenait un foutoir sans nom.
Je suivis Alec qui me guidait à l'intérieur du bar. Je fus un peu surprise en découvrant ce pub dont l'intérieur dénotait vraiment avec l'entrée. En effet, de nombreuses tables rondes étaient juchées les unes à côté des autres et j'eus l'impression de me retrouver dans un bar familial.
L'ambiance décontractée était telle que je me détendis immédiatement en étudiant les lieux. Un rapide coup d'œil me permit de voir que les gens n'étaient pas guindés. Certains dansaient par côté. La scène, à gauche, était faiblement éclairée et attendait patiemment qu'un musicien ou qu'un groupe prenne place. Le comptoir, sur la droite, était immense. Aucun doute que lors de soirées, l'ambiance devait être au rendez-vous. Je me sentis immédiatement bien dans cet univers.
Alec attrapa ma main et nous nous faufilâmes entre les tables.
- Viens, ils doivent être là-bas. Je vais te présenter mes meilleurs amis.
Je le suivis docilement. On en était vraiment à des présentations intimistes ? J'allais être comme une attraction et j'avais l'impression d'être dans la fosse aux lions. Je sentis mon appréhension monter d'un cran. Et alors qu'Alec s'arrêta devant une table où deux hommes étaient assis dos à nous, j'entendis une voix que je ne connaissais que trop bien.
- Elle était là aujourd'hui. Toujours aussi belle. Je voulais l'aborder mais elle est partie trop vite.
Alec se retourna vers moi et me sourit gentiment alors que moi, je me demandais où était la sortie, sans savoir vraiment si mes jambes allaient arriver à me soutenir. Je l'avais reconnu. Nous étions derrière Cullen qui semblait en grande conversation avec un ami. Ses cheveux étaient humides et ébouriffés et il avait quitté son costume mais même de dos j'aurais identifié sa stature entre mille.
C'était comme ce jeu, « Where's Waldo ? », Edward n'avait pas ce tee-shirt immonde à rayures blanches et rouges ni ce pantalon bleu mais il avait un physique si reconnaissable que mon cerveau m'indiquait à combien de mètres il pouvait être de mon cœur. Il avait l'air beaucoup moins soigné que lors de ces séminaires mais j'aimais immédiatement cette autre facette.
- Il faut vraiment que je lui parle. Ce n'est pas uniquement physique, j'ai lu ses comptes rendus et ses rapports sont très intuitifs. Cette fille a tout pour elle. Elle n'a pas… Hé ! s'écria-t-il.
Alec venait de lui mettre un tacle taquin derrière la tête et Edward et son copain se retournèrent instantanément.
- … d'alliance.
- Ed arrête avec elle et va lui parler une bonne fois pour toutes, le somma Alec.
Cullen lui sourit, prêt à ricaner, tout en se frottant l'arrière du crâne. Puis, son regard dévia vers moi et il me dévisagea. Mais qu'est-ce qu'il se passait ? Je me retrouvais avec Alec dans une soirée dont Cullen participait aussi. Ses meilleurs amis.
Involontairement, ma respiration fut hachurée. Je voulais déglutir mais la secousse dans ma poitrine m'en empêcha. Je baissai la tête et fermai les yeux discrètement afin de rétablir l'ordre dans mon organisme. Lors de ces précieuses secondes, j'entendis Alec prendre la parole, ses doigts pesant lourdement au milieu des miens. Il me fit passer doucement devant lui et ses mains se retrouvèrent comme par enchantement sur mes épaules. J'aurais très bien pu m'affaisser sous son toucher. J'avais la sensation qu'il faisait intrusion dans mon espace et qu'il n'y avait pas sa place. Il était invasif.
- Bella, je te présente Edward et Démétri mes meilleurs amis. Les gars, voici Bella, s'enthousiasma-t-il.
- Bonsoir, les saluai-je faiblement tout en évitant de regarder Cullen.
- Salut Bella, ravi de te rencontrer, me dit Démétri.
Il se leva et me fit la bise. Je lui souris faiblement, toujours sous le choc. Impossible.
Sur une aire urbaine de plus de vingt-deux millions d'habitants dont plus de huit millions trente-trois mille sont des habitants de New York, il fallait que je croise Cullen un vendredi soir et qui plus est, est un des meilleurs amis de mon rencard partie deux. J'avais vraiment la poisse. Mais non, ce n'était même pas de la poisse à ce stade, j'étais damnée. Oui, c'était clairement ça.
Alec tira une chaise et je me retrouvai en moins de temps qu'il ne fallut, assise entre lui et Edward. Mes mains étaient de trop, ma posture était comme déglinguée. Je me sentis comme une marionnette, un de mes fils pouvant lâcher à tout moment. Edward ne s'était pas levé et n'avait pas pris la peine de me saluer, redoublant ma sensation de malaise.
- Qu'est-ce que vous voulez boire ? demanda Alec.
- Bière, répondirent ses acolytes en même temps.
- Bella ? m'interrogea-t-il en se penchant vers moi.
Un alcool fort. Le plus fort du bar. Je veux juste ne plus arriver à parler, regarder. Je veux m'éteindre jusqu'à ce que tu me ramènes chez moi.
- Bière, ça me va Alec, me forçai-je à lui dire.
- Ok. Je reviens.
Alec s'éclipsa, me laissant perdue à côté d'Edward Cullen et sans possibilités de m'échapper.
- Alors Bella, parle-nous de toi ? Qu'est-ce que tu fais dans la vie, tes loisirs, tu vois… Alec ? me sourit Démétri, le ton aussi curieux que joueur.
Il s'était incliné pour me parler et un sourire traversa son visage. Il semblait totalement amusé par ses petites questions. Un interrogatoire oui !
Les secondes défilèrent et je ne savais même pas si j'allais être capable de m'exprimer correctement. La proximité de Cullen était oppressante, comme si l'air s'était chargé de particules asphyxiantes. Edward Cullen était censé être loin de ma vie et il devenait subitement une variable que je ne pouvais écarter. Je m'autorisai alors à prendre une pincée d'air. Mes yeux n'arrivèrent pas à se poser sur quelque chose de fixe. Même Démétri, qui me paraissait pourtant amical, fut difficile à regarder.
- Je suis analyste financière dans une entreprise de Manhattan. J'écris à temps perdu en tant que free-lance. Deuxième rencard pour Alec. Et toi ? dis-je d'une traite.
Il se mit à rire comprenant que je n'avais pas envie d'en dire plus sur son ami et sur moi par la même occasion. Je choisis délibérément d'oublier Cullen. Peut-être que si je faisais mine qu'il n'existait pas, j'arriverai à garder mon sang froid.
- Je suis banquier d'affaires et Ed est consultant en finances. On s'est tous les trois rencontrés à Columbia…
Oubliant un instant mes bonnes résolutions, je jetai un coup d'œil rapide à Cullen Il m'ignorait complètement. Démétri partait lui dans ses souvenirs d'université mais je ne l'écoutais plus.
M'avait-il reconnu ? Bien sûr. Depuis le temps que j'assistais à ses conférences et vu le nombre de fois où nos yeux s'étaient malencontreusement croisés, il ne pouvait pas faire comme s'il ne savait pas qui j'étais. Visiblement, je n'étais pas la fille qui méritait la politesse de Son Excellence.
Cullen me plaisait et j'étais toujours troublée en le voyant. Mais lorsque nous étions dans le cadre professionnel, je devais rester opérationnelle. Cette situation était déjà bien trop délicate sachant l'attirance que j'avais pour lui mais j'avais toujours veillé à ne rien laisser paraître. Seule Kate était au courant. Toutefois, j'étais intimement convaincue qu'il connaissait l'effet qu'il me faisait depuis tout ce temps.
Je n'avais jamais tenté de l'approcher pour plusieurs raisons. La première était évidemment le manque d'intérêt que j'avais face à lui. La seconde raison était bien entendu le fait que je travaillais dans la société pour laquelle il intervenait. Après tout, Newton l'employait en tant que consultant extérieur. Il était en quelque sorte là pour séduire chaque personne de son auditoire. Plus il amadouait de participants, plus il serait sollicité pour ses séminaires. Nous étions pour ainsi dire « ses appâts du gain ». Tout était simplement stratégique.
Mais dans ce bar, nous étions hors cadre et il avait décidé de ne me porter aucun intérêt. Je me sentais humiliée. Humiliée et stupide.
Il avait flashé sur une fille.
Alec m'apparaissait si fade à cet instant que j'aurais pu rire de cette situation. Quant à Edward, il était si attirant ce soir que j'aurais pu pleurer. J'avais aperçu sa tenue décontractée et toutes les chiennes auraient vraiment été à l'affût dans ce bar. Elles lui auraient offert une ou plusieurs séances de Pole Dance sur cette scène. Cela aurait au moins eu le don de me distraire de Cullen.
Il avait flashé sur une fille.
Je devais donc me contenter d'Alec. Je me sentis infâme d'avoir une pensée aussi abjecte. Même si ma tenue était en accord avec l'ambiance, je regrettais foncièrement ma petite robe noire. Ceci dit, je n'avais définitivement aucune chance, robe près du corps ou pas.
Putain, il avait flashé sur une Chienne !
Cette phrase qui résonnait dans ma tête prenait alors tout son sens. Je me sentais si impuissante. Même si j'aurais souhaité me ressaisir, c'était comme si mon cœur était devenu un lac et que quelqu'un y avait jeté une pierre noire à l'intérieur. Complètement assombri et desséché.
J'étais là, assise à cette table mais je n'entendais qu'un brouhaha autour de moi. Est-ce que j'en étais réellement au point où j'étais amoureuse de lui ? Je m'étais toujours dit qu'il ne pouvait pas être seul mais non seulement il était célibataire mais en plus de ça, il s'exprimait comme s'il était amoureux !
Mon corps n'arrivait plus à se détendre et je ne savais pas si cela était dû à sa proximité ou par le fait que je me sentais rejetée. La mélancolie me gagnait. J'avais l'impression que mon visage tombait, que le rictus de mes lèvres était si déformé que ma bouche fermée était tirée vers le bas. Quel pourcentage de femmes avait déjà éprouvé ce sentiment au moins une fois ? Quinze pour cent ? Trente ? Soixante ?
Apparemment, il l'avait vue aujourd'hui.
Jane ? C'était peut-être elle. Après tout, elle lui tournait autour mais elle était sortait avec Marcus, non ? Ceci dit, elle aimait plaire et Cullen ne pouvait pas être insensible à son charme. Blonde, grande et élancée, les regards se tournaient vers Jane dès qu'elle franchissait une porte.
À l'instar d'Alec à côté d'Edward, j'étais transparente par rapport à Jane. J'étais son inverse en réalité, brune, un mètre soixante-huit, assez mince, des cheveux légèrement ondulés qui m'arrivaient aux épaules depuis peu. Une envie récente de changement m'avait poussée à les couper. Et si ce n'était pas Jane, quel pouvait être le pourcentage de femmes qu'il avait rencontrées aujourd'hui ?
Et qui m'affirmait que c'était au bureau ? Bon sang, ça augmentait le taux ! Entre ses présumées voisines, les filles qu'il croisait tous les jours, l'épicerie qu'il avait l'habitude de fréquenter, les restaurants... Je me sentis nauséeuse. La liste était trop longue et je me plaçais si loin dans l'énumération. Me sortant de mes pensées, Alec reprit place à mes côtés, distribuant les bières à chacun.
- Alors Ed raconte. Qu'en est-il de la fameuse Isabella ?
Surprise, je relevai la tête et dévisageai Alec. Il me fit un petit clin d'œil, signifiant qu'il voulait faire parler son ami. Figé quelques secondes, mon cerveau venait de faire un black-out. Je serrai mes mains contre mon jean pour essayer de calculer le nombre d'Isabella qu'Edward Cullen aurait pu connaître. Je ne connaissais qu'Isabella Rossellini et elle ne devait sûrement pas être dans cette foutue liste.
J'attendis la réponse qui allait suivre parce que la faible chance, je dis bien la faible chance que ce soit moi, allait rendre ma respiration un peu plus inconfortable qu'elle ne l'était déjà. Alors, je détournai mon regard pour fixer le chanteur qui venait de se mettre en place sur la scène. Il ajusta son micro et accorda machinalement sa guitare. Ne l'avait-il pas déjà préparée ?
La voix d'Edward Cullen allait émettre le second son depuis mon arrivée et j'attendais plus impatiente que jamais.
- Et bien comme je disais à Dém, elle était là et elle était toujours aussi belle même si je regrette un peu qu'elle ait coupé ses cheveux depuis mon dernier séminaire.
Je retins le réflexe de toucher mes cheveux et déglutis.
- Elle a pris une fois la parole aujourd'hui et comme toujours, elle m'a fasciné. Elle était d'une élégance dont elle seule détient le secret. Vous auriez vu les autres filles… Elle sortait vraiment du lot parce qu'autant elle est naturelle, autant les autres sont aguicheuses et provocantes. J'ai même eu l'impression qu'elle se faisait des petites blagues à elle-même par moments parce qu'elle semblait extrêmement amusée en regardant ses collègues féminines.
- Ed, t'es vraiment mordu. Tu ne parles pas d'elle comme un possible amusement non ? l'interrogea Démétri.
- Non, répondit-il. Elle ne pourrait pas être une distraction, elle pourrait être plus que ça... je pense.
Je pivotai mon regard vers lui et il fixait la scène. Il souriait. Il parlait de moi et me le faisait comprendre. Isabella… Alec ne me connaissait que sous le diminutif de Bella.
Je ne voulais qu'une chose. Éloigner Edward de cette table et de ce pub parce qu'il me semblait que l'air y était de plus en plus infect. Je voulais prendre la parole et lui dévoiler ce que je ressentais, lui dire que mon admiration pour lui était égale à la sienne. Que moi aussi je le regardais, que je voulais faire des calculs toute la nuit avec lui, parler de chiffres, de probabilités. L'analyser lui et qu'il m'analyse moi. Mais, je l'écoutais patiemment parce que c'était comme s'il se déclarait à moi. J'étais tétanisée.
- Pourquoi tu ne vas pas la voir Ed ? Tu imagines le temps que tu perds ? Elle ressent peut-être la même chose de son côté, lui conseilla Alec.
- On est resté plus tard aujourd'hui, continua-t-il le regard vide. Elle n'avait pas vraiment l'air pressé alors je me suis dit que j'irais la voir après ma réunion. Finalement, j'ai plus ou moins traîné. Je ne sais pas pourquoi à vrai dire. Et au moment où je me suis décidé, elle avait quitté la salle de conférence. De toute façon, c'est mieux comme ça. Je me serais ridiculisé.
- Pourquoi ? pris-je la parole, mes mots dépassant mes pensées.
Je voulais savoir pourquoi diable il ne m'avait rien dit. J'avançai mes mains sur mes genoux, décalant mon corps vers le sien. Je voulais prendre sa main et le réconforter avec un infime geste mais rien ne serait anodin dans le regard d'Alec, alors je me contins.
- Peut-être pas, m'épanchai-je doucement.
Edward tourna son visage vers moi et me regarda différemment, comme si les autres ne comptaient pas, comme si l'angoisse qui s'était faufilée entre nous s'entrecroisait et comme si la donne était différente maintenant. Il se libérait et j'écoutais impuissante face à notre public.
- J'ai appris un peu plus tard qu'elle avait rencontré quelqu'un récemment et je ne peux pas interférer, déclara-t-il, ses yeux soudés aux miens. Il l'a rencontrée avant moi. On m'a rapporté que son ami était très attaché à elle et qu'il éprouvait déjà de forts sentiments envers elle. Je suis arrivé second dans cette course à laquelle je n'ai pas eu le temps de participer.
- Lance-toi alors, l'implorai-je mes yeux embués de larmes, mon dernier mot presque coincé dans ma gorge.
- Non, je ne peux pas être dans cette compétition, termina-t-il le ton de sa voix déterminé et son souffle contrôlé.
Je fermai les yeux, comprenant que le sujet était clos. L'unique larme qui coula le long de ma joue, témoigna de mon chagrin et je ne cachai pas à Edward cet élément de tristesse face à son refus.
Une légère mélodie commença et le chanteur entama les paroles d'une voix singulièrement rocailleuse. Mes tempes pulsaient dans ma tête tandis que ses derniers mots entamaient une répétition blessante.
- Hé ça va ? Tu as l'air loin, se soucia Alec tout en se rapprochant de moi.
Bon sang, loin, oui j'étais loin. Je regardai la main qu'il venait de poser sur ma cuisse. Son toucher n'était pas celui que je voulais. Je n'étais pas honnête en restant là. Il fallait que je sorte.
- Je... Non... Pardon. Je pense que je vais rentrer.
- Quoi ? Non Bella, reste. Qu'est-ce qui ne va pas ? s'alarma-t-il.
- Je ne me sens pas très bien. Je sens comme des vertiges, murmurai-je en fronçant mes sourcils.
- Tu veux qu'on s'isole un peu ? On peut aller dans le bureau de mon frère quelques minutes, viens, proposa-t-il tout en se levant.
Il me prit la main et j'avais juste envie de la retirer tellement la sienne me brûlait.
- Alec, je voudrais rentrer chez moi. Je vais prendre un taxi.
- Je te ramène Bella, trancha-t-il.
Je lançai un dernier regard à Edward, qui pour la première fois depuis que nous travaillions ensemble, me fit un petit sourire, légèrement crispé et gâché par la déception dans ses yeux. Je rentrai ce soir-là avec Alec, empêchant d'autres larmes de couler tout au long du trajet et décidant ce que ce serait mon dernier rendez-vous avec lui.
La difficulté quand on sait qu'on pourrait être heureux avec quelqu'un, est de convaincre l'autre que tout pourrait être possible. Mes probabilités allaient attendre un petit peu d'être débattues avec Edward Cullen mais je gardais l'espoir que mon fantasme se transformerait en ballet, que mon danseur deviendrait mon chorégraphe et que nous composerions ensemble une danse intense et enivrante.
Merci d'avoir pris le temps de me lire.
Des bises.
Tess
