La Grande Guerre

Elsweyr, 4E 154

Le soir, juste avant le couché du soleil, Victarion faisait son tour de garde, et comme d'habitude, rien à signaler. Cela faisait maintenant un mois qu'il était mobilisé en Elsweyr et le pays ne lui allait pas. La nuit, il faisait froid à geler et le jour, on aurait pu faire cuire un œuf sur une armure.

Les voleurs frappaient constamment et il passait ses journées à écouter les marchands se plaindre qu'ils avaient été dépouillés. Les gardes ne se donnaient même plus la peine de chercher un coupable, ils n'en trouvaient jamais.

Victarion était un légionnaire bourré de potentiel et il avait quand même été envoyé loin de la cité impériale. Il faisait partie de la 8e Légion et il gardait une ambassade impériale dans cette ancienne province de l'empire, maintenant aux mains des elfes. Victarion ne s'était pas marié, même s'il avait une relation avec une Rougegarde qui servait également. Il ne se doutait pas que la femme capuchonnée qui se dirigeait vers lui allait changer sa vie à jamais.

-Vous…vous êtes un garde impérial ? demanda la jeune Khajiit qui tenait quelque-chose dans ses bras.

- Heu… Oui, pourquoi?

- Pitié aidez-moi ! Prenez-le, protégez-le je vous en prie !

- Quoi ? Mais qui ? Et qui êtes-vous ?

- Je n'ai pas le temps de vous expliquer ! Je reviendrai le chercher…

Une détresse sans nom habitait les yeux rougeoyants de la jeune femme qui, après avoir donné son fardeau, partit aussi vite qu'elle était venue. Victarion resta bouche bée, ne sachant pas quoi faire.

Il sentit alors le petit paquet de couvertures bouger dans ses bras. Il écarta la couverture pour découvrir un bébé de quelques mois. Un petit Khajiit à la fourrure grise légèrement tigrée. Il tenta d'appeler la femme, mais elle avait disparu. Il gratta sa tête couronnée de cheveux noir comme l'ébonite et courts, comme exigé par la légion. Jamais il n'avait pris soin d'un enfant et maintenant il en avait un dans les bras !

Il quitta promptement son poste pour retourner dans sa chambre. Il prit un peu de paille et posa le petit garçon dans un coffre qu'il laissa ouvert. Le bébé dormait à poing fermé et la femme reviendrait surement demain, alors Victarion retourna à son poste l'esprit léger. Après son quart, il retrouva le bébé qui dormait toujours.

Victarion s'écroula sur son lit et observa l'enfant dont la couchette était proche. Le bébé bâilla et ouvrit ses deux grands yeux rouges avant de fixer l'inconnu qui se trouvait devant lui. Un petit sourire se dessina sur son visage et il tendit ses bras félins vers Victarion.

Celui-ci le prit et le colla contre lui, il ne savait pas pourquoi, mais il commençait à aimer cette petite boule de poils. Il sentit son cœur se réchauffer au contact de ce petit être si fragile, il avait trouvé un véritable bonheur. Le petit Khajiit regarda ailleurs, comme concentré sur quelque-chose avant de rire. Une horrible odeur vint au nez de Victarion qui bricola tant bien que mal une couche.

Le lendemain, il attendit devant l'ambassade avec le bébé dans ses bras. Personne ne vint, même après plusieurs heures. Finalement, il partit marcher avec l'enfant. Peut-être qu'il trouverait la mère. Après quelques minutes, il arriva en bordure de la ville et toujours aucune mère en vue. Toutefois, il remarqua un reflet au loin et décida de s'en approcher.

Il vit deux gardes elfes au bord de la route, alors il déposa le nourrisson à l'abri et alla voir se qui se passait. Les deux elfes semblaient garder l'entrée du petit bosquet pour une raison obscure.

- Que se passe-t-il ? demanda Victarion

- Rien impérial, dégage avant que je ne perde patience !

- Eh les gars ! J'ai besoin d'aide avec… dit un autre elfe qui sortit du bosquet avec un poignard couvert de sang.

Les elfes prirent leurs lames, il ne devait y avoir aucun témoin. Victarion dégaina aussi son épée et esquiva de peu les coups de ses opposants. Il fendit le crâne d'un des elfes avant d'empaler l'autre. Il avait toujours prouvé son excellence à l'escrime et sous l'adrénaline il se surpassait.

Après avoir blessé le dernier qui gisait au sol, il alla voir ce que ses elfes gardaient et ce qu'il découvrit l'horrifia. Le cadavre ensanglanté de la khajiit qu'il avait rencontrée la veille, la mère du bébé qu'il gardait était morte. Elle avait été torturée et ses derniers moments avaient dû absolument horrifiants.

Victarion sentit la colère monter en lui. Il savait que les Thalmors étaient de misérables lâches, mais maintenant, ils avaient dépassé les bornes. Il transporta le cadavre de la pauvre femme hors du bosquet et prit une pelle pour l'enterrer non loin, sous un grand arbre. En revenant, il remarqua un des elfes qui rampait sur le sol. Il le retourna avec son pied en le menaçant de sa lame.

- Pi…pitié !

-Cette femme, combien de fois a-t-elle imploré votre pitié, sale chien!?

Avec son talon, il écrasa la gorge de l'elfe qui s'étouffa sous le poids. Il retourna prendre le bébé maintenant orphelin et retourna à l'ambassade. Que devait-il faire avec ce bébé ? L'emmener dans un orphelinat ? Non, trop risqué, les Thalmors n'avaient pas torturé cette femme pour rien.

Il conclut donc qu'il allait l'emmener avec lui et trouver un moyen de le garder. Tellement de questions se bousculaient dans sa tête qu'il oublia de lui donner un nom. Arrivé en ville, le bébé s'agita, il devait avoir faim, mais comment le nourrir ? Une solution lui traversa l'esprit et il prit sa bourse avant de se diriger ver le bordel le plus proche.

Il connaissait une prostituée Khajiit qui passait parfois à l'ambassade. Il lui ouvrait les portes et parfois discutait un peu avec elle. Elle se prostituait depuis quelque année pour pouvoir se nourrir et maintenant elle avait un fils de quatre ans et une fille de quelque mois à cause de son travail.

Elle les aimait malgré la raison de leur conception et prenait soin d'eux. D'ailleurs, elle aimait beaucoup les enfants en général. Peut être accepterait-elle de d'allaiter celui-ci. Victarion entra dans le bâtiment peu recommandable qui ressemblait à une taverne. Il monta à l'étage sans parler à personne, mais la présence d'un soldat impériale perturba l'ambiance.

Arrivé en haut des escaliers, il cogna à la porte d'un logement et la femme vint répondre comme il l'espérait. Elle s'appelait Abhuki.

- Victarion ? Je peux faire quelque-chose pour toi ?

- Oui, mais c'est un peu spécial…

- Quoi ?

Il lui tendit le bébé. La surprise la paralysa une seconde. Elle se doutait que Victarion ne venait pas pour ses « services » mais ça, ça dépassait son imagination.

- Pourrais-tu… et bien… le nourrir ?

- Heu…oui, entre.

Victarion suivit la femme dans son logement. Un enfant Khajiit observa avec curiosité l'impérial, caché derrière une table. Un berceau se tenait au fond de la pièce éclairée par la lumière du soleil de plomb qui traversait la fenêtre Un petit khajiit de quelque mois y dormait paisiblement.

- Où est la mère ? demanda Abhuki.

- Morte… répondit-il brusquement, encore choqué.

- Par les lunes !

Elle s'assit alors dans un fauteuil avant de prendre le bébé de Victarion dans ses bras. Elle baissa le haut de sa robe et commença à nourrir le bébé affamé.

- Comment s'appelle-t-il ?

- Je l'ignore.

- Tu devrais lui trouver un nom, il est vraiment beau, un vrai petit ange.

Victarion se mit à réfléchir, la seule chose qu'il avait eue à nommer dans sa vie était un vasard de compagnie. Après quelques minutes de réflexion, il avait passé en revue plusieurs noms. Calvus, Fortis, Reman, rien ne lui convenait.

Une fois qu'Abhuki eut fini de nourrir l'enfant, Victarion le prit dans ses bras et le fixa dans les yeux. Dans le regard du petit être, il vit quelqu'un qu'il avait connu autrefois. Un de ses amis qui avait perdu la vie montrait la même force dans son regard. Un sourire illumina son visage froid et ses yeux bleus comme le ciel trahissaient sa joie.

- Octavius… Octavius Accius ! s'exclama-t-il.

Abhuki se leva en souriant et lorsque Victarion lui tendit une bourse, elle la refusa.

- Non… garde ton argent. Cela me fait plaisir de t'aider toi, et le petit Octavius. Viens me voir l'après-midi et le matin, je ne travaille pas, et tu pourras passer du temps avec lui. On sera, en quelque sorte, ses parents. Qu'en dis-tu ?

- Oui, excellente idée. Je ne peux le garder à l'ambassade et tu t'occuperas mieux de lui que je ne le pourrais moi-même, merci.

3 mois plus tard

Victarion se leva et se prépara. Aujourd'hui, c'était la dernière journée de son affectation spéciale à ici. Il repartait à la citée impériale pour réintégrer la 8e légion. L'impérial allait voir les rues d'Elsweyr pour la dernière fois ce jour-là. Il partit chercher Octavius chez Athuki que prenait soin de lui.

Maintenant, Ocavius était assez vieux pour se passer de l'allaitement et Victarion pouvait s'occuper de lui. Athuki l'attendait, assise sur un banc à quelques mètres de sa résidence. Elle avait laissé une autre fille du bordel prendre soin de ses enfants pendant qu'elle attendait Victarion.

Son regard trahissait son sourire forcé. Elle était attristée par le départ de Victarion et d'Octavius. Des larmes coulaient sur ses joues lorsqu'elle vit Victarion arriver au loin. Elle se leva et lui tendit l'enfant qui avait quelque peu grandi depuis qu'il l avait été confié. Victarion vit à quel point elle était touchée par leur départ. Elle prononça difficilement ses phrases d'adieu, submergée par l'émotion.

- Au… au revoir! Prends soin de notre petit Octavius, ne laisse jamais personne lui faire du mal !

- Je te le promets, je protègerai notre enfant et je ferai de lui un homme.

Ils s'enlacèrent et Victarion prit la route dans un convoi, Octavius dans les bras. Au loin, elle les regardait partir vers la cité impériale, la nouvelle demeure d'Octavius.