● Mauvaise expérience

— Arh, grogna Lisanna en faisant les cents pas à côté de la voiture.

— Désolé, je ne peux vraiment rien faire. Il va falloir attendre la dépanneuse.

À ses mots, Lisanna donna un coup de pied dans la vieille voiture. Et dire qu'elle était sensée être toute douce, toute pure. On lui avait de toute évidence menti. Cette femme était tout ce qu'il y a de plus normal. Et de manière générale, il évitait de faire la route avec des femmes, elles étaient un peu trop imprévisibles pour lui.

Mais il y avait eu un concours de circonstance. Il avait besoin d'une grosse voiture pour transporter des fauteuils chez son ami ainsi que quelques bricoles. Et cette fille avait justement la grosse voiture de son frère. Des amis communs les avaient mis en contact. Voilà comment il s'était retrouvé dans la même voiture que ce petit ange.

— Et voilà que maintenant il pleut, pesta la jeune femme en regardant le ciel d'un air désespéré.

Mais heureusement, elle n'était pas comme toutes les autres. Au lieu de se rasseoir pour patienter en continuant à pester, Lisanna ouvrit le coffre et lui proposa de dîner. Ils avaient, comme prescrit, installer la signalisation à l'avance pour prévenir les autres usagers de leur accident. Elle avait appelé son assurance qui envoyait une dépanneuse. Ils avaient une heure de temps à tuer.

— Viens t'installer. As-tu des allergies ? demanda-t-elle.

Il répondit à la négative. Maintenant qu'ils avaient fait les démarches, elle redevenait celle qu'elle avait été durant tout le trajet, une étudiante souriante et enjouée. Elle lui proposa de s'installer dans le coffre. La camionnette était remplie par deux fauteuils, quelques poufs de salon ainsi qu'une glacière puisque le trajet durait quand même six heures.

— Désolé pour toute à l'heure, il m'arrive de stresser facilement.

— Pas de problème, marmonna-t-il ouvrant sa canette.

— Je peux te tutoyer ?

— Oui bien sûr.

Qui posait encore ce genre de question ? Était-elle restée bloquée au siècle précédent ?

— Alors il paraît que tu viens de l'étranger ?

— Oui, enfin pas complètement. Je suis parti d'ici à onze ans, je suis revenu l'année dernière pour des études. Et toi ?

— Je ne suis jamais partie, je suis assez casanière.

C'était plutôt facile de discuter avec elle, se disait-il en l'entendant parler de ce qu'elle connaissait des cultures étrangères. Elle n'avait aucun mal à déblatérer sur tout et rien et elle lui donnait envie de répondre. Elle lui donnait envie de s'exclamer et de s'emporter.

Alors l'heure qu'ils passèrent assis sur des poufs, dans un coffre, au frais, mangeant des sandwich et blablatant à qui mieux mieux, s'écoula tellement vite qu'il eut l'impression de ne pas avoir eu le temps de la savourer.