« Pourquoi ? »

C'était ce qu'il se demandait depuis les huit derniers mois. Depuis qu'il regardait sa « mère » et son ventre qui enflait encore et encore. Il se demandait si elle finirait par exploser. Que ferait-il si c'était le cas ? Serait-il malheureux ? Et son « père » ? Que ferait-il, lui ? Rien, sûrement. Comme toujours. Il la regarderait se déchirer en centaine de morceaux sanguinolents puis retournerait travailler comme si de rien n'était. Parce qu'il était comme ça. Parce qu'ils étaient comme ça, tous les deux. Et lui, leur fils, l'était-il aussi ?

Il ne le saurait pas maintenant en tout cas. Cela n'allait pas arriver, tout ce qui se passerait, c'était que cette femme donnerait naissance à d'autres enfants. Ses sœurs, lui avait-on dit. Deux pour le prix d'une ! Fallait-il être heureux ? Toujours les mêmes questions, alors qu'il voyait tous les autres gosses de son âge agir avec tellement de naturel, sans jamais réfléchir à rien. À neuf ans à peine, était-il normal qu'il ait ce genre de pensées ? Il savait bien qu'ils n'étaient pas une famille classique. Quoi que cela puisse vouloir dire.

Jamais ses parents ne l'avaient serré contre eux, ni dit des mots gentils. Pas plus qu'ils ne l'avaient puni ou gronder. Pas comme ses camarades, qui couraient dans les jupes de leur mère, ou dans les bras de leur père, une fois la classe terminée, ou qui avaient peur de leurs réactions à un mauvais point de la maîtresse. Lui rentrait seul, et le restait, une fois dans la « maison ». Comment se comporteraient ses parents avec ses sœurs ? Serait-ce différent ? Sa vie allait-elle changer avec l'arrivée de ces nouveaux petits êtres ? Ou le rejoindraient-elles dans sa solitude ?

Et là venait la question. « Pourquoi ? ». Pourquoi ces parents si indifférents à son existence avait-ils fait d'autres enfants, alors qu'ils ne s'occupaient déjà pas de leur aîné ? Qu'ils agissaient comme si il n'existait pas, tout en faisant le nécessaire pour qu'il ne manque de rien ? Et le jeune garçon ne trouvait pas de réponse. Alors il continuait cette vie morne et monotone, en attendant de voir ce qui se passerait après la naissance qui arriverait bientôt.

- Orihara-kun ? Appela une voix douce.

Le gamin, sortant de ses pensées qui tournaient en rond dans son esprit depuis des semaines, tourna ses yeux rougeoyants vers la maîtresse d'école qui s'était agenouillée à côté de son bureau.

- Tout va bien ? Demanda-t-elle, l'air un peu inquiète de le voir aussi passif depuis quelques minutes.

Ah, oui, ils étaient censés faire un exercice, c'était pas le moment d'avoir la tête ailleurs, il aurait tout le loisir de réfléchir à cette question sur sa drôle de famille plus tard. À la « maison »…

- Oui. Répondit-il avant de se tourner vers son livre.

Il n'était pas particulièrement bon, mais pas mauvais non plus. Il faisait ce qu'il avait à faire, tout simplement. Ce qui était nécessaire, ni plus, ni moins. Ça ne l'intéressait pas plus que ça de toute façon.

Une fois que la sonnerie marquant la fin de la journée eu retentit dans les couloirs de l'école primaire du quartier de Shinjuku, les élèves filèrent tous comme des flèches à l'extérieur, pressés de retrouver parents et amis. Seul Izaya prenait tout son temps, marchant tranquillement vers le portail, son petit sac sur le dos. Il parcourut ensuite les rues, évitant les endroits où il savait que les Colors Gangs étaient généralement basés, il ne voulait pas d'ennuis avec eux, vu son gabarit, il aurait tôt fait d'être réduit en miette.

Il n'y avait personne dans l'appartement quand il y entra. Sa mère aurait, au moins elle, dû y être. Elle restait clouée au lit depuis deux mois, à cause de la grossesse. Peut-être que ses sœurs avaient décidées de sortir voir le monde un peu plus tôt que prévu. Inutile de s'interroger, il en saurait plus quand ses géniteurs se décideraient à lui donner signe de vie. Encore attendre, toujours attendre.

Le soir, il réchauffa les restes du repas de la veille, placés sous plastique dans le frigo, puis alla prendre un bain. Une fois déshabillé, il s'enfonça entièrement dans l'eau chaude et fumante, y resta longtemps, la tête sous la surface, les poumons en feu. Le jeune garçon surgit finalement du liquide, inspirant bruyamment, les larmes aux yeux sous la douleur dans sa poitrine. Le bruit d'une porte qui claque le fit relever les yeux. Quelqu'un était rentré. Il décida qu'il ne voulait pas encore savoir qui et resta un peu plus dans la baignoire, jusqu'à ce que l'eau soit froide. À ce moment seulement il se sécha, s'habilla et sortit de la pièce, allant aux nouvelles.

Son père était là, installé sur le canapé, la télévision allumée sur la chaîne des informations. Izaya s'avançât et attendit qu'il le remarque. Ça ne tarda pas.

- Tes sœurs s'appellent Kururi et Mairu. Lui dit-il, comme si il lui parlait des embouteillages sur l'autoroute.

Le fils hocha la tête, tout en comprenant que les jumelles ne seraient pas différentes de lui. Toujours ces questions. Devait-il être heureux qu'elles n'ai pas de traitement de faveur, ou malheureux du sort peu enviable qui les attendait ? Et lui, comment devait-il se comporter avec elles ? Allait-il endosser le rôle du « grand frère » ? À nouveau, il devait attendre pour le savoir.

SI

Les cris le réveillèrent tôt ce matin-là. Depuis un an maintenant, ses nuits étaient courtes. Si Kururi était toujours très calme, Mairu, elle, ne se gênait pas pour donner de la voix et faire savoir à tout le monde qu'elle était bien là. Il resta un instant sans bouger, écoutant les pas de sa mère dans le couloir, puis se leva et se prépara. Il sortir du bâtiment après un rapide petit-déjeuner et se mit à flâner dans le quartier, il était très en avance pour l'école. C'est là qu'il le vit pour la première fois.

C'était la croix retournée tatouée sur sa nuque qui avait d'abord attirée son regard. Ensuite son aura, celle qu'on les gens puissants, ceux qui ont l'étoffe des chefs, ensuite ce fût sa forte musculature, ses vêtement d'été malgré le froid ambiant de ce mois de Novembre, et enfin sa taille. Il était petit. Izaya s'en étonna et s'immobilisa sur le trottoir d'en face. Cet homme paraissait si grandiose, et pourtant il ne devait pas dépasser le mètre soixante-cinq, à tout casser. Tous les autres, qui avaient l'air de l'accompagner, faisaient au moins un tête de plus que lui, et pourtant il marchait devant eux.

Les yeux bleus glacés le transpercèrent quand l'homme se retourna. Mais contre toute attente, il eut un sourire amusé et lui lança un clin d'œil complice avant de reprendre sa route et de disparaître, avec ses hommes, dans les ruelles les plus malfamées de la ville.

Une nouvelle question rejoignit celles qui tournoyaient déjà dans sa tête : « qui ? ». Le jeune garçon prit alors la décision qui fera basculer sa vie. Il les suivit. Il traversa la route en trottinant et s'engouffra dans les ténèbres où ils étaient entrés, entre deux immeubles, le regard fixé sur cette croix stylisée, comme hypnotisé, faisait fit de tout le reste, des Colors Gangs, des gens solitaires tous plus dangereux les uns que les autres qui pouvaient traîner dans ces coins là, de l'école qu'il allait manquer, de ses parents qui ne s'inquièteraient pas si il venait à disparaître.

Le groupe d'hommes et leur jeune poursuivant parcoururent ainsi la ville de Tokyo une bonne partie de la matinée, avant d'arriver dans le quartier d'Ikebukuro. Là, un grand noir qui distribuait des tracts pour le restaurant de sushis derrière lui, leur fit des signes. Lui et le chef se saluèrent comme de bons amis et il pénétrèrent dans le bâtiment. Izaya, lui, se posta devant l'enseigne, le nez levé pour la lire, avant de reporter son regard pourpre sur la porte du restaurant. Entrer ou non ? Si, par miracle, il n'était pas déjà repéré, ce dont il doutait, c'était le meilleur moyen de se faire prendre. Mais en même temps, il avait faim. L'homme aux tracts ressortit à ce moment et fonça sur lui.

- Hey, ça fait longtemps, viens manger des sushis. Les sushis sont bons. Il n'y a pas de sushis d'humains. Lui dit-il dans un japonais qui sonnait bizarrement.

Le jeune garçon hésita encore un peu mais finalement haussa les épaules et le suivit. Advienne que pourra, il verrait bien ce qui allait se passer une fois à l'intérieur. Ça pourrait même être intéressant.

- Encore un client, tu fais du bon travail aujourd'hui Simon ! Rigola un autre homme aux fourneaux.

Izaya enregistra l'information et se retrouva installé à une table, un plat de sushis divers et variés, qu'il n'avait pas choisit, ni même commandés, sous le nez, et surtout sans avoir vu où était les personnes qu'il suivait de puis plusieurs heures. Il tourna la tête, examinant les alentours, mais ne les vit nul part. Où étaient-ils ?

Le brunet finit par avaler sa nourriture, qui était vraiment bonne soit dit en passant, poussé par Simon, et ressortit du restaurant russe bredouille, ayant perdu la trace de l'homme au tatouage.

- Reviens manger des sushis la prochaine fois. Lui dit le géant avec un sourire aimable.

Le garçon hocha distraitement la tête et décida, malgré le début d'après-midi, de rentrer chez lui. Il dirait à l'école qu'il avait été malade, c'était plus simple d'excuser une absence d'une journée entière, plutôt que d'une matinée seule.

SI

Ce n'est que pendant les vacances de Noël qu'il pu enfin revoir cet homme. Même après toutes ses tentatives d'approche, ses recherches, ses soirée passées à arpenter les quartiers de Shinjuku et d'Ikebukuro, ainsi que celles dans le restaurant de sushis où on commençait à le connaître, le tatoué n'avait pas refait surface. C'est pour ça qu'Izaya fût surpris de le voir, seul, ne portant pas plus qu'un pull léger, un pantalon en toile et des baskets alors que la neige recouvrait toute la ville, tranquillement installé sur un banc dans un parc.

- Yo ! Lançât-il en levant une main vers lui, ses yeux bleus si clairs regardant droit dans les siens.

Le jeune garçon vint s'assoir à l'autre extrémité du banc. Il ne savait pas pourquoi il était si obnubilé par ce type, peut-être son aura si forte, son aspect de meneur, ou tout simplement le hasard qui avait fait que ce soit lui plutôt qu'un autre, mais le fait était là, il voulait savoir qui était cet homme.

- T'en veux ? Demanda justement celui-ci.

Son accent russe était terrible, mais on arrivait quand même à le comprendre. Le brun regarda un instant le paquet de pocky goût fraise, déjà à moitié fini, que lui tendait l'autre. Il en prit un et croqua un bout. C'était sucré.

- Tu me cherches partout. Continua-t-il. Pourquoi ?

Ses paroles étaient assurées. Izaya haussa les épaules.

- Pourquoi pas. Répondit le garçon.

L'homme le regarda, surprit, puis éclata de rire.

- Tu sais qui je suis ?

Izaya secoua la tête et se tourna vers lui, l'air intéressé. L'autre passa une main dans ses cheveux noirs coupés très courts puis se frotta la nuque.

- Nikolaï Boscovitch Gorchkov, ça te parle ?

- Non.

- Ah ! Je comprends mieux maintenant ! T'as des tripes pour courir comme ça après quelqu'un que tu connais même pas, sans raison. Il pourrait bien t'arriver des bricoles si t'en fait une habitude !

Puis il repartit d'un grand rire avant de grignoter un pocky tout rose, un sourire amusé accroché aux lèvres. L'écolier se dit qu'il devait être plutôt connu, et très respecté, pour ainsi annoncer son nom. Pourquoi ? Qu'avait-il fait ? D'où venait-il ? Peut-être qu'il faisait parti d'un des Colors Gangs, où avait-il son propre groupe ? Sûrement…

- Alors, tes parents s'inquiètent pas que tu passes tes journées dehors ?

- Non.

Il n'y eu un instant plus que le bruit des pockys et de la neige qui craquait sous les pas de passants plus loin pour briser le silence entre eux. Finalement, après plusieurs minutes, Nikolaï soupira.

- T'es pas du genre bavard en tout cas ! Faut changer ça, la discussion c'est l'information, et l'information c'est la garantie que tu seras en vie demain, tu piges ? Alors retiens bien ça, et arrête de poursuivre les gens sans les connaître. Aller, do svidaniya mon gars, en espérant, pour toi, qu'on ne se revoit pas de si tôt ! Conclut-il en se levant et en partant sans se retourner.

Izaya se promit alors de chercher, et de découvrir, qui était vraiment ce Gorchkov, et de revenir le voir quand il saurait, peu importe ce qu'il allait apprendre de cet homme si bizarre qui mangeait des pocky fraises tout en étant probablement membre d'une organisation dangereuse, au vu des menaces à peine sous-entendues qui suintaient dans ses paroles.


Do svidaniya : au revoir en russe.

Et voilà ! Ma première fic sur Durarara ! Je tiens en premier lieu a signaler que je n'ai pas lu les romans, je me base seulement sur l'anime ! Ensuite, Izaya va sûrement paraître OOC au début, c'est normal ! J'espère que ce premier chapitre vous aura plu en tout cas, n'hésitez pas à me laisser votre avis ! ^-^

Un énorme merci à Kafka Tamura, c'est grâce à elle si j'ai découvert l'univers merveilleux de Durarara ! Et merci aussi à Taisuki Tsuzaki pour toujours me supporter ! Et merci à vous qui avez lu, si vous voulez une suite, je suis en train de l'écrire, donc je posterais si il y a des demandes ! ^w^

Nyny :3